Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 17 février 2021, n° 18/07905

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 17 févr. 2021, n° 18/07905
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/07905
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 5 octobre 2017, N° 14/05772
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 17 FEVRIER 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/07905 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QQ2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/05772

APPELANTS

Monsieur X, A Y

né le […] à […]

44 bis rue B Baptiste Baudin

[…]

représenté par Me Laurence COHEN BARRALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0054

Monsieur B C, D Y

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Laurence COHEN BARRALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0054

INTIMEE

SARL SUSHI VILLA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 503 054 322

[…] Z

[…]

représentée par Me Armand BOUKRIS de la SELEURL CABINET BOUKRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0274 substitué par Me Emma STUDENY de la SELEURL CABINET BOUKRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0274

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sandrine GIL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sandrine GIL, conseillère faisant fonction de présidente

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

Madame Fabienne TROUILLER, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Sandrine GIL, conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 28 février 2006, MM. X Y et B Y ont donné à bail à la société NAGASAKI, aux droits de laquelle se trouve la SARL SUSHI VILLA, des locaux à usage commercial dépendant d’un immeuble situé […] Z à Paris 12e, pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 2004, moyennant un loyer annuel de 11.463,15 euros, en principal.

La destination du bail est « Importation et exportation de tous produits asiatiques, sous toutes les formes gastronomiques, artistiques, culturelles, d’ameublement et d’agrément avec dégustation sur place. Alimentation générale et restaurant, typiquement exotique, c’est-à-dire typiquement asiatique. En aucun cas, cette désignation extensive ne saurait conférer un bail tous commerces ».

Par acte extrajudiciaire en date du 29 avril 2013, MM. X Y et B Y ont fait délivrer à la société locataire un congé pour le 31 décembre 2013, avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2014, moyennant un loyer de 45.000 euros.

Par un mémoire en demande notifié le 29 novembre 2013, MM. X Y et B Y ont sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014 à la somme annuelle, en principal, de 44.800 euros.

Par acte du 2 avril 2014, MM. X Y et B Y ont fait assigner la SARL SUSHI VILLA devant le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Paris en

fixation du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014.

Par jugement avant-dire droit en date du 9 juillet 2014, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

— constaté que par l’effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 29 avril 2013 par MM. X Y et B Y, le bail concernant les locaux situés […] Z à Paris 12e s’était renouvelé à compter du 1er janvier 2014,

— désigné M. G H I J en qualité d’expert aux fins de donner son avis sur la valeur du bail renouvelé,

— fixé le loyer provisionnel au montant du loyer contractuel en cours,

— ordonné l’exécution provisoire,

— réservé les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’expert judiciaire a déposé son rapport au greffe le 10 juillet 2015, concluant au plafonnement du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014 et évaluant la valeur locative en renouvellement des locaux à la somme annuelle de 19.740 euros au 1er janvier 2014.

Par jugement en date du 6 octobre 2017, le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Paris a :

— Fixé à la somme annuelle de 21.056 euros, en principal, hors taxes et hors charges, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2014 entre MM. X Y et B Y et la SARL SUSHI VILLA pour les locaux situés […] Z à Paris 12e, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,

— Condamné la SARL SUSHI VILLA à payer à MM. X Y et B Y les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyer à compter de la date de l’assignation pour les loyers échus avant cette date et à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après la date de l’assignation,

— Dit que les intérêts échus et dus au moins pour une année entière produiront des intérêts, en application de l’article 1154 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016,

— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

— Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— Partagé les dépens par moitié entre les parties, qui incluront le coût de l’expertise judiciaire.

Par déclaration en date du 13 avril 2018, M. X, A Y et M. B C, D Y ont interjeté appel de ce jugement.

Le 14 septembre 2018, la SARL SUSHI VILLA a formé un appel incident.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par RPVA le 27 mai 2020, M. X, A Y et M. B C, D Y demandent à la Cour de :

Vu les articles L.145-33 et L.145- 34, R. 145-23 et suivants du Code de commerce,

— CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a écarté en l’espèce la règle du plafonnement.

— LE REFORMANT sur la détermination de la valeur locative des lieux loués,

— FIXER le prix du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2014 à la somme en principal de 37.000 euros par an.

