Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 17 décembre 2010, n° 06/15835

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 17 déc. 2010, n° 06/15835
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 06/15835
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 19 juillet 2006, N° 04/09939
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 17 DECEMBRE 2010

(n° 307, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 06/15835.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juillet 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 3e Chambre 1re Section – RG n° 04/09939.

APPELANT :

Monsieur C X

XXX

représenté par la SCP BOMMART-FORSTER – FROMANTIN, avoués à la Cour,

assisté de Maître Sophie VIARIS DE LESEGNO plaidant pour la SELARL PIERRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L166.

INTIMÉE :

S.A.R.L. ARTISTE-INTERMÉDIAIRE-MULTIMÉDIA

prise en la personne de son gérant,

ayant son siège XXX,

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître N-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G0818.

INTIMÉE :

S.A.S. SEVPT – Société d’Explotation des XXX

prise en la personne de son Président,

ayant son siège XXX,

représentée par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL, avoués à la Cour,

assistée de Maître Patrick VILBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0597.

INTERVENANTE FORCÉE :

Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique 'SACEM'

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège XXX,

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Josée-Anne BENAZERAF de la SCP BENAZERAF MERLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0327.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame DARBOIS, conseillère,

Madame NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Monsieur K I-H, fondateur du groupe de musiciens de variétés 'Pigalle', est l’auteur-compositeur-interprète d’une chanson intitulée 'Dans la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs’ .

Par contrat en date du 30 janvier 1991, il a cédé ses droits d’édition sur son 'uvre originale à la SARL Charcuterie Editions, société d’édition créée par la société Boucherie Productions, originellement producteur et éditeur .

L’auteur et l’éditeur ont, le même jour, signé un bulletin de déclaration à la SACEM.

XXX) a acquis, en 1999, le fonds de commerce éditorial de la SARL Charcuterie Editions composé de l’ensemble de ses oeuvres au catalogue – comprenant la chanson sus-évoquée – et de l’ensemble de ses contrats s’y rattachant.

L’album 'Pigallive’ enregistré en 1991-1992 lors d’une série de concerts dans toute la France, incluant le titre 'dans la salle du bar-tabac … (orgue de barbarie)' 1'57"(1) et le titre 'dans la salle du bar tabac de la rue des Martyrs’ 3'50'' (14) a été commercialisé le 09 avril 1992.

Il a été produit par la société Universal Music France sous le label Island.

La société Artiste – Intermédiaire – Multimédia (A.I.M.) qui a, notamment, pour objet et pour compétence la réalisation de bandes musicales pour des activités de divertissement, s’est vue confier, par la Société d’Exploitation des XXX la réalisation d’un programme musical pour agrémenter les croisières en bateaux-mouche sur la Seine ; elle a sélectionné diverses oeuvres musicales comprenant la chanson intitulée 'Dans la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs’ .

Après réception d’un courrier de la société A.I.M., daté du 06 mars 2001, l’informant de l’autorisation d’exploitation de l’enregistrement de cette 'uvre, la SEVPTE a conclu avec la société Boucherie Productions, le 30 mai 2001, un contrat ayant pour objet les 'droits d’auteur forfaitaires de première fixation fragmentaire d’une oeuvre à des fins de diffusion dans un spectacle sonore des bateaux parisiens'.

Monsieur C X, musicien membre de la SACEM depuis le 04 juillet 1989, fait valoir :

— qu’il est l’auteur d’un arrangement qui lui a été commandé, sans que n’ait été conclu un contrat, par le duo Y et Artus de la Compagnie 'Des airs dans la ville’ auquel le groupe Pigalle avait lui-même fait appel pour interpréter une version pour orgue de barbarie de cette chanson lors d’un concert unique donné à Paris en 1991, qu’il a réalisé un 'carton’ destiné à l’exécution pour l’orgue de barbarie Odin-42 touches de ses commanditaires et qu’il le leur a vendu,

— qu’il a constaté, en 2003, que la version pour orgue de barbarie de cette chanson figurait sur un phonogramme intitulé 'Pigallive’ exploité depuis 1992,

