Infirmation 29 avril 2025
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Sur la décision
| Référence : | CA Rennes, 1re ch., 29 avr. 2025, n° 24/00066 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Rennes |
| Numéro(s) : | 24/00066 |
| Importance : | Inédit |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 4 mai 2025 |
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Sur les parties
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|---|---|
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| Parties : |
Texte intégral
1ère Chambre
ARRÊT N°
N° RG 24/00066 – N° Portalis DBVL-V-B7I-UMRG
(Réf 1ère instance : 16/03142)
M. [A] [C]
Mme [V] [N]
C/
Me [D] -NOTAIRE- [P]
M. [X] -ASSIGNÉ EN APPEL PROVOQUÉ- [G]
Mme [E] [M] épouse [G] --ASSIGNÉE EN APPEL PROVOQUÉ-
S.A.S. [18]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 AVRIL 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Président : Monsieur Fabrice ADAM, premier Président de chambre,
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER
Madame Elise BEZIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS
A l’audience publique du 26 novembre 2024
ARRÊT
Par défaut, prononcé publiquement le 29 avril 2025 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibré initialement prévu le 25 février 2025
****
APPELANTS
Monsieur [A] [C]
né le [Date naissance 13] 1968 à [Localité 20]
[Adresse 12]
[Localité 7]
Madame [V] [N]
née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 23]
[Adresse 12]
[Localité 7]
Tous deux représentés par Me Angélina HARDY-LOISEL de la SELARL ACTB, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS
Maître [D] [P]
— NOTAIRE-
[Adresse 11]
[Localité 6]
Représenté par Me Carine PRAT de la SELARL EFFICIA, plaidant, avocat au barreau de RENNES et par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, postulant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [X] [G]
— ASSIGNÉ EN APPEL PROVOQUÉ-
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 8]
non comparant, non représenté
Madame [E] [M] épouse [G]
— ASSIGNÉE EN APPEL PROVOQUÉ-
née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 21]
[Adresse 5]
[Localité 8]
non comparant, non représenté
S.A.S. [18], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de RENNES sous le numéro 404.744.757, représentée par son Président domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Marceline OUAIRY JALLAIS de la SELARL QUESNEL DEMAY LE GALL-GUINEAU OUAIRY-JALLAIS BOUCHER BEUCHER -FLAMENT, postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Frédéric TALMON, plaidant, avocat au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE
1. Le 28 avril 2011, M. [X] [G] et Mme [E] [G] née [M] (les époux [G]) ont signé, par l’intermédiaire de la SAS [18], un compromis de vente avec M. [A] [C] et Mme [V] [N] (les consorts [O]) portant sur une maison située '[Adresse 19] à [Localité 15] (35) implantée sur un terrain de 5530 m², au prix de 730.000 '.
2. Il était stipulé que le bien n’était grevé d’aucune servitude. La somme de 780.000 ' a été virée sur le compte du notaire rédacteur de l’acte, Me [D] [P], le 26 juillet 2011, en prévision de la signature fixée le lendemain.
3. Le même jour, les acquéreurs, les consorts [O], ont été informés par leur notaire, Me [Y], que le projet d’acte qu’il avait reçu faisait apparaître l’existence d’une servitude non aedificandi non visée dans le compromis et que la maison avait fait l’objet de travaux depuis moins de dix ans.
4. Les consorts [O] ont refusé de signer l’acte authentique dans l’attente de l’obtention de précisions sur les conséquences de cette servitude, alors qu’ils avaient organisé leur déménagement et se trouvaient sans logement. Ils ont tenté de renégocier le prix de l’immeuble et les honoraires de l’agence immobilière, sans succès.
5. Parallèlement, par acte du 2 septembre 2011, les époux [G] ont fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Rennes les consorts [O] en vente forcée.
6. Par jugement du 3 janvier 2012, le tribunal a :
— constaté la caducité du compromis,
— débouté les époux [G],
— ordonné la restitution de la somme de 794.650 ' aux consorts [O],
— débouté les consorts [O] de leurs demandes de versement de l’indemnité forfaitaire stipulée au compromis et de dommages et intérêts.
7. Les consorts [O] ont interjeté appel et, par arrêt du 24 janvier 2013, la cour d’appel de Rennes a infirmé le jugement en ce qu’il les avait déboutés de leur demande de dommages et intérêts et a condamné les époux [G] à leur verser à ce titre la somme de 18.219 ', confirmant le jugement pour le surplus.
8. Les consorts [O], estimant qu’ils pouvaient prétendre au versement de l’indemnité forfaitaire et d’une indemnité plus importante à titre de dommages et intérêts, ont formé un pourvoi en cassation. Par arrêt du 8 avril 2014, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013 en ce qu’il limitait à 18.218,84 ' la somme allouée aux consorts [O], renvoyant l’affaire devant la cour d’appel de Rennes autrement composée.
9. Les consorts [O] ont saisi la cour d’appel de Rennes le 31 mars 2016. Par conclusions signifiées le 9 mai 2016, les époux [G] ont alors saisi le conseiller de la mise en état d’un incident aux fins de déclarer irrecevable la saisine en application de l’article 1034 du code de procédure civile, l’arrêt de la cour de cassation ayant été régulièrement signifié le 16 juillet 2014.
10. Par ordonnance du 12 décembre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la saisine de la cour d’appel de renvoi et condamné les consorts [O] à verser aux époux [G] la somme de 1.000 ' à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000 ' sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
11. Les consorts [O] ont déféré cette ordonnance à la cour qui, par arrêt du 16 mai 2017, a confirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état et les a condamnés in solidum à verser aux époux [G] 1.000 ' à titre de dommages et intérêts et 2.000 ' sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
12. les consorts [O] ont alors formé un pourvoi en cassation le 17 juillet 2017. Par arrêt du 27 septembre 2018, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 16 mai 2017 sans renvoi, seulement en ce qu’il avait condamné in solidum les consorts [O] au versement de dommages et intérêts.
13. Par acte du 2 décembre 2011, les époux [G] avaient en outre fait assigner la SAS [18] et Me [P] devant le tribunal judiciaire de Rennes, aux fins d’obtenir la garantie de la première et se réserver la possibilité de solliciter celle de la seconde.
14. Par jugement du 1er février 2016, le tribunal a :
— condamné la SAS [18] à garantir les époux [G] des condamnations (principal, frais, intérêts, dépens, article 700) prononcées contre eux par le jugement du 3 janvier 2012, l’arrêt du 24 janvier 2013 et l’arrêt rendu par la cour de cassation le 8 avril 2014, à hauteur de 50 %,
— condamné Me [P] à verser aux époux [G] la somme de 2.154,80 ' en réparation de leur préjudice,
— condamné in solidum la SAS [18] et Me [P] à leur verser 5.387 ' en indemnisation de leur préjudice, outre 1.500 ' sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
15. La SAS [18] et Me [P] ont interjeté appel de ce jugement et, par arrêt du 27 juin 2019, la cour d’appel de Rennes a retenu l’existence de fautes commises par l’agence immobilière et le notaire mais a débouté les époux [G] de leurs demandes en garantie en raison de leurs mensonges constitutifs d’un dol.
16. Les époux [G] ont formé un pourvoi en cassation, lequel a été rejeté par arrêt du 24 mars 2021.
17. Par acte d’huissier du 28 avril 2016, les consorts [O] ont fait assigner la SAS [18] et Me [P] devant le tribunal judiciaire de Rennes sur le fondement des dispositions des articles 1382 ancien et suivants et 1984 du code civil afin d’être indemnisés des préjudices qu’ils allèguent (n° 16/3142).
18. Par acte d’huissier du 25 avril 2018, la SAS [18] a fait appeler en garantie les époux [G] (n° 18/4085).
19. Par mention au dossier, les instances ont été jointes, l’affaire se poursuivant sous le n°16/3142.
20. Par jugement du 3 octobre 2023, le tribunal a :
— débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes,
— condamné in solidum les consorts [O] à verser, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
* la somme de 2.500 ' à la SAS [18],
* la somme de 2.500 ' à Me [P],
— a condamné in solidum les consorts [O] aux dépens qui seront recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Barbier.
21. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
— s’agissant de la responsabilité de l’agence immobilière,
— que, si les consorts [O] ont accepté la clause contractuelle relative à la clause pénale pour laquelle aucune faute ne peut être reprochée à la SAS [18] dans sa rédaction, l’agence a fait preuve d’une opacité fautive dans les conditions de mise en vente de la maison des époux [G], ce qui contrevient à son obligation de loyauté et d’information vis-à-vis des acquéreurs,
— s’agissant de la responsabilité du notaire, que l’absence de faute de Me [P] dans la rédaction du nouveau projet d’acte du 10 août 2011 a été confirmée par la cour d’appel dans son arrêt du 27 juin 2019,
— s’agissant des préjudices et du lien de causalité, après avoir rappelé que le principe de l’indemnisation des consorts [O] dans leurs rapports avec les époux [G] n’a pas été atteint par la cassation,
* que l’échec de la saisine après cassation prive les consorts [O] d’une action contre les époux [G] mais pas contre la SAS [18] et Me [P],
* que les frais de notaire de 350 ' ont déjà été réglés par les époux [G],
* que, si c’est bien en raison des fautes conjuguées de la SAS [18] et de Me [P] qu’il n’a pas été possible pour les consorts [O] d’emménager le 28 juillet 2011, les frais de sortie de garde-meubles ne sont pas justifiés,
* que la dépense de frais de loyer, engagée fin août 2011 à la suite de l’échec de la vente, n’est pas imputable à la SAS [18] et Me [P],
* que les frais de déplacement apparaissant en lien avec l’acquisition de la maison des époux [G] et qui ont été engagés en pure perte jusqu’en juillet 2011 peuvent être retenus à hauteur de 1.500 ' (ce chef de préjudice ayant déjà été indemnisé par les époux [G]),
* que si, par leurs fautes, la SAS [18] et Me [P] ont mis en échec la réitération de la vente fixée au 28 juillet 2011, ils n’ont eu aucun rôle causal dans l’échec de la vente à la suite des pourparlers, de sorte qu’il ne peut pas être mis à leur charge la perte des intérêts que procurait aux consorts [O] leur épargne mobilisée en vain pour le projet,
* que les frais de cautionnements ne sont pas imputables à la SAS [18] et à Me [P],
* que l’échec de la vente repose sur la faute dolosive des époux [G], la SAS [18] et Me [P] n’ayant pas à supporter les frais irrépétibles exposés par les consorts [O] durant les diverses procédures,
* que le préjudice moral subi par les consorts [O] et qui peut être estimé à 1.500 ' a déjà été indemnisé par les époux [G],
* que, faute de prouver une manoeuvre de la SAS [18] dans l’échec de l’achat de la maison de [Localité 24] pour inciter les consorts [O] à se positionner sur la maison de [Localité 15], la perte de chance d’acquérir cette maison n’est pas établie,
* que la faute de la SAS [18] ayant été écartée pour la rédaction de la clause pénale, aucun préjudice ne peut être allégué à son encontre par les consorts [O],
— s’agissant de la demande reconventionnelle des époux [G] à l’encontre de la SAS [18] :
— que ceux-ci rapportent d’autant moins la preuve d’un abus de droit qu’ils ont initié la première procédure à jour fixe en vente forcée en 2011 et que la multiplication des procédures suivantes trouve son origine dans le dol dont ils se sont rendus coupables.
22. Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Rennes du 4 janvier 2024, les consorts [O] ont interjeté appel de cette décision à l’encontre de la SAS [18] et de Me [P].
* * * * *
23. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 18 novembre 2024, les consorts [O] demandent à la cour de :
— rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la SAS [18] tirée de l’irrecevabilité de leurs conclusions n° 2,
— annuler le jugement dont appel,
— à défaut,
— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :
* a débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes,
* les a condamnés in solidum à verser sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
' la somme de 2.500 ' à la SAS [18],
' la somme de 2.500 ' à Me [P],
* les a condamnés in solidum aux dépens qui seront recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Barbier,
— statuant de nouveau,
— juger que les fautes commises par la SAS [18] et Me [P] sont directement à l’origine de la mévente [G] / [C] [N], de l’échec des pourparlers ultérieurs et de leurs conséquences préjudiciables pour eux, de nature à engager leur responsabilité,
— condamner in solidum la SAS [18] et Me [P] à leur payer la somme globale de 115.614,53 ' se décomposant comme suit :
* frais de notaire : 350 '
* mise en dépôt des meubles déménagés du 27 juillet au 23 août 2011 : 454,48 '
* garde-meubles mensuel depuis le 24 août 2011 au 17 juillet 2012 : 1.052,48 '
* frais de sortie du garde-meubles : 499,93 '
* loyer du 19 août 2011 au 20 juillet 2012 : 15.400 '
* frais de déménagement du logement de [Localité 17] vers le futur logement : 6.165,38 '
* frais de cautionnement pour chacun des emprunts : 1.823,40 '
* intérêts et cotisations d’assurance sur prêts : 3.856,38 '
* perte des intérêts sur plan épargne logement et autres placements jusqu’au 31 mars 2012 : 10.609,48 '
* hôtel, déplacements, restaurants : 5.403,00 '
* frais d’avocat : 20.000 '
* préjudice moral, soucis, tracas : 50.000 '
— à défaut,
— condamner in solidum la SAS [18] et Me [P] à leur payer la somme de 97.395,69 ', après déduction de la somme de 18.218,84 ' versée par les époux [G],
— condamner la SAS [18] à leur payer les indemnités suivantes:
* perte de chance d’être protégé par une clause pénale efficace : 72.999 '
* perte de chance liée au bien de Vern : 30.000 '
— débouter Me [P] et la SAS [18] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
— ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
— condamner in solidum la SAS [18] et Me [P] à leur payer une indemnité de 15.000 ' sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner in solidum la SAS [18] et Me [P] aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit du cabinet [14] représenté par Me Angélina Hardy -Loisel.
24. À l’appui de leurs prétentions, les consorts [O] font en effet valoir :
— sur la nullité du jugement,
— que cette demande, qui n’est qu’une réplique aux conclusions de la SAS [18] et de Me [P], n’est pas irrecevable au regard de la dévolution de la déclaration d’appel qui contenait la nullité du jugement,
— que le premier juge a violé le principe du contradictoire en relevant d’office la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée aux précédentes décisions rendues entre certaines seulement des parties, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations préalablement,
— que, malgré l’absence de jonction des procédures pourtant sollicitée, ils sont en droit de faire valoir les fautes commises par le notaire et l’agent immobilier pour obtenir la réparation de l’intégralité de leurs préjudices, aucune indivisibilité des poursuites contre le vendeur, le notaire et l’agent ne pouvant leur être opposée,
— que la présente instance a été introduite avant que ne soit rejetée comme tardive la saisine de la cour d’appel sur renvoi de Cour de cassation,
— que la décision rendue équivaut à une absence de motivation notamment sur l’absence de lien de causalité entre les fautes reprochées aux deux professionnels et les préjudices invoqués par eux, en se référant aux motifs d’une décision rendue dans une autre instance,
— sur la responsabilité de la SAS [18],
— que plusieurs fautes peuvent être reprochées à l’agence immobilière (absence d’indication des honoraires et du prix de vente, défaut de mention au compromis de l’existence d’une servitude qualifiée faussement de condition suspensive, défaut de mention au compromis de travaux de moins de dix ans, rédaction fautive de la clause pénale) qui a ainsi participé activement au fiasco immobilier,
— sur la responsabilité de Me [P],
— que plusieurs fautes peuvent être reprochées au notaire (faute dans la rédaction du premier projet d’acte de vente, faute dans l’échec des négociations ultérieures),
— sur les préjudices,
— que ces fautes sont en lien direct avec les préjudices allégués, l’indemnisation obtenue de la part des époux [G] n’étant pas exclusive des fautes du notaire et de l’agent immobilier, son règlement n’ayant pas à être pris en considération dans l’appréciation globale des préjudices directement subis par les concluants du fait des fautes des professionnels de l’immobilier,
— qu’ils ont subi un préjudice matériel (frais de notaire et de garde-meubles, loyers exposés, perte d’intérêts sur placements, frais de cautionnement, intérêts et cotisations d’assurance, frais d’hôtel, de restauration et de déplacement, frais irrépétibles), un important préjudice moral, une perte de chance d’acquérir le bien de [Localité 24] et une perte de chance d’être protégés par la clause pénale.
