Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 janvier 2020, n° 19/02102

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Sur la décision

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/01/2020

N° de MINUTE : 20/16

N° RG 19/02102 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SI6D

Jugement (N° 15/00909) rendu le 20 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Douai

APPELANTS

Monsieur K X

né le […] à Douai

de nationalité française

résidence des tuileries

25/27 boulevard Bigo-Danel

[…]

Monsieur L C

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté par Me Jean-Pierre Congos, avocat au barreau de Douai constitué aux lieu et place de Me Brigitte Vandendaele, ancienne avocate au barreau de Douai

INTIMÉS

Monsieur Q U B

né le […] à […]

de nationalité française

1259, route nationale

[…]

Représenté par Me Manuel Buffetaud, avocat au barreau de Lille substitué par Me Iturra, avocat au barreau de Lille

Monsieur S V A

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté par Me Philippe Janneau, avocat au barreau de Douai constitué aux lieu et place de Me Philippe Tavernier, avocat au barreau de Douai

SA CNP Assurances

[…]

[…]

Représentée par Me Raphaël Thery, avocat au barreau de Douai

DÉBATS à l’audience publique du 20 novembre 2019 tenue par Benoît Pety, magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Hélène Chateau, première présidente de chambre

Benoît Pety, conseiller

Claire Bertin, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2020 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Hélène Château, président, et Harmony Poyteau, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 octobre 2019

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties':

Mme M Y a souscrit auprès de la SA CNP Assurances les trois contrats d’assurance-vie suivants':

'contrat Assurdix n°365 7133123 13 le 31 juillet 1988,

'contrat Excelius n°907 033445 17 conclu le 22 avril 1994 et

'contrat Valorys n°909 041192 02 conclu le 31 mars 1995.

Le 1er février 2006, elle adressait à CNP Assurances le message qui suit': «'Je voudrais ajouter les trois enfants de Mme X comme bénéficiaires sur les assurances-vie à mon décès': Mme N X née le […] comme usufruitière, Mme O C, née le […], M. L C né le […], M. K X né le […] comme nue-propriétaires pour […],

'Assurdix, contrat n°365 7131 23 13

'Excelius, contrat n°09703344517,

'Valorys, contrat n°90904119202

Auby, le 1er février 2006'».

La société CNP Assurances accusait réception de cette demande en écrivant le 23 février 2006 à Mme Y': «'Par lettre du 1er février 2006, vous avez souhaité modifier les clauses bénéficiaires de votre contrat. Ces clauses sont désormais rédigées de la façon suivante': Je désigne comme bénéficiaire(s) de la garantie décès': Mme N X, née le […] comme usufruitière, Mme O C née le […], M. L C né le […], M. K X né le […] en nue- propriété pour […]'».

Dans un second temps, le 19 juillet 2006, Mme Y demandait à effectuer un transfert Fourgous de son contrat Valorys vers un contrat Vivaccio. Elle optait pour une R bénéficiaire en cas de décès libre libellée comme suit':

«'Mme N X née le […] comme usufruitière, Mme O C née le […], M. L C né le […], M. K X né le […] en nue-propriété pour […], à défaut mes héritiers'».

Le 31 juillet 2006, Mme Y demandait à effectuer un transfert Fourgous de son contrat Excelius vers un contrat Vivaccio. A cet effet, elle optait pour une R bénéficiaire en cas de décès libre libellée comme suit': «'Mme N X, née le […] comme usufruitière, Mme O C née le […], M. L C né le […], M. K X né le […] en nue-propriété pour […], à défaut mes héritiers'».

Mme N X est décédée le […], laissant pour lui succéder M. L C, Mme O C et M. K X.

L’assurée, Mme Y, est quant à elle décédée le 5 juillet 2011. Elle laissait pour héritiers, selon attestation de maître Z du 6 août 2012':

Mme W AA F à concurrence de la moitié de la succession,

Mme P E veuve A à concurrence d’un quart,

M. Q B pour un quart.

Maître Z, notaire chargé de la succession de Mme Y, demandait le 19 septembre 2012 à CNP Assurances de régler les capitaux décès des contrats sus-visés à Mme O C ainsi qu’à MM. L C et K X.

CNP Assurances versait à maître Z une somme de 17'742,64 euros correspondant au règlement du contrat Assurdix n°365'713'123 13, l’invitant à inclure ce montant dans l’actif successoral de la défunte.

Parallèlement, CNP Assurances réglait une partie des capitaux décès des contrats Vivaccio comme suit':

Pour le contrat Vivaccio n°625'294 06'208, un quart à M. B (soit 1660,52 euros) le 26 décembre 2012 et un autre quart (même montant) à M. A le 10 juillet 2013 (il restait à régler la moitié du capital),

Pour le contrat Vivaccio n°626'303'601 02, un quart à M. B (soit 4'260,52 euros) le 26 décembre 2012 et un quatre quart (même montant) à M. A le 10 juillet 2013 (il restait encore à régler la moitié du capital).