— que son arrangement musical faisait, notamment, partie de la bande-son diffusée à l’occasion de croisières fluviales organisées par la Société d’Exploitation des XXX (la SEVPTE, exerçant sous l’enseigne 'Bateaux Parisiens'), laquelle a confié à la société Artiste Intermédiaire Multimedia (A.I.M.) la réalisation de son programme musical,

— que cette exploitation, sans autorisation, de son 'uvre (pour laquelle il n’a perçu aucune rémunération) revêt un caractère contrefaisant et porte atteinte tant à son droit patrimonial d’auteur qu’à son droit moral, faute, en particulier, de mention de son nom,

— qu’il en a informé, le 25 juillet 2003, la société Universal Music Publishing MGB France, sans que ne lui soit proposé un contrat d’édition permettant de régulariser cette exploitation.

Le 07 juin 2004, Monsieur X a initié deux procédures distinctes – qui n’ont pas fait l’objet d’une jonction – devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir réparation de ses préjudices, financier et moral, résultant de la contrefaçon par reproduction de son oeuvre, sans son autorisation, sur phonogramme du commerce et du fait, par ailleurs, de son exploitation sur des navettes fluviales touristiques :

— la première dirigée à l’encontre des sociétés Universal Music France, Universal Music Publishing MGB France qui a donné lieu au prononcé, le 20 juillet 2006, d’un jugement le déclarant irrecevable en l’ensemble de ses demandes puis d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 11 avril 2008 qui a rejeté les fins de non-recevoir tirées des défauts d’autorisation invoqués et qui a ordonné, avant dire-droit, une expertise confiée à Monsieur Z avec mission de comparer l''uvre d’origine et celle figurant sur le 'carton’ produit par Monsieur X , puis d’un second arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 11 avril 2008.

— la seconde dirigée à l’encontre des sociétés SEVPTE et A.I.M.

Il est demandé à la cour de statuer dans le cadre de la seconde procédure étant précisé que :

¿ par jugement rendu le 20 juillet 2006, le tribunal de grande instance de Paris a :

— déclaré irrecevable Monsieur C X en l’ensemble de ses demandes (énonçant, notamment, qu’il ne justifiait pas de sa qualité d’arrangeur, qu’il n’avait pas attrait en la cause Monsieur I-H ou obtenu une attestation et qu’il ne démontrait pas la manifestation de sa personnalité dans sa composition)

— condamné Monsieur X à verser, d’une part, à la SEVPTE et, d’autre part, à la SARL A.I.M. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

¿ par arrêt rendu le 11 avril 2008, la cour d’appel de Paris a :

— rejeté les moyens se rapportant au défaut de mise en cause de Monsieur G-H, au non-apport de l''uvre à la SACEM et aux modalités d’organisation de la défense,

— désigné en qualité d’expert Monsieur N-O Z avec mission de procéder à une comparaison entre l’oeuvre d’origine et celle figurant sur le carton produit par Monsieur X et d’effectuer un relevé complet des ressemblances et différences en précisant si elles sont ou non d’ordre purement technique, et ce en fixant à 3.000 euros le montant de la provision aux frais avancés de Monsieur X,

— réservé les dépens.

¿ l’expert a déposé son rapport, daté du 25 juin 2009.

¿ par actes du 10 février 2010, la SARL A.I.M. a assigné en intervention forcée la Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM.).

Monsieur C X, appelant, par dernières conclusions signifiées le 25 octobre 2010, demande à la cour, au visa des articles L 112-3, L 121-1, L 122-2, L 131-4, L 122-4, L 335-2, L 335-3 du code de la propriété intellectuelle, d’infirmer le jugement déféré et :

— de le déclarer recevable et fondé en son action à l’encontre des sociétés A.I.M. et SEVPTE en disant que ces sociétés ont commis des actes de contrefaçon de son arrangement musical et porté atteinte à ses prérogatives de droit moral,

— de condamner in solidum les sociétés A.I.M. et SEVPTE à lui verser :

* la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 juillet 2003,

* la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi, avec intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 juillet 2003,

* la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

et à supporter les entiers dépens comprenant les frais d’expertise,

— d’ordonner à la SEVPTE l’interdiction de diffuser l''uvre litigieuse, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, sous quinzaine à compter 'de la signification’ à intervenir,

— d’ordonner la publication de cette décision aux frais des sociétés SEVPTE, dans trois journaux de son choix, chacune de ces publications ne pouvant excéder 10.000 euros HT.

