Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 28 mai 2021, n° 17/05978

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 13, 28 mai 2021, n° 17/05978
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/05978
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, 26 février 2017, N° 16-00505
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 28 Mai 2021

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/05978 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3FTQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16-00505

APPELANTS

Madame B C épouse X

[…]

[…]

représentée par Me Catherine LOUINET-TREF, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 215

Monsieur D X

[…]

[…]

représenté par Me Catherine LOUINET-TREF, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 215

INTIMEES

SNC LIDL

[…]

[…]

représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE PARIS

Direction du contentieux et de la lutte contre la fraude

Pole contentieux général

[…]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 07 mai 2021, prorogé au 28 mai 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Mathilde LESEINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par Mme B C épouse X et M. D X d’un jugement rendu le 27 février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige les opposant à la SNC LIDL ( la société), en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de Paris ( la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il convient de préciser que F X, né le […], a été engagé selon contrat à durée indéterminée par la société, à compter du 3 mars 2014, en qualité de cadre, au poste de chef de projets au sein de l’établissement situé à Rungis, le contrat prévoyant une période d’essai fixée à 6 mois ; que l’employeur mettait fin à la période d’essai à l’issue d’un entretien le 30 juillet 2014 ; qu’à la suite de celui-ci, F X quittait immédiatement l’entreprise, se rendait à la gare RER de Rungis et mettait fin à ses jours en se jetant sous un train ; que le 30 octobre 2014, la caisse a notifié aux époux X et à la société un refus de prise en charge du décès au titre de la législation professionnelle; que par décision du 2 mars 2015, après expertise médicale, la caisse a reconnu le caractère professionnel du décès qui a suivi l’accident du 30 juillet 2014 ; qu’après vaine tentative de conciliation, le 21 janvier 2016, M. et Mme X ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société.

Par jugement en date du 27 février 2017, le tribunal a dit Mme B C épouse X et M. D X recevables mais non fondés en leur recours et les a déboutés.

M. et Mme X ont le 24 avril 2017 interjeté appel de ce jugement qui leur avait été notifié le 5 avril 2017.

Par leurs conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par leur conseil, M. et Mme X demandent à la cour, de :

— les recevoir en leur appel et le déclarer bien-fondé ;

— infirmer le jugement déféré ;

— les accueillir en leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable commise par la société;

— dire que la société est responsable des conséquences dommageables de l’accident de travail en date du 30 juillet 2014 ;

— fixer au maximum la majoration de la rente en application de l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale ;

— dire que la caisse sera tenue de verser la rente majorée ;

— fixer le préjudice moral subi par M. D X à la somme de 50 000 euros ;

— fixer le préjudice moral subi par Mme B C épouse X à la somme de 50 000 euros ;

— condamner la société à rembourser à la caisse l’intégralité des conséquences financières imputables à la reconnaissance de la faute inexcusable ;

— condamner la société à leur payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— statuer ce que de droit sur les dépens.

M. et Mme X font valoir en en substance que :

— F X a subi un choc brutal lors de l’entretien au cours duquel M. De l’Epine , assisté d’une autre salarié, l’a informé de la fin de sa période d’essai, alors qu’il n’était pas prévenu qu’il ne convenait pas et qu’au contraire il s’invertissait énormément dans son travail ;

— le comportement de M. X lors de l’entretien et notamment son absence de réaction puis sa fuite immédiate, sans prendre ses affaires hormis son téléphone portable sont des signes qui devaient alerter l’employeur sur les risques pour la santé psychique et la sécurité du salarié ;

— en vertu de l’article L.4121-1 du code du travail, il pèse sur l’employeur une obligation de protéger la santé mentale des salariés ; l’entretien était créateur d’un risque dont l’employeur devait avoir conscience et qu’il n’a pas empêché, alors qu’il avait eu un comportement humiliant voire vexatoire pendant l’entretien ;

— il résulte du procès-verbal dressé par l’Inspecteur du travail que la société n’a pas établi le document unique d’évaluation des risques, qui constitue l’étape initiale de toute démarche de prévention en santé et sécurité au travail ;

— en l’absence de cette évaluation des risques, il est manifeste que l’employeur n’est pas en mesure de prendre les mesures nécessaires pour éviter les drames ;