Les montants restant dus qui doivent être réglés aux héritiers de Mme Y ne l’ont pas été en considération du litige en cours. CNP Assurances a en effet opposé un refus de règlement le 12 juillet 2013 à la demande de maître Z, en indiquant que MM. L C et K X ainsi que Mme O C n’étaient pas bénéficiaires des contrats Vivaccio, ceux-ci devant revenir aux héritiers de la défunte. Le 23 juillet 2013, le notaire informait la société CNP Assurances de ce qu’il interrogeait le Cridon et il demandait à l’assureur, dans cette attente, de ne pas libérer les fonds.

Le 1er août 2013, CNP Assurances indiquait qu’il avait l’obligation de régler le capital dans un délai maximum d’un mois suivant la réception du dossier complet et que, de ce fait, une partie des fonds avait déjà été versée aux héritiers.

Le Cridon rendait son avis par courrier du 19 août 2013 en indiquant que le prédécès de l’usufruitière rendait caduque sa désignation, son usufruit n’ayant jamais pu s’ouvrir. Les héritiers nus propriétaires recevaient nécessairement le contrat en pleine propriété faute d’usufruit ouvert sur la tête d’un tiers. Il n’était pas possible de considérer que le contrat était sans bénéficiaire dans la mesure où les enfants avaient bien été nommément désignés, les dispositions de l’article L. 132-11 du code des assurances étant donc inapplicables.

CNP Assurances a maintenu son interprétation, à savoir que pour être bénéficiaire d’une assurance, il faut exister au moment du décès de l’assuré. Mme N X étant décédée avant l’assurée, le bénéfice du contrat revient au bénéficiaire par défaut. S’il n’y en a pas de désigné, les capitaux reviennent à la succession du cocontractant. En conséquence, compte tenu du prédécès de Mme N X, désignée usufruitière dans les contrats Vivaccio de Mme Y, la R démembrée est devenue caduque et les capitaux décès doivent être versés aux bénéficiaires de second rang, c’est-à-dire aux héritiers de l’assurée.

Le 3 juin 2014, M. K X a mis en demeure CNP Assurances de lui adresser une copie des contrats litigieux avec avenant et de lui faire officiellement part de sa position. Dès le 7 juillet 2014, CNP Assurances répondait être soumise au devoir de réserve et de discrétion vis-à-vis des assurés. Elle ne pouvait dès lors communiquer de copie de contrat, sauf en exécution d’une ordonnance de référé.

Le 1er août 2014, MM. X et C faisaient assigner la société CNP Assurances devant le magistrat des référés au tribunal de grande instance de Douai aux fins de voir condamner cette personne morale à leur communiquer les contrats Vivaccio n°625'294 06'208 et n°625'303'601 02, les éventuels avenants modifiant les clauses bénéficiaires et les justificatifs de l’information et accord des bénéficiaires sur ces modifications, le tout sous astreinte de 1'000 euros par jour de retard, outre 3'500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 17 novembre 2014, le juge des référés ordonnait à la société CNP Assurances de communiquer les pièces demandées, le tout dans les quinze jours sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes d’adhésion aux contrats Vivaccio, contenant chacune le libellé d’une R bénéficiaire libre inchangée depuis les souscriptions, étaient transmises dès décembre 2014 au conseil de MM. X et C.

Pa acte du 30 avril 2015, MM. X et C ont fait assigner la société CNP Assurances devant le tribunal de grande instance de Douai aux fins d’obtenir le paiement des sommes placées sur les comptes.

Par actes du 28 décembre 2015, la société CNP Assurances a fait assigner MM. B et A en intervention forcée, les procédures ayant été jointes.

Par jugement du 20 avril 2017, le tribunal de grande instance de Douai a :

— Débouté MM. X et C de l’ensemble de leurs demandes,

— Rejeté toute demande plus ample ou contraire,

— Condamné la société CNP Assurances à payer à MM. B et A la somme de 800 euros chacun conformément à l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamné MM. X et C aux dépens.

MM. C et X ont interjeté appel de ce jugement, intimant uniquement la SA CNP Assurances. Par actes du 20septembre 2017, cette dernière faisait assigner en appel provoqué MM. A et B.

* * * *

MM. C et X demandent par voie d’infirmation à la cour de':

— Dire que la volonté clairement exprimée et non équivoque du souscripteur, Mme Y, est exclusivement celle exprimée par la mention manuscrite figurant aux contrats, comme demandé dans la lettre du 1er février 2006 récapitulée et acceptée par CNP Assurances dans sa correspondance du 22 février 2006,

— Dire que la mention imprimée du formulaire «'à défaut mes héritiers'» ne représente pas la volonté clairement exprimée et non équivoque du souscripteur et s’interprète contre l’assureur comme tout contrat d’adhésion,

— Dire que l’assureur ne peut modifier par insertion d’une R imprimée les clauses manuscrites du souscripteur assuré, claires et non équivoques, qui désignent les bénéficiaires, le contrat d’assurance vie constituant une stipulation pour autrui dans laquelle l’assureur est un tiers qui n’a pas qualité à agir,

— Dire en conséquence que les appelants sont bénéficiaires desdits contrats et que CNP Assurances doit les régler comme cela a été fait pour le contrat Assurdix dans lequel aucun bénéficiaire par défaut n’a été désigné,

