Cour d'appel de Toulouse, 13 octobre 2015, n° 15/00846

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 13 oct. 2015, n° 15/00846
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 15/00846
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 3 avril 2013, N° 10/03733

Sur les parties

Texte intégral

13/10/2015

ARRÊT N° 15/846

N°RG: 13/03677

XXX

Décision déférée du 04 Avril 2013 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 10/03733

M. AE

E H

Y H

C/

BC BD

Association DIOCESAINE DE TOULOUSE

AZ BK H épouse B

AF O épouse A

V W

AR O

AN AO

AZ-N O

AV AW

AX AY

J C

R I

AZ-BA H épouse Z

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE

***

APPELANTS

Monsieur E H

XXX

XXX

Monsieur Y H

XXX

XXX

Représentés par Me Francis NIDECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

assistés de Me Guy AZAM de la SELARL COTEG et AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur BC BD

XXX

XXX

Association DIOCESAINE DE TOULOUSE , prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentés par Me Y IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame AZ BK H épouse B

XXX

XXX

Réassignée le 05/01/15 à personne, sans avocat constitué

Madame AF O épouse A

XXX

XXX

assignée le 24.12.14 par acte remis à domicile, sans avocat constitué

Madame V W

XXX

XXX

Réassignée le 24/12/14 par acte déposé en étude, sans avocat constitué

Monsieur AR O

XXX

XXX

Réassigné le 24/12/14 à domicile, sans avocat constitué

Madame AN AO

XXX

XXX

Réassignée le 30/12/14 à domicile par acte remis à son fils, M. AO AU, sans avocat constitué

Madame AZ-N O

XXX

XXX

Réassigné le 24/12/14 à personne, sans avocat constitué

Madame AV AW

XXX

XXX

Réassignée le 30/12/14 par acte déposé en l’étude, sans avocat constitué

Madame AX AY

Le Regia A 301 – 153 Avenue AP Douzans

XXX

Réassignée le 09/01/15 (Procès verbal de recherche article 659 du code de procédure civile) sans avocat constitué

Monsieur J C

XXX

XXX

Réassigné le 30/12/14 à domicile par acte remis à son épouse, sans avocat constitué

Madame R I

XXX

XXX

Réassignée le 30/12/14 à personne, sans avocat constitué

Madame AZ-BA H épouse Z

XXX

XXX

Réassignée le 08/01/15 à personne, sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 23 Juin 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

E. GRAFMÜLLER, président

C. ROUGER, conseiller

C. DUCHAC, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée le 12.11.2013

ARRET :

— DEFAUT

— prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par E. GRAFMÜLLER, président, et par D. FOLTYN, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur D H aux terme d’un testament authentique reçu le 14 juin 2007 par Maître AP F et Maître BE BF, tous deux notaires à Toulouse, a consenti plusieurs legs particuliers aux personnes suivantes :

— l’Association diocésaine de Toulouse

— Monsieur Y H,

— Monsieur E H,

— Madame AF BH née O

— Madame N O

— Madame V O

— Monsieur AR O

— Madame AV AW

— Madame AZ BA H épouse Z

— Madame AN AO

— Madame BS AY

— Monsieur BC BV

— Monsieur J C

— Madame I.

Il a, notamment, légué à I’Association diocésaine de Toulouse sa maison et les valeurs mobilières qu’il détenait.

Monsieur D H est décédé à PINSAGUEL le XXX.

Ses héritiers sont, suivant un acte de notoriété dressé le 19 avril 2010 par Maître François Régis BF, notaire à Toulouse :

— Monsieur E H, son neveu

— Madame AZ BA H épouse Z, sa nièce

— Madame AZ BK H épouse B, sa petite nièce

— Monsieur Y H, son neveu.

Contestant la régularité du testament authentique reçu le 14 juin 2007 par Maître AP F et Maître BE BF, notaires, et réclamant son annulation, E H et Y H ont fait assigner l’Association diocésaine de TOULOUSE, AZ BA H épouse Z, AZ BK H épouse B, Monsieur BC BV, AF A née O, V W, AR O, AN AO, AZ N O, AV AW, AX AY, J C et Madame I devant le tribunal de grande instance de Toulouse.

Seuls l’Association diocésaine de Toulouse et BC BV ont constitué avocat.