* * * * *
25. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 18 novembre 2024, la SAS [18] demande à la cour de:
— à titre liminaire,
— juger irrecevables les conclusions n° 2 notifiées par les consorts [O] le 4 novembre 2024, à titre principal en intégralité, à titre subsidiaire, en ce qu’elles demandent à la cour de :
* annuler le jugement dont appel,
* la condamner in solidum avec Me [P] à payer aux consorts [O] la somme de 15.000 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— à titre principal,
— juger les consorts [O] mal fondés en leur appel et les en débouter,
— débouter les consorts [O] de toutes leurs demandes, fins ou prétentions présentées contre la SAS [18] ou de nature à lui faire grief et/ou de celles qui en dépendent,
— confirmer le jugement critiqué en ce qu’il :
* déboute les consorts [O] de toutes leurs demandes, fins ou prétentions,
* condamne in solidum les consorts [O] à lui verser sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2.500 ' et à supporter la charge des dépens,
* déboute les autres parties de toutes leurs demandes, fins ou prétentions présentées contre elle ou de nature à lui faire grief,
— débouter toutes les parties adverses de toutes leurs demandes, fins ou conclusions présentées contre elle ou de nature à lui faire grief et/ou de celles qui en dépendent,
— juger que les demandes présentées par les consorts [O] contre elle sont irrecevables et les en débouter,
— à défaut,
— juger que ni les consorts [O], ni les époux [G], ni Me [P] ne rapportent la preuve d’une faute de sa part directement causale d’un préjudice juridiquement réparable personnellement et réellement subi par eux et les débouter de toutes leurs demandes, fins ou prétentions présentées contre elle ou de nature à lui faire grief,
— à titre subsidiaire,
— en cas de réformation du jugement dont appel,
— juger que ni les consorts [O], ni Me [P] ne rapportent la preuve d’un préjudice juridiquement réparable personnellement et réellement subi par eux et directement causé par une faute de sa part et les débouter de toutes leurs demandes, fins ou prétentions présentées contre elle,
— à défaut,
— qualifier ces préjudices de perte de chance et les fixer à une somme symbolique,
— juger que Me [P] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice juridiquement réparable personnellement et réellement subi par lui et le débouter de toutes ses demandes fins ou prétentions présentée contre elle,
— débouter Me [P] de toutes ses demandes, fins ou prétentions présentées contre elle, ou de nature à lui faire grief et/ou celles qui en dépendent, notamment celles demandant à la cour de la condamner la concluante à :
* le garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre lui,
* lui payer une indemnité de 10.000 ' au titre des frais irrépétibles fondée sur l’art. 700 du code de procédure civile,
— en tout état de cause,
— juger qu’il y a lieu de diminuer le préjudice qui serait reconnu aux consorts [O] du montant de la somme que ces derniers ont refusé de restituer aux époux [G] (soit la somme de 18.219,84 ' sauf à parfaire) suite à l’annulation de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013, arrêt d’appel cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 8 avril 2014,
— dans l’hypothèse d’une éventuelle condamnation à quelque titre que ce soit,
— engager la responsabilité des époux [G] et de Me [P] et, en conséquence, les condamner in solidum à la garantir intégralement et relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,
— dans l’hypothèse d’une éventuelle condamnation in solidum avec les autres parties,
— juger qu’il y a lieu de la dispenser, dans les rapports entre coobligés, de toute contribution à la dette et condamner in solidum les autres parties co-responsables notamment les époux [G] et Me [P] à l’indemniser de toute somme qu’elle serait amenée à payer au titre de l’obligation à la dette,
— en tout état de cause,
— débouter l’intégralité des parties adverses de toutes leurs demandes, fins ou prétentions tendant à obtenir sa condamnation ou à lui faire grief, ainsi que de celles qui en dépendent,
— débouter l’intégralité des parties adverses de leurs appels principaux ou incidents, tendant à obtenir sa condamnation ou à lui faire grief, ainsi que de ceux qui en dépendent,
— condamner in solidum les parties succombantes à lui payer la somme de 5.000 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, à recouvrer par la SCP Depasse – Daugan – Quesnel – Demay, agissant par le ministère de Me Gilles Daugan, conformément dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
26. À l’appui de ses prétentions, la SAS [18] fait en effet valoir:
— sur la demande de nullité du jugement,
— que la demande d’annulation du jugement est irrecevable pour ne pas avoir été formée dès les premières conclusions par les appelants,
— sur les fautes,
— que les consorts [O] n’ont réglé aucune somme en application du mandat de vente et ne peuvent donc se plaindre d’aucun préjudice, l’omission, sur le mandat de vente, des honoraires d’agence ne pouvant procéder d’une erreur intentionnelle car elle entraîne un risque de privation du mandataire de tout droit à honoraires,
— qu’une rémunération de 19.000 ' était, au regard du prix de cession, tout à fait normale,
— que l’utilisation de la fiche de renseignement n’était pas obligatoire à l’époque,
— que la mise en vente du bien sans les diagnostics obligatoires n’a causé aucun grief aux appelants puisqu’ils étaient bien annexés à la promesse de vente,
— que le rédacteur d’un compromis de cession n’a pas, à ce stade, à obtenir un certificat d’urbanisme de l’immeuble ni à le vérifier, le problème de la servitude étant la faute exclusive des époux [G] et, accessoirement, de Me [P] qui a tardé à informer les acquéreurs,
— que les consorts [O] ne démontrent pas que le classement de l’habitation en bâti d’intérêt, qui ne figurait d’ailleurs pas dans le certificat d’urbanisme délivré le 9 juin 2011, constituait un obstacle à la réalisation des travaux qu’ils envisageaient,
— que l’absence de souscription d’une assurance dommages ouvrages n’aurait pu justifier une diminution de valeur supérieure à 5.000 ',
— qu’une autre rédaction de la clause pénale, à supposer que les époux [G] l’aient acceptée, n’aurait rien changé quant à la caducité encourue du fait de la défaillance de la condition suspensive, aucun préjudice n’étant démontré,
— sur les préjudices,
— que les consorts [O] échouent à prouver leurs préjudices et le lien de causalité avec les fautes reprochées,
— que ces préjudices ne sont pas réparables dès lors que les consorts [O] se sont engagés sans avoir l’assurance de la perfection de la vente, notamment de la levée des conditions suspensives, et que les dépenses qu’ils ont engagées étaient nécessaires au regard de leur situation,
— qu’en toute hypothèse, elle dispose d’un recours en garantie contre les vendeurs et le notaire à raison des fautes commises par ces derniers.
* * * * *
27. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 8 novembre 2024, Me [P] demande à la cour de :
— confirmer la décision dont appel,
— débouter les consorts [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
— débouter la SAS [18] de toutes ses demandes, fins et prétentions à son encontre,
— condamner les consorts [O] à lui verser une indemnité de 10.000 ' au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— subsidiairement,
— condamner la SAS [18] à le garantir de toutes les condamnations susceptibles d’être prononcées contre lui,
— dans ce cadre,
— condamner la SAS [18] à lui verser une indemnité de 10.000 ' au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner les mêmes en tous les dépens qui seront recouvrés par Me Pelois conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
28. À l’appui de ses prétentions, Me [P] fait en effet valoir :
— sur la faute,
— qu’il n’a jamais dissimulé quoi que ce soit aux acquéreurs s’agissant de la servitude et des travaux réalisés par les vendeurs,
— que l’usage n’est pas d’adresser à l’acquéreur ou à son conseil les pièces administratives du dossier au fur et à mesure qu’elles parviennent à l’étude,
— que le projet d’acte n’a pas été transmis directement aux consorts [O] qui avaient leur propre notaire,
— que, si les éléments du dossier faisaient apparaître que les époux [G] avaient effectué des travaux, rien ne permettait de soupçonner que ces travaux étaient d’une importance telle qu’ils pouvaient s’assimiler à une rénovation lourde de nature à conférer aux vendeurs la qualité de constructeur,
— que sa faute dans la rédaction du projet d’acte a été écartée par l’arrêt du 27 juin 2019 qui s’est déjà prononcé de façon complète sur sa responsabilité,
— sur les préjudices,
— qu’en toute hypothèse, la responsabilité de la SAS [18] est prépondérant, si bien qu’il dispose d’un recours en garantie contre elle à raison des fautes commises.
* * * * *
29. Les époux [G], que la SAS [18] a fait assigner suivant procès-verbal de recherches infructueuses du 3 juillet 2024 dans le cadre d’un appel provoqué, n’ont pas constitué avocat.
30. L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 novembre 2024.
31. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’irrecevabilité des conclusions n° 2 des consorts [O]
32. La SAS [18] fait valoir que le jeu de conclusions n° 2 des appelants est irrecevable pour contenir une demande d’annulation du jugement qui n’avait pas été formée dès les premières conclusions.
33. Les consorts [O] répliquent que cette demande, qui n’est qu’une réplique aux conclusions de la SAS [18] et de Me [P], n’est pas irrecevable au regard de la dévolution de la déclaration d’appel qui contenait la nullité du jugement.
Réponse de la cour
34. L’article 910-4 du code de procédure civile alors applicable au litige dispose que, 'à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait'.
35. En l’espèce, il importe peu que, dès le stade de la déclaration d’appel, les consorts [O] aient envisagé, en même temps que la réformation du jugement entrepris, son annulation.
36. En effet, dans leurs premières conclusions déposées au greffe le 3 avril 2024, les appelants ne sollicitaient que la réformation du jugement. Ce n’est que dans leurs conclusions postérieures, déposées le 4 novembre 2024, que la prétention de la nullité du jugement est émise.
37. Les griefs faits au jugement à l’appui de la demande de nullité (non-respect du contradictoire et défaut de motivation) n’ont pas été révélés par les conclusions de Me [P] ou de la SAS [18].
38. La seule lecture du jugement permettait aux consorts [O], dès le stade de leurs premières conclusions, de solliciter la nullité du jugement sans avoir à attendre les conclusions en réplique des intimés, étant ici précisé qu’une demande d’annulation du jugement, contrairement à ce que suggèrent les appelants, constitue une prétention et non un moyen.
39. Toutefois, contrairement à ce que sollicite principalement la SAS [18], ce n’est pas l’irrecevabilité des conclusions qui est encourue mais uniquement la prétention émise tardivement.
40. Les consorts [O] seront donc déclarés irrecevables en leur demande d’annulation du jugement.
Sur les fautes de l’agent immobilier
41. Les consorts [O] soutiennent que plusieurs fautes peuvent être reprochées à l’agence immobilière (absence d’indication des honoraires et du prix de vente, défaut de mention au compromis de l’existence d’une servitude qualifiée faussement de condition suspensive, défaut de mention au compromis de travaux de moins de dix ans, rédaction fautive de la clause pénale, etc…) qui a ainsi participé activement au fiasco immobilier.