— Subsidiairement, dire que la mention imprimée «'à défaut mes héritiers'» n’implique pas la caducité de la désignation comme bénéficiaires irrévocables de MM. X et C, du fait du prédécès

de l’usufruitière, le démembrement n’étant constitué qu’au jour du décès de l’assuré souscripteur,

— Condamner CNP Assurances à leur payer’les sommes de :

' au titre du nominal des contrats':

— contrat n°625'294'062 08 du 19 juillet 2006': 5'902,02 euros,

— contrat n°625'303'601 02 du 31 juillet 2006': 15'117,92 euros,

soit une somme nominale de 21'019,94 euros avec intérêts moratoires légaux à compter du jour du décès du souscripteur,

' au titre de la valorisation des contrats jusqu’à production aux débats des comptes définitifs au jour du décès du souscripteur': 40'000 euros de dommages et intérêts compensatoires,

' au titre de la mauvaise foi, de la résistance abusive et vexatoire de CNP Assurances': 10'000 euros de dommages et intérêts,

au titre de l’article 700 du code de procédure civile': 4'000 euros.

Pour MM. C et X, la volonté du souscripteur est claire et non équivoque. Mme Y a souhaité modifier les clauses bénéficiaires de trois contrats et elle écrivait en ce sens à CNP Assurances. Les demandeurs n’ont pas obtenu la communication de cette lettre. Il appartient à l’assureur de la produire. Le courrier de réponse du 23 février 2006 adressé par CNP Assurances à Mme Y ne reprend aucune mention imprimée ou dactylographiée «'A défaut mes héritiers'». L’assureur a alors préparé deux contrats Vivaccio comportant un cadre imprimé dans lequel l’assuré souscripteur doit désigner les bénéficiaires. Mme Y a rempli ce cadre de façon manuscrite en cochant la case «'R libre'». La mention «'à défaut mes héritiers'» constitue un ajout qui modifie potentiellement la R de libéralité. Cette page en outre n’est pas paraphée. Elle est inopposable au souscripteur qui a exprimé clairement sa volonté dans la lettre du 1er février 2006. Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, la mention «'à défaut mes héritiers'» imposée par l’assureur dans le cadre «'R libre'» n’exprime pas la volonté de Mme Y même si elle n’a pas été barrée. Dans les contrats d’adhésion, les clauses pré-rédigées s’interprètent contre celui qui les a rédigées. En outre, le contrat d’assurances constitue une stipulation pour autrui où l’assureur est un tiers. Il ne peut intervenir pour modifier en quoi que ce soit une R ici de libéralité, sauf à dénaturer la volonté du stipulant.

C’est donc à titre subsidiaire que MM. C et X font valoir que la R bénéficiaire contestée ne peut rendre caduque la désignation expresse des bénéficiaires en nue-propriété pour prédécès du bénéficiaire en usufruit contrairement à ce qu’a tranché le premier juge. Le démembrement d’une assurance-vie n’intervient qu’au jour du décès non pas du bénéficiaire mais de l’assuré. En l’occurrence, au jour du décès de l’usufruitière, le démembrement n’avait pas eu lieu. Le bénéficiaire en nue-propriété devient le bénéficiaire de la totalité du bien. Il n’y a aucune caducité de la désignation des bénéficiaires en nue-propriété, aucun texte ne le prévoyant.

* * * *

La SA CNP Assurances sollicite pour sa part de la cour qu’elle':

A titre principal,

— Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— Déclare les prétentions de MM. X et C, relatives aux dommages et intérêts du chef des prétendues fautes de l’assureur irrecevables et à tout le moins les déboute de leurs demandes,

— Déclare MM. X et C de l’intégralité de leurs demandes,

— Condamne MM. X et C à verser à CNP Assurances une somme de 3'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

A titre subsidiaire,

— Déclare recevables et fondés les appels provoqués dirigés contre MM. A et B,

— Dise que c’est en toute bonne foi que CNP Assurances a versé les fonds provenant des assurances-vie de Mme Y à MM. B et A,

— En application des dispositions de l’article L. 132-25 du code des assurances et 1240 ancien du code civil, dise ce paiement libératoire à l’égard de CNP Assurances,

— En cas de condamnation de CNP Assurances, dise que MM. B et A devront relever et garantir CNP Assurances de toutes condamnations prononcées à son encontre,

— Dise que MM. B et A rembourseront directement les capitaux décès à MM. X et C,

— Dise qu’il appartiendra à MM. K X, L C, Q B et R A d’accomplir auprès de l’administration fiscale les démarches et déclarations nécessaires,

— Déclare les prétentions de MM. X et C, relatives aux dommages et intérêts du chef de prétendues fautes de l’assureur à concurrence de 10'000 euros irrecevables et à tout le moins les déboute,

— Déboute MM. X et C de l’intégralité de leurs demandes,

— Déboute MM. B et A de toutes leurs demandes,

A titre infiniment subsidiaire, en cas de condamnation de CNP Assurances à quelques sommes que ce soit au titre des contrats d’assurance de Mme Y,

Dise que MM. A et B seront tenus de restituer à CNP Assurances les montants reçus en exécution desdits contrats, soit les sommes de':

— pour M. B': 1'660,52 euros au titre du contrat 625 29406208, 4'260,52 euros au titre du contrat 625 30360102, soit une somme totale en principal de 5'923,04 euros,

— pour M. A': 1'660,52 euros au titre du contrat 625 29406208, 4'260,51 euros au titre du contrat 625 30360102, soit la somme totale en principal de 5'923,03 euros,

Dise que tout versement des capitaux décès sera subordonnée à l’envoi du dossier de demande de prestation, comportant lune liste de pièces à fournir et notamment un certificat d’acquittement ou de non exigibilité des droits de mutation par décès, conformément aux dispositions de l’article 806 III du code général des impôts,

Condamne MM. B et A aux dépens de l’instance,

Les déboute de l’intégralité de leurs demandes,

Déboute MM. X et C de leurs demandes.