— CONDAMNER la SARL VILLA SUSHI au paiement de l’arriéré de compléments de loyer pour la période allant du 1er janvier 2014 à la date de l’arrêt à intervenir.

— CONDAMNER la SARL VILLA SUSHI au paiement des intérêts légaux sur les loyers arriérés conformément aux dispositions de l’article 1155 du Code civil, les intérêts dus pour plus d’une année entière étant eux-mêmes capitalisés par application des dispositions de l’article 1154 du même Code.

— CONDAMNER la SARL SUSHI VILLA au paiement de la somme de 5 000€ au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RVPA le 14 mai 2020, la SARL SUSHI VILLA, intimée, demande à la Cour de :

Vu l’article L145-33 du Code de commerce,

Vu les articles R145-3 et suivants du Code de commerce,

Vu les pièces produites,

Vu le rapport de l’Expert,

— REFORMER le jugement rendu le 6 octobre 2017 par le Juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de PARIS en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

— CONSTATER l’absence de motif de déplafonnement du loyer,

— FIXER le loyer du bail renouvelé à effet du 1er janvier 2014 à la somme de 15.598,65 €/an HT HC en principal,

A titre subsidiaire, si la Cour constatait l’existence d’un motif de déplafonnement,

— FIXER le loyer du bail renouvelé à effet du 1er janvier 2014 à la somme de 11.844€/an HT HC en principal,

En tout état de cause,

— CONDAMNER les consorts Y au paiement du différentiel de loyers entre le loyer payé et le loyer dû avec intérêts de retard au taux légal à compter de chaque échéance trimestrielle,

— ORDONNER la réactualisation du dépôt de garantie,

— DEBOUTER les consorts Y de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

— CONDAMNER les consorts Y au paiement de la somme de 5.000 Euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— CONDAMNER les consorts Y aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise,

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2020.

MOTIFS

Sur les motifs de déplafonnement invoqués par les consorts Y

1. Sur l’adjonction d’activités non prévues au bail

Les appelants sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que l’adjonction d’activité non incluse au bail, ni connexe ni complémentaire, est une modification notable de la destination contractuelle, leur critique du jugement portant sur la détermination de la valeur locative. Ils font valoir, s’agissant de l’activité adjointe, que la locataire exerce la restauration à emporter et la vente par internet avec livraison gratuite sur quatre arrondissements parisiens, sans son autorisation, ce qui élargit la clientèle potentielle du restaurant en dehors de sa zone usuelle de chalandise. Ils estiment que la clause de destination est limitée à la dégustation sur place, mode de consommation autorisé des produits fabriqués dans les locaux ; que l’alimentation générale consiste à revendre des marchandises principalement alimentaires sans les transformer, ce qui exclut la vente de plats préparés sur place ; que les plats conçus, fabriqués et servis dans un restaurant ne peuvent être assimilés à des produits d’alimentation générale pour justifier leur vente à emporter ou leur livraison à domicile. Ils ajoutent que, comme l’a retenu le juge du fond, la livraison à domicile nécessite des véhicules destinés à la livraison et le service rendu à la clientèle consiste, outre la qualité des plats vendus, en la célérité de la livraison ; que la locataire a d’ailleurs adapté son organisation en recrutant des livreurs ; qu’elle peut aussi faire appel à tout moment à des prestataires extérieurs pour la livraison des plats commandés ; que cet élargissement de l’activité exercée a permis à la locataire de maintenir une activité pendant la crise sanitaire afin d’offrir à sa clientèle des services complémentaires à l’activité autorisée par le bail ; que la locataire ne démontre pas que la clientèle qui commande ses plats à livrer serait la même que celle qui consomme sur place.