La société par actions simplifiée Société d’Exploitation des XXX (SEVPTE), par dernières conclusions signifiées le 27 octobre 2010, demande à la cour :

— de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré Monsieur C X irrecevable en ses demandes,

— de débouter l’appelant de l’intégralité de ses demandes à son encontre en considérant qu’elle a légalement acquis, par l’intermédiaire de la société A.I.M., les droits sur l''uvre 'dans la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs’ et en a acquitté le prix, qu’elle est de bonne foi et n’a pas commis de faute,

— en tout état de cause, de dire que la reconnaissance éventuelle de droits au profit de Monsieur X ne saurait avoir d’effets que pour l’avenir, à compter de l’arrêt à intervenir,

— à titre subsidiaire, de constater le caractère excessif et injustifié des sommes réclamées par Monsieur X et de le débouter de l’ensemble de ses demandes,

— à titre plus subsidiaire, de condamner la société A.I.M. à la relever et garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre du chef des faits de contrefaçon invoqués au regard du constat de la violation des obligations du contrat de mandat les unissant,

— de la recevoir en sa demande reconventionnelle et de condamner Monsieur X à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ainsi que celle de 10.000 euros au titre de ses frais non répétibles et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 04 novembre 2010, la société à responsabilité limitée ARTISTE – INTERMEDIAIRE – MULTIMEDIA (A.I.M.) demande à la cour :

— à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré Monsieur X irrecevable en l’ensemble de ses demandes,

— subsidiairement, de débouter Monsieur X de ses demandes à son encontre en constatant qu’elle a obtenu les autorisations nécessaires à l’exploitation de l''uvre et n’a commis aucune faute d’imprudence ou de négligence,

— infiniment subsidiairement, de débouter Monsieur X de ses demandes en paiement des sommes de 100.000 et de 50.000 euros,

— très infiniment subsidiairement, de ramener à sa juste valeur la demande formée par Monsieur X tant au titre de son droit patrimonial que de son droit moral,

— à titre reconventionnel, de constater le caractère abusif de l’appel et de condamner l’appelant à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,

— en tout état de cause, de condamner l’appelant à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de ses frais non répétibles et aux entiers dépens.

La société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM), par dernières conclusions signifiées le 28 octobre 2010, demande à la cour de déclarer Monsieur C X 'irrecevable et mal fondé’ en ses demandes fondées sur le droit patrimonial et de l’en débouter, de lui donner acte de ce que, s’agissant du droit moral invoqué par Monsieur C X, elle s’en rapporte à la décision de la cour et de condamner Monsieur X aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur la recevabilité à agir de Monsieur X :

Considérant que Monsieur X poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déclaré irrecevable en son action tendant à revendiquer le bénéfice de la protection instituée par les dispositions de l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle aux motifs qu’il ne produisait aucune pièce attestant de sa réelle qualité d’arrangeur et que la preuve de la vente d’un 'carton’ ne suffisait pas à le prouver ;

Qu’il convient de relever que, dans le cadre de la présente procédure, la qualité d’arrangeur de l’oeuvre ne lui est pas contestée par les intimées ;

Que si les sociétés A.I.M. et SEVPTE opposent à nouveau à Monsieur des fins de non-recevoir tenant au défaut de cession des droits de l’auteur de l''uvre première et à sa qualité de membre de la SACEM, il convient de reprendre les motifs de l’arrêt rendu le 11 avril 2008 selon lesquels 'le fait que Monsieur I-H n’ait pas été attrait en la cause est dénué d’incidence sur la recevabilité de l’action, Monsieur X agissant pour la défense des droits qu’il invoque sur une 'uvre composite et non une 'uvre de collaboration’ et que 'l’absence de dépôt de l''uvre litigieuse auprès de la SACEM n’est pas davantage susceptible de commander cette irrecevabilité dès lors qu’elle ne correspond à aucune cause de non-recevoir’ ;