Le 28 avril 2011, le juge de la mise en état a rejeté la demande de l’Association diocésaine de Toulouse, tendant à la désignation d’un administrateur pour gérer les biens dépendant de la succession.

Le 4 avril 2013 le tribunal de grande instance de Toulouse a :

— rejeté la demande de nullité du testament authentique du 14 juin 2007,

— déclaré sans objet les demandes reconventionnelles formées à titre subsidiaire,

— débouté les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum E H et Y H aux dépens.

* *

Le 25 juin 2013, E H et Y H ont relevé appel de cette décision.

Ils ont engagé une procédure d’inscription de faux à l’encontre du testament litigieux sur le fondement de l’article 306 du code de procédure civile, suivant acte déposé au greffe de la cour et notifié le 16 octobre 2013, avec mandat spécial.

Cette inscription de faux a été visée par le procureur BV le 12 novembre 2013.

AZ-BA H épouse Z, AZ BK H épouse B, AN AO, AV AW, AX AY, J C et Madame I , régulièrement assignés devant la cour par actes d’huissier en date des 17, 18 et 21 octobre 2013, n’ont pas comparu.

Le 17 juin 2014, la cour a :

— déclaré recevable E et Y H en leur inscription de faux incidente à l’encontre du testament authentique dressé le 14 juin 2007 par Maître AP F et Maître BE-BF, Notaires à TOULOUSE,

Avant dire droit sur l’incident de faux :

— ordonné l’audition par la cour de :

* Maître AP F, Notaire assicié, XXX,

* Maître BE-BF, Notaire, XXX, XXX

aux fins de recevoir leurs explications sur les conditions d’élaboration et de réception du testament authentique déclaré comme leur ayant été dicté le 14 juin 2007 à Portet sur Garonne par D H, en son vivant retraité, domicile XXX le XXX,

— dit qu’il sera procédé à cette audition le mardi 30 septembre 2014 à la Cour d’appel de Toulouse sur convocation par le Greffe de la 1re chambre 2e section,

— sursis à statuer sur le surplus des demandes,

— réservé les dépens.

Les deux notaires ont été entendus par procès verbal par la cour le 30 septembre 2014.

*

E et Y H demandent à la cour dans leurs dernières écritures visées le 16 décembre 2014, de :

— constater que les énonciations du testament authentique établi par Monsieur D H et reçu le 14 juin 2007 par Maître AP F, membre de la SCP GINESTY-F et Maître Bertrand BE BF membre de la SCP CHICHE--BE-BF, Notaires à Toulouse, ne sont pas conformes à la réalité,

— constater le faux,

— ordonner les mentions ordinaires en marge de l’acte reconnu faux,

En tout état de cause :

— condamner toute partie succombante à verser à E et Y H la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Francis NIDECKER, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur la mention de rédaction au moyen d’une machine à traitement de texte :

Ils soutiennent que l’affirmation continue dans le testament authentique, ainsi rédigé : ' ce testament a été écrit en entier par Maître AP F, l’un des notaires soussignés, au moyen d’une machine à traitement de texte, tel qu’il lui a été dicté par le testateur', est fausse ainsi qu’en atteste la présence de ratures et de modifications manuscrites sur l’acte. Ils font valoir que si l’acte avait été établi dans les conditions qu’il indique, les modifications nécessaires auraient été opérées au fur et à mesure de la dictée par le de cujus non de manière manuscrites mais dactylographiées dans le texte. Ils soutiennent que la présence même de rectifications et de suppression atteste de ce que le document a été préétabli pour être soumis au testateur afin qu’il le signe.

Ils soulignent que l’absence de réception de l’acte au moyen d’une machine à traitement de texte a été confirmée par Maître F et Maître BE-BF lors de leur audition par la Cour.

Ils font, également, valoir que le rédacteur ne peut s’exonérer de la fausseté des énonciations de l’acte au motif qu’il ne maîtrisait pas le traitement de texte à l’époque et expliquer que le 'chapeau’ de l’acte a été 'fait par des clercs’ ;

Sur la dictée :

Ils rappellent la teneur de mentions du testament qui à la première page de l’acte est ainsi rédigé : …' Lequel ( le testateur), sain d’esprit ainsi qu’il est apparu aux notaires, a dicté son testament de la manière suivante aux notaires soussignés : … ' et en page 4 de l’acte : '… Ce testament a été écrit en entier par Maître F, l’un des notaires soussignés au moyen d’un machine à traitement de texte, tel qu’il lui a été dicté par le testateur ; puis Maître F l’a lu au testateur, qui a déclaré le bien comprendre et reconnaître qu’il exprime exactement ses volontés…' ;

Ils soutiennent que le testament définitif n’a pas été établi sous la dictée de monsieur D H, en dépit de la mention suivant laquelle il aurait été 'écrit, en son entier (…) tel que dicté par le testateur'. Ils exposent qu’il est désormais établi que cet acte n’est en réalité que la reprise d’un document préétabli modifié sur certains points par le testateur mais nullement dicté entièrement par lui.

