Cour d'appel de Lyon, 30 juin 2008, n° 07/04811

  • Sociétés·
  • Licenciement·
  • Faute lourde·
  • Lettre·
  • Construction·
  • Préavis·
  • Véhicule·
  • Entretien·
  • Travail·
  • Indemnité compensatrice

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 30 juin 2008, n° 07/04811
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 07/04811
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 17 juin 2007, N° F06/00454

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

XXX

R.G : 07/04811

EURL L I

C/

X

APPEL D’UNE DECISION DU :

Conseil de Prud’hommes de LYON

du 18 Juin 2007

RG : F06/00454

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 30 JUIN 2008

APPELANTE :

SOCIETE L I (EURL) prise en la personne de son représentant légal en exercice

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Christian BIGEARD, avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur M X

XXX

XXX

représenté par Me Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUEES LE : 06 Décembre 2007

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Mai 2008

Présidée par Monsieur Didier JOLY, Président, assisté de Madame Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller, tous deux magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Melle Marion RUGGERI-GUIRAUDOU, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Didier JOLY, Président

Madame P-Pierre GUIGUE, Conseiller

Madame Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Juin 2008 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Mademoiselle Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur M X a été engagé par la société L I, constructeur de maisons individuelles, à compter du 5 mars 2003 en qualité de technico-commercial. Le lieu de travail est le siège social à BRIGNAIS ainsi que les différents chantiers. La rémunération est composée d’une rémunération mensuelle brute égale à 1 555,59 euros, et une rémunération variable, soit une commission de 1 % net sur le H.T. : congés inclus ; l’objectif contractuel est : 'd’une vente de maison individuelle par mois minimum: mener à bien l’exécution et le suivi des chantiers'.

Par un avenant au contrat de travail en date du 5 février 2004, l’employeur s’est engagé à 'mettre en place un véhicule de tourisme de fonction d’un maximum de 7 CV et atteste prendre en charge l’assurance et d’en assumer l’entretien en échange de l’abandon des commissions de 1 % sur ventes du 05/05/03 à ce jour et à venir en respectant l’objectif préalablement cité au contrat'.

Par un courrier recommandé expédié le 24 janvier 2006, daté du 23 janvier 2006, la société L I a notifié à monsieur X son licenciement pour faute lourde en ces termes :

'Nous faisons suite à notre lettre de convocation à entretien préalable avec mise à pied conservatoire qui vous a été adressée le 9 janvier 2006 pour un entretien du 17 janvier 2006 auquel vous ne vous êtes pas présenté, sans nous en avertir au préalable.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute lourde.

En effet, nous venons d’être informés par nos fournisseurs de matériaux et prestataires habituels, que sous couvert de votre emploi de technico-commercial à temps complet, vous passiez des commandes en direct, ou directement pour le compte de particuliers, en faisant état de votre appartenance à la société pour bénéficier de nos tarifs et conditions, mais pour des chantiers non traités par notre société.

Nos partenaires fournisseurs nous ont notamment précisé que des commandes passées par votre intermédiaire avec l’appartenance à la société L I et donc avec des conditions avantageuses correspondantes, avaient été réglées directement par les clients ou par des chèques émanant de votre épouse, madame P-Q R.

Autrement dit, vous réalisez, avec les moyens et matériels mis à votre disposition par l’entreprise, des constructions de maison sans nous en avertir et sans faire régulariser de contrat de construction de maison individuelle L I par vos prospects.

De tels faits, constitutifs de concurrence déloyale, sont inadmissibles et révèlent votre intention de nuire à la société.

Nous réservons d’ailleurs nos droits quant à une éventuelle action indemnitaire de ce chef.

Nous ignorons à ce jour l’ampleur de ces détournements de clientèle mais avons d’ores et déjà identifié les chantiers suivants :

Vous avez notamment agi de la sorte pour le chantier de monsieur Y que vous nous avez présenté, qui est venu au bureau et pour lequel nous avons fait faire des projets de plans par notre dessinateur.

Or, et de manière surprenante, monsieur Y n’a jamais conclu de contrat avec la société.

