Tribunal administratif de Nancy, 29 septembre 2017, n° 1600995

  • Retraite supplémentaire·
  • Directive·
  • Transposition·
  • Sécurité sociale·
  • Protection sociale complémentaire·
  • Provision·
  • Prévoyance·
  • Justice administrative·
  • Etats membres·
  • Régie

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Nancy, 29 sept. 2017, n° 1600995
Juridiction : Tribunal administratif de Nancy
Numéro : 1600995

Sur les parties

Texte intégral

Appel CAA ANC 2888 TRIBUNAL ADMINISTRATIF du 17/04/18 DE NANCY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 1600995

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. X

COPIEⓇ M. Z X

Rapporteur tribunal administratif de Nancy KRYSSOISONORE.

(2ème chambre) Mme A B

Rapporteur public

Audience du 21 septembre 2017

Lecture du 29 septembre 2017

60-02-01

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 avril 2016 et 20 janvier 2017, M. X, représenté par Me Tronel, demande au Tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 235 314 euros assortie des intérêts au taux légal avec anatocisme, en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de la transposition tardive et incomplète de l’article 8 la directive européenne n° 80-987 du 20 octobre 1980;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable car le juge consulaire n’a été saisi d’aucune réclamation dans

le même sens ;

- l’action n’est pas prescrite puisqu’il pouvait agir jusqu’au 31 décembre 2018; en ne respectant pas le délai de transcription de l’article 8 la directive n° 80-987 du

20 octobre 1980, l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et le préjudice qu’il subi est directement causé par cette faute; du fait de la mise en redressement judiciaire de la société Y en mars 2014 et de M

l’interruption du versement de sa pension de retraite, son préjudice est estimé à un montant de

235 314 euros; du fait de la transposition tardive et incomplète de la directive n° 80-987 du

20 octobre 1980, l’Etat a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité et le préjudice qu’il subi est directement causé par cette faute.

Par des mémoires enregistrés les 28 juillet 2016 et 27 février 2017, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. 1

A



N° 1600995 2

La ministre soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, à titre subsidiaire que les moyens de M. X ne sont pas fondés, à titre infiniment subsidiaire, que le montant du préjudice que ce dernier estime avoir subi doit être ramené à 11 765 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu:

- la directive n° 80/987/CEE du conseil du 20 octobre 1980;

- le code de la sécurité sociale; la loi n° 94-678 du 8 août 1994;

- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003; la loi n° 2003-1199 de financement de la sécurité sociale pour 2004 du

18 décembre 2003 ; le décret n° 2007-1903 du 26 décembre 2007;

- l’arrêt du 25 janvier 2007 de la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’affaire C-278/05 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X,

- les conclusions de Mme B, rapporteur public, et les observations de Me Robinet représentant M. X.

1. Considérant que M. X, retraité depuis le 1¹ juillet 2002 de la société Y, filiale du groupe U, percevait mensuellement une pension de retraite dans le cadre du régime de retraite supplémentaire géré à l’origine par l’institution de retraite U (IRUS) puis, en dernier par l’institution de gestion des retraites supplémentaires (IGRS), financée par des appels de fonds de ces derniers organismes auprès de son ancien employeur ; que la société Y ayant été placée en redressement judiciaire par un jugement du 7 mars 2014 du tribunal de commerce de Nanterre, le versement de la pension supplémentaire mensuelle que percevait M. X a été interrompu au mois d’avril 2014, la société Y n’étant plus en mesure de financer les appels de fonds nécessaires au financement des pensions correspondantes; que M. X, informé le 23 septembre 2016 par le mandataire judiciaire de la société Y du fait que l’actif disponible ne permettrait pas de le désintéresser de la créance qu’il détient à son encontre, soutient que le préjudice qu’il estime avoir subi et qu’il évalue au montant de cette créance, soit à la somme de 235 314 euros, est directement lié à une carence de l’Etat, qui n’a pas transposé dans le délai prescrit de manière complète l’article 8 de la directive communautaire du 20 octobre 1980 prévoyant la mise en place d’un dispositif d’assurance ou de garantie obligatoire des régimes de retraite supplémentaire en cas d’insolvabilité de l’employeur ;