L’intimée expose que l’évolution des usages commerciaux conduit les magasins d’alimentation générale à prévoir un service de livraison à domicile des produits achetés par leurs clients et inclut la vente à emporter ; que s’agissant de la restauration, celle-ci ne se limite plus à une activité de consommation sur place mais comprend aussi une activité de vente à emporter et de livraison ; qu’il s’agit d’une modalité particulière de l’exploitation telle que prévue au bail ; que cette activité représente une part négligeable de son activité puisqu’elle n’emploie qu’un seul livreur de sorte qu’il s’agit d’un service limité rendu à sa clientèle ; qu’elle a mis en place la vente par internet et la livraison pour suivre l’évolution des usages commerciaux, ses concurrents procédant ainsi. Elle ajoute qu’en tout état de cause, la clause prévoit aussi l’importation et l’exportation de tous produits exotiques, ce qui lui permet de livrer ses produits hors de son local. Selon la locataire, l’activité de vente à emporter et celle de livraison concernent les mêmes produits que ceux qui font l’objet d’une consommation sur place de sorte qu’il s’agit du même type d’exploitation, les produits étant préparés en cuisine puis servis aux clients.

La cour rappelle que lorsque le preneur a modifié au cours du bail expiré la destination contractuelle des lieux par l’adjonction d’activités, le bailleur peut s’en prévaloir comme motif de déplafonnement, que l’adjonction soit régulière ou irrégulière, si celle-ci est notable.

L’adjonction d’une activité ne peut cependant donner lieu à déplafonnement du loyer s’il s’agit d’une activité dite incluse, c’est-à-dire se rattachant naturellement à la destination contractuelle initiale et à son évolution en fonction des usages ou pratiques commerciales.

Il n’est pas discuté que la SARL SUSHI VILLA exploite un restaurant de spécialités japonaises ; que les plats 'typiquement asiatique’ sont consommés sur place mais qu’ils sont également proposés à la vente à emporter et qu’ils peuvent être commandés et livrés par internet, ce au moins depuis 2008 au vu de la capture d’écran produite aux débats en pièce 65 par les appelants.

La clause de destination contractuelle prévoit les activités suivantes : 'Alimentation générale et restaurant, typiquement exotique, c’est-à-dire typiquement asiatique.'

La clause doit s’interpréter au regard des deux activités combinées d’alimentation générale et de restaurant pour apprécier si la vente à emporter et la livraison par internet peuvent être considérés comme des activités incluses dans la destination contractuelle.

En revanche, au regard du libellé de la clause de destination, la mention de 'dégustation sur place’ renvoie aux produits sous 'toutes les formes gastronomiques’ qui seraient importés, or en l’espèce, il n’est pas rapporté la preuve que les produits vendus par la SARL SUSHI VILLA seraient importés, ni au demeurant qu’il s’agirait de produits gastronomiques au vu des tarifs pratiqués (environ 10 euros en prix moyen), la cour relevant en outre que les activités d’importation et d’exportation sont distinctes dans le libellé de la clause de celles d’alimentation générale et de restaurant.

Si l’activité d’alimentation générale consiste 'à acheter des marchandises, principalement alimentaires, essentiellement destinées à la consommation des particuliers ou des ménages, pour les revendre sans les transformer’ selon la définition donnée par le site BPIFRANCE par l’intermédiaire du lien internet figurant in extenso dans les conclusions des appelants, il est également précisé par BPIFRANCE que cette activité peut être exercée par internet, ce qui implique que les produits puissent être livrés à la clientèle, que ce soit par un service de livraison dédié ou par l’intermédiaire d’une plate-forme. Au demeurant cette modalité d’exploitation correspond à l’évolution des usages en matière de commerces d’alimentation générale. L’activité d’alimentation générale inclut la revente de produits déjà transformés, et donc de plats cuisinés dans un format individuel ou familial, produits alimentaires destinés à la consommation des particuliers ou des ménages, la vente de ce type de produits étant courante et conforme à l’évolution des usages en matière de commerces d’alimentation générale. L’activité d’alimentation générale autorise donc la SARL SUSHI VILLA à vendre des plats cuisinés à emporter ou vendus par internet et livrés aux particuliers et aux ménages. L’activité de restauration permet quant à elle à la SARL SUSHI VILLA de confectionner et de vendre des plats qu’elle cuisine sur place.

Il s’ensuit que la combinaison des deux activités autorise la SARL SUSHI VILLA à vendre des plats confectionnés et cuisinés sur place, à emporter et/ou commandés par internet et livrés, que ce soit, comme en l’espèce avec un ou deux livreurs, la cour relevant que la photographie de trois scooters, sans identification, à une date non connue, versée aux débats par les bailleurs ne démontre pas que la SARL SUSHI VILLA emploierait trois livreurs.