Qu’il sera ajouté, eu égard aux arguments nouveaux que les intimées tirent de l’expertise et aux dispositions de l’article 32 du code de procédure civile :

— que le fait que l’expert, au stade des définitions, distingue l’oeuvre composite de l''uvre de transformation ou d’arrangement n’a pas d’incidence sur la recevabilité de l’action,

— que si la société A.I.M. tire argument du caractère 'sybilin’ et tardif de l’autorisation donnée par Monsieur I-H – qui atteste, le 21 octobre 2007, 'je soussigné K I-H, compositeur, auteur, arrangeur du groupe 'Pigalle’ atteste connaître A.X. J’atteste que la version pour orgue de barbarie de ma composition 'dans la salle du bar-tabac de la rue des martyrs’ (incluse dans le CD 'Pigalle Live') est un 'arrangement’ réalisé par lui avec mon autorisation (…), elle ne se prévaut pas, pour autant, du caractère apocryphe de cette pièce, ne justifie pas d’une action en contrefaçon qu’aurait pu initier, comme elle le prétend, Monsieur I-H à l’encontre de Monsieur X et ne conteste d’ailleurs le droit d’agir de Monsieur X qu’au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux,

— qu’il en est de même du moyen tiré par les intimées de l’apport à la SACEM de ses droits par Monsieur X, la société A.I.M. concluant, au demeurant, (au § 94 de ses conclusions) 'Monsieur X sera donc déclaré irrecevable à agir au titre de ses droits patrimoniaux’ et se bornant à dire, s’agissant de ses droits moraux (§ 95), 'qu’il ne suffit pas de les agiter pour que le juge entre en voie de condamnation’ ;

Qu’en conséquence, dès lors qu’en sa qualité d’arrangeur d’une 'uvre Monsieur X peut en solliciter, sous réserve de son originalité, la protection par le droit d’auteur et dès lors, d’autre part, que l’apport à la SACEM ne le rend pas irrecevable à défendre son droit moral et même ses droits patrimoniaux en cas de carence de la SACEM à les faire respecter, il doit être considéré comme recevable à agir ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l’originalité de l''uvre :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L 112-3 du code de la propriété intellectuelle 'les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des 'uvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’oeuvre originale’ ;

Considérant que l’expert désigné par la cour a répondu par l’affirmative à la question de savoir si la musique notée sur le carton destiné à l’exécution à l’orgue de barbarie était identique à la musique notée sur la partition signée 'C X’ et si l’écoute de ce carton révélait une identité sonore entre la partition de l''uvre et le résultat sonore obtenu ; que la question ne fait, d’ailleurs, plus l’objet de contestation, par les intimées ;

Considérant qu’appelé à donner son avis sur les ressemblances et les différences des deux 'uvres en précisant si elles sont ou non d’ordre purement technique, Monsieur Z a procédé à sa mission en recherchant notamment (pages 16 et 17 du rapport), de manière circonstanciée, la valeur réelle de l''arrangement’ (l’expert mettant le mot entre guillemets en précisant, en page 23 de ses conclusions, que c’est ainsi que le qualifie Monsieur X) au regard des critères techniques définissant l’originalité d’une oeuvre (à savoir, les identités éventuelles de la mélodie, du rythme, de l’harmonie, de l’instrumentation), 'c’est à dire', ajoute l’expert, 'des éléments sonores réellement empruntés, de l’élaboration de leur combinaison, de la nouveauté de leur présentation et du nombre d’entre eux utilisés dans l''uvre seconde par rapport au nombre total d’éléments sonores constitutifs de l’oeuvre première ou pré-existante’ ;

Qu’après avoir défini (en la différenciant de l’oeuvre dérivée, composite, de collaboration, de création, 'à variations’ et des arrangements) l''uvre de transformation (chapitre III, pages 7 et 8 du rapport) comme 'une 'uvre seconde modifiant sensiblement la présentation d’une oeuvre première ou pré-existante sans en modifier la durée, la forme et la structure et en lui empruntant les éléments principaux de sa propre musique soit la (les) mélodie(s), le(s) rythme(s) et l'(les) harmonie(s) … écrite avec l’autorisation de l’auteur de l’oeuvre première ou pré-existante’ , Monsieur Z conclut (page 23) dans la typographie ci-après reproduite :