Nous en comprenons à présent mieux les raisons dans la mesure où vous avez délibérément court-circuité la société L I, réalisé les commandes en direct, fait livrer les matériaux (commandés à nos conditions) et assuré vous-même le suivi de ce chantier en cours de réalisation.

Vous avez encore agi de la sorte pour le chantier de monsieur Z à propos duquel et toujours sans nous en informer et sans faire signer de contrat au client, vous avez fait intervenir, aux fins de chiffrage de travaux, des artisans sous-traitants habituels de votre employeur.

Les faits précités de détournement de clientèle et de concurrence déloyale nuisent gravement à l’image de notre société et sont causals d’un préjudice économique en raison des chantiers non effectués par la société.

De tels agissements rendent bien entendu impossible votre maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis, notre confiance ayant été abusée.'

Dès le 31 janvier 2006, l’avocat de monsieur X a écrit à la société L I pour s’inscrire en faux sur les termes de la lettre de licenciement et pour s’étonner de la mention d’une lettre de convocation à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire qui lui aurait été adressée et qu’il n’a pas reçue.

Ce conseil a saisi le Conseil de prud’hommes pour le compte de monsieur X, le 6 février 2006, aux fins de la condamnation de la société L I à lui payer les sommes suivantes :

—  30 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— mémoire au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— mémoire au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

— mémoire à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

—  3 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par un jugement rendu sur le dernier état des demandes, en date du 18 juin 2007, le Conseil de prud’hommes a dit que le licenciement est abusif, dénué de toute cause réelle et sérieuse et, de surcroît entaché d’une irrégularité de procédure (absence de convocation à l’entretien préalable), et a condamné la société L I à payer à monsieur X les sommes suivantes :

—  2 540,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

—  1 143,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement

—  7 622,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  762,20 euros au titre des congés payés sur préavis,

—  3 073,00 euros en deniers ou quittances, à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2006,

outre intérêts au taux légal à compter du 9 février 2006 ;

—  500 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

—  2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l’article L 122-14-5 du Code du travail,

outre intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement ;

—  500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement a été notifié à la société L I le 20 juin 2007. Celle-ci a déclaré faire appel le 17 juillet 2007.

Vu les conclusions de la société L I, soutenues oralement à l’audience, tendant à l’infirmation du jugement et au rejet des demandes de monsieur X, et, formant une demande reconventionnelle en paiement d’une part des sommes, de 1 840,06 euros pour frais de réparation du véhicule de fonction, de 100 euros au titre des frais de nettoyage et de 135 euros en remboursement d’une amende pour excès de vitesse, d’autre part de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle maintient les termes de la lettre de licenciement, qualifiant le comportement de monsieur X, de véritable intention de nuire et soutient qu’elle a adressé à monsieur X, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 janvier 2006, une convocation à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour le 17 janvier 2006 à 9H30 au siège de la société, avec mise à pied conservatoire.

Elle estime rapporter la preuve de la réception de ce courrier par le salarié par les éléments suivants :

— les attestations concordantes de messieurs A et B selon lesquelles monsieur X était en possession de la lettre de convocation à l’entretien du 17 janvier 2006 ;

— l’arrêt de travail initial prescrit par le docteur C le 17 janvier 2006 jusqu’au 20 janvier 2006, qui constitue un curieux hasard,

et conclut à la validité de la procédure.

Elle soutient qu’elle établit les faits reprochés, exposant qu’au surplus, elle a appris que le détournement de prospects existait depuis longtemps.

Sur la demande en paiement du salaire du mois de janvier 2006, elle déclare que ce salaire a été réglé jusqu’à la date de la mise à pied conservatoire.

Vu les conclusions de monsieur X, soutenues oralement à l’audience, tendant à la confirmation du jugement sur, l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l’irrégularité de la procédure et la condamnation à lui payer des sommes au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis ainsi que du salaire de janvier 2006, et à la réformation pour le surplus.

Il demande la condamnation de la société L I à lui payer les sommes suivantes :

—  7 622,00 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

—  30 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

—  10 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du Code civil, pour comportement déloyal de la société L I au moment de la rupture du contrat de travail,

—  3 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes.