Ils font valoir que le projet a vraisemblablement d’abord été établi, non sur la foi des déclarations du testateur, mais sur celles d’un tiers, à savoir le curé T G. Ils relèvent que, par courrier adressé au de cujus le 6 février 2007, Maître F écrivait qu’il lui transmettait le projet de testament 'reprenant les volontés exprimées devant Monsieur le Curé T G'. Ils soutiennent que Maître F n’a pas su s’expliquer sur ce point lors de son audition, se bornant à indiquer que le curé G était toujours présent aux côtés de D H et qu’il jouait 'le rôle d’un agent de transmission'.

Ils maintiennent que le projet de testament, repris dans l’acte définitif, a été rédigé sur les indications fournies par un tiers, lequel est nommément désigné dans le courrier du 6 février 2007 et qui, au demeurant, se trouve être désigné dans l’acte définitif comme l’exécuteur testamentaire. Ils font valoir que les intimés ne sauraient prétendre que le testament a été rédigé sous la dictée du de cujus, alors qu’il reprend très largement le projet initial, seules quelques modifications mineures et quelques précisions venant distinguer le premier acte du second.

Ils signalent, qu’en tout état de cause, lors de leur audition, les notaires ont confirmé l’absence de dictée ; qu’ainsi, Maître BE-BF évoque une dictée qui aurait été effectuée 'quand le testateur a relu le document préparé et y a apporté des précisions, ce qui explique les rajouts et les ratures', mais précise que 'la dictée, c’était en fait, dans l’ordre, la lecture de deux documents, le collationnement, les rectifications, l’élaboration du document définitif avec les rajouts manuscrits, la relecture et, enfin, la validation par le testateur '.

Ils font, par ailleurs, valoir que certaines erreurs grossières, contenues tant dans le projet initial que dans l’acte définitif n’auraient pu demeurer si le testament avait été intégralement lu par le de cujus, tandis que le notaire le retranscrivait ; qu’ils précisent que s’agissant de la plaque commémorative mentionnant le don consenti par son épouse et lui-même, que le testateur voulait voir apposée dans l’église de Portet-sur-Garonne, le projet comme le testament indiquent que la plaque doit mentionner le don de 'Monsieur et Madame Y H', alors que le testateur se prénommait D. Ils s’étonnent des explications données par le notaire rédacteur sur ce point, lequel explique qu’il était 'plus préoccupé par les legs que par les directives qui n’auraient pas dû nécessairement se trouver dans un testament’ et conclue qu’il s’agit d’une 'erreur de plume'. Ils soulignent que toute dernière volonté, qu’elle ait ou non un aspect pécuniaire, a sa place dans un testament. Ils s’étonnent, en outre, qu’une telle 'erreur de plume’ ait pu échapper au de cujus pourtant décrit par les notaires comme une personne 'charismatique, intelligente, précise, autoritaire et déterminée'.

Ils relèvent, enfin, que l’acte indique avoir été rédigé à Portet-sur-Garonne, alors même que D H était domicilié à Pinsaguel et que les notaires sont tous deux domiciliés à Toulouse. Ils doutent de l’explication donnée par les notaires qui ont expliqué qu’il s’agissait là encore d’une coquille. Ils font, en effet, valoir que si, ainsi que l’a confirmé Maître F, le projet d’acte en cause a été préalablement rédigé en l’étude par un clerc, on perçoit mal la raison pour laquelle ce dernier en aurait situé la régularisation à Portet-sur-Garonne, cette commune n’ayant de lien ni avec le testateur ni avec les rédacteurs.