Sur les conclusions indemnitaires :



N° 1600995 3

complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale. »; et qu’aux termes de l’article 11 de cette même directive : « 1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive dans un délai de trente-six mois à compter de sa notification (…) » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 941-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés : « I. – Les institutions paritaires autorisées à fonctionner à la date de publication de la loi n° 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés (…) qui ne relèvent pas du titre III du présent livre et qui, dans le cadre d’une entreprise, d’un groupe d’entreprises ou d’une branche professionnelle, versent des prestations de retraite s’ajoutant à celles qui sont servies par les institutions de retraite complémentaire définies à l’article L. 922-1 sont maintenues et sont régies par les dispositions du présent titre. Elles prennent la dénomination d’institutions de retraite supplémentaire. » ; qu’aux termes de l’article L. 941-2 du même code, dans sa rédaction également issue de la loi du 8 août 1994: Les institutions de retraite supplémentaire constituent des provisions représentées par des actifs équivalents pour couvrir les engagements qu’elles prennent à l’égard de leurs membres participants et des bénéficiaires.

La constitution des provisions peut être limitée à la couverture des engagements nés après la date de publication de la loi n° 94-678 du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés (…) » ; qu’aux termes de l’article 941-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : « Les institutions de retraite supplémentaire régies par le présent titre dans sa rédaction en vigueur à la date de publication de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, qui à cette date ne sont pas en cours de dissolution, doivent, avant le 31 décembre 2008, soit déposer une demande en vue de leur agrément en qualité d’institution de prévoyance relevant du titre III du livre IX ou en vue de leur fusion avec une institution de prévoyance agréée, soit se transformer, sans constitution d’une nouvelle personne morale, en institutions de gestion de retraite supplémentaire régies par le présent titre » ; qu’aux termes de l’article 11 de la loi du

18 décembre 2003 portant financement de la sécurité sociale pour 2004: «Jusqu’au 31 décembre 2009, les contributions des employeurs versées à une institution de retraite supplémentaire mentionnée à l’article L. 941-1 du code de la sécurité sociale, avant le dépôt de la demande d’agrément, la transformation en institution de gestion de retraite supplémentaire ou la dissolution volontaire de l’institution de retraite supplémentaire, ne sont soumises ni aux cotisations dont l’assiette est définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou à l’article L. 741-10 du code rural, ni aux contributions prévues à l’article L. 136-1 et au 2° du I de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale et à

l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, dès lors qu’elles ont pour objet de former des provisions destinées à couvrir des engagements de retraite évalués à la date de transformation de l’institution de retraite supplémentaire et au plus tard au 31 décembre 2008 (…) » ; qu’enfin, aux termes du VI de

l’article 116 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : (…) Un décret détermine les conditions dans lesquelles les institutions relevant du titre IV du livre IX du code de la sécurité sociale qui se transforment en institutions de gestion de retraite supplémentaire modifient, par voie d’accord collectif, leurs règlements afin de transférer à une institution de prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, à une entreprise

d’assurance régie par le code des assurances ou à une mutuelle régie par le titre II du code de la mutualité les provisions ou réserves qu’elles ont constituées (…) » ; que le décret du 26 décembre 2007 relatif au transfert par les institutions de gestion de retraite supplémentaire de leurs provisions ou réserves a précisé les modalités selon lesquelles les provisions et



N° 1600995

réserves de retraite constituées par les institutions de retraite supplémentaire devaient être transférées à une institution de prévoyance, à une entreprise d’assurance ou à une mutuelle ;