Pour la société CNP Assurances, Mme Y a manifesté une volonté claire et univoque de désigner ses héritiers en qualité de bénéficiaires subsidiaires de ses contrats Vivaccio. Elle a signé les 19 et 31 juillet 2006 deux demandes d’adhésion Vivaccio par transferts Fourgous. Elle a ainsi procédé au rachat total de ses contrats Valorys et Excelius et transféré les fonds inscrits sur ces contrats sur deux contrats Vivaccio. Elle a procédé à une nouvelle désignation de bénéficiaires en cas de décès, les clauses bénéficiaires des contrats Valorys et Excelius étant devenues caduques. Pour l’assureur, il s’agit bien de deux nouveaux contrats établis les 19 et 31 juillet 2006. Elle a dans les deux cas coché la case «'R libre'» qui comportait un emplacement vide et se terminait par la mention pré-imprimée «'à défaut mes héritiers'». La comparaison du courrier du 1er juillet 2006 et des deux demandes d’adhésion des 19 et 31 juillet 2006 le démontre. L’emplacement vide a été rempli de manière manuscrite et Mme Y n’a pas barré la mention pré-imprimée «'à défaut mes héritiers'». C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que cela reflétait la volonté de l’assurée. La mention pré-imprimée non barrée complète la mention manuscrite de Mme Y. D le contraire consisterait à dénaturer le contrat. En présence de dispositions claires, il n’y a rien à interpréter. Pour CNP Assurances, si Mme Y avait vraiment voulu favoriser les descendants de Mme N X plutôt que ses propres héritiers, elle n’aurait pas eu recours au démembrement de la propriété des capitaux décès et aurait désigné les descendants de la bénéficiaire à défaut de leur mère.

L’assureur ajoute qu’en cas de décès du seul bénéficiaire en usufruit avant le décès de l’assuré, les bénéficiaires en nue-propriété ne deviennent pas pour autant bénéficiaires de la totalité des sommes. Si le bénéficiaire en usufruit décède, il ne peut y avoir démembrement. Pour autant, l’assurée n’a jamais stipulé qu’en ce cas, les bénéficiaires en nue-propriété deviendraient alors bénéficiaires en pleine propriété. Cela n’a pas été écrit. L’attribution du bénéfice d’une assurance-vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l’existence du bénéficiaire à l’époque de l’exigibilité du capital. A défaut, elle est caduque comme l’a jugé le tribunal de grande instance de Douai conformément à l’article L. 132-9 du code des assurances.

Pour ce qui relève des sommes réclamées, la dévolution de Mme Y a été établie par maître Z, les héritiers de la défunte étant Mme W-AA F, décédée le […], Mme E veuve A, décédée le […] et M. B. CNP Assurances a versé le 26 décembre 2012 à M. B la somme de 1'660,52 euros en application du contrat 625 24906208 et celle de 4'260,52 euros en application du contrat 625 03060102. M. S A a reçu le 10 juillet 2013 les mêmes sommes. Il est l’unique héritier de Mme P E. CNP Assurances reste donc devoir la moitié des capitaux décès aux héritiers de Mme F, règlement non opéré en raison du présent litige. Les captures d’écran transmises par l’assureur démontrent la réalité des sommes avancées par CNP Assurances.

Relativement aux demandes de dommages et intérêts dirigées à son encontre, la société d’assurances réfute toute mauvaise foi, l’assureur n’ayant aucun intérêt à privilégier l’un plutôt que l’autre. Aucune faute n’est ici démontrée, ni aucun préjudice en lien de causalité.

La prétendue violation du devoir de conseil alléguée par MM. X et C est irrecevable en ce qu’elle est nouvelle en cause d’appel. CNP assurances conteste en toute hypothèse la commission d’un tel manquement. Elle n’a fait qu’enregistrer les clauses bénéficiaires libres de Mme Y telles qu’elle les a écrites, que ce soit de manière manuscrite ou en partie manuscrite et en partie pré-imprimée. En tous les cas, il est sûr pour CNP Assurances qu’en présence ou non de la R subsidiaire querellée, le capital ne pouvait pas être versé aux nus propriétaires désignés, du fait de la caducité de la R démembrée. L’assureur est de parfaite bonne foi et il n’a commis aucune faute. D’autre part, MM. X et C sont tiers aux contrats d’assurance-vie souscrits entre

l’assurée et l’assureur. Ils ne peuvent invoquer aucun manquement à une obligation d’information ou de conseil envers l’assureur. Les appelants sont ainsi sans qualité à agir et leur action est irrecevable. C’est du reste la Banque Postale, intermédiaire en assurance, qui a proposé et aidé à la conclusion des contrats d’assurance-vie. Le devoir d’information et de conseil relève ainsi de la seule responsabilité de cet intermédiaire. Le préjudice invoqué n’est de surcroît pas explicité.