En outre, il convient de tenir compte de l’évolution des usages en matière de restauration traditionnelle. Si les plats confectionnés sont essentiellement destinés à être consommés sur place, la tendance croissante est de permettre à la clientèle, particulièrement en milieu urbain, comme en l’espèce, de pouvoir emporter les plats cuisinés par les restaurants ou se les faire livrer à domicile, notamment par l’intermédiaire de plate-formes. Au demeurant, même si les clauses de destination des baux ne sont pas connues, la SARL SUSHI VILLA justifie que des restaurants de spécialités asiatiques, notamment japonaises, environnants proposent également la livraison par internet.

Il s’ensuit que les activités de vente à emporter de plats confectionnés et cuisinés sur place et de vente de ces plats par internet avec livraison constituent une modalité particulière d’exploitation de l’activité de restauration combinée à celle d’alimentation générale que le bail autorise, ce qui est conforme à l’évolution des usages commerciaux ; qu’il s’agit donc d’activités incluses dans la destination contractuelle 'Alimentation générale et restaurant, typiquement exotique, c’est-à-dire

typiquement asiatique.'.

Par conséquent, le fait que la livraison puisse, le cas échéant, s’adresser à la clientèle qui consomme sur place et qui peut souhaiter se faire livrer à domicile, mais aussi à une clientèle située dans d’autres arrondissements, est indifférente, cette activité étant incluse et il n’est pas établi que l’activité de livraison aurait été prépondérante, au cours du bail expiré, à l’activité de consommation sur place ou à emporter (laquelle s’adresse peu ou prou à une clientèle de quartier), la cour relevant que le restaurant se situe dans un arrondissement densément peuplé et qu’il offre une salle de restaurant, avec un comptoir avec places assises, de 28,67m² et une salle de restaurant à la suite de 16,10m².

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de déplafonnement des bailleurs du fait des activités de vente à emporter et de vente par internet avec livraison.

2. Sur les autres motifs de déplafonnement

Les appelants soutiennent que les travaux de l’immeuble auxquels ils ont procédé ont apporté des améliorations à l’immeuble où se situent les locaux donnés à bail ; qu’il s’agit de travaux d’embellissement qui dépassent le simple entretien de l’immeuble et excèdent leur obligation normale d’entretien de sorte qu’ils doivent être retenus au titre de la modification des caractéristiques des locaux ; que l’aspect extérieur de l’immeuble a ainsi été modifié par suite de ces travaux ce qui a permis d’augmenter le cachet du restaurant ; que ces travaux ont eu une incidence favorable sur l’activité de la locataire dont le chiffre d’affaires a augmenté. Ils prétendent également que l’autorisation d’occupation du domaine public pour une terrasse depuis 2009 constitue un motif de déplafonnement eu égard à son emprise par rapport à la surface qui est réservée à la réception de la clientèle dans les locaux. Enfin les consorts Y considèrent qu’il y a eu modification des facteurs locaux de commercialité. Selon eux, il y a au moins eu 416, voire 587 nouveaux logements construits ; que le fait que certains des logements soient des logements sociaux n’exclut pas leurs occupants comme clientèle de la SARL SUSHI VILLA dont les tarifs sont accessibles, ainsi que des commerces, bureaux et équipements publics pour 11 869m², ce qui profite au commerce exercé au titre de la vente à emporter ou en livraison. Ils précisent qu’il convient de recouper cette augmentation de logements avec l’évolution favorable de la population au sein du 12e arrondissement, et avec l’augmentation de la fréquentation du métro. Ils ajoutent que la portion concernée du faubourg a vu arriver de nouvelles enseignes, notamment Carrefour et les Cercles de la Forme, ce qui draine une clientèle élargie directement profitable aux lieux loués. Selon eux l’ensemble de ces facteurs draine un flux complémentaire de chalands susceptible de profiter au commerce exercé et constitue une modification notable entraînant le déplafonnement du loyer ; ce que confirme l’augmentation du chiffre d’affaires.

