Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 26 octobre 2021, n° 20/03162

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 26 oct. 2021, n° 20/03162
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 20/03162
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°381/2021

N° RG 20/03162 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QYFB

Société MMA IARD

SAS PRAXIS PLOERMEL

C/

S.C.I. SAM IMO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Z ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame A-B C, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Juin 2021

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Octobre 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTES :

SA MMA IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

14 boulevard A et Alexandre Oyon

[…]

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Julien CHAINAY, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

SAS PRAXIS PLOERMEL prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Julien CHAINAY, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.C.I. SAM IMO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Sam Imo, constituée en 2001 par Mme X Y (détenant 229 des 230 parts) et M. Z Y, a confié à la SA Praxis consultants la présentation de ses comptes annuels et de son suivi juridique. Elle a acquis, le 25 septembre 2001, un terrain sur lequel elle a, en 2004, fait construire un bâtiment commercial destiné à abriter l’activité commerciale de sa gérante. Le 1er janvier 2012, la SCI Sam Imo, initialement imposée au régime des revenus fonciers (IR), a opté pour le régime de l’impôt sur les sociétés (IS). Du 4 novembre 2014 au 9 décembre 2014, elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2011 à 2013. Le 30 novembre 2015, l’administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement d’un montant de 32.380 euros au titre de l’imposition de la plus-value latente consécutive à l’option fiscale en faveur de l’ IS outre 23 007 euros au titre des prélèvements sociaux, soit un montant total de 55.387 euros.

Faisant valoir que l’imposition de la plus-value aurait pu être différée si le comptable avait établi un bilan d’ouverture faisant apparaître les amortissements qui auraient été opérés en cas d’imposition à l’ IS dès l’origine, la SCI Sam Imo a, le 15 novembre 2016, fait assigner la SAS Praxis Ploermel en indemnisation du manquement à ses obligations contractuelles dans le cadre de sa mission d’accompagnement et de conseil.

Le 4 février 2020, le tribunal judiciaire de Vannes a retenu la responsabilité de la société Praxis Ploermel et la garantie de son assureur et les a condamnés à régler à la SCI Sam Imo les sommes suivantes :

—  38.770,90 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation, au titre d’une perte de chance de 70 % d’éviter le redressement fiscal subi ;

—  1.400 euros au titre du coût du crédit ;

—  2.500 euros au titre du déficit de trésorerie accru ;

—  1.000 euros au titre des démarches entreprises par la SCI dans le cadre du litige ;

—  2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 30 avril 2021, la SCI Sam Imo a vendu, au prix de 380 000 euros, son immeuble commercial qui représentait, au 31 décembre 2018, une valeur nette comptable de 126 771 euros.

La société Praxis Ploermel et son assureur, la société MMA IARD ont interjeté appel du jugement rendu le 4 février 2020. Elles demandent à la cour de le réformer, de débouter la SCI Sam Imo de ses demandes et de dire irrecevable, prescrite et mal fondée la prétention nouvelle de la SCI Sam Imo dans ses dernières conclusions, laquelle consiste à reprocher à l’expert comptable non plus l’omission d’établir un bilan d’ouverture mais le choix de l’option fiscale opéré en 2012. A titre subsidiaire, elles demandent à la cour d’ordonner une expertise judiciaire avant-dire droit aux fins d’évaluer l’étendue du préjudice subi par la SCI Sam Imo du fait du non-respect des dispositions de l’article 202 ter du CGI, consécutivement à la vente intervenue le 29 avril 2021 au prix de 380.000 euros. Elles sollicitent la condamnation de la société SCI Sam Imo à leur verser à chacune, une indemnité de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI Sam Imo demande à la cour de débouter la SAS Praxis Ploerrmel et la société MMA IARD de toutes leurs demandes et de confirmer le jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal judiciaire de Vannes en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Praxis Ploerrmel, la garantie de son assureur MMA IARD et les frais et dépens de première instance. Formant appel incident, elle demande à la cour de réformer le jugement sur le quantum des préjudices et de :

— débouter la société MMA IARD et la société Praxis Ploermel de leur moyen d’irrecevabilité ;