'Observation générale : l’originalité d’une oeuvre n’est pas seulement ou pas nécessairement dans son 'invention’ et chez son inventeur mais peut-être aussi liée à son 'conditionnement sonore’ et à l’auteur du 'conditionnement sonore'. De ce point de vue et, compte tenu de la classification proposée, l’oeuvre d’C X est une 'oeuvre de transformation'.

Au delà du travail technique nécessaire et dont tous les auteurs d’attestations se sont faits les témoins, l’oeuvre d’C X ne va pas jusqu’à donner la preuve d’un 'apport musical de création intellectuelle’ : plus qu’une simple transposition instrumentale, car elle modifie profondément la présentation sonore de l’oeuvre d’origine, mais moins qu’une oeuvre de création nouvelle, car elle n’apporte aucun élément sonore déterminant modifiant les fondamentaux musicaux de l’oeuvre d’origine, elle est d’abord un arrangement possédant une véritable originalité, à la conception duquel s’est ajouté ensuite le travail technique de la réalisation pour orgue de barbarie grâce au savoir-faire du technicien-orchestrateur qu’est C X.

C X doit donc retrouver légitimement tous ses droits d’arrangeur, tels qu’ils sont définis par la Charte de la SACEM, K I-H lui-même, auteur-compositeur de la chanson d’origine, approuvant et la réalisation de l’arrangement et l''originalité de cet arrangement’ (voir attestation de K I-H)' ;

Qu’étant relevé que les intimées n’opposent, dans le cadre de la présente procédure, aucune contestation aux conclusions de l’expert quant à la qualification de l’oeuvre et ne débattent que des conséquences juridiques qui s’en évincent, il convient de considérer que l''uvre seconde en date créée par Monsieur X, en ce qu’elle se différencie de l’oeuvre antérieure et porte l’empreinte de sa personnalité est éligible à la protection par le droit d’auteur ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que l’appelant soutient qu’en s’abstenant de lui demander son autorisation pour une exploitation dont elles n’avaient pas préalablement acquis les droits, les sociétés A.I.M et SEVPTE ont violé ses droits patrimoniaux en commettant des actes de contrefaçon ;

Qu’il soutient également qu’il a été porté atteinte à son droit moral d’auteur du fait que ni les documents d’information ni les documents promotionnels qui sont mis à la disposition du public ne portent de mention lui attribuant la paternité de l''uvre ;

Qu’il oppose aux sociétés intimées leur absence de prudence lors de la conclusion des contrats dont elles font état et qui recèlent des incohérences, la persistance de la diffusion de son oeuvre en dépit de la connaissance qu’elles avaient de ses revendications, le fait qu’elles n’établissent pas que les droits de synchronisation de la croisière relèvent du champ d’application de la SACEM ou encore les possibilités matérielles leur permettant de respecter le droit moral de l’auteur ;

Considérant qu’en réplique :

— la société A.I.M., qui précise que l’enregistrement n’est plus utilisé mais qu’une autorisation de principe a été renouvelée, se prévaut de son erreur légitime et, visant l’article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle, soutient que la divulgation créée l’apparence et que le seul nom sous lequel l’oeuvre première a été divulguée est celui de l’auteur exclusivement,

— la société SEVPTE se prévaut de la signature d’un contrat de cession de droits pour la diffusion de l’oeuvre litigieuse après vérification de la titularité et de la disponibilité des droits par son mandataire, la société A.I.M., intermédiaire spécialisé dont elle recherche très subsidiairement la garantie, de son erreur légitime et excusable ainsi que de sa bonne foi ;

— la SACEM, se fondant sur les articles 1er et 2 de ses statuts et 40 de son règlement général, fait valoir que le défaut de déclaration n’a pas d’incidence sur l’apport à la SACEM des droits afférents à l’oeuvre litigieuse et que, du fait de son adhésion, Monsieur X ne peut agir personnellement à l’encontre de tiers relativement aux droits qu’il a apportés.