A titre subsidiaire, en cas de condamnation de CNP Assurances, cette personne morale, qui rappelle que c’est en toute bonne foi qu’elle a versé partie des fonds à MM. A et B, paiements qui sont libératoires conformément aux articles L. 132-25 du code des assurances et 1240 du code civil. L’assureur n’a ici commis aucune faute dans la gestion de ces dossiers. Elle ne peut être condamnée à payer une seconde fois les capitaux décès. A titre subsidiaire, l’assureur entend se retourner à l’encontre des héritiers auxquels des fonds ont été remis. Si MM. B et A lui opposent la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances, CNP Assurances rappelle que ce n’est pas en considération des contrats d’assurance-vie qu’elle les a appelés en garantie mais bien en vertu d’un paiement effectué de bonne foi, libératoire et de prescription légale. L’article L. 114-1 du code des assurances est en cela inopérant en l’espèce. C’est donc la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil qui s’applique. En toute hypothèse, le point de départ de la prescription correspond au jour de la notification de la présente décision qui désignerait les bénéficiaires en nue-propriété comme devant recevoir les fonds en lieu et place des deux héritiers désignés ci-dessus. Le délai démarre au jour de la découverte du caractère indu du versement initial. Les appels en garantie sont donc parfaitement recevables et nullement prescrits.

CNP Assurances demande donc en pareilles circonstances que soient reconnues les conditions de la répétition de l’indu, CNP Assurances n’ayant jamais eu la moindre intention libérale envers MM. B et A. Elle s’est crue obligée de régler les capitaux décès à deux héritiers de Mme G, lesquels n’ont jamais remis en cause la réception des sommes réclamées.

* * * *

M. B demande à la cour de':

A titre principal,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Douai le 20 avril 2017,

A titre subsidiaire,

Dire prescrite l’action en répétition de l’indu formée par la SA CNP Assurances à son encontre,

En conséquence, la débouter de l’ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire, et uniquement si l’action de CNP Assurances était déclarée recevable,

Dire que la SA CNP Assurances a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à l’égard de M. B,

La condamner à ce titre à l’indemniser à concurrence de la somme de 5'936,88 euros au titre du préjudice subi,

En tout état de cause,

Condamner la SA CNP Assurances à payer à M. B la somme de 3'000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l’instance.

M. B énonce à titre principal qu’à l’âge de 80 Ans, il n’a jamais rien revendiqué dans la succession de sa cousine au 4e degré. Comme M. A, il a eu l’heureuse surprise d’apprendre par la SA CNP Assurances qu’il était pour partie bénéficiaire de contrats d’assurance-vie, ce qu’il ignorait jusqu’alors. Il s’en rapporte sur l’argumentation dévéloppée par CNP Assurances pour justifier qu’elle ait dénié les droits aujourd’hui revendiqués par les consorts X et C.

A titre subsidiaire, M. B énonce que si la cour venait à réformer le jugement déféré, il conviendrait alors de constater que l’ensemble des demandes formulées par la SA CNP Assurances à son égard se heurtent à la prescription de l’article L. 114-1 du code des assurances. Il a été réglé des sommes litigieuses le 15 juillet 2013 après avoir été informé de ses droits par l’assureur le 22 mai 2013. CNP Assurances, actionné par le notaire, connaissait la position du Cridon sur les revendications juridiques des consorts X et C depuis août 2013. Il appartenait à l’assureur d’interrompre la prescription biennale au plus tard le 15 juillet 2015. M. B qu’il n’a été assigné que par acte du 28 décembre 2015 de sorte que l’assureur est prescrit. La prescription spéciale dérogeant à celle de droit commun, l’action de l’assureur est bien prescrite dans le délai de deux ans.

A titre infiniment subsidiaire, si l’action en répétition de l’indu de CNP Assurances était déclarée recevable, la cour retiendra que l’assureur a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard du défendeur. M. B estime qu’il n’a rien à se reprocher, les interprétations de l’assureur étant la seule cause du contentieux. S’il doit être condamné à restituer ce qu’on l’a invité à recevoir, cela démontrerait le caractère hasardeux de l’analyse juridique de CNP Assurances. La faute de cette société serait alors démontrée, le préjudice du défendeur consistant à devoir restituer des sommes perçues en 2013. Pourtant, l’assureur était bien conscient des difficultés liées à l’interprétation de la R bénéficiaire. Il a pris le parti d’adopter une position différente de celle du Cridon. C’est un risque qu’elle doit assumer. CNP Assurances aurait dû s’abstenir de verser les fonds et de se comporter en séquestre dans l’attente qu’une juridiction tranche la difficulté. CNP Assurances devait en outre avertir M. B de l’éventualité d’une action en justice pouvant aboutir à la restitution des fonds. Elle l’a laissé disposer des fonds durant trois années. La situation actuelle de M. H est bien due à la négligence fautive de l’assureur qui sera le cas échéant condamné à lui verser la somme de 5'936,88 euros à titre de dommages et intérêts, ce qui correspond aux sommes perçues au titre des contrats d’assurance-vie.