L’intimée expose que les travaux effectués par les bailleurs sont des travaux d’entretien de l’immeuble leur incombant et qui étaient nécessités par l’état de l’immeuble; qu’ils n’ont pas eu d’impact sur leur activité ; que l’installation d’une grille automatique avec digicode et le remplacement de la porte du garage n’est pas un critère déterminant pour la venue d’un client dans un restaurant ; que le fait que leur chiffre d’affaires soit aprés 5 années d’exercice plus élevé que celui réalisé par le précédent exploitant du fonds de commerce ne peut pas suffire à démontrer que les travaux entrepris par les bailleurs auraient profité à leur activité. S’agissant de l’autorisation d’occupation du domaine public, elle expose que celle-ci est précaire et ne saurait justifier un déplafonnement outre le fait qu’elle est d’une faible surface comparée à la surface réservée à la clientèle dans les lieux. Sur les facteurs locaux de commercialité, la SARL SUSHI VILLA considère que les logements des 160 rue de Faubourg Saint Z et […] sont en dehors de sa zone de chalandise ; que l’immeuble de la RIVP est un foyer de jeunes travailleurs et la résidence ADOMA est un foyer de travailleurs migrants ; que les occupants de ces logements ne consituent pas une clientèle potentielle pour son restaurant, leur pouvoir d’achat étant faible. Elle soutient que la réhabilitation de logements existants n’est pas une nouvelle construction. S’agissant de l’augmentation de population alléguée, elle n’est, selon la locataire, que de 4% entre 2006 et 2012 ;

que s’il est évoqué par les bailleurs à l’échelle de l’arrondissement une population jeune et avec un pouvoir d’achat élevé, les constructions réalisées dans le quartier sont en grande partie destinée à l’accueil de personnes disposant de revenus modestes ; que s’agissant de la clientèle de bureaux, il n’est pas démontré que celle qui se trouve en dehors de la zone de chalandise se déplace dans le restaurant pour consommer sur place ou à emporter, les pauses déjeuner étant en général assez courtes ; que la hausse de la fréquentation du métro Faidherbe n’est que de 13,59%. Enfin la SARL SUSHI VILLA relève la présence de nombreux restaurants asiatiques, notamment japonais, générant une concurrence accrue ; que la présence d’un CARREFOUR CITY n’a pas d’incidence directe sur son activité de restauration; que son chiffre d’affaires en 2013 n’était que de 154 714 euros avec un résultat déficitaire.

S’agissant des travaux qui sont invoqués par les appelants à l’appui des modifications des caractéristiques des locaux loués, la cour relève que des travaux ont été effectués courant 2012 sur l’ensemble immobilier, dont le bâtiment A sur rue dans lesquels se situent au rez-de-chaussée les locaux donnés à bail. Il s’agit principalement d’un ravalement de l’ensemble immobilier, de la réfection de la toiture, de travaux de réfection complète dans les logements d’habitation et les parties communes, de travaux de maçonnerie et de reprise des structures avec la création d’un nouvel escalier, divers travaux de plomberie et ferronnerie. Il ressort des pièces versées aux débats par les appelants que l’ensemble immobilier, composé de deux bâtiments, a ainsi fait l’objet d’une réfection par les bailleurs qui en sont les propriétaires, travaux qui étaient rendus nécessaires par un état médiocre de l’ensemble immobilier, notamment du bâtiment A en très mauvais état et dont l’entretien était quasiment inexistant depuis des années tel que cela ressort de la pièce 45 produite par les appelants. Il s’ensuit que lesdits travaux, rendus nécessaires par le mauvais état de l’immeuble en raison du défaut d’entretien par ses propriétaires leur incombent et qu’ils n’excèdent pas leur obligation normale d’entretien de sorte qu’ils ne peuvent pas être retenus comme motif de déplafonnement. A titre surabondant, à l’exception du ravalement du bâtiment sur rue, les autres travaux concernant les parties communes ne profitent pas directement à la SARL SUSHI VILLA dont la clientèle accède au restaurant par la rue et non par les parties communes et si la rénovation des logements d’habitation a permis aux propriétaires de les louer à des locataires probablement plus aisés que précédemment, il ne s’agit pas d’une modification notable pour le commerce considéré alors que l’immeuble n’a pas changé de destination.