4. Considérant, en premier lieu, que s’il est constant que la transposition des dispositions susmentionnées de l’article 8 de la directive du 20 octobre 1980 n’a pas été effectuée dans le délai de 36 mois imparti aux Etats, il résulte toutefois de l’instruction que les exigences qu’elles posent doivent être regardées comme remplies en droit interne par les dispositions, mentionnées au point 3 de la loi du 8 août 1994 relative à la protection sociale complémentaire des salariés, par celles de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et de la loi du 18 décembre 2003 portant financement de la sécurité sociale pour 2004 ainsi que par celles du décret du 26 décembre 2007 relatif au transfert par les institutions de gestion de retraite supplémentaire de leurs provisions ou réserves ; que le contenu de l’ensemble de ces dispositions, qui visent à sécuriser progressivement les retraites supplémentaires

d’entreprise à compter de 1994 en prévoyant notamment la constitution de provisions et leur transfert à une institution de prévoyance, à une entreprise d’assurance ou à une mutuelle, a constitué le cadre juridique dans lequel s’est inscrite l’institution de retraite supplémentaire

(IRS) du groupe industriel U créée en 2005, transformée à partir de 2009 en institution de gestion de retraite supplémentaire (IGRS), jusqu’à la date de la liquidation de la société Y en

2014; que, dès lors, le seul dépassement du délai de transposition de l’article 8 précité de la directive du 20 octobre 1980 est sans lien avec le dommage de M. X, retraité à compter du 1er juillet 2002, du fait de l’interruption, à compter du mois d’avril 2014, de la perception de la retraite supplémentaire d’entreprise qui lui était servie depuis sa mise à la retraite au 1⁰ juillet 2002;

5. Considérant, en second lieu, qu’il résulte de la jurisprudence de Cour de justice de l’Union européenne, telle que posée par l’arrêt du 25 janvier 2007 dans l’affaire C-278/05 que : « En ce qui concerne l’article 8 de la directive (…) en raison de la généralité de ses termes, il confère aux Etats membres une large marge d’appréciation aux fins de la détermination du niveau de protection des droits à prestations. Dès lors, la responsabilité d’un Etat membre du fait d’une transposition incorrecte de cette disposition est subordonnée à la constatation d’une méconnaissance manifeste et grave, par cet Etat, des limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation. Afin de déterminer si cette condition est réunie, le juge national saisi d’une demande en réparation doit tenir compte de tous les éléments qui caractérisent la situation qui lui est soumise. Parmi ces éléments figurent, notamment, outre le degré de clarté et de précision de la règle violée et l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse aux autorités nationales, le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit (…) » ;

6. Considérant, à supposer que les mesures de transposition de l’article 8 de la directive du 20 octobre 1980 mentionnées au point 3 puissent être regardées comme incomplètes dans leur contenu applicable au litige, en raison tant de la marge d’appréciation laissée aux Etats membres dans le niveau de protection à accorder en application de cet article que de l’absence de caractère intentionnel de ces manquements supposés et des préjudices qu’ils auraient pu entraîner en l’absence d’erreur de droit inexcusable, que ces manquements ne sauraient suffire à eux seuls à établir la responsabilité de l’Etat français ;

7. Considérant, enfin, qu’il résulte de l’instruction qu’à la date de la mise en redressement judiciaire de la société Y, les provisions constituées pour le financement des retraites supplémentaires d’entreprises étaient inscrites dans la comptabilité d’entreprise et

n’avaient pas fait l’objet d’une externalisation, en méconnaissance des dispositions précitées



N° 1600995

de l’article 116 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et du décret du 26 décembre 2007 relatif au transfert par les institutions de gestion de retraite supplémentaire de leurs provisions ou réserves; qu’ainsi, et en tout état de cause, le préjudice allégué par M. Y ne trouve pas son origine dans le retard ou l’insuffisance de la transposition de l’article

8 de la directive du 20 octobre 1980, mais dans l’absence d’externalisation des provisions constituées par la société Y ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception de recours parallèle ni sur l’exception de prescription quadriennale opposées en défense, que les conclusions indemnitaires présentées par M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens

DECIDE:

Article 1 La requête de M. X est rejetée.:

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C Y et à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l’audience du 21 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Marti, président,
M. X, premier conseiller, M. Denizot, conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2017.

Le président, Le rapporteur,

D. Marti P. X

Le greffier,

E. Anny

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


1. D E F G

2. Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article 8 de la directive susvisée du 20 octobre 1980: « Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droit en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Nancy, 29 septembre 2017, n° 1600995