Sur la relecture :

Ils font état de la présence de nombreuses erreurs grossières dans l’acte authentique qui témoignent de l’absence de relecture de l’ensemble de l’acte. Ils soulignent, ainsi, que dans le projet, le testateur instituait l’Association diocésaine légataire universel, alors que dans l’acte authentique, le terme universel a été biffé et remplacé par celui de 'à titre particulier', tandis que la mention relative à la charge de délivrance a été laissée intacte et ce, alors même, que le légataire à titre particulier n’a pas la saisine ni la charge de délivrance des legs. Ils considèrent qu’une telle erreur, grossière pour un notaire, ne peut s’expliquer que par le fait que le testament est une reprise à l’identique du projet initial, estimant que cette situation révèle bien que le testament n’a pu être lu in extenso au testateur en présence des deux notaires. Ils soutiennent que si tel avait été le cas, ces erreurs auraient été relevées par le second notaire.

Ils rappellent, se fondant sur les dispositions des articles 972 à 974 et 1001 du code civil, que la méconnaissance des formalités auxquelles sont assujettis les testaments est sanctionnée par la nullité de l’acte. Ils soulignent que la Cour de cassation est d’une extrême rigueur s’agissant de l’interprétation de ces formalités, ainsi, elle a considéré qu’il n’y a pas dictée au sens de l’article 972 du code civil lorsque le notaire a préparé un projet dactylographié de testament, ensuite lu par le testateur, quand bien même le de cujus aurait fait part de vive voix de ses dernières volontés au notaire en présence des témoins (Cass. 1re civ. 29 juin 2011 n° 10-17.168).

Ils demandent, en conséquence, à la cour, sur le fondement des articles 1319 du code civil, 286 et 303 du code de procédure civile, de constater qu’ils sont bien fondés à s’inscrire en faux à l’égard du testament authentique reçu le 14 juin 2007 par Maître AP F et Maître Bertrand BE-BF, Notaires et qu’elle ordonne la mention ordinaire en marge de l’acte reconnu faux.

*

L’Association diocésaine de Toulouse et Monsieur BC BV demandent à la cour dans leurs ultimes écritures visées le 22 décembre 2014, de :

— confirmer le jugement du 4 avril 2013,

— débouter les appelants de leur demande en inscription de faux,

— les condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur la mention de rédaction au moyen d’une machine à traitement de texte :

Ils exposent que si le testament définitif n’a pas été reçu au moyen d’une machine à traitement de texte, Maître BE-BF a précisé que 'la matrice de l’acte a été faite par traitement de texte'. Ils soutiennent que la mention de ce que l’acte a été reçu au moyen d’une machine à traitement de texte n’est pas fausse, puisque l’établissement de cet acte s’est avéré complexe et a nécessité plusieurs rendez-vous et ainsi que les modifications ont été faite sur le document initial, établi en 2007.

Sur la dictée :

Ils contestent l’ensemble de ces éléments, en faisant valoir que rien dans les déclarations des notaires ou dans le dossier ne permet de considérer que le consentement de monsieur D H aurait été vicié ou encore orienté, les notaires précisant bien que le testateur était doté de toutes ses facultés mentales pour valablement exprimer son intention libérale.

Sur la relecture :

Ils exposent que les notaires ont certifié sous serment avoir donné lecture intégrale du testament, ceux-ci expliquant, concernant les erreurs invoquées par les consorts H, qu’il s’agissait de simples erreurs de plume de sorte que les mentions figurant à l’acte authentique ne présentent aucun degré de fausseté.

Ils rappellent qu’en l’état de la jurisprudence, les formalités de la dictée ou de la relecture n’ont plus d’incidence en pratique. Ils se fondent, notamment, sur un arrêt rendu le 12 juin 2014 par lequel la Cour de cassation considère que l’annulation d’un testament authentique pour non respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1873 ont été accomplies. Ils font valoir dans leur motivation que les conditions édictées par ladite convention sont remplies en l’espèce, de sorte que le testament en cause est considéré comme un testament international.

*

Réassignés devant la cour par actes d’huissier en date des 24 et 30 décembre 2014, ainsi que 5, 8 et 9 janvier 2015, AF O, V W, AR O, AZ-N O, Madame I, J C, AV AW, AN AO, AZ-BK H, AZ-BA H et AX AY n’ont pas comparu.