* * * *

M. A sollicite de la juridiction du second degré qu’elle':

A titre principal,

Dise l’action de CNP Assurances prescrite à son encontre en application de l’article L. 114-1 du code des assurances,

A titre subsidiaire,

Déboute CNP Assurances de son appel en garantie faute de lien juridique entre le demandeur à l’action principale constituée par M. X et M. C et le défendeur,

En tout état de cause,

Déboute CNP Assurance de ses demandes formulées dans le cadre d’une répétition de l’indu en application des dispositions de l’article 1377 du code civil,

Faisant droit à l’appel incident du défendeur, condamne CNP Assurances à réparer le préjudice subi par M. A par l’allocation d’une somme de 5'000 euros de dommages et intérêts sur le

fondement de l’article 1382 ancien du code civil devenu l’article 1240, et ce à raison d’une procédure abusive et vexatoire,

Condamne CNP Assurances à lui verser la somme de 5'000 euros conformément à l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour M. A, et contrairement à ce que soutient la société CNP Assurances, l’action en garantie de cette dernière dérive bien d’un contrat d’assurance. Le défendeur ignorait tout des contrats en question. Il a reçu le 22 mai 2013 un contrat de l’assureur l’informant de ce que Mme Y avait souhaité lui transmettre un capital. Il s’est donc vu verser une somme de 5'940,95 euros du chef de Mme Y. Il n’a bénéficié d’aucun autre renseignement de la part de l’assureur. Ce dernier l’a attrait par acte d’assignation du 28 décembre 2015 alors que le versement contesté l’a été le 15 juillet 2013. Le délai de deux ans était donc bien expiré à la date de l’assignation.

Sur la question liée au prédécès de l’usufruitière, M. A fait siennes les explications données par CNP Assurances.

Sur la bonne foi de l’assureur, M. A rappelle comme en première instance que le demandeur en garantie demeure partie principale à l’égard de l’appelé en garantie et cela ne crée pas de lien juridique entre le demandeur à l’action principale et le garant. Ainsi, CNP Assurances doit être déclarée irrecevable en sa demande tendant à voir condamner le défendeur à rembourser directement les capitaux décès à MM. X et C.

Sur la demande en répétition de l’indu, M. A rappelle que CNP Assurances a procédé au versement des capitaux décès malgré les demandes de maître Z, malgré l’avis du Cridon, se croyant dans l’obligation de régler ces fonds. Le défendeur se dit victime du comportement de l’assureur. Il n’a jamais rien réclamé puisqu’il ne connaissait pas l’existence des contrats souscrits par Mme Y. Outre la prescription de l’action de CNP Assurances, M. A entend obtenir de CNP Assurances le versement d’une somme de 5'000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

* * * *

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 22 octobre 2019.

* * * *

Motifs de la décision':

Sur l’identification des bénéficiaires des capitaux d’assurances-vie':

Attendu que MM. X et C contestent la remise par la SA CNP Assurances de partie du capital en provenance des deux contrats d’assurance-vie Vivaccio souscrits courant février 2006 par Mme I, fonds virés au bénéfice de deux héritiers de l’assurée défunte, MM. B et A';

Qu’ils considèrent de surcroît que le prédécès de leur mère, Mme N X, bénéficiaire en usufruit de ces deux contrats d’assurance-vie ne peut avoir pour conséquence d’éluder les nus propriétaires de la répartition des capitaux décès, l’acte de disposition de Mme I ayant de surcroît été modifié par l’assureur dans la mesure où l’intéressée n’a jamais émis l’intention de désigner des bénéficiaires subsidiaires en la personne de ses héritiers';

Que, sur le grief des demandeurs principaux tenant à la prétendue disparition de la nue-propriété suite au décès de Mme N X préalablement à l’assurée, et se fondant sur l’avis du

Cridon Nord-Est, s’il est acquis au sens de l’article L. 132-9 alinéa 4 du code des assurances que l’attribution du bénéfice d’une assurance sur la vie est présumée faite sous la condition de l’existence du bénéficiaire à l’époque de l''exigibilité du capital, circonstances de la présente espèce, il est constant que l’usufruit dont bénéficiait Mme X n’a jamais été porté à son effectivité en raison du prédécès de l’intéressée et il faut assurément considérer que cet usufruit est caduc';

Que, pour autant, il ne peut être retenu que les trois nus propriétaires désignés par Mme Y voient leurs droits également anéantis suite au décès de l’usufruitière, le démembrement de la propriété étant réputé n’avoir pas été réalisé au jour où le capital décès est devenu exigible, les nus propriétaires devant recevoir ces fonds en pleine propriété dès lors qu’ils ont bien été désignés comme tels par la disposante, le démembrement de la R bénéficiaire démontrant de manière nette que Mme Y a entendu favoriser dans un premier temps Mme N X sans pour autant compromettre les droits des trois enfants de cette dernière selon une répartition strictement égalitaire, le capital devant en toute hypothèse leur revenir au décès de l’usufruitier';