42. La SAS [18] fait valoir que les consorts [O] n’ont réglé aucune somme en application du mandat de vente et ne peuvent donc se plaindre d’aucun préjudice, l’omission, sur le mandat de vente, des honoraires d’agence ne pouvant procéder d’une erreur intentionnelle car elle entraîne un risque de privation du mandataire de tout droit à honoraires, la rémunération de 19.000 ' étant d’ailleurs, au regard du prix de cession, tout à fait normale. Selon elle, l’utilisation de la fiche de renseignement n’était pas obligatoire à l’époque et la mise en vente du bien sans les diagnostics obligatoires n’a causé aucun grief aux appelants puisqu’ils étaient bien annexés à la promesse de vente. Pour la SAS [18], le rédacteur d’un compromis de cession n’a pas, à ce stade, à obtenir un certificat d’urbanisme de l’immeuble ni à le vérifier, le problème de la servitude étant la faute exclusive des époux [G] et, accessoirement, de Me [P] qui a tardé à informer les acquéreurs. Elle affirme que les consorts [O] ne démontrent pas que le classement de l’habitation en bâti d’intérêt, qui ne figurait d’ailleurs pas dans le certificat d’urbanisme délivré le 9 juin 2011, constituait un obstacle à la réalisation des travaux qu’ils envisageaient. Par ailleurs, l’absence de souscription d’une assurance dommages ouvrages n’aurait pu justifier une diminution de valeur supérieure à 5.000 '. Enfin, une autre rédaction de la clause pénale, à supposer que les époux [G] l’aient acceptée, n’aurait rien changé quant à la caducité encourue du fait de la défaillance de la condition suspensive, aucun préjudice n’étant démontré.
Réponse de la cour
43. L’article 1382 du code civil, devenu1240, alors applicable dispose que 'tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
44. L’intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d’un acte, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention. Notamment, l’agent immobilier commet une faute en ne vérifiant pas l’obtention des certificats d’urbanisme ou les servitudes inhérentes aux immeubles qu’il était chargé de vendre. Il est débiteur d’une obligation générale d’information et de loyauté.
45. En l’espèce, les époux [G] ont, par l’intermédiaire de la SAS [18], signé le 28 avril 2011 avec les consorts [O] un compromis de vente portant sur une maison située '[Adresse 19] [Localité 15] (35) implantée sur un terrain de 5530 m², au prix de 730.000 ', qui stipulait que le bien n’était grevé d’aucune servitude, la somme de 780.000 ' étant virée sur le compte du notaire rédacteur de l’acte, Me [P], le 26 juillet 2011, en prévision de la signature fixée le lendemain.
46. Le même jour, les acquéreurs ont été informés par leur notaire, Me [Y], que le projet d’acte qu’il avait reçu faisait apparaître l’existence d’une servitude non aedificandi non visée dans le compromis et que la maison avait fait l’objet de travaux depuis moins de dix ans.
47. Les consorts [O] ont refusé de signer l’acte authentique dans l’attente de l’obtention de précisions sur les conséquences de cette servitude, alors qu’ils avaient organisé leur déménagement et se trouvaient sans logement. Ils ont tenté de renégocier le prix de l’immeuble et les honoraires de l’agence immobilière, sans succès.
48. Les appelants font valoir plusieurs manquements de la part de la SAS [18], invoquant notamment les dispositions légales relatives au mandat, notamment l’article 1991 du code civil aux termes duquel 'le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution’ et l’article 1992 qui prévoit que 'le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion'.
1 – l’absence d’indication des honoraires et du prix de vente :
49. Les consorts [O] invoquent les dispositions de l’article L. 121-1 du code de la consommation qui, dans sa version applicable au litige, qualifie la 'pratique commerciale’ de 'trompeuse’ lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments comme 'l’existence, la disponibilité ou la nature du bien', 'les caractéristiques essentielles du bien', notamment 'ses propriétés', ou encore sur 'le prix'.
50. Une pratique commerciale est également trompeuse si 'elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle'.
51. Cet article précise enfin que, 'dans toute communication commerciale constituant une invitation à l’achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles (notamment) les caractéristiques principales du bien ou du service (ainsi que) le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s’ils ne peuvent être établis à l’avance'.
52. La pratique commerciale trompeuse constitue une infraction pénalement sanctionnée.
53. En l’espèce, il ressort du 'mandat privilège de vente’ donné le 1er mars 2011 par les époux [G] à la SAS [18] que, si le prix net vendeur est indiqué (735.000 '), la 'rémunération du mandataire’ n’est pas précisée.
54. Pour les consorts [O], 'la SAS [18] a laissé croire aux concluants que ledit mandat prévoyait une rémunération à hauteur de 19.000 ' alors que tel n’était pas le cas. Les consommateurs que sont les consorts [O] ignoraient le prix de la prestation de la SAS [18] ou encore son mode de calcul (pourcentage du prix de vente), l’annonce du bien diffusée par l’agence ne disant mot sur sa rémunération si ce n’est que ses honoraires étaient inclus dans la somme de 850.000 ' soit un delta de 115.000 ' par rapport au mandat signé'. Et d’ajouter que 'la publicité diffusée par la SAS [18] sur le bien des époux [G] est clairement de nature à induire en erreur les concluants et à altérer de manière substantielle leur comportement économique. (…) Croyant avoir obtenu un rabais substantiel, les acquéreurs ont en fait payé le prix demandé par les vendeurs'.
55. L’annonce de la maison de [Localité 15] faite par la SAS [18] produite par les consorts [O] mentionne un prix de vente de '850.000 ' honoraires inclus'.
56. C’est à partir de ce prix que les consorts [O] vont négocier, faisant chuter le prix à 749.000 ' honoraires de l’agence inclus, le prix 'public’ donnant l’illusion d’une remise de plus de 100.000 ' alors qu’elle n’était finalement que de 5.000 ' au regard des prétentions initiales des époux [G].
57. La SAS [18] ne s’explique pas sur cette pratique et se contente d’affirmer que 'la présentation à un prix éventuellement supérieur à celui stipulé au mandat ne relève pas des dispositions de l’article L 121-1-1 du code de la consommation et n’est pas de nature à tromper les acquéreurs ou à leur porter préjudice'.
58. Il s’agissait, en réalité, pour l’agence immobilière, de se donner la possibilité de faire varier ses honoraires à la hausse en fonction du bonus obtenu sur le prix de vente, au détriment de l’acquéreur.
59. Au-delà du point de savoir si on est en présence d’une pratique commerciale trompeuse, le fait que le compromis de vente du 28 avril 2011 précise bien la rémunération de la SAS [18] pour un montant de 19.000 ', somme certes raisonnable au regard du prix principal de la vente (730.000 ') ne change rien à 'l’opacité fautive dans les conditions de mise en vente de la maison des époux [G]' pour reprendre les termes du jugement qui s’interroge légitimement 'sur la pratique professionnelle de cette agence immobilière', ce manquement au devoir d’information loyal eût-il procédé d’une simple omission non intentionnelle comme susceptible de remettre en cause son droit à rémunération.
60. C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu défaut de loyauté à l’encontre de la SAS [18], même si la cour observe que les honoraires n’ont finalement pas été payés par les consorts [O] en raison de la caducité du compromis de vente, de sorte que cette faute ne peut être à l’origine que de la perte de chance de contracter sur un autre bien (infra § 132 et suivants).
2 – le défaut de mention au compromis de l’existence d’une servitude qualifiée faussement de condition suspensive :
61. Le compromis de vente du 29 avril 2011 ne mentionne l’existence d’aucune servitude particulière 'autre que celle résultant de la situation naturelle des lieux, du plan d’aménagement et d’urbanisme et de la loi en général', clause-type qui n’exonère pas l’agent immobilier de son obligation d’information et d’efficacité de l’acte qu’il rédige, obligation qui lui impose de procéder à un minimum de vérifications.
62. Au sujet des servitudes, 'le vendeur déclare NE PAS EN CONNAÎTRE'. Il est mentionné, au paragraphe relatif aux conditions suspensives, que 'le certificat d’urbanisme ne devra pas révéler de servitude grave pouvant déprécier la valeur de l’immeuble vendu'.
63. Pourtant, en page 13 de l’acte d’acquisition des époux [G] du 15 avril 2002, il était mentionné que 'l’acquéreur reconnaît (…) avoir pris connaissance du plan de redressement de la route départementale n° 27 et de l’emprise de terrain envisagée sur la parcelle n° [Cadastre 9] par le département'. En page 11, une précision y est apportée au sujet de l’urbanisme local : 'La rectification des virages de '[Adresse 19]' est à l’étude. Elle aura pour conséquence d’imputer une partie des parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 9] (voir tracé indicatif sur le plan joint). Le terrain est grevé par la marge de recul non aedificandi de 35 m, par rapport à l’axe de la RD 27'.
64. La SAS [18] répond vainement que 'la servitude a été révélée par le certificat d’urbanisme', alors que la lecture de l’acte d’acquisition des époux [G], diligence que l’on est en droit d’attendre d’un agent immobilier, aurait suffi à la révéler.
65. Cet élément, susceptible d’affecter le bien dans ses qualités essentielles, était pourtant de nature à informer l’acquéreur de façon immédiate, le choix, commode pour l’agence, de masquer sa carence sous la forme d’une simple condition suspensive ayant nui à son obligation d’efficacité.