*

Le 26 mai 2015, le procureur BV a déclaré s’en rapporter à la décision de la cour.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que messieurs E et Y H ont assigné le 22 octobre 2010 les consort H, A, W, O, AO, AW, AY, C, I, l’Association Diocésaine de Toulouse et BC générale devant le tribunal de grande instance de Toulouse en nullité du testament authentique dressé le 14 juin 2007 par maître F et maître BE-BF, notaires à Toulouse ; que le tribunal a rejeté leur demande de nullité du testament authentique au motif que les demandeurs, n’ayant pas introduit une procédure spécifique d’inscription de faux, aucun des éléments de fait et de droit tels que développés par les intéressés ne pouvait affecter la force probante qui s’attache à l’acte authentique en application des articles 1319 et 1320 du code civil ;

Attendu que messieurs E et Y H ont formalisé devant la cour d’appel une inscription de faux incidente, qui a été déclarée recevable 17 juin 2014 ;

1 ) – Sur la procédure d’inscription de faux :

Attendu que le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins ; que si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l’un de ces notaires l’écrit lui même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement ; que s’il n’y a qu’un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; que dans l’un et l’autre cas, il doit en être donné lecture au testateur. Il est fait du tout mention expresse ; que ce testament doit être signé par le testateur en présence des témoins et du notaire ;

Que le testament authentique est donc un acte particulièrement formaliste, ce qui lui donne toute sa force probante et explique que font foi jusqu’à inscription de faux les énonciations de l’acte authentique selon lesquels le testateur a dicté au notaire son testament ; que l’irrégularité formelle du testament authentique est sanctionnée par la nullité absolue de l’acte ;

Attendu que les formalités imposées par la loi sont au nombre de cinq :

— le testateur doit dicter ses dernières volontés ;

l’action de dicter doit s’entendre par le fait de prononcer les mots qu’un autre écrit au fur et à mesure ; qu’il s’ensuit qu’un testament qui n’a pas été dicté, alors même qu’il aurait été écrit par le notaire conformément à la volonté du testateur clairement manifestée, est légalement nul ; qu’il est également nul si, en l’espèce, l’autre notaire, n’a pas été en mesure d’entendre la dictée de ses volontés faite par le testateur ; que ce dernier, pour établir son testament, peut s’aider de notes écrites ou même d’un projet établi à l’avance par lui-même ou par un tiers, pourvu qu’il en dicte les termes au notaire rédacteur en présence de l’autre notaire ;

— le notaire choisi écrit de manière manuscrite ou mécanique les volontés dictées par le testateur ou les fait écrire par un tiers ;

— le notaire lit le testament au testateur, qui vérifie ainsi que sa dictée a été fidèlement transcrite ;

— le notaire fait mention expresse dans l’acte de l’accomplissement des formalités ;

— le testateur, les témoins ou l’autre notaire, signent l’acte ;

Attendu que l’acte litigieux énonce qu’il a été dressé le 14 juin 2007 à Portet sur Garonne, par Maître AP F et Maître BE-BF, tous deux notaires à Toulouse, requis par le testateur, Monsieur D H, domicilié XXX, et précise : « lequel, sain d’esprit, ainsi qu’il est apparu aux notaires, a dicté son testament de la manière suivante aux notaires soussignés… ( suivent les dispositions testamentaires)… Ce testament a été écrit en entier par Maître AP F, l’un des notaires soussignés au moyen d’une machine à traitement de texte, tel qu’il lui a été dicté par le testateur ; puis Maître AP F l’a lu au testateur, qui a déclaré le bien comprendre et reconnaître qu’il exprime exactement ses volontés, le tout en présence simultanée et non interrompue de Maître BE-BF…

Dont acte, en minute, rédigé sur 4 pages, ne contenant aucun renvoi ni mot nul.

Fait et passé l’an DEUX MILLE SEPT Le QUATORZE JUIN A 15 heures à PORTET SUR GARONNE et après que Maître AP F, l’un des notaires soussignés, ait donné lecture en entier des présentes au testateur, sa signature et celle de Maître BE-BF ont été recueillies par Maître AP F qui a également signé.

Le tout en la présence réelle, simultanée et non interrompue de Maître AP F et de Maître BE-BF, notaires soussignés ».