Que la caducité globale que le premier juge a attachée à ce qui n’était qu’une caducité d’un usufruit ne relève d’aucune disposition conventionnelle ni moins encore d’une disposition légale ou réglementaire explicitée par l’assureur si bien que c’est à tort que le premier juge a tiré du décès de l’usufruitière des conséquences exclusives pour les autres bénéficiaires des contrats d’assurance-vie de Mme Y, de telles conclusions étant excessives;

Que, sans qu’il soit utile d’analyser le second grief articulé par MM. C et X, la cour considère que le capital des deux contrats d’assurance-vie Vivaccio 625'294'062 08 et 625'303'601 02 doit revenir aux consorts X-C, à concurrence d’un tiers chacun';

Qu’il n’est pas contesté que MM. B et A ont chacun reçu une somme de 1'660,52 euros au titre du contrat 625'294'062 08 et de 4'260,52 euros au titre du contrat 625'303'601 02, ce qui représente pour chacun un quart des sommes versées par CNP Assurances au titre de chaque contrat';

Qu’il s’ensuit que la somme à partager pour chaque contrat est respectivement de 6'642,08 et de 17'042,08 euros ;

Que MM. X et C limitent toutefois leurs prétentions au montant nominal en y ajoutant une demande indemnitaire de 40'000 euros au titre de la valorisation des contrats jusqu’à la production par l’assureur des comptes définitifs au jour du décès du souscripteur';

Qu’il n’est cependant pas établi que la SA CNP Assurances qui transmet des captures d’écran mentionnant lors des transferts Fourgous des relevés pour les deux contrats Valorys et Excelius avec les sommes respectives de 5'902,02 euros et de 15'117,92 euros, sommes dont chacun des demandeurs percevra la proportion d’un tiers, c’est-à-dire 1'967,34 et 5'039,31 euros chacun, que cette société d’assurances ait agi de mauvaise foi';

Que la SA CNP Assurances sera ainsi condamnée, sous réserve du respect des dispositions fiscales applicables, à payer ces sommes à chacun des deux demandeurs, outre les intérêts au taux légal non pas à compter du décès de l’assurée ayant souscrit les contrats d’assurance-vie (l’assureur étant tenu au versement des fonds aux bénéficiaires dans le mois de la constitution du dossier) mais du refus opposé par lui à la demande explicite de versement des fonds exprimée par le notaire, maître Z';

Que ces intérêts compensent de manière utile le retard pris dans le versement des fonds à MM. X et C sans qu’il soit justifié de le compenser plus amplement, la somme de 40'000 euros à titre de dommages et intérêts réclamée par ces derniers n’étant pas justifiée’et en cela rejetée';

Que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté MM. X et C de leur demande de remise des fonds versés sur les contrats d’assurance-vie de Mme Y’mais confirmé

en sa disposition rejetant leurs demandes de dommages et intérêts compensatoires';

Attendu, sur leur demande indemnitaire connexe aux fins de paiement par l’assureur d’une somme supplémentaire de 10'000 euros à titre de dommages et intérêts, qu’il doit être précisé qu’en leur qualité de tiers aux contrats d’assurance-vie, la SA CNP Assurances n’était débitrice à leur égard d’aucun devoir de conseil de sorte qu’aucun manquement ne peut lui être reproché à ce titre';

Qu’en effet, la qualité de bénéficiaire désigné dans une R de contrat d’assurance-vie ne confère pas à la personne ainsi dénommée la qualité de partie audit contrat';

Qu’en outre, l’ajout reproché par les deux bénéficiaires appelants à l’assureur quant à la désignation des héritiers n’est pas utilement démontré dès lors qu’il s’avère que Mme Y a bien complété un formulaire remis par CNP Assurances sans biffer la mention dactylographiée litigieuse de sorte que toute manipulation frauduleuse imputée à l’assureur s’avère purement hypothétique et n’est en toute hypothèse pas établie avec certitude';

Qu’aucune créance de dommages et intérêts ne peut en cela être reconnue aux appelants principaux de ces chefs, lesquelles seront déboutés de leur prétention indemnitaire à cette fin’et la décision querellée confirmée de ce chef';

Sur l’action en répétition de l’indu dirigée par CNP Assurances contre MM. A et B':

Attendu que la SA CNP Assurances entend se retourner contre les deux héritiers de Mme Y auxquels elle a versé des fonds provenant de deux des contrats d’assurance-vie souscrits par cette dernière, l’assureur exposant que, dans la perspective d’une reconnaissance du bénéfice des produits de ces contrats en faveur des demandeurs appelants, les héritiers seraient réputés avoir reçu les fonds de manière indue et ils auraient alors l’obligation de les lui restituer';

Que MM. A et B opposent toutefois à l’assureur la prescription de son action au visa de l’article L. 114-1 du code des assurances, l’action de l’assureur ayant été engagée postérieurement à l’expiration du délai de deux ans';