— condamner la société Praxis Ploermel et la compagnie MMA IARD, in solidum, à lui payer la somme de 55 387 euros augmentée des intérêts légaux à compter de l’assignation en application de l’article 1153-1 ancien, devenu 1231-7 du code civil ;

— dire que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 ancien devenu 1343-2 du code civil ;

— condamner les mêmes à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi par elle du fait du coût du crédit qu’elle a supporté, du déficit de trésorerie qu’elle a subi par la faute de l’expert-comptable ainsi qu’au titre de la résistance abusive de la société Praxis Ploermel et la compagnie MMA IARD ;

— condamner la société Praxis Ploermel et la compagnie MMA IARD, in solidum, au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de ses frais d’appel par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties,

la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par la SAS Praxis Ploermel et son assureur le 7 juin 2021 et par la SCI Sam Imo le 11 juin 2021.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L’option fiscale en faveur de l’impôt sur les sociétés avait pour conséquence une imposition immédiate des plus-values latentes conformément à l’article 202 ter du code général des impôts. Toutefois, ces dispositions prévoient qu’en l’absence de création d’une personne morale nouvelle, les plus-values ne sont pas taxées immédiatement « 'à la condition que l’ensemble des éléments du patrimoine ou de l’actif soient inscrits au bilan d’ouverture (') du premier exercice d’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, en faisant apparaître distinctement, d’une part, leur valeur d’origine et, d’autre part, les amortissements (') y afférents qui auraient été admis en déduction si la société avait été soumise à l’impôt sur les sociétés depuis sa création' ».

La SCI Sam Imo affirme fonder, devant la cour comme devant les premiers juges, son action en responsabilité exclusivement sur le manquement au devoir d’information imputable à son expert comptable quant à la nécessité d’établir dans les 60 jours suivant le changement de régime d’imposition, un bilan d’ouverture faisant apparaître les amortissements qui auraient été opérés si la société avait été dès l’origine soumise à l’impôt sur les sociétés. Elle fait valoir que l’absence d’établissement de ce bilan a eu pour conséquence l’imposition immédiate de la plus-value latente, plus-value qui aurait été à défaut différée jusqu’à la cession effective du bien.

Il est constant que l’administration fiscale a calculé la plus-value latente générée par le bien immobilier au montant des amortissements qui auraient été opérés en cas d’option immédiate pour l’impôt sur les sociétés, diminués d’un abattement calculé en fonction de la durée de détention du bien au jour du changement de régime d’imposition, et a appliqué sur ce montant un taux de 32,5 % (19 + 13,5). La société Praxis, consultants, ne conteste pas avoir commis une faute en n’établissant pas le bilan d’ouverture qui aurait évité l’imposition immédiate de cette plus-value. Comme l’a justement retenu le tribunal, à défaut de cession du patrimoine litigieux, le préjudice occasionné par la faute commise par l’expert comptable serait constitué par une perte de chance de ne pas payer, en tout ou en partie, la dite imposition en raison soit d’une cession du bien à un prix inférieur à sa valeur nette comptable au jour de la vente ou à un prix faisant apparaître une plus value inférieure à celle ayant servi de base à l’imposition, soit d’une évolution de la législation. Mais dans la mesure où la vente est effectivement intervenue avant que la cour ne statue, le préjudice n’est plus constitué par une perte de chance mais doit s’apprécier au regard des conditions effectives de la cession réalisée par la SCI Sam Imo, étant relevé qu’il n’est justifié d’aucun lien de causalité entre le paiement de la plus-value en 2016 et la décision de la société de céder son patrimoine immobilier en 2021.

Or selon le calcul opéré par les appelants, non sérieusement discuté, la valeur nette comptable de l’immeuble au jour de la cession s’élevait à 76 928 euros, de sorte que la plus-value effectivement dégagée par l’immeuble s’est élevée à 303.072 euros, soit une valeur nettement supérieure à celle ayant servi d’assiette au calcul de l’imposition. Cette plus-value a accru les produits de la société au-delà du seuil de 38 120 euros fixé pour bénéficier d’une imposition à un taux réduit de 15 %. Il s’ensuit que compte tenu du taux d’imposition applicable aux PME, la SCI Sam-Imo aurait, en toute hypothèse, dû payer du chef de la cession de son immeuble un impôt égal ou supérieur à 55 387 euros.