Monsieur X maintient qu’il n’a jamais reçu la moindre lettre recommandée, motif pour lequel il ne s’est pas rendu à l’entretien préalable. Il conteste les attestations de monsieur A, de monsieur N O et de monsieur B : pour le premier, il dénie l’avoir rencontré le 13 janvier 2006 et lui avoir dit qu’il devait recevoir une convocation, pour le deuxième, il fait valoir que l’attestation ne donne aucune précision, et pour le troisième, il déclare que le témoignage est mensonger.

Sur les faits de détournement de clientèle et de concurrence déloyale, il conteste l’existence de ces faits dont il fait observer qu’ils ne sont pas datés.

Il déclare que 'la société L I ne démontre pas qu’elle aurait formellement interdit à monsieur X de passer des commandes pendant la durée de l’exécution de son contrat de travail pour le compte de particuliers ou en faisant bénéficier ces derniers de tarifs et des conditions tarifaires de la société L I concernant des travaux non traités par la société L I'.

Il expose que monsieur Y est un ami personnel qui n’a jamais entendu acquérir une maison individuelle de la société L I, comme monsieur Z ; qu’il n’a jamais réalisé la moindre commande ou suivi de chantier.

Il ajoute que les faits faux qui lui sont reprochés sont bien antérieurs de plus de deux mois à la lettre de licenciement et se trouvent donc prescrits.

Il s’oppose à la demande reconventionnelle de la société L I.

DISCUSSION

SUR L’IRREGULARITE DE LA PROCEDURE

EN DROIT

L’article L 1232-2 du Code du travail (ancien article L 122-14) dispose que la convocation à l’entretien préalable est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. L’absence de preuve de l’envoi de la lettre recommandée, comme l’absence de récépissé de remise en main propre de la lettre de convocation ne peuvent être suppléées par des témoignages.

A défaut de respect de ces dispositions, la procédure de licenciement est irrégulière.

EN FAIT

La société L I produit une télécopie d’une lettre de convocation à un entretien préalable, datée du 9 janvier 2006 sans le justificatif de l’envoi de la lettre en recommandé et sans récépissé de remise en main propre : la procédure est en conséquence irrégulière sans qu’il y ait lieu d’examiner les attestations versées aux débats. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Le défaut de convocation à l’entretien préalable est un manquement particulièrement grave puisqu’il prive le salarié de la possibilité de s’expliquer, avec l’assistance d’une personne, et supprime de fait, le délai de réflexion de l’employeur. La violation de ces règles d’ordre public cause nécessairement un préjudice au salarié qu’il convient de réparer par une indemnité de 1 500 euros, outre intérêts à compter du jugement sur la somme de 500 euros et à compter de l’arrêt sur la somme de totale de 1 500 euros. Le jugement sera réformé sur ce point.

SUR LE LICENCIEMENT POUR FAUTE LOURDE

EN DROIT

Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du Code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

La faute lourde rend également nécessaire la rupture immédiate du contrat de travail ; elle est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise ; la faute lourde est non seulement privative du préavis et des indemnités de licenciement mais de l’indemnité compensatrice de congés payés en application de l’article L 3141-26 du Code du travail.

L’article L 1332-4 du Code du travail pose le principe qu’aucun agissement fautif, ne peut donner lieu, à lui seul, à des poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

EN FAIT

La lettre de licenciement reproche au salarié le détournement de clientèle et la concurrence déloyale révélés par les fournisseurs de matériaux et prestataires habituels, illustrés par deux exemples : monsieur X passe des commandes en direct par les particuliers ou pour le compte de particuliers en faisant état de son appartenance à la société pour bénéficier des tarifs et conditions de la société, ce qui signifie qu’il réalise avec les moyens et matériels mis à sa disposition des constructions de maison.

Le premier exemple est celui de monsieur Y pour lequel le dessinateur de la société L I aurait fait des projets de plans, sans conclure de contrat de construction de maison individuelle.

Le second exemple est celui de monsieur Z, pour la construction duquel monsieur X aurait fait chiffrer des travaux par des artisans sous-traitants habituels de la société.

