Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 9, 27 novembre 2013, n° 13/02981

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 9, 27 nov. 2013, n° 13/02981
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/02981
Importance : Inédit
Sur renvoi de : Cour de cassation, 18 mars 2013, N° 10/00587
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 27 Novembre 2013

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/02981

Décision déférée à la cour : arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2013 statuant sur le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt rendu le 27 octobre 2011 par la 11ème chambre de la cour d’appel de Versailles suite au jugement rendu le 13 décembre 2010 par le conseil de prud’hommes de Mantes la Jolie – section activités diverses – RG n°10/00587

APPELANTE

Madame [I] [F] épouse [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, P0099.

INTIMÉE

ASSOCIATION [3]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Richard MALKA, avocat au barreau de PARIS, C0593 et par Me Louis GAYON, avocat au barreau de PARIS, R249

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 octobre 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jacques DEGRANDI, premier président

Madame Charlotte DINTILHAC, présidente

Madame Christine ROSTAND, présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François FALLETTI, procureur général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Jacques DEGRANDI, premier président de la cour d’appel et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant contrat à durée indéterminée du 1er janvier 1997, lequel faisait suite à un emploi solidarité du 6 décembre 1991 au 6 juin 1992 et à un contrat de qualification du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1995, Mme [O] a été engagée en qualité d’éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et de la halte-garderie [3].

En mai 2003, elle a bénéficié d’un congé maternité suivi d’un congé parental jusqu’au 8 décembre 2008.

Par lettre du 9 décembre 2008, elle a été convoquée à un entretien préalable, fixé le 18 décembre suivant, en vue de son éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire. Elle a été licenciée le 19 décembre 2008 pour faute grave, pour avoir refusé de retirer son foulard islamique pendant les heures de travail et avoir eu un comportement inapproprié après sa mise à pied.

S’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie le 9 février 2009 pour réclamer, tout en revendiquant le statut de cadre, les indemnités attachées à un licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

L’ensemble de ses prétentions comme les demandes reconventionnelles de l’association [3] ont été rejetées par le conseil de prud’hommes de Mantes-la Jolie le 13 décembre 2010, puis par la cour d’appel de Versailles le 27 octobre 2011.

Par arrêt du 19 mars 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt du 27 octobre 2011 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris en l’état où elles se trouvaient avant cette décision.

Selon déclaration enregistrée au greffe le 25 mars 2013, Mme [O] a saisi la présente cour à qui elle demande à nouveau, au terme de ses dernières conclusions, la réformation du jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie, l’annulation du licenciement sur le fondement des articles L.1121-1, L.1132-1, L.1133-1, L.1132-4 et L.1321-3 du code du travail et la condamnation de l’intimée à lui payer 63.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, discriminatoire et attentatoire aux libertés fondamentales, 9.695,32 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis sur la base de la reconnaissance de sa qualité de cadre, 969,53 € à titre de congés payés sur préavis, 700,17 € à titre de rappel de salaire de mise à pied, 70 € au titre des congés payés afférents, 26.662,13 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement. Subsidiairement, si le statut de cadre ne lui était pas reconnu, elle entend obtenir 4.847,66 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 484,77 € au titre des congés payés afférents, 13.331,07 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement. En toutes hypothèses, elle entend obtenir 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association [3] sollicite quant à elle la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et donc le rejet de l’intégralité des demandes de l’appelante. A titre subsidiaire, elle entend que les indemnités réclamées soient ramenées à 644,66 € de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire, plus les congés payés afférents, 10.878,62 € d’indemnité conventionnelle de licenciement, 4.834,94 € d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et le rejet de toutes autres prétentions. Elle sollicite par ailleurs 5.000 euros pour frais non remboursables.

Le ministère public conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes.

Pour un exposé exhaustif des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions visées par le greffier et développées oralement lors de l’audience des débats le 17 octobre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant qu’une personne morale de droit privé, qui assure une mission d’intérêt général, peut dans certaines circonstances constituer une entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et se doter de statuts et d’un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches ; qu’une telle obligation emporte notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion ;

Considérant qu’aux termes de ses statuts, l’association [3] a pour objectif « de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d''uvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes » ' « sans distinction d’opinion politique et confessionnelle » ;

Considérant que de telles missions sont d’intérêt général, au point d’être fréquemment assurées par des services publics et d’être en l’occurrence financées, sans que cela soit discuté, par des subventions versées notamment par l’État, la région Ile-de-France, le département des Yvelines, la commune de [Localité 4] et la Caisse d’allocations familiales ;