La SCI Sam Imo soutient dorénavant que la faute de l’expert comptable, à savoir l’absence d’établissement du bilan d’ouverture dans les 60 jours, en la privant du bénéfice du report d’imposition, a remis en cause l’opportunité même du choix de l’option fiscale qui selon elle ne se justifiait plus. Elle en déduit qu’elle a ainsi été privée du maintien du régime d’imposition des plus-values applicables aux particuliers qui en définitive l’aurait dispensée de tout impôt sur la plus-value compte tenu de l’évolution de la réglementation fiscale relative à la durée de détention des biens. Mais elle ne produit aucun élément probant établissant que l’option fiscale qu’elle a exercée

était motivée par la volonté d’échapper au paiement de l’impôt sur la plus-value immobilière, ce qui aurait été au demeurant invraisemblable puisqu’à la date où cette option a été exercée, elle ne soutient pas avoir eu le projet de vendre son immeuble à court ou moyen terme et que le prix futur d’une telle cession était impossible à prévoir tout comme l’était l’évolution de la législation en la matière. En revanche, l’option en faveur du régime de l’impôt sur les sociétés a eu pour effet immédiat de lui permettre de pratiquer un amortissement annuel sur ses immobilisations (constituant la part essentielle de son actif) et de réduire d’autant son résultat imposable et en conséquence la charge fiscale supportée annuellement par ses deux associés. Il n’est pas discuté que l’objectif recherché de ce chef a été atteint de sorte que la SCI Sam Imo n’a jamais discuté la pertinence de l’option exercée en 2012 avant la cession de son immeuble en 2021. Elle ne démontre donc pas que ce choix était au moment où il est intervenu, compte tenu de l’incidence des amortissements, du taux d’imposition respectif des associés personnes physiques et de la société et du régime alors applicable aux plus values immobilières, préjudiciable à ses intérêts, même en tenant compte du paiement en 2016 de la plus-value latente.

En toute hypothèse, il n’existe pas de lien de causalité avéré entre la faute qu’elle reproche à son expert comptable et le régime d’imposition des plus-values, l’omission reprochée ayant été commise postérieurement à la notification de l’option critiquée qui seule déterminait définitivement le régime fiscal applicable.

Il s’ensuit que la SCI Sam Imo justifie uniquement d’un préjudice de trésorerie constitué par l’obligation de payer à une date non précisée mais, selon son argumentation, concomitante au déblocage, le 19 octobre 2016, du prêt de 40.000 euros ayant servi à financer une partie importante de cette imposition, étant relevé qu’aucune pénalité, ni intérêts de retard ne lui ont été réclamés. Les sociétés appelantes estiment, en se fondant sur le cours de l’intérêt au taux légal, à 1.709,30 euros, le préjudice de trésorerie dont a souffert la SCI Sam-Imo du fait de ce paiement anticipé. Cependant celle-ci justifie avoir dû contracter, le 19 octobre 2016, un prêt de 40.000 euros remboursable en 47 mensualités constantes de 858,76 euros et une première mensualité de 919,61 euros. Le coût de ce crédit, qui aurait été inutile à défaut d’imposition, s’est élevé à 1 281,33 euros pour une période de 4 ans [total des échéances payées (-) capital reçu]. Le surplus des fonds provient de la trésorerie de la SCI Sam Imo qui aurait pu être au moins partiellement rémunérée. Compte tenu de ces éléments, le préjudice de trésorerie subi par la société sera fixé à 2 300 euros. Cette somme correspond au montant des intérêts versés, à ceux qui n’ont pu être perçus ainsi que le temps consacré à l’obtention de l’emprunt. Les intérêts sur cette somme courront à compter de la vente du 30 avril 2021, date à laquelle le préjudice de trésorerie est liquidé puisque l’imposition devenait alors exigible.

La procédure judiciaire ne se justifiait pas puisqu’une transaction plus favorable à la SCI Sam Imo était proposée par la société MMA IARD. En conséquence, chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel de sorte qu’il n’y aura pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal judiciaire de Vannes ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum la société Praxis Ploermel et la société MMA IARD à payer à la SCI Sam Imo la somme de 2 300 euros outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 30 avril 2021 ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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