Que s’il est acquis et non discutable que le contexte du présent litige relève bien de l’exécution de deux contrats d’assurance-vie, l’action subsidiaire engagée par CNP Assurances a pour objet la restitution de sommes indues, action qui n’est pas soumisse à la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances mais bien à celle quinquennale de l’article 2224 du code civil de sorte que la recevabilité de l’action de l’assureur ne saurait être utilement remise en cause, le point de départ du délai correspondant à la date du présent arrêt qui infirmant de ce chef le jugement entrepris, considère que les fonds en provenance des deux contrats d’assurance-vie doivent revenir aux bénéficiaires désignés dans ces actes et non aux héritiers, ce qui caractérise alors la nature indue des versements opérés en 2012 et 2013 en faveur de MM. B et A';

Attendu, sur le fond de l’action de l’assureur contre les deux héritiers, qu’il n’est pas sérieusement discutable que la désignation par la cour des bénéficiaires des fonds placés sur les contrats d’assurance-vie de Mme Y, à savoir les trois bénéficiaires mentionnés dans ces contrats, invalide les versements initialement opérés par CNP Assurances en faveur des héritiers, les sommes versées par l’assureur n’étant ainsi pas dues à MM. B et A';

Qu’il en résulte, sans autre condition juridique nécessaire, que ces derniers doivent restituer à CNP Assurances les sommes que cette personne morale leur a versées en 2012 et 2013, c’est-à-dire les sommes de 1'660,52 et 4'260,52 euros chacun';

Attendu, sur les demandes indemnitaires formées reconventionnellement par MM. A et B, qu’il faut constater que ce dernier forme contre l’assureur une demande en paiement d’une

somme équivalente aux montants à rembourser, estimant que CNP Assurances lui a versé les fonds alors que l’assureur était conscient de la difficulté d’interprétation des contrats d’assurance-vie et qu’il a choisi de retenir une position différente de celle développée par le Cridon';

Que, quelle que soit la position adoptée par l’assureur, les données de l’espèce révèlent que la société CNP Assurances eût été bien inspirée de saisir le magistrat des référés aux fins de se voir autoriser à verser les fonds provenant des contrats d’assurance-vie sur un compte séquestre dans l’attente de la résolution du litige et de prévenir ainsi toute difficulté en avertissant tous les protagonistes de sa position afin de susciter leurs observations';

Qu’il y a bien là de la part de l’assureur une légèreté blâmable avec laquelle ce dernier a agi, la remise des fonds aux héritiers qui doivent aujourd’hui les restituer engendrant pour eux un préjudice dont seul M. B pourrait être indemnisé, M. A T pour sa part d’une mauvaise foi de l’assureur et du caractère abusif de sa procédure, ce qui n’est pas établi en l’état du litige qui ne révèle qu’une négligence de la part de CNP Assurances sans que cela puisse dégénérer en intention de nuire ou en mauvaise foi';

Que toutefois M. B, qui fait état de difficultés pour maintenir une trésorerie suffisante pour restituer les fonds, ne produit cependant aucun justificatif en ce sens, ne serait-ce qu’un relevé de compte bancaire, de sorte que le préjudice qu’il dit éprouver à ce jour n’est pas établi, le demandeur reconventionnel étant ainsi débouté de sa prétention indemnitaire';

Sur les frais irrépétibles':

Attendu que l’équité ne peut justifier les créances d’indemnité de procédure arrêtées par le premier juge en faveur de MM. B et A, lesquels doivent être déboutés de leurs demandes formées devant le premier juge au visa de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement dont appel étant en cela infirmé';

Que cette considération commande de fixer au profit uniquement de MM. X et C une indemnité de procédure de 3'000 euros chacun, la société CNP Assurances étant débitrice de ces sommes et le jugement déféré infirmé de ces chefs';

Qu’aucune considération d’équité ne commande de faire droit aux demandes formées par la SA CNP Assurances ainsi que MM. B et A au visa de l’article 700 du code de procédure civile, ces prétentions étant rejetées'

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions’sauf celles par lesquelles le premier juge a débouté MM. C et X de leurs demandes de dommages et intérêts (40'000 et 10'000 euros) dirigées contre la SA CNP Assurances, ces dispositions étant confirmées';

Prononçant à nouveau,

Condamne la SA CNP Assurances à payer, sous réserve du respect des dispositions fiscales applicables, à MM. X et C chacun les sommes de 1'967,34 et 5'039,31 euros en leur qualité de bénéficiaires des contrats d’assurance-vie n°625'294'062 08 et 625'303'601 02 souscrits par Mme Y, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013';

Condamne MM. A et B à restituer à la SA CNP Assurances les sommes de 1'660,52 et 4'260,52 euros que cette société d’assurances a versées indûment à chacun d’eux en leur qualité

d’héritiers de Mme Y et au titre des contrats d’assurance-vie n°625'294'062 08 et 625'303'601 08 souscrits par cette dernière';

Déboute MM. B et A de leurs demandes de dommages et intérêts dirigées contre la SA CNP Assurances';

Condamne la SA CNP Assurances ainsi que MM. A et B aux dépens de première instance et d’appel dans les proportions suivantes':

— CNP Assurances': ½,

— MM. A et B': ¼ chacun';

Condamne la SA CNP Assurances à verser à MM. X et C la somme de 3'000 euros chacun conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 janvier 2020, n° 19/02102