Considérant qu’au regard tant de la nécessité, imposée par l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant, que de celle de respecter la pluralité des options religieuses des femmes au profit desquelles est mise en 'uvre une insertion sociale et professionnelle aux métiers de la petite enfance, dans un environnement multiconfessionnel, ces missions peuvent être accomplies par une entreprise soucieuse d’imposer à son personnel un principe de neutralité pour transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s’adresse ;

Considérant qu’en ce sens, l’association [3] peut être qualifiée d’entreprise de conviction en mesure d’exiger la neutralité de ses employés ; que sa volonté de l’obtenir résulte suffisamment en l’occurrence des dispositions tant de ses statuts que de son règlement intérieur, que ce soit celui adopté lors de sa création en 1990, selon lequel le personnel doit dans l’exercice de son travail respecter et garder la neutralité d’opinion politique et confessionnelle en regard du public accueilli, ou celui modifié, entré en vigueur le 15 juillet 2003, aux termes duquel le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ;

Considérant que la formulation de cette obligation de neutralité dans le règlement intérieur, en particulier celle qui résulte de la modification de 2003, est suffisamment précise pour qu’elle soit entendue comme étant d’application limitée aux activités d’éveil et d’accompagnement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur des locaux professionnels ; qu’elle n’a donc pas la portée d’une interdiction générale puisqu’elle exclut les activités sans contact avec les enfants, notamment celles destinées à l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier qui se déroulent hors la présence des enfants confiés à la crèche ;

Considérant que les restrictions ainsi prévues sont, pour les raisons ci-dessus exposées, justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché au sens des articles L.1121-1 et L.1321-3 du code du travail ; qu’au vu de l’ensemble des considérations développées, elles ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales, dont la liberté religieuse, et ne présentent pas un caractère discriminatoire au sens de l’article L.1132-1 du code du travail ; qu’elles répondent aussi dans le cas particulier à l’exigence professionnelle essentielle et déterminante de respecter et protéger la conscience en éveil des enfants, même si cette exigence ne résulte pas de la loi ;

Considérant que le comportement de Mme [O], qui a consisté à se maintenir sur les lieux de travail après notification de la mise à pied conservatoire consécutive au refus d’ôter son voile islamique et à faire preuve d’agressivité envers les membres de la direction et de ses collègues de la crèche dans les conditions et selon les circonstances relatées par la lettre de licenciement, au contenu de laquelle il est expressément fait référence, résulte suffisamment des déclarations concordantes de Mmes [K], directrice de la crèche, [M], directrice adjointe, [V], éducatrice, [N] épouse [X], animatrice, [C], éducatrice, [J], employée de ménage ;

Considérant que les rétractations de Mmes [C] et [J], qui sont revenues sur leurs premiers témoignages en faveur de l’association, ont été expliquées ensuite par les intéressées par le fait que Mme [O] avait fait valoir la solidarité entre musulmanes et leur avait dicté de nouveaux témoignages, tandis que les attestations dont se prévaut l’appelante doivent être appréciées à la lumière des précisions de Mme [G] épouse [W], ancienne salariée de l’association, qui a reconnu avoir rédigé en faveur de Mme [O] sous sa dictée, ou encore de parents d’enfants inscrits à la crèche qui, ayant témoigné en faveur de l’association ou refusé de le faire au profit de la salariée licenciée, ont déposé des mains courantes pour signaler les insultes, menaces et pressions de la part de celle-ci ;

Considérant que ce comportement, alors que la mise à pied reposait, pour les raisons ci-dessus exposées, sur un ordre licite de l’employeur au regard de l’obligation spécifique de neutralité imposée à la salariée par le règlement intérieur de l’entreprise, caractérise une faute grave nécessitant le départ immédiat de celle-ci ;

Considérant que cette faute grave justifie le licenciement ainsi qu’en a décidé le conseil de prud’hommes dont la décision sera en conséquence confirmée, sauf à relever que Mme [O] ne revendique pas le statut de cadre autrement que pour chiffrer ses demandes consécutives à la rupture du contrat de travail ;

Considérant que l’équité ne commande pas d’appliquer les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que l’appelante, qui succombe, doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie du 13 décembre 2010 ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE Mme [F] épouse [O] aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux exposés devant la cour d’appel de Versailles.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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  2. Code du travail
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