— la société n’a pas pris les mesures nécessaires, dès lors que l’annonce de la rupture de la période d’essai a été faite de façon brutale, le soir, le salarié étant isolé, sans aucun accompagnement, alors que l’employeur doit tout mettre en oeuvre pour éviter que ne survienne l’événement portant atteinte à l’intégrité du salarié ; aucun process interne n’avait été mis en place par l’entreprise.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la société demande à la cour, de :

— confirmer le jugement rendu ;

— juger que les consorts X ne rapportent pas la preuve de la faute inexcusable qu’ils reprochent à l’employeur ;

— juger que l’accident était imprévisible pour l’employeur ;

en conséquence,

— débouter les consorts X et, en tant que de besoin, toute autre partie, de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ;

— condamner les consorts X à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Subsidiairement, si la cour infirmait le jugement déféré ;

— débouter les consorts X de leur demande de majoration de rente ;

— réduire l’indemnisation du préjudice moral des consorts X à une somme qui ne saurait être supérieure à 20 000 euros ;

— déclarer que la caisse ne pourra pas exercer de recours à son encontre ;

— débouter les consorts X et en tant que de besoin toute autre partie du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

La société réplique en substance que :

— l’entretien au cours duquel la société a informé le salarié de la fin de la période d’essai s’est déroulé dans des conditions normales sans que M. X ne manifeste aucune réaction alarmante ; les points évoqués et qui ont motivé la décision de l’employeur de mettre un terme à la collaboration étaient déjà connus de M. X pour avoir fait l’objet de précédents échanges, le dernier point d’étape réalisé le 15 juillet 2014 montrant que le salarié avait pris du retard dans la réalisation de ses projets ; la décision de mettre un terme à la période d’essai reposait sur des motifs objectifs liés à l’exécution des tâches confiées; aucun signe dans l’attitude de M. X n’aurait pu alerter l’employeur sur un risque quelconque pour sa santé mentale, celui-ci n’ayant jamais manifesté une quelconque fragilité psychologique, vulnérabilité ou un trouble anxieux qui aurait justifié une attention particulière ; le geste de celui-ci était imprévisible pour l’employeur ; l’ordonnance de non-lieu produite conforte l’analyse des premiers juges excluant toute connaissance par l’employeur du risque ;

— le jugement du tribunal de police de Strasbourg du 15 septembre 2016 qui l’avait condamnée à une peine d’amende pour absence de mise à jour du document unique d’évaluation des risques a été infirmé par la cour d’appel de Colmar par arrêt du 27 septembre 2017 ; aucun grief tiré de la prétendue insuffisance du DUER ne peut prospérer devant la juridiction de la sécurité sociale

— les pièces versées aux débats n’établissent pas un quelconque environnement professionnel défavorable et démontrent au contraire que F X G son travail et son environnement professionnel ; il n’avait jamais alerté la direction, ni ses responsables directs d’une situation de mal-être au travail ;

— la décision initiale de la caisse de refus de prise en charge est acquise à l’employeur ; s’agissant d’une inopposabilité de fond à son égard, les conséquences financières de la faute inexcusable, qui est contestée, ne sauraient lui être imputées.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la caisse demande à la cour, de :

— statuer ce que de droit sur les mérites de l’appel interjeté par les ayants droit de M. X en ce qui concerne le principe de la faute inexcusable de la société ;

Dans l’hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable de l’employeur,

— dire n’y avoir lieu à majoration de la rente ;

— ramener à de plus justes proportions les sommes allouées aux ayants droit de M. X en réparation de leur préjudice moral ;

— rappeler qu’elle avancera les sommes éventuellement allouées aux ayants droit de M. X et qu’elle en récupérera le montant auprès de l’employeur ;

— condamner tout succombant aux entiers dépens.

La caisse soutient en substance que :

— s’en rapportant à l’appréciation de la cour sur la faute inexcusable, il ne peut y avoir lieu à majoration de la rente, les ayants droit de la victime n’ayant bénéficié d’aucune rente, ces derniers n’étant pas à la charge effective du défunt lors du décès ;

— l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’égard de la société, ne fait pas obstacle à son action récursoire, en vertu des dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale.

SUR CE :

Sur la faute inexcusable :

Il résulte de l’application combinée des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié ou de la maladie l’affectant ; il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée.