S’agissant de la terrasse, la cour relève que l’autorisation d’occupation du domaine public est donnée à titre précaire par la mairie ; qu’il s’agit, au vu du rapport d’expertise judiciaire, d’une terrasse extérieure non couverte de sorte qu’elle ne peut pas être utilisée tout au long de l’année ; qu’en outre elle est d’une surface réduite par rapport aux salles de restaurant. Il s’ensuit que l’autorisation d’occupation du domaine public par une terrasse dans ces conditions ne peut pas s’analyser comme une modification des caractéristiques des locaux donnés à bail.

L’expert judiciaire a retenu 116 logements nouveaux dans le secteur de chalandise de la SARL SUSHI VILLA auquel il a ajouté, au vu des pièces produites par les bailleurs, 119 logements, soit 235 logements, dont 71 pour travailleurs migrants, pendant la durée du bail expiré.

Les appelants se prévalent également d’un foyer pour travailleurs migrants livré en 2011 au 22-24 rue E F/18-20 passage du Génie Paris 12e de 40 logements, ainsi que d’un foyer pour jeunes travailleurs livré en 2011 de 140 logements au 254 rue du Faubourg St Z/105-119 boulevard Diderot à Paris 12e. Toutefois il ressort du rapport d’expertise judiciaire qu’il s’agit pour ces deux structures de la réhabilitation de deux anciens foyers existants ; qu’en outre les bailleurs précisent pour le 22-24 rue E F/18-20 passage du Génie Paris 12e que les chambres à lits multiples ont été transformés en logements individuels ; qu’au vu de ces éléments, il n’est pas rapporté la preuve que leur réhabilitation, même si le premier foyer a été rehaussé d’un niveau et que le second a été agrandi, aurait apporté une population nouvelle supplémentaire par rapport à la population qui résidait dans les anciens bâtiments, outre le fait qu’il y a un restaurant social au sein du foyer E F, de sorte que ces logements ne seront pas retenus.

Par conséquent il sera considéré qu’il a été construit 235 nouveaux logements dans un périmètre d’environ 500 mètres autour de la SARL SUSHI VILLA, dont 71 pour travailleurs migrants, soit 30% des logements construits, ce qui n’est pas significatif, d’autant que même si le prix moyen du restaurant est peu élevé, le pouvoir d’achat des travailleurs migrants est faible ; que les logements du foyer pour travailleurs migrants disposent d’une kitchenette et que ses occupants bénéficient également du service de restauration collective de la résidence sociale E F.

Il a également été relevé par l’expert judiciaire la construction de 11 869 m² de commerces, équipements publics, bureaux ; la part de création de bureaux susceptible d’apporter une clientèle de midi est de 377m², ce qui est trop faible pour avoir une incidence sur l’activité de la SARL SUSHI VILLA eu égard à la concurrence des autres restaurants situés dans le secteur.

La hausse de fréquentation du métro Faidherbe Chaligny situé à 200 mètres des locaux entre 2004 et 2013 est de 14,29%, ce qui n’est pas significatif en l’absence de terme de comparaison avec l’évolution générale de la fréquentation des métros parisiens.

La population du 12e arrondissement s’est accrue de 6,07% entre 1999 et 2012, ce qui est un peu supérieur à celle de l’ensemble des arrondissements parisiens qui est de 5,49% sur cette pèriode ; si cette augmentation, qui reste relative, concerne l’ensemble du 12e arrondissement, il en sera tenu compte dans la mesure où la SARL SUSHI VILLA fait de la vente sur internet en livraison. En revanche, si le revenu moyen par habitant du 12e arrondissement est au-dessus de la moyenne nationale en 2012, il n’est pas rapporté la preuve d’une modification au cours du bail expiré tant du revenu moyen que de l’âge moyen de la population du 12e arrondissement ni de comparatif avec les autres arrondissements parisiens sur ces points.

S’agissant des enseignes, l’installation d’un CARREFOUR CITY et du Cercle de la Forme doivent également être pris en considération, la clientèle drainée par ces enseignes étant susceptible d’être intéressée par l’activité de restauration sur place et de vente à emporter.