Suivent les signatures et une mention manuscrite en marge, suivie elle-même de signatures : « trois lignes nulles deux mots nuls un renvoi » ;

Attendu qu’il ressort des pièces produites au débat que le 6 février 2007 Maître AP F a écrit à D H, domicilié à Pinsaguel :

«Cher Monsieur, Suite à notre conversation téléphonique, je vous prie de trouver sous ce pli un modèle de testament authentique. Ce dernier reprend les volontés que vous avez exprimées devant Monsieur le Curé T G. A la lecture de ce document, il apparaît opportun que vous fassiez le point sur la situation même de vos biens et sur leur exacte destination. C’est pourquoi, il est joint à ce courrier un extrait cadastral de ces derniers, afin que vous déterminiez avec précision les biens que vous envisageriez, semble-t-il, de léguer tant à l’association diocésaine de Toulouse qu’à la mairie de Pinsaguel. Nous restons à votre entière disposition pour prendre toutes les mesures nécessaires quant à l’aboutissement de votre projet. Je vous prie d’agréer….» ;

Qu’était joint à cette missive le « modèle de testament authentique », lequel est constitué par un document entièrement préparé, dactylographié, comportant le détail des dispositions testamentaires de D H, prévoyant certaines mentions à compléter (notamment les références cadastrales des biens immobiliers légués) l’institution de l’Association Diocésaine de Toulouse pour la paroisse de Portet comme légataire universel, à charge pour elle de délivrer les legs particuliers mobiliers énoncés, et comportant déjà les mentions relatives à la dictée du testament par le testateur, les modalités de sa rédaction par Maître F, la lecture, la présence simultanée et non interrompue d’un second notaire (le notaire initialement prévu était Maître X), la mention de l’absence de renvoi et de mot nul ;

Qu’il appert que ce document correspond pour l’essentiel au testament authentique contesté sous réserve de l’identité du second notaire et de modifications apportées de manière manuscrite, à savoir :

— la modification de la qualité de légataire de l’Association Diocésaine qui n’est plus mentionnée à titre universel mais à titre particulier, sans que la charge de délivrance de legs mobiliers particuliers ait quant à elle été modifiée,

— la rayure de certaines dispositions initialement prévues (argent en banque, casseroles)

— des précisions quant à la qualité de certains légataires

— l’ajout de certains légataires particuliers (AX CROSELLA, Monsieur C)

— l’ajout de biens légués à titre particulier (photo, bicyclette), ainsi que de modifications dactylographiées par rapport au projet initial :

— la modification de l’exécuteur testamentaire,

— la modification des dispositions relatives à la vente aux enchères de certains biens mobiliers,

— l’extension du legs particulier de la maison (dépendances, jardin et terres sans références cadastrales),

— la disparition du legs prévu initialement au profit de la mairie de PINSAGUEL ;

Que le testament authentique, tout comme le projet initial, comporte, par ailleurs, une erreur sur le prénom du testateur quant à la plaque commémorative devant être apposée dans l’église de Portet (Y au lieu de D) et sur le lieu de rédaction de l’acte, monsieur H ayant signé son testament non pas à Portet sur Garonne mais à Pinsaguel ;

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que maître F assisté d’un autre notaire, maître BE-BF, s’est rendu au domicile de monsieur D M recevoir ses volontés, sans avoir emporté un ordinateur et une imprimante, mais seulement muni du projet dactylographié préparé d’avance par maître F, légèrement modifié par rapport au précédent texte adressé antérieurement au testateur ;

Attendu qu’il appert des documents produits aux débats que monsieur D H n’a pas, en fait, légalement dicté ses volontés devant les deux notaires, dont l’un, maître BE-BF, était témoin de ses déclarations, mais seulement fait mentionner par maître F, dans le texte dactylographié d’avance en l’étude notariale par un clerc de l’étude, certaines modifications qu’il souhaitait y apporter, comme il est précisé ci-avant ;

Que cela est suffisamment établi par :

* la lecture de l’acte authentique litigieux, qui est la reprise quasi identique d’un document préétabli par le notaire, puis modifié sur certains points par le testateur mais nullement dicté entièrement et directement par lui le jour de la signature du testament ;

* les auditions le 30 septembre 2014 par la cour des deux notaires :

— maître BE-BF a expliqué que ' ..la dictée a été effectuée quand le testateur a relu le document préparé et y a apporté des précisions, ce qui explique les rajouts et les ratures… la dictée c’était en fait, dans l’ordre, la lecture de deux documents, le collationnement, les rectifications, l’élaboration du document définitif avec les rajouts manuscrits, la relecture et enfin la validation par le testateur….',