Le fait pour monsieur X d’acheter pour son propre compte des matériaux de construction en bénéficiant des tarifs et conditions consentis à la société L I par les fournisseurs, et ce, en sa qualité de salarié de ladite société, ne constitue pas une faute.

Sur le dossier Y

La société L I produit les plans d’une villa, signés de monsieur D architecte et de monsieur Y le 29 janvier 2004. Monsieur A atteste, le 16 janvier 2006, de ce qu’il a rencontré monsieur Y dans le bureau de la société L I, pour des relations commerciales, ce que confirme monsieur E (sur papier à en-tête de FRANCHEVILLE MATERIAUX) : il atteste le 16 janvier 2006, avoir vu monsieur Y aux établissements I à BRIGNAIS. 'Cette personne était à la recherche d’un constructeur de maison individuelle pour un projet sur la région.'

La société JC CHARPENTE a établi un devis en date du 21 avril 2005 pour la pose d’une charpente couverture pour le client : Mr et Mme Y d’un montant de 12 194,81 euros. Monsieur F, gérant de cette société atteste le 6 janvier 2006 que monsieur X lui a demandé un devis pour un chantier Y sans passer par L I. Monsieur F a délivré à monsieur X une attestation le 24 avril 2008 (monsieur X est depuis le 11 juillet 2006 gérant de la société MARIMI 'études et constructions’ dont l’activité est la maîtrise d’oeuvre, la coordination et la gestion de chantiers,), qui confirme que monsieur X lui a demandé faire le devis à un prix qui n’avait rien à voir avec les prix pratiqués par la société L I, pour monsieur Y, personne de confiance qui ne voulait pas passer par un constructeur.

La société PLM, PLANCHERS ET MATERIAUX LYONNAIS atteste, le 9 décembre 2005, qu’elle a livré tous les matériaux de construction gros oeuvre pour le chantier Y, commandés par monsieur X aux conditions tarifaires de la société VILLA I.

Monsieur G, dirigeant de la société CECIM DAUPHINE atteste, le 18 janvier 2007, de ce que monsieur X lui a donné un rendez-vous dans un café à BRIGNAIS pour lui remettre un dossier à chiffrer aux conditions habituelles consenties aux L I, pour le chantier Y, en lui demandant de lui remettre le chiffrage en main propre. Il ajoute : 'ceci ne m’a pas semblé anormal puisqu’il avait l’habitude de traiter les commandes de charpentes avec ma société. Par la suite, j’ai appris que cette charpente, dont monsieur M X m’avait passé commande, étant en réalité détournée de la clientèle de L I. Il précise que le même chiffrage lui a été demandé pour monsieur H, mais qu’il lui a paru évident de ne pas faire le chiffrage de cette charpente.

Monsieur Y a, le 3 mars 2006, attesté qu’il était un ami de monsieur X et qu’il lui avait rendu une visite amicale sur son lieu de travail où il a rencontré monsieur I auquel il n’a jamais demandé de plans ; qu''après l’obtention de mon permis de construire et dès le début de mes travaux, j’ai simplement demandé à mon ami Mr X de regarder les commandes comme il était sur place car je vous rappelle que je vis actuellement en Angleterre et aussi parce que c’était la seule personne de confiance que je connaissais sur Lyon dans le métier de la construction'.

Or, les plans produits par la société L I porte la même signature que celle figurant sur l’attestation.

Il est ainsi démontré que c’est en toute connaissance de cause de ce que des plans avaient été dressés pour monsieur Y, qui n’a ensuite pas confié la construction de sa maison à son employeur, que monsieur X a établi deux consultations d’entreprise et une commande pour ce maître de l’ouvrage, en se référant aux conditions tarifaires consentis à la société L I.

Ce comportement, s’il peut être d’usage lorsqu’un salarié construit pour lui-même, n’est pas correct lorsqu’il a pour but de bénéficier à un tiers.