66. La faute de la SAS [18], dans ses rapports avec les époux [G], a d’ailleurs été définitivement retenue par un jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 1er février 2016 confirmé sur ce point par un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 27 juin 2019.
67. En outre, ce manquement a été reconnu par la SAS [18] puisque cette dernière, dans le cadre de la poursuite des négociations (infra § 103 et suivants), a été amenée, le 8 août 2011, à renoncer à ses honoraires dans les termes suivants : 'Au vu des difficultés rencontrées notamment en ce qui concerne la marge de recul grevant le bien et la situation de ce dernier au regard des assurances et afin de permettre une signature d’acte authentique à de nouvelles conditions de prix, je soussigné M. [S] [R], agissant en qualité de responsable juridique de la SAS [18], déclare renoncer à percevoir les honoraires de négociation tels que prévus au compromis de vente à savoir la somme de 19.000 ' TTC. Cette renonciation à honoraires est conditionnée par la renonciation expresse et sans équivoque des vendeurs et acquéreurs à toute action et/ou instance à quelque titre que ce soit contre la SAS [18] au titre de cette transaction'.
68. Or, cette négligence est à l’origine directe de la caducité du compromis de vente puisque la situation exacte du bien n’a été révélée que par la production du certificat d’urbanisme, édictée en simple condition suspensive. C’est sur ce seul motif que, par jugement du 3 janvier 2012, confirmé sur ce point par un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Rennes a constaté la caducité du compromis de vente du 28 avril 2011.
69. C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu cette faute à l’encontre de la SAS [18].
3 – le défaut de mention au compromis de travaux de moins de dix ans :
70. En page 3 du compromis de vente du 28 avril 2011, il est indiqué que 'le vendeur déclare qu’aucune construction , extension ou rénovation concernant l’ensemble immobilier n’a été effectuée depuis moins de dix ans'.
71. La simple lecture de l’acte d’acquisition des époux [G] de 2002 aurait pourtant permis à la SAS [18] de déceler l’existence de travaux effectués depuis moins de dix ans puisqu’il était question de revente du bien dès 2011.
72. Cette lecture aurait révélé l’existence de travaux compte tenu :
— du prêt de 289.668 ' contracté pour une acquisition à hauteur de 144.826,57 ', soit une somme de 144'841,43 ' manifestement destinée au financement de travaux d’amélioration ou de rénovation du bien acquis,
— de l’écart en seulement neuf ans entre le prix d’achat par les époux [G] en 2002 pour 144.826,57 ' et le prix de revente en 2011 pour 730.000 ',
— la présence en 2011 d’une piscine non répertoriée dans l’acte de 2002.
73. Les différentes visites effectuées par l’agence immobilière auraient dû, de plus fort, attirer son attention.
74. La SAS [18] réplique vainement à cet égard que, les époux [G] ayant déclaré dans le compromis de vente qu’aucuns travaux n’avaient été réalisés depuis moins de dix ans, elle ne peut pas se voir reprocher de n’avoir pas détecté le contraire, contre l’évidence, alors qu’elle aurait dû au contraire les interroger sur cette incohérence manifeste.
75. Cette difficulté ne va être révélée aux consorts [O] que par la communication du projet d’acte notarié établi le 10 août 2011 par Me [P] qui va joindre en annexe des pièces relatives à deux chantiers (réaménagement intérieur et piscine).
76. Ce défaut de diligences est constitutif d’une faute.
77. Là encore, la faute de la SAS [18], dans ses rapports avec les époux [G], a été définitivement retenue par le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 1er février 2016 confirmé sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 27 juin 2019.
78. Toutefois, à la lecture du jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 3 janvier 2012 ce manquement n’est pas ce qui a conduit à la caducité.
En outre, après avoir annexé les attestations d’assurance des entreprises à son second projet d’acte du 10 août 2011, Me [P] a, dès le 17 août 2011, communiqué le procès-verbal de réception du 17 avril 2003 signé de toutes les entreprises, la liste des réserves et le procès-verbal de levée des réserves, toutes pièces de nature à rassurer les consorts [O] qui n’étaient manifestement préoccupés que par l’ 'emplacement réservé portant sur un élargissement de route’ (mail de leur notaire adressé le 26 juillet 2011 à Me [P]) et qui ont sollicité la restitution du dépôt de garantie en arguant de la caducité du compromis de vente uniquement en raison de la non-réalisation de la condition suspensive de certificat d’urbanisme ne révélant pas une servitude grave pouvant déprécier la valeur de l’immeuble (courrier adressé le 18 avril 2012 à la SAS [18]).
4 – la rédaction fautive de la clause pénale :
79. Pour les consorts [O], la perte de chance de percevoir le montant de la clause pénale s’est réalisée de manière certaine puisqu’ils ont été déboutés de leur demande de paiement de celle-ci dirigée contre les époux [G].
80. Selon eux, la clause pénale telle que rédigée protège le vendeur fautif d’avoir failli à son obligation d’information et elle ne peut en aucun cas bénéficier à l’acquéreur, protégeant uniquement le vendeur de l’échec de la vente.
81. Ils considèrent qu’en insérant uniquement une condition suspensive au lieu de contraindre les époux [G] à leur devoir loyal d’information, la SAS [18] leur a offert la possibilité de se rétracter librement, sans jamais risquer de devoir payer la clause pénale, puisque cette condition préexistait au contrat.
82. Ils affirment que la SAS [18] aurait dû insérer à la clause pénale, pour une meilleure efficacité, la mention : 'La clause pénale est due par celui par le fait duquel la vente ne pourra aboutir'.
83. Le compromis de vente du 28 avril 2011 stipulait en effet que, 'au cas où, toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes étant remplies, l’une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régularisait pas l’acte authentique, elle devra verser à l’autre partie, à titre de clause pénale conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil, et indépendamment de tous dommages et intérêts, la somme de 73 000 euros'.
84. Dans son arrêt du 24 janvier 2013, la cour d’appel de Rennes motive ainsi sa décision de rejet d’application de la clause pénale :
'Il est exact qu’une clause pénale contractuelle peut être considérée comme autonome au regard de l’acte juridique au sein duquel elle était insérée et conserver sa validité alors même que cet acte est devenu caduc.
Toutefois, la clause pénale insérée à la promesse synallagmatique de vente est inapplicable au cas d’espèce : une clause pénale contractuelle est d’application stricte, ce dont il résulte qu’elle ne sanctionne que l’événement qu’elle avait envisagé, et non par analogie toute faute contractuelle imputable à l’une ou l’autre des parties'.
85. Cette clause sanctionne uniquement le refus injustifié de réitérer la vente et non un manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance d’une information loyale. Tel est le cas de la plupart des clauses pénales prévues dans les compromis de vente. Rien n’imposait à la SAS [18] d’effectuer la précision complémentaire suggérée par les consorts [O].
86. La clause pénale en question vise indifféremment acquéreur et vendeur et il ne résulte que des seules affirmations des consorts [O] qu’un vendeur ne peut changer d’avis et refuser de vendre après s’être engagé. Par ailleurs, la mauvaise foi d’un vendeur ne prive pas l’acquéreur de faire valoir un préjudice aux fins d’obtention de dommages et intérêts. D’ailleurs, l’ajout proposé par les appelants aurait nécessité que soit jugé 'le fait’ des époux [G] ayant empêché la réalisation de la vente. Il aurait imposé une appréciation par un tribunal en cas de litige.
87. Ainsi qu’indiqué par les premiers juges, en signant le compromis et en ne faisant pas usage de leur droit de rétractation, les consorts [O], qui ont eu le temps nécessaire de prendre connaissance des clauses contractuelles, les ont librement acceptées, en ce compris la clause pénale.
88. C’est à bon droit que le tribunal a considéré qu’il ne pouvait être reproché à la SAS [18] d’avoir commis une faute dans la rédaction de la clause litigieuse.
5 – les autres manquements :
89. Les consorts [O] reprochent encore à la SAS [18] différents manquements sans les développer spécialement (absence de désignation de l’agent chargé de la vente dans le mandat, défaut d’affichage des frais d’agence dans l’annonce, défaut d’affichage du diagnostic de performance énergétique, défaut d’information sur la non-conformité du réseau d’assainissement…).
90. À les supposer établis, ces manquements sont sans rapport avec les préjudices allégués.
91. Enfin, concernant le classement en bâtis d’intérêt, par la ville de [Localité 15], du bien objet du compromis, les consorts [O] se contentent d’affirmer, sans le prouver, que, de facto, cette situation leur interdisait le percement d’ouvertures supplémentaires et la création de pièces supplémentaires, alors que tant les époux [G] que l’agence n’auraient pas ignoré leur intention de réaliser des travaux en ce sens.
Sur la faute du notaire
92. Les consorts [O] reprochent au notaire deux fautes (faute dans la rédaction du premier projet d’acte de vente, faute dans l’échec des négociations ultérieures).
93. Me [P] réplique qu’il n’a jamais dissimulé quoi que ce soit aux acquéreurs s’agissant de la servitude et des travaux réalisés par les vendeurs et que l’usage n’est pas d’adresser à l’acquéreur ou à son conseil les pièces administratives du dossier au fur et à mesure qu’elles parviennent à l’étude.