Toutefois si l’augmentation de la population du 12e arrondissement et les enseignes précitées constituent une modification des facteurs locaux de commercialité devant être prises en compte, la création de nouveaux logements dans les conditions ci-dessus rappelées et la fréquentation du métro sont en revanche trop peu significatives pour avoir une réelle incidence ; en outre la présence de nombreux restaurants, notamment japonais, dans le quartier (dont deux à proximité immédiate) entraîne une concurrence importante pour l’activité de la SARL SUSHI VILLA, ce qui dilue l’impact sur le commerce dont s’agit de l’augmentation, relative, de la population du 12e arrondissement et de l’installation du CARREFOUR CITY et du Cercle de la Forme et limite ainsi de manière conséquente pour la locataire l’apport de clientèle potentielle susceptible d’en résulter.

En outre l’évolution du chiffre d’affaires de la SARL SUSHI VILLA (154 714 euros en 2013) en comparaison avec celui du précédent exploitant (133 000 euros en 2007), alors que le bailleur n’est pas l’associé du preneur, que le chiffre d’affaires ne peut être décorrélé de l’investissement du preneur dans son commerce et que le résultat de la SARL SUSHI VILLA est déficitaire en 2013 n’est pas suffisamment significative pour établir un quelconque lien avec l’évolution des facteurs locaux de commercialité précités ou les travaux invoqués précédemment par les bailleurs.

Dans ces conditions, la preuve d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant un impact favorable sur le commerce considéré n’est pas rapportée par les bailleurs.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, les appelants ne rapportent pas la preuve des motifs de déplafonnement du loyer du bail renouvelé qu’ils invoquent. Ils seront donc déboutés de leur demande de déplafonnement du loyer.

Sur le montant du loyer du bail renouvelé

En l’absence de motifs de déplafonnement, il y a lieu de fixer le loyer au montant du loyer plafond, étant relevé que la demande de fixation à la valeur locative à une somme de 11 844 euros n’est formée par l’intimée qu’à titre subsidiaire si la cour constatait l’existence d’un motif de déplafonnement et ne faisait pas droit à sa demande principale de fixation du loyer au montant du loyer indiciaire de 15 598,65 euros.

Le loyer plafond au 1er janvier 2014, indexé en fonction des indices, a été calculé par l’expert judiciaire à la somme de 15 598,65 euros hors taxes et hors charges, les modalités de ce calcul indiciaire n’ayant pas été contestées par les parties.

Par conséquent, le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2014 est de 15 598,65 euros par an, hors taxes et hors charges. La demande principale de la SARL SUSHI VILLA de fixation du loyer à cette somme étant accueillie, il n’y a pas lieu d’examiner sa demande subsidiaire.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement entrepris sur le montant du loyer.

Les appelants seront déboutés de leurs demandes de condamnation de la SARL SUSHI VILLA à leur payer les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyer à compter de la date de l’assignation et de capitalisation des intérêts dès lors que le loyer n’a pas été fixé à la valeur locative et pareillement pour l’intimée qui forme une demande similaire et qui ne démontre pas avoir réglé le loyer tel que fixé par le jugement entrepris. Il n’y a pas lieu de réactualiser le dépôt de garantie, le loyer fixé étant le loyer indiciaire.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a partagé les dépens de première instance incluant l’expertise judiciaire qui était nécessaire pour fixer les droits respectifs des parties et en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche en cause d’appel, l’équité commande de condamner les consorts Y à régler à la SARL SUSHI VILLA la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, succombant en leur appel, ils seront condamnés aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris sur le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2014, sur la condamnation de la SARL SUSHI VILLA aux intérêts à taux légal sur les arriérés de loyer avec capitalisation des intérêts,

Le confirme en ses autres dispositions,

Fixe à la somme annuelle de 15 598,65 euros, en principal, hors taxes et hors charges, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2014 entre MM. X Y et B Y et la SARL SUSHI VILLA pour les locaux situés […]

Z à Paris 12e, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamne MM. X Y et B Y à régler à la SARL SUSHI VILLA la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 17 février 2021, n° 18/07905