A supposer même que monsieur X n’ait pas été rémunéré pour son travail par monsieur Y, monsieur X en se présentant auprès des entreprises comme un intermédiaire pour réaliser la construction litigieuse a agi de manière déloyale envers son employeur, ce qui constitue un fait de concurrence déloyale par détournement de clientèle.

Il est établi que la livraison est intervenue sur le chantier de monsieur Y au mois de décembre 2005, ce qui permet de considérer que la société L I n’a pas été informée de l’intervention de monsieur X pour le compte de monsieur Y avant cette date, postérieure à celle du 24 novembre 2005, soit deux mois avant l’envoi de la lettre recommandée à défaut de notification de la mise à pied conservatoire.

Sur le dossier Z

Monsieur G, dirigeant de la société CECIM DAUPHINE a attesté le 18 janvier 2007, qu’il n’avait pas répondu à la demande de monsieur X qui lui avait demandé de chiffrer une charpente.

Monsieur J, gérant de la société CIMOB, atteste le 16 janvier 2006 qu’il a été contacté par monsieur X 'concernant une demande de chiffrage en direct au nom de monsieur Z, sans passer par l’intermédiaire de la société L I'.

Monsieur K, gérant de la société K atteste le 17 janvier 2006 qu’il s’est rendu avec monsieur X sur le chantier de monsieur Z 'pour regarder l’ampleur des travaux à exécuter pour le client'.

Monsieur Z atteste, le 6 mars 2006, qu’étant dans le bâtiment depuis plus de quinze ans, il n’a jamais demandé à monsieur X de construire sa maison et n’a jamais eu l’intention de conclure un contrat avec la société L I.

Il est ainsi démontré, que comme pour le dossier précédent, monsieur X a servi d’intermédiaire pour la construction d’une villa individuelle au profit d’un 'client', aux conditions faites par les entreprises à la société employeur.

Ce comportement de la part d’un salarié est fautif et son maintien dans l’entreprise même pendant la durée du préavis est impossible, du fait de la légitime perte de confiance de l’employeur.

La déloyauté du salarié, entretenant des relations d’affaires avec des maîtres d’ouvrage, clients potentiels de la société L I, caractérise l’intention de nuire à l’entreprise.

La faute lourde est ainsi établie.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société L I à payer à monsieur X une indemnité de congés payés, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de congés payés sur préavis, ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Monsieur X sera débouté de toutes ses demandes relatives au licenciement et aux congés payés.

XXX

Monsieur X a été placé en arrêt de travail du 17 au 27 janvier 2006. Aucune des parties ne produit la fiche de paie du mois de janvier 2006.

La société L I soutient qu’elle a payé le salaire jusqu’à la mise à pied conservatoire : elle n’a donc pas payé le salaire au delà.

La mise à pied conservatoire n’ayant pas été notifiée, le salaire est dû du 9 janvier 2006 au 16 janvier 2006, soit la somme de 2 859,71 : 151,67 x 42 = 791,90 euros brut, outre intérêts au taux légal à compter de la date de la lettre de convocation à l’audience du Bureau de conciliation, soit le 9 février 2006.

Le jugement qui a condamné la société VILLASLESPINE à payer la somme de 3 073 euros sera réformé.

SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS POUR COMPORTEMENT DELOYAL DE L’EMPLOYEUR AU MOMENT DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL

EN DROIT

Même lorsqu’il est prononcé en raison d’une faute lourde du salarié, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation.

EN FAIT

Monsieur X produit la copie d’une lettre circulaire du 27 janvier 2006 rédigée en ces termes : 'FOURNISSEURS – ARTISANS…

Par la présente, nous vous informons que monsieur X M ne fait plus partie de notre personnel car licencié pour faute lourde.

De ce fait, il ne peut plus se prévaloir d’un quelconque lien avec la société L I, ni solliciter nos conditions habituelles appliquées.'

L’indication dans une lettre circulaire de la mention de faute lourde porte, par sa généralité, une atteinte à l’honneur de monsieur X, disproportionnée au but recherché, qui est l’information objective de ce que monsieur X ne fait plus partie du personnel de la société L I.

En réparation du préjudice causé, la société L I sera condamnée à payer à monsieur X la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts.