Elle ajoute que l’exploitation de l''uvre par haut-parleurs met en jeu le droit de reproduction mécanique qui lui ont été apportés (et dont elle a délégué la gestion à la SDRM) et que quand bien même il y aurait juxtaposition d’un texte lu et d’une bande-son diffusée par la SEVPTE, ses droits n’en sont pas affectés, faute de transformation de l''uvre d’origine et ceci d’autant que le droit de synchronisation n’a pas de reconnaissance légale en France ;

Elle fait, enfin, état du contrat général de représentation du 09 avril 2002 par lequel elle a donné son autorisation à la SEVPTE 'd’exécuter, de faire ou laisser exécuter publiquement les 'uvres de la SACEM qu’elle jugera bon d’utiliser’ et de l’acquittement régulier par cette dernière d’une redevance forfaitaire.

Sur les droits patrimoniaux d’auteur :

Considérant, ceci exposé, que par 'acte d’adhésion aux statuts’ daté du 04 juillet 1989, versé aux débats par la SACEM, Monsieur X, reconnaissant qu’il a pris connaissance des statuts et du règlement de la SACEM, déclare y adhérer sans restrictions ni réserves et poursuit :

' je fais apport à la société par le présent acte, à titre exclusif et pour le monde entier, du droit qui m’est reconnu par les dispositions législatives françaises et étrangères, ainsi que les conventions internationales relatives à la propriété littéraire et artistique, d’autoriser ou d’interdire l’exécution, la représentation publique et la reproduction mécaniques de toutes mes oeuvres dès que créées’ ;

Que les articles 1 et 2 des statuts et 40 du règlement explicitent les effets de l’apport de l’auteur et précisent, notamment, que 'du fait même de leur adhésion aux présents statuts, les membres de la société lui apportent, à titre exclusif et pour tous pays, le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction de leurs oeuvres’ ou encore que 'une oeuvre devient sociale par l’adhésion de son, ou de l’un de ses auteurs, aux statuts de la société’ ;

Qu’il résulte de ces stipulations que l’apport porte sur 'les 'uvres dès que créées’ ; qu’il importe donc peu, ainsi que le soutient la SACEM, que l''arrangement’ dont Monsieur X est l’auteur n’ait pas fait l’objet d’une déclaration ;

Qu’en conséquence de cet apport exclusif et en application des articles 17 et 18 de ses statuts, à compter de son adhésion l’auteur qui a confié à la SACEM l’exercice de ses droits patrimoniaux n’a plus qualité pour ester en justice à l’encontre de tiers relativement aux droits qu’il a apportés sous la réserve précédemment évoquée d’une carence de la SACEM, non invoquée en l’espèce ;

Considérant que pour faire échec aux effets juridiques de son apport, Monsieur X soutient, dans le corps de ses conclusions, que l’exploitation litigieuse ne relève pas du champ d’intervention de la SACEM au motif que son 'uvre s’insère dans un véritable spectacle musical et est étrangère à de la simple musique de sonorisation ;

Que force est, cependant, de relever qu’il ne produit aucune preuve de la création, à l’initiative de la SEPVTE, d’une 'uvre nouvelle distincte où la substance de l''uvre première aurait reçu une expression nouvelle venant s’insérer dans un spectacle musical ;

Qu’en revanche, la société A.I.M., qui conteste la réalisation d’un 'spectacle-musical', produit une attestation de Monsieur A B, se présentant comme le réalisateur de la croisière commentée des bateaux parisiens (pièce 25) ; que ce dernier certifiant 'que 'le bar-tabac de la rue des Martyrs’ n’est plus utilisé en fond sonore du commentaire de la croisière depuis juillet 2007", n’évoque nullement un spectacle musical ;

Que, de son côté, la SACEM oppose à Monsieur X l’extrait du site qu’il verse lui-même aux débats (pièce 9) présentant ainsi la 'croisière en paroles et en musique’ : 'le commentaire est diffusé par combiné individuel, accompagné de morceaux de musiques diffusés à bord du bateau par des haut-parleurs tout au long de la croisière’ et le fait qu’est ainsi mis en 'uvre le droit de reproduction mécanique dont la gestion a été dévolue à la SACEM ;