Le projet d’acte n’a pas été transmis directement aux consorts [O] qui avaient leur propre notaire et, si les éléments du dossier faisaient apparaître que les époux [G] avaient effectué des travaux, rien ne permettait de soupçonner que ces travaux étaient d’une importance telle qu’ils pouvaient s’assimiler à une rénovation lourde de nature à conférer aux vendeurs la qualité de constructeur. Il rappelle que sa faute dans la rédaction du projet d’acte a été écartée par l’arrêt du 27 juin 2019 qui s’est déjà prononcé de façon complète sur sa responsabilité.
Réponse de la cour
94. En application des dispositions de l’ancien article 1382 du code civil cité plus haut, le notaire est tenu, en tant qu’officier public ministériel, d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’il instrumente, le cas échéant en procédant aux vérifications nécessaires. Il n’est pas dispensé de son devoir de conseil du fait des compétences personnelles de son client.
1 – la rédaction du premier projet d’acte de vente :
95. En l’espèce, Me [P], accusant réception de sa désignation le 16 mai 2011, a sollicité des époux [G] la transmission sous huitaine de leur titre de propriété. Il a procédé aux demandes relatives au certificat d’urbanisme les 16 et 18 mai 2011. Ses demandes ont été satisfaites par la délivrance d’un certificat d’urbanisme le 9 juin 2011 et d’un certificat communal le 8 juin 2011.
96. Me [P] a ensuite rédigé le projet d’acte en conséquence, qu’il a transmis aux acquéreurs par courrier du 20 juillet 2011 pour une vente prévue le 27 juillet 2011. La transmission au notaire des acquéreurs, qui a alerté ses clients sur la mention dans l’acte d’une servitude, a été réalisée par messagerie électronique le même jour.
97. Compte tenu de la date prévue pour la vente, il apparaît que le notaire a agi avec une légèreté fautive en attendant la fin du mois de juillet pour adresser aux parties un projet d’acte mentionnant une servitude dont l’existence résultait de documents reçus dès le 9 juin 2011 mais également du titre de propriété qu’il avait nécessairement obtenu des vendeurs.
98. Concernant la réalisation de travaux susceptibles d’entraîner une responsabilité décennale, la lecture de l’acte de propriété du 15 avril 2002, à laquelle le notaire a nécessairement procédé avant de rédiger son acte, était suffisante pour comprendre que les époux [G], au moment de leur acquisition, entendaient réaliser des travaux conséquents (supra § 70 et suivants).
99. Compte tenu de cet élément, qui venait contredire les mentions du compromis de vente, il appartenait au notaire d’effectuer toute vérification utile auprès des vendeurs et, le cas échéant, de leur faire réunir les documents nécessaire et rédiger l’ acte en conséquence, ce qu’ il n’ a pas fait puisque son projet d’acte mentionne l’ absence de réalisation de travaux entrant dans les prévisions de articles L. 241-1 et L. 241-2 du code des assurances au cours des dix années précédentes.
100. La faute de Me [P], dans ses rapports avec les époux [G], a d’ailleurs été définitivement retenue par le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 1er février 2016 confirmé sur ce point par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 27 juin 2019.
101. Or, cette négligence est à l’origine directe de la caducité du compromis de vente puisque la situation exacte du bien n’a été révélée que par la production tardive du certificat d’urbanisme, ce qui a conduit aux atermoiements constatés puis, in fine, à l’échec de la vente.
102. C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu cette faute à l’encontre de Me [P].
2 – l’échec des négociations ultérieures :
103. Sans la soulever en tant que tel puisque le moyen, qui n’est pas organisé sous forme de fin de non-recevoir comme ne tendant pas à une quelconque irrecevabilité, Me [P] semble opposer l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 27 juin 2019 qui a circonscrit sa responsabilité en écartant le grief invoqué relativement à l’échec des négociations ultérieures.
104. Les consorts [O] n’étaient toutefois pas partie à l’instance ayant conduit à cet arrêt, qui ne concernait que la mise en cause par les époux [G] de la responsabilité de la SAS [18] et de Me [P].
105. À cet égard, c’est à tort que les premiers juges se sont contentés de se référer au jugement du 1er février 2016 ayant écarté la responsabilité de Me [P] dans l’échec des négociations ultérieures pour rejeter sa faute.
106. À l’occasion d’une conférence téléphonique entre les parties qui s’est tenue le 8 août 2011, un accord est intervenu dans lequel les époux [G] avaient renoncé à la somme de 50.000 ', acceptant un prix net vendeur de 680.000 '. De son côté, la SAS [18] avait renoncé par écrit à sa commission de 19.000 ', à la condition que les acquéreurs et les vendeurs renoncent à toute action contre elle à quelque titre que ce soit (supra § 67).
107. Dans un courrier adressé 9 août 2011 à Me [P], Me [Y], notaire des consorts [O], destinataire du nouveau projet, s’est étonné de ce que la diminution de prix soit inférieure à celle prévue (50.000 + 19.000 + 4.500
1: Il semble que la somme de 4.500 ' corresponde à la renonciation du notaire à une partie de ses honoraires
, soit 73.000 ' au lieu de 80.000 '), a posé des exigences complémentaires (nouvelles purges SRU et droit de préemption de la [22]) et a sollicité des précisions (attestations d’assurance des entreprises, contrôle de l’installation d’assainissement) et d’autres pièces complémentaires (liste du mobilier, nouveau certificat d’urbanisme, interrogation de l’agence routière du pays de [Localité 6], vérification de la date d’ouverture du chantier…).
108. Me [P] a répondu le 10 août 2011 qu’un chèque de 80.000 ' serait bien remis aux acquéreurs le jour de la signature de l’acte authentique et qu’il ne lui apparaissait pas nécessaire de purger à nouveau la loi SRU, la notification à la [22] ne lui semblant pas possible compte tenu du délai de réponse de deux mois.
109. Le notaire a ensuite dressé un nouveau projet d’acte daté du 10 août 2011 communiqué aux consorts [O]. Il comprend la baisse du prix principal à hauteur de 680.000 ' et rappelle la renonciation à ses honoraires par la SAS [18] compte tenu de la marge de recul de 35 m par rapport à la RD 27 imposée par la commune de [Localité 15], en précisant (page 3) que 'cet accord est transactionnel, amiable, ferme et définitif conformément aux articles 2044 et 2052 du code civil, de sorte qu’en concluant cet accord, les parties renoncent expressément à tout recours ultérieur tant l’une envers l’autre qu’envers la SAS [18] et Me [P], notaire soussigné'.
110. Par rapport au projet initial du 27 juillet 2011, le nouveau projet intègre (page 13) des informations relatifs aux travaux effectués par les époux [G], ayant consisté en la modification de l’aspect extérieur du bien vendu (création de porte-fenêtres au rez-de-chaussée en façade sud, création de fenêtres au rez-de-chaussée en façade nord, réfection de l’enduit de ravalement, réfection de la couverture, construction d’une piscine privative).
111. Le même jour, Me [P] a informé Me [F], avocat des consorts [O], qu’à la suite de l’annulation de la signature prévue le 10 août 2011 à l’initiative des acquéreurs, malgré la remise de 80.000 ' et la prise en charge de frais de location de 2.800 ', la proposition transactionnelle était maintenue dans les mêmes termes jusqu’au 12 août 2011.
112. Dans un courrier du 11 août 2011, Me [Y] a confirmé que les acquéreurs acceptent une diminution du prix de 80.000 ' pouvant 'justifier les clauses d’exonération de responsabilité de l’agence et de l’acte', tout en indiquant que 'le prix réel me paraît être le prix d’origine diminué des indemnités transactionnelles’ et en maintenant la nécessité d’une nouvelle purge SRU et [22]. Il remarque également que l’absence d’assurance dommage-ouvrage justifie une indemnité complémentaire de 5.000 '.
113. Me Drais, avocat des époux [G], aura beau affirmer, dans un courrier de du 12 août 2011 adressé à sa consoeur Me [F], que 'les parties sont d’accord sur la chose et sur le prix’ et de souhaiter la signature rapide de l’acte authentique durant le mois d’août, puisque, dans un courrier du 24 août 2011, cette dernière va maintenir sa position de faire descendre le prix de vente à 645.000 ' pour prendre en compte l’absence de souscription des assurances obligatoires qui 'dévalorise l’immeuble’ et d’exiger, d’une part, la prise en charge des loyers exposés et des frais de déménagement et de garde-meubles et, d’autre part, la communication de pièces complémentaires (certificats de conformité, assurance du maître d’oeuvre, justification du système d’assainissement), en faisant remarquer qu’ 'il n’y a pas lieu à une renonciation à recours contre le notaire puisque l’acte n’inclut aucune concession de sa part'. La cour observe qu’il n’est plus question d’effectuer à nouveau les purges SRU et [22].