— maître F a précisé qu’ '… Il y avait un document pré-rempli mais on a repris ce document entièrement avec maître BE-BF, il y a eu des modifications faites à la main. Il lui a paru indispensable de relire ligne par ligne le document préparé et c’est dans le cadre de cette relecture qu’il a souhaité des modifications notamment quant à l’argent et à la nature du legs à l’association diocésaine transformé en legs particulier avec exclusion de la charge du passif. Il a soustrait du legs des liquidités. D’autres modifications ont été faites concernant les legs particuliers. Ces adjonctions ont été faites sous la dictée énonciative de nouvelles dispositions par M. H…' ;

Que ces déclarations démontrent clairement qu’il n’y a donc pas eu de véritable dictée de ses volontés par monsieur H, mais en fait une discussion sur les diverses modalités testimoniales, accompagné de précisions partielles, avec des biffages et rajouts, sur un document préparé à l’avance en l’étude de maître F à Toulouse ;

Attendu que la présence de nombreuses erreurs grossières dans l’acte authentique conforte ce constat, puisque certaines, n’ont même pas été réparées, ce qui laisse suspecter l’absence d’une dictée de la part du testateur, mais aussi d’une relecture in extenso par le notaire de l’ensemble de l’acte, ce qui aurait, assurément, alerté, en premier lieu, non seulement le testateur, tout particulièrement sur l’erreur manifeste du lieu de signature de l’acte ( Portet sur Garonne au lieu de la commune de Pinsaguel) ou encore de son prénom (Y au lieu de D) sur une plaque commémorative à placer dans l’église de Portet, sachant qu’il est reconnu qu’il était en pleine possession de ses capacités intellectuelles et spécialement qualifié par maître F de quelqu’un de méticuleux et d’autoritaire, mais aussi, en second lieu, l’autre notaire, maître BE-BF, notamment sur le maintien de la mention dactylographiée en page 4 de l’acte de l’absence 'de renvoi ni de mot nul', alors qu’il y en a à toutes les pages et, tout particulièrement, sur le maintien de la charge de la délivrance des legs à l’Association Diocésaine de Toulouse après biffage en page 1 de la mention de légataire universel par celle de légataire particulier, et ce, alors même, que le légataire à titre particulier n’a pas la saisine ni la charge de délivrance des legs ;

Attendu que l’obligation de dicter le testament est requise à peine de nullité ;

Que la cour estime, en conséquence, que la rédaction du testament établie le 14 juin 2007 ne répond pas aux exigences des articles 971 et suivants du code civil ; que l’acte doit être considéré comme un faux, ce qui fait qu’il encourt la nullité pour ces seuls motifs en application de l’article 1001 du code civil ;

Qu’il échet, dès lors, d’infirmer pour ces motifs le jugement entrepris ;

Attendu que l’Association Diocésaine de Toulouse et BC BV font état dans leur motivation, que l’annulation d’un testament authentique pour non respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1873 ont été accomplies ; que cette prétention n’étant pas reprise dans le dispositif de leurs dernières conclusions, comme le prescrit l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, il ne sera pas statué sur ce point ;

2 ) – Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Attendu que l’Association Diocésaine de Toulouse et BC BV qui succombent seront déboutés de leur prétention fondée à ce titre ;

Attendu qu’ils seront consécutivement condamnés in solidum à payer à messieurs E et Y H la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

3 ) – Sur les dépens :

Attendu que l’Association Diocésaine de Toulouse et BC BV sont tenus in solidum au paiement des entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de maître NIDECKER, avocat à la cour, au titre de l’article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

— Infirme le jugement déféré ;

— Statuant à nouveau ;

— Constate que le testament authentique dressé le 14 juin 2007 par maître AP F, notaire à Toulouse, est un faux ;

— Constate la nullité du testament authentique dressé le 14 juin 2007 par maître AP F, notaire à Toulouse ;

— Ordonne en application de l’article 310 du code de procédure civile que mention du présent arrêt soir rapportée en marge de l’acte reconnu faux ;

— Condamne l’Association Diocésaine de Toulouse et BC BV, in solidum, à payer à messieurs E et Y H la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— Condamne l’Association Diocésaine de Toulouse et BC BV, in solidum, au paiement des entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de maître NIDECKER, avocat à la cour au titre de l’article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

XXX

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Toulouse, 13 octobre 2015, n° 15/00846