Qu’à cet égard, elle justifie du contrat général de représentation du 09 avril 2002 dont les conditions particulières précisent que l’exploitation en cause concerne 'la sonorisation des croisières commentées sur les bateaux’ de la SEVPTE et fixent à 150,63 euros par mois la redevance forfaitaire qui en constitue la contrepartie, précisant que ces sommes ont été acquittées et réparties selon les règles applicables à la sonorisation de lieux publics au moyen d’oeuvres reproduites sur supports sonores ;

Qu’il s’ensuit que Monsieur X n’est pas recevable à agir au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur en excipant du fait qu’il n’a pas déclaré l’arrangement à la SACEM ;

Sur l’atteinte au droit moral :

Considérant que Monsieur X, fondant sa demande à ce titre l’article L 121-1 alinéa 1er du code la propriété intellectuelle selon lequel’l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible (…)', demeure recevable à agir pour la défense de son droit moral d’auteur ;

Qu’en l’espèce, il est constant que le nom de Monsieur C X ne figure ni sur les documents d’information ni sur les documents promotionnels mis à la disposition du public ;

Que, toutefois, compte tenu de la fonction de ces documents de présentation du déroulement de la croisière fluviale proposée au public, lesquels sont destinés à en présenter la durée, à identifier les lieux touristiques offerts à la vue ou à indiquer à ce public qu’il bénéficiera d’un commentaire dans une ambiance musicale mais n’ont pas vocation à présenter le détail des diverses oeuvres diffusées par haut-parleurs en fond sonore, Monsieur X ne peut prétendre que le défaut de mention de son nom sur cette documentation touristique a porté atteinte à son droit moral d’auteur ;

Qu’il sera, en conséquence, débouté de sa demande à ce titre ;

Sur les demandes accessoires :

Considérant que la société A.I.M. fonde la demande indemnitaire qu’elle forme à titre reconventionnel en se prévalant du caractère abusif de l’appel interjeté par Monsieur X ;

Mais considérant que l’appelant, déclaré irrecevable à agir en première instance, ne peut se voir reprocher d’avoir interjeté appel du jugement dans la mesure où, à la faveur de la procédure d’appel, lui est reconnue sa réelle qualité d’arrangeur et que l’expertise diligentée retient une qualification de l’oeuvre litigieuse permettant à son auteur de prétendre au bénéfice de la protection assurée par les dispositions du code de la propriété intellectuelle ;

Que la société A.I.M. sera, par conséquent, déboutée de sa demande ;

Considérant que l’équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que Monsieur X supportera les dépens d’appel qui comprendront les frais d’expertise ;

PAR CES MOTIFS,

Vu l’arrêt avant-dire droit rendu par cette chambre de la cour d’appel de Paris le 11 avril 2008 rejetant les moyens se rapportant au défaut de mise en cause de Monsieur I-H, au non apport de l’oeuvre à la SACEM et aux modalités d’organisation de la défense ;

Infirme le jugement déféré ;

Déclare la société par actions simplifiée Artiste – Intermédiaire – Multimédia recevable en son appel en intervention forcée à l’encontre de la Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique ;

Rejette les fins de non-recevoir opposées par les intimées à Monsieur X ;

Dit que l''uvre de transformation créée par Monsieur X 'dans la salle du bar-tabac de la rue des martyrs (orgue de barbarie)' est éligible à la protection du droit d’auteur ;

Déclare Monsieur X irrecevable en sa demande de réparation de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur du fait de la convention le liant à la SACEM et en l’absence de carence de cette dernière ;

Déboute Monsieur X de sa demande au titre de son droit moral d’auteur dirigée à l’encontre de la société Artiste – Intermédiaire – Multimédia et de la Société d’Exploitation des XXX ;

Déboute la société Artiste – Intermédiaire – Multimédia de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Rejette les demandes réciproques des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur X aux dépens d’appel qui comprendront les frais d’expertise et seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 17 décembre 2010, n° 06/15835