Il incombe néanmoins au salarié ou à ses ayants droit de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur dont il se prévaut ; il leur appartient en conséquence de prouver, d’une part que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d’autre part que ce manquement tenant au

risque connu ou ayant dû être connu de l’employeur est une cause certaine et non simplement possible de l’accident ou de la maladie.

Les consorts X invoque l’absence par la société de l’évaluation des risques psycho-sociaux laquelle ne s’est ainsi pas mise en situation de prendre les mesures nécessaires.

Il résulte de l’écrit de l’inspecteur du travail en date du 23 février 2015 (pièce n°13 des productions des appelants), qu’à l’issue de l’enquête, une infraction d’établissement du document unique d’évaluation des risques sans réalisation d’un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail a été relevée, en violation des dispositions de l’article R.4121-1 du code du travail.

Certes, la condamnation prononcée par le tribunal de police de Strasbourg le 15 septembre 2016, a été infirmée par la cour d’appel de Colmar par arrêt du 27 septembre 2017 qui a renvoyé la société des fins de la poursuite, mais l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’applique qu’à ce qui a été jugé alors qu’il résulte de cet arrêt que la responsabilité pénale de la société était recherchée pour avoir procédé à une évaluation des risques professionnels sans mise à jour conforme du document d’inventaire.

Par suite il est établi que la société avait évalué les risques psychosociaux de façon abstraite, sans examen concret des conditions de travail et sans analyse des risques en fonction des activités exercées au sein de l’entreprise et donc de façon insuffisante.

Il apparaît que la société avait déjà mis fin à la période d’essai de salariés sans ménagement, ainsi qu’il résulte des messages électroniques de M. Z, chef de projets, des 13 et 19 mars 2014 ( pièces n° 20 et 21 des appelants) dans lesquels il indique que ses responsables ont subitement souhaité mettre fin à sa période d’essai le soir à 19 heures, avoir été contraint de rassembler rapidement ses affaires sans pouvoir dire au revoir à ses collègues, sans que les faits reprochés ne lui soient clairement énoncées alors que ses responsables lui avaient fait part de leur satisfaction du travail fourni, que la rupture de la période d’essai est passée sous silence, et fut un choc brutal pour sa part, la raison en demeurant mystérieuse, qu’il était la troisième personne à quitter le service en moins de trois semaines.

Il résulte de l’audition de M. de L’Epine, responsable du service expansion, ( pièce n° 15 des productions des appelants) que lors de l’entretien avec F X qui avait commencé vers 18 heures et avait duré une demi heure, ce responsable étant assisté par une personne extérieure au service, il avait annoncé à F X qu’il le recevait pour mettre un terme à leur collaboration, qu’il lui avait expliqué ses motivations à savoir : ' beaucoup d’erreurs dans le travail, des réponses inappropriées, des données non justes, des présentations faites lors de réunion non maîtrisées, c’est un ensemble, c’est un cumul.'; qu’il lui avait dit que c’était un ' échec pour lui et pour nous’ , qu’il avait fini en lui disant qu’il ne ' remettait pas en cause son investissement'; que la seule chose que M. X ait dite c’est ' mais monsieur, il n’y a pas de seconde chance '', qu’il lui avait dit 'qu’il y avait déjà eu des remarques, des mises au point non suivies d’effet : son travail était toujours insuffisant dans la qualité malgré son énergie et nos points réguliers'.

Il convient de relever que l’employeur aurait dû avoir conscience du caractère brutal de la rupture de la période d’essai pour ce jeune homme qui était en début de contrat et qui s’investissait dans son travail, nonobstant le point hebdomadaire qui avait été réalisé le 15 juillet 2014 (pièce n° 4 des productions de la société) qui certes faisait apparaître des retards dans l’accomplissement des missions confiées, mais ne contenait aucune alerte sur l’éventualité d’une rupture de la période d’essai. La conscience que l’employeur aurait dû avoir du caractère brutal de la rupture de la période d’essai est confortée par la réaction du salarié qui par sa réflexion manifestait sa sidération et son incompréhension de la situation.

Par suite il convient de retenir que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger que

représentaient les conditions brutales dans lesquelles il annonçait au salarié la rupture de sa période d’essai.