114. Après un bref échange sur la justification des frais de location exposés, les consorts [O] vont faire savoir le 2 septembre 2011, par l’intermédiaire de leur avocat, qu’ils vont saisir la juridiction compétente en vue de l’anéantissement du compromis de vente et de l’indemnisation de leurs préjudices pour les motifs suivants : les époux [G] 'n’ont pas cru donner suite à notre courrier officiel du 24 août. Les époux [G] refusent donc, nonobstant mise en demeure, de régulariser l’acte authentique sur des bases adéquates', de sorte qu’ils 'prennent acte de ce refus parfaitement inacceptable'.
115. On ne voit pas bien, dans ces conditions, le rôle actif qu’aurait joué Me [P] dans l’échec des négociations, alors qu’elles sont manifestement le résultat d’une surenchère des consorts [O] qui, voyant qu’ils tenaient la main après avoir fait acter la reconnaissance de leurs fautes tant par les époux [G] que par la SAS [18] et même par Me [P] lui-même, n’ont eu de cesse qu’exiger une diminution toujours plus importante du prix de vente, ce qui a fini par lasser les vendeurs qui n’ont plus souhaité donner suite.
116. Ce n’est pas la rédaction du nouveau projet d’acte de vente du 10 août 2011 qui est à l’origine de l’échec des négociations mais plutôt la multiplication des intervenants (notaires, avocats) qui va conduire à une véritable cacophonie dans laquelle Me [P] avait perdu toute maîtrise.
117. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté la faute du notaire alléguée par les consorts [O].
Sur les préjudices et le lien de causalité
118. Les consorts [O] font valoir que les fautes de la SAS [18] et de Me [P] sont en lien direct avec les préjudices allégués, l’indemnisation obtenue de la part des époux [G] n’étant pas exclusive des fautes du notaire et de l’agent immobilier, son règlement n’ayant pas à être pris en considération dans l’appréciation globale des préjudices directement subis par les concluants du fait des fautes de ces professionnels de l’immobilier. Ils affirment avoir subi un préjudice matériel (frais de notaire et de garde-meubles, loyers exposés, perte d’intérêts sur placements, frais de cautionnement, intérêts et cotisations d’assurance, frais d’hôtel, de restauration et de déplacement, frais irrépétibles), un important préjudice moral, une perte de chance d’acquérir le bien de [Localité 24] et une perte de chance d’être protégés par la clause pénale.
119. La SAS [18] réplique que les consorts [O] échouent à prouver leurs préjudices et le lien de causalité avec les fautes reprochées et que ces préjudices ne sont pas réparables, dès lors que les appelants se sont engagés sans avoir l’assurance de la perfection de la vente, notamment de la levée des conditions suspensives, et que les dépenses qu’ils ont engagées étaient nécessaires au regard de leur situation. Selon elle, leur préjudice a été définitivement jugé par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013 devenu définitif. La perte de chance concernant la maison de [Localité 24] est particulièrement faible. En toute hypothèse, elle dispose d’un recours en garantie contre les vendeurs et le notaire à raison des fautes commises par ces derniers qui devront contribuer à la dette en proportion de leurs fautes.
120. Me [P] fait observer que les consorts [O] ont déjà été indemnisés et qu’il dispose d’un recours en garantie contre la SAS [18] dont les fautes ont été prépondérantes.
Réponse de la cour
121. Chacun des responsables d’un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité (Civ. 3ème, 16 novembre 2017, 16-11.052), peu important que les condamnations aient lieu successivement.
122. En l’espèce, le principe de l’indemnisation des consorts [O] dans leurs rapports avec les époux [G] n’a pas été atteint par la cassation, le montant de 18 219,84 ' ayant été fixé, selon la Cour cassation, sans prendre en compte l’entièreté des moyens allégués pour déterminer le préjudice. Pour autant, l’absence de saisine dans le délai légal de la cour d’appel de renvoi prive désormais les consorts [O] d’une action contre les époux [G] et l’arrêt de la cour d’appel est irrévocable sur la fixation du préjudice.
123. En revanche, elle ne les prive pas de leur action contre la SAS [18] et Me [P], à charge pour eux de justifier d’un préjudice et d’un lien de causalité avec les fautes retenues à l’encontre de chaque intimé. Mais, en application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, la somme de 18.218,84 ' versée par les époux [G] (ce que reconnaissent expressément les consorts [O]) devra être déduite des sommes qui leur seraient allouées de nouveau, un même préjudice ne pouvant faire l’objet d’une double indemnisation.
124. En d’autres termes, il importe peu que les consorts [O] aient déjà obtenu la condamnation des époux [G] à hauteur de 18.219,84 ' à titre de dommages et intérêts suivant arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013, condamnation qu’ils ont vainement tenté de faire évoluer en raison de vicissitudes procédurales, ni la SAS [18], ni Me [P] n’ayant été parties à cette instance. De ce point de vue, le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes d’indemnisation soulevé par la SAS [18] sera rejeté, ce qu’a fait implicitement le tribunal.
125. Concernant les préjudices matériel, financier et moral, il a été vu que plus haut que deux fautes étaient retenues : le défaut de mention de la servitude dans le compromis de vente à la charge de la SAS [18] et l’information tardive du certificat d’urbanisme la révélant à la charge de Me [P].
126. Les pièces versées aux débats démontrent que la date prévue pour la réitération de l’acte authentique était fixée au 28 juillet 2011 et que ce n’est que le 26 juillet 2011, lorsque leur propre notaire a reçu le projet d’acte définitif, que les acquéreurs ont été avisés de l’existence de la servitude, alors que Me [P] avait en mains le certificat d’urbanisme depuis le 9 juin 2011.
127. À cette date, les consorts [O] avaient versé le prix de vente intégral chez le notaire rédacteur de l’acte, après avoir souscrit un prêt pour compléter leur apport personnel, et avaient libéré leur ancien logement, pensant emménager dès le 28 juillet (la possibilité que le bien soit libre d’occupation au mois de juillet avait été l’une des conditions qu’ils avaient posées à leur achat) en arrivant d’une autre région suite à une mutation professionnelle.
128. Ils ont donc dû, en toute précipitation : trouver un garde-meuble, loger à l’hôtel jusqu’à ce qu’ils trouvent un bien à louer, payer un loyer tout en remboursant leur prêt immobilier (son montant étant bloqué chez le notaire), puis, après déblocage des fonds suite au prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 3 janvier 2012, payer un second déménagement vers le nouveau bien qu’ils ont acquis.
129. Leur préjudice est justifié à hauteur des sommes suivantes :
— les honoraires versés en vain à leur propre notaire : 350 ' (préjudice déjà pris en compte par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013, somme réglée en totalité par les époux [G], de sorte qu’il reste un solde de 0 ')
— frais de garde-meubles (dont mise en dépôt et frais de sortie) : 2.006,89 ' pour la période du 27 juillet 2011 au 17 juillet 2012 (préjudice déjà partiellement pris en compte par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013 à hauteur de 454,48 ', somme réglée par les époux [G], de sorte qu’il reste un solde de 1.552,41 ')
— les loyers réglés du 19 août 2011 au 20 juillet 2012 : sans les fautes commises, les consorts [O] n’auraient pas payé de loyers mais amorti le prêt immobilier destiné à l’acquisition du bien, de sorte qu’ils ont exposé en pure perte la somme totale de 15.400 ' suivant quittances produites aux débats (préjudice déjà partiellement pris en compte par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013 à hauteur de 9.800 ', somme réglée par les époux [G], de sorte qu’il reste un solde de 5.600 ')
— les frais de déménagement : il est demandé le remboursement des frais du second déménagement (6.165,38 '). Les frais du premier déménagement, qui était nécessaire au projet d’achat, ont déjà été pris en compte partiellement par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013 à hauteur de 4.615,36 ', somme réglée par les époux [G], de sorte qu’il reste un solde de 1.550,02 '
— les frais de transports et d’hôtels : pendant trois semaines environ, des frais ont été engagés inutilement pour venir signer le compromis, finalement jusqu’à ce que soit trouvée une location. Une somme de 2.000 ' sera retenue à ce titre comme étant de nature à compenser le préjudice subi (préjudice déjà été pris en compte partiellement par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013 à hauteur de 1.500 ', somme réglée par les époux [G], de sorte qu’il reste un solde de 500 '
— les frais de cautionnement : les consorts [O] ont exposé des frais de cautionnement à hauteur de 1.823,40 ' à l’occasion de la souscription du prêt pour les besoins de l’acquisition
— les intérêts et cotisations d’assurance sur les prêts : les consorts [O] ont exposé des frais de cautionnement à hauteur de 3.856,38 ' à l’occasion de la souscription du prêt pour les besoins de l’acquisition
— la perte des intérêts sur le capital jusqu’à ce que le prix de vente ait été restitué : les loyers mis à la charge de la SAS [18] et de Me [P] compensent l’impossibilité d’user du bien dont le capital avait vocation à permettre l’acquisition, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à ce chef de demande
— les frais d’avocat : chaque procédure a donné lieu, séparément, à l’allocation de frais irrépétibles, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à ce chef de demande
— le préjudice moral : la déception des consorts [O] est à la hauteur de la perte de confiance envers des acteurs institutionnels de l’immobilier. Elle a engendré un stress lié à la nécessité de trouver rapidement une solution de repli, à un moment où Mme [N] était sur le point d’accoucher. Une somme de 3.000 ' sera de nature à compenser ce préjudice (préjudice déjà été pris en compte partiellement par l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 24 janvier 2013 à hauteur de 1.500 ', somme réglée par les époux [G], de sorte qu’il reste un solde de 1.500 '.