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIETE L I

— Sur l’amende pour contravention d’excès de vitesse

La société L I demande le remboursement de l’amende de 135 euros pour des faits du 29 décembre 2005, qui ne lui est parvenue que le 20 janvier 2006.

Monsieur X oppose qu’il a réglé cette amende : il produit le talon de l’avis de contravention du 29 décembre 2005 et la copie de deux chèques respectivement de 90 et 145 euros à l’ordre du TRESOR PUBLIC en date du 2 février 2006, alors que la société L I ne rapporte pas la preuve du paiement. Le jugement, qui a débouté cette société de sa demande sera confirmé.

— Sur les dégradations du véhicule de fonction

La société L I demande le paiement de la somme de 1 840,06 euros suivant une facture du 8 février 2006 du garage FORD, au titre de réparations, ainsi que 100 euros au titre de la facture de nettoyage de la société MT AUTO NET du 8 février 2006, au motif que ces frais excèdent l’obligation d’entretien normal du véhicule incombant à l’employeur.

Monsieur X s’oppose à cette demande au motif que la facture correspond à un entretien normal, faisant au surplus valoir que le constat date du 9 février 2006 alors que le véhicule a été restitué le 6 février 2006. Il ajoute que la société L I est assurée et qu’elle ne justifie ni du rapport de l’expert d’assurance, ni des sommes remboursées par la compagnie d’assurances.

Monsieur X a restitué le véhicule le 6 février 2006, sur sommation interpellative des 2 et 6 février 2006. L’huissier a noté qu’il avait fait des photographies ; que le véhicule était sale.

L’huissier indique, nécessairement après que le véhicule ait été restitué, que par communication téléphonique, monsieur I, lui a indiqué que la jante avant droite était cassée, qu’il y avait la trace d’un choc sur la porte arrière droite et que le volant tremblait quand la voiture roulait.

Ce n’est que le 9 février 2006 que l’huissier a été convié à dresser le constat de l’état du véhicule, constat dressé non contradictoirement.

Le devis du garage FORD du 7 février 2006 vise des réparations qui ne correspondent pas pour sa totalité à des opérations d’entretien, mais qui visent pour partie à la réparation de l’aile et la porte arrière droite, ainsi que de la jante de la roue avant droite, qui, enfoncée à l’intérieur de la roue dans le pneu, a endommagé le pneu.

La demande de la société L I doit cependant être rejetée, faute pour celle-ci d’avoir fait dresser le constat, contradictoirement, le jour même de la restitution, et faute de produire le dossier de la compagnie d’assurances du véhicule : un doute subsiste sur l’état du véhicule, le jour de la restitution, l’huissier n’ayant noté que son état de saleté, alors que les traces de choc, nécessairement apparentes n’auraient pas dû échapper à l’attention de l’huissier.

La facture de nettoyage correspond à un entretien courant du véhicule.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.

XXX

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société L I à payer à monsieur X la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de faire application de ces dispositions au profit de l’une ou de l’autre des parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société L I aux dépens de première instance ; monsieur X supportera les dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement en ce qu’il a, dit que la procédure de licenciement est irrégulière, débouté la société L I de ses demandes reconventionnelles et condamné cette société à payer à monsieur M X les dépens de première instance.

Infirme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau.

Condamne la société L I à payer à monsieur M X la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros), outre intérêts à compter du jugement sur la somme de 500 euros et à compter de l’arrêt sur la somme de totale de 1 500 euros pour irrégularité de procédure.

Dit que le licenciement pour faute lourde est fondé.

Déboute monsieur M X de ses demandes à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de congés payés, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis.

Condamne la société L I à payer à monsieur M X :

— la somme de sept cent quatre vingt onze euros quatre vingt dix centimes (791,90 euros) brut, outre intérêts au taux légal à compter du 9 février 2006 au titre de l’arriéré de salaires du mois de janvier 2006 ;

— la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) à titre de dommages-intérêts en application des dispositions de l’article 1382 du Code civil.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamne monsieur M X aux dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.

E. BRUEL D. JOLY

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Lyon, 30 juin 2008, n° 07/04811