Les appelants invoquent que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter le risque alors qu’il aurait dû veiller à accompagner le salarié ou le faire accompagner, afin de diminuer la charge émotionnelle.

Force est de constater que la société n’a mis en oeuvre aucune mesure pour accompagner le salarié. En effet, il résulte de l’audition de M. de L’Epine qu’à l’issue de l’entretien, ils lui ont dit au revoir et qu’il ' est retourné à son bureau, il a pris son téléphone portable et il est parti sans un mot, sans faire de scandale', qu’un 'collègue, Léo Mora l’a appelé à 18 H 46 et lui a laissé un message vocal précisant qu’il avait oublié des effets personnels et que Léo voulait discuter avec lui’ ce qui détermine bien qu’un de ses collègues a estimé nécessaire de discuter avec lui alors que l’employeur n’avait pris lui-même aucune disposition pour assurer l’accompagnement de F X à l’issue de l’entretien.

Il résulte de ce qui précède qu’il est établi que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter le danger, qui ne saurait être considéré comme imprévisible, dans les circonstances de l’espèce.

Il résulte de l’ordonnance de non lieu ( pièce n° 23 des productions des appelants) qu’il était retrouvé dans le téléphone portable de F X un SMS non envoyé à son frère A ainsi libellé : ' Je suis vraiment dsl je viens de me faire à nouveau virer et je ne suis pas en mesure de supporter cela. Le RER C arrive et au moment où tu reçois ça je suis dessous’ , que cet élément établit que l’absence d’accompagnement du salarié à l’issue de son entretien de rupture de la période d’essai, en présence d’un risque qui aurait dû être connu par l’employeur, est une cause certaine du geste fatal de F X qui n’a pas été en mesure de supporter seul la rupture de son contrat de travail.

Il importe peu à cet égard que le magistrat instructeur ait déclaré n’y avoir lieu de suivre des chefs de mise en danger de la vie d’autrui, non assistance à personne en péril et homicide involontaire, dès lors que ces manquements ne sont pas invoqués dans le cadre de la présente procédure.

Ainsi et contrairement à ce que le tribunal a retenu, il est établi que la société qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger pour la santé et la sécurité du salarié que représentait l’annonce brutale de la rupture de la période d’essai et qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver en ne mettant en oeuvre aucune mesure pour l’accompagner, constitue une faute inexcusable de l’employeur, cause certaine de l’accident qui a occasionné le décès de F X.

Par suite, par infirmation du jugement déféré, la faute inexcusable de la société à l’origine de l’accident du travail qui a occasionné le décès de F X sera retenue.

Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable :

En l’absence d’une rente au bénéfice des ayants droit de F X, il n’y a pas lieu à majoration de rente telle que sollicitée.

Il convient d’allouer à M. et Mme X, parents de F X, la somme de 30000euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de leur fils, dont la caisse fera l’avance.

Ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l’accident, de la maladie ou de la rechute, la décision prise par la caisse dans les conditions prévues par l’article R.441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. La cour étant saisie d’une demande de la caisse tendant à récupérer, sur le fondement de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, les préjudices alloués aux ayants

droit de la victime en réparation de la faute inexcusable de la société, il en résulte que l’inopposabilité à la société de la décision de prise en charge de l’accident ne fait pas obstacle à l’action récursoire de la caisse à l’encontre de la société.

Par suite, il convient de retenir que la caisse est fondée en son action récursoire à l’encontre de la société au titre des sommes allouées en réparation du préjudice moral des ayants droit de la victime.

Succombant au recours de M. et Mme X, comme telle tenue aux dépens, la société qui doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, sera condamnée à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

DÉCLARE l’appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;

STATUANT à nouveau,

DIT que la SNC LIDL a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont F X a été victime le 30 juillet 2014, ayant entraîné son décès ;

DIT n’y avoir lieu au versement d’une rente majorée ;

ALLOUE à M. et Mme X la somme de 30 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral ;

DIT que la caisse primaire d’assurance maladie de Paris fera l’avance de ces sommes ;

DIT que la caisse primaire d’assurance maladie de Paris récupérera ces sommes auprès de la SNC LIDL ;

DÉBOUTE la SNC LIDL de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SNC LIDL à payer à M. et Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SNC LIDL aux entiers dépens d’appel.

La greffière, La présidente,

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