130. Le préjudice résiduel des consorts [O] est donc de 16.382,21 '.
131. Concernant la perte de chance d’être protégés par une clause pénale efficace, il a été vu (supra § 79 et suivants) que la SAS [18]
n’avait commis aucune faute à cet égard.
132. Concernant enfin la perte de chance liée au bien de [Localité 24], les consorts [O] rappellent avoir hésité entre l’achat de la maison des époux [G] et l’achat d’une autre maison visitée le 7 avril 2011, ce dont la SAS [18] était informée. Or, ils affirment avoir obtenu un rabais substantiel de 80.000 ' pour l’acquisition de la maison de [Localité 24] présentée au prix de 855.000 ' via l’agence [16], en charge de ladite vente puisque les vendeurs acceptaient une réduction de prix à 775.000 '. Ils estiment qu’en ayant été trompés par les mensonges des époux [G] et les fautes de l’agence immobilière, ils ont ainsi perdu la chance de faire l’acquisition de la maison de Vern et de bénéficier de cette remise de prix de 80.000 '.
133. Pour les consorts [O], ce sont les man’uvres de la SAS [18] (affichage d’un prix de vente gonflé, mensonge sur la servitude et les travaux) qui ont eu pour effet de faire échec à la vente de [Localité 24] sur laquelle un accord du prix à hauteur de 775.000 ' (soit inférieur au prix négocié avec les époux [G] à 795.000 ') aurait pu intervenir. Ces manquements leur ont donc fait perdre une chance d’acquérir la maison de Vern.
134. Contrairement à ce qu’indiquent les premiers juges, les consorts [O] ne plaident pas ici des man’uvres de la part de la SAS [18] spécialement destinées à faire avorter la négociation sur la maison de Vern et à les inciter à se positionner sur la maison de [Localité 15]. Ils font uniquement état du fait que le prix de vente initialement gonflé sur la maison de [Localité 15] a 'brouillé’ leur appréciation de la réalité et que la 'fausse’ remise sur cette maison leur a fait perdre l’opportunité de bénéficier d’une 'vraie’ remise sur celle de Vern.
135. Les consorts [O] se sont positionnés sur la maison de [Localité 15] par mail du 13 avril 2011 à 17h30 via la SAS [18] (proposition à hauteur de 800.000 ' frais de notaire et d’agence compris). Pour rappel, elle était présentée au public pour un prix de 850.000 ' honoraires de l’agence inclus.
136. Le même jour à 14h39, rappelant avoir visité une maison à [Localité 24] le 7 avril précédent, les consorts [O] avaient présenté, par l’intermédiaire de l’agence [16], une offre d’achat à hauteur de 820.000 ' acte en main, expirant le 20 avril 2011. La maison était en vente au public à 849.900 ' honoraires d’agence inclus. Le 18 avril 2011 à 14h50, M. [C] a retiré cette offre.
137. Suite à la contre-proposition des époux [G] (807.000 ' acte en main et libération de la maison au 15 juillet), les consorts [O] ont, par courriel du 18 avril 2011 à 12 h, transmis à la SAS [18] une nouvelle offre d’achat de 795.000 ' à la condition que les lieux soient libérés le 15 juillet, demandant une réponse avant 14 h. À 16h07, les consorts [O] proposent 800.000 '. À 18h22, la SAS [18] confirme l’accord des époux [G] à hauteur de 800.000 ' acte en main avec une signature au plus tard le 15 juillet 2015. Tout s’est joué dans la journée du 18 avril 2011.
138. La concomitance de ces courriers témoignent d’une franche hésitation des consorts [O] entre la maison de [Localité 15] et celle de Vern.
139. Les consorts [O] produisent un courrier du 26 mai 2014 de M. [Z] [K], propriétaire de la maison de Vern sur Seiche, indiquant qu’il avait accepté leur offre de 820.000 ' rapidement rétractée et qu’il avait depuis vendu son bien à un prix 'très nettement inférieur'.
140. Les consorts [O] ne raisonnent qu’en termes de bonne affaire ratée, à travers la remise qu’ils avaient selon eux vocation à retirer de la vente de la maison de Vern. Ils suggèrent que l’illusion d’une meilleure remise sur la maison de [Localité 15] leur a fait perdre cette opportunité.
141. Cette argumentation est des plus audacieuses : elle suppose le postulat selon lequel la remise sur la maison de [Localité 15] fût évidemment fallacieuse alors que celle consentie sur la maison de Vern fût nécessairement vraie. C’est oublier que le choix d’un bien immobilier répond à la rencontre d’une offre et d’une demande dans laquelle le prix ne fait pas tout.
142. Le choix des consorts [O] pour la maison de [Localité 15], sauf à les considérer comme obnubilés uniquement par le prix, a aussi bien pu correspondre à de multiples autres critères. D’ailleurs, ils ont très tôt abandonné la piste de Vern (le 13 avril 2011) à un moment où ils ne justifient pas être informés de la contre-proposition des époux [G] sur la maison de [Localité 15] (elle n’est évoquée que cinq jours plus tard).
143. La démonstration de la perte de chance n’étant pas faite, les consorts [O] seront déboutés de ce chef de demande.
Sur les appels en garantie et la contribution à la dette
144. La SAS [18] a contribué de façon prépondérante à la création des préjudices subis par les consorts [O]. Dans leurs rapports entre eux, la contribution à la dette sera de 80 % à la charge de l’agence et de 20 % à la charge du notaire, sans garantie l’un sur l’autre.
145. La cour rappelle que, par jugement du 1er février 2016, le tribunal de grande instance de Rennes, retenant une responsabilité des époux [G] à hauteur de 30 %, de la SAS [18] à hauteur de 50 % et de Me [P] à hauteur de 20 %, a :
— condamné la SAS [18] à garantir les époux [G] des condamnations (principal, frais, intérêts, dépens, article 700) prononcées contre eux par le jugement du 3 janvier 2012, l’arrêt du 24 janvier 2013 et l’arrêt rendu par la cour de cassation le 8 avril 2014, à hauteur de 50 %,
— condamné Me [P] à verser aux époux [G] la somme de 2.154,80 ' en réparation de leur préjudice.
146. Par arrêt du 27 juin 2019, la cour d’appel de Rennes a retenu l’existence de fautes commises par l’agence immobilière et le notaire mais a débouté les époux [G] de leurs demandes en garantie.
147. Compte tenu des fautes dolosives définitivement retenues à l’encontre des époux [G] puisque le pourvoi formé contre cet arrêt n’a pas prospéré, le recours en garantie de la SAS [18] contre les époux [G] sera accordé à concurrence de 30 %.
Sur les dépens
148. Le chef du jugement relatif aux dépens de première instance sera infirmé. La SAS [18] et Me [P], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel. Les avocats qui en ont fait la demande seront autorisés à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l’avance.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
149. Le chef du jugement relatif aux frais irrépétibles de première instance sera infirmé. La SAS [18] et Me [P], condamnées aux dépens, seront également condamnés in solidum à payer à M. [A] [C] et Mme [V] [N] la somme de 5.000 ' en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Déclare M. [A] [C] et Mme [V] [N] irrecevables en leur demande d’annulation du jugement,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 3 octobre 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rejette le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes d’indemnisation soulevé par la SAS [18],
Déclare la SAS [18] et Me [P] responsables des préjudices subis par M. [A] [C] et Mme [V] [N],
En conséquence,
Condamne in solidum la SAS [18] et Me [D] [P] à payer à M. [A] [C] et Mme [V] [N] la somme de 16.382,21 ' au titre de leur préjudice résiduel et déduction faite des sommes versées par M. [X] [G] et Mme [E] [G] née [M], se décomposant ainsi :
— 1.552,41 ' au titre des frais de garde-meubles,
— 5.600 ' au titre des loyers réglés du 19 août 2011 au 20 juillet 2012,
— 1.550,02 ' au titre des frais de déménagement,
— 500 ' au titre des frais de transports et d’hôtels,
— 1.823,40 ' au titre frais de cautionnement,
— 3.856,38 ' au titre des intérêts et cotisations d’assurance sur les prêts,
— 1.500 ' au titre du préjudice moral.
Déboute M. [A] [C] et Mme [V] [N] du surplus de leurs demandes d’indemnisation,
Dit que, dans leurs rapports entre eux, la contribution à la dette est de 80 % à la charge de la SAS [18] et de 20 % à la charge de Me [D] [P], sans recours en garantie l’un contre l’autre,
Condamne in solidum M. [X] [G] et Mme [E] [G] née [M] à garantir la SAS [18] des condamnations prononcées contre elle dans le présent arrêt à concurrence de 30 %,
Déboute la SAS [18] et Me [D] [P] de leurs demandes respectives en garantie,
Condamne in solidum la SAS [18] et Me [D] [P] aux dépens de première instance et d’appel,
Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils auraient fait l’avance,
Condamne in solidum la SAS [18] et Me [D] [P] à payer à M. [A] [C] et Mme [V] [N] la somme de 5.000 ' en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
Mme Bézier M. Bricogne
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