Cour d'appel de Paris, 23 juin 2016, n° 15/01089

  • Édition·
  • Euro·
  • Sociétés·
  • Magazine·
  • Ferme·
  • Exploitation·
  • Relation commerciale établie·
  • Préavis·
  • Rupture·
  • Annonceur

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 23 juin 2016, n° 15/01089
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/01089

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 23 JUIN 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/01089

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2014 – Tribunal de Grande Instance de LYON – RG n° 2012J1905 et jugement du 18 Décembre 2014 – RG n° 2014J908

APPELANTES

XXX

ayant son siège XXX

74120 DEMI-QUARTIER

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SARL SOCIETE D’EXPLOITATION LE MONT BLANC

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

SARL SOCIETE D’EXPLOITATION LES FERMES DE X

ayant son siège social Route de la Riante Colline, Les Fermes de X

XXX

prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Christian BOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : A 4784

INTIMEE

XXX

ayant son siège XXX

XXX

N° SIRET : 424 178 614

prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Olivia CHAFIR, avocat au barreau de PARIS, toque : D0551

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 31 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre

Monsieur Edouard LOOS, Président

Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

La société Euro Editions Sud, qui vient aux droits de la société Euro Editions Publicité est une société d’édition qui publie des magazines sur l’ensemble de la France.

Elle a signé en 1997 deux contrats d’édition intitulés 'protocoles d’accord’ avec les hôtels « le Mont Blanc » et « les Fermes de X » situés à Megève, afin de réaliser dans un premier temps des « Livres de Services Directory », puis un magazine haut de gamme destiné à promouvoir ces hôtels, dans lequel étaient insérées des publicités d’annonceurs de luxe, qui est devenu un magazine unique paraissant une fois l’an, pour l’ensemble des hôtels du groupe Sibuet.

Suite à une rumeur selon laquelle le groupe Sibuet aurait mandaté une autre société afin de faire réaliser les magazines de promotion hôtelière, la société Euro Editions Sud a adressé le 12 juillet 2011 une mise en demeure à la société Groupe Sibuet sollicitant une réponse quant à la poursuite des accords liant les deux sociétés.

Par courrier en date du 16 août 2011, la société Groupe Sibuet a indiqué à la société Euro Editions Sud qu’elle confirmait son mandat pour la réalisation et l’édition du magazine qui devait paraître en décembre 2011 et lui a indiqué qu’elle reprendrait sa liberté après cette dernière parution.

C’est dans ce contexte que la société Euro Editions Sud a, par acte extrajudiciaire du 22 août 2011, assigné la société Groupe Sibuet pour faire constater la rupture brutale de leurs relations commerciales établies et solliciter l’indemnisation de son préjudice, et a assigné en intervention forcée le 12 juin 2013 les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X.

Par jugement en date du 18 juin 2012 le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement en date du 27 mars 2014, ordonnant l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Lyon a :

— Ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2012J01905 et 2013J013880,

— Constaté l’existence de relations commerciales établies entre la société Euro Editions Sud et le Groupe Sibuet,

— Dit que les demandes de la société Euro Edition Sud sont bien fondées,

— Dit que la rupture des relations commerciales par la société Groupe Sibuet à l’encontre de la société Euro Editions Sud est brutale et abusive,

— Condamné la société Groupe Sibuet à payer à la société Euro Edition Sud la somme de 116.724,96 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en date du 22 août 2011,

— Débouté la société Euro Editions Sud au titre de sa demande de dommages et intérêts liées à un préjudice d’image,

— Condamné la société Groupe Sibuet au paiement de la somme de 10.000 euros à la société Euro Edition Sud au titre du préjudice moral subi par cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en date du 22 août 2011,

— Constaté l’existence de relations commerciales établies entre la société Euro Editions Sud et les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X,

— Condamné solidairement les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 116.724,96 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en date du 22 août 2011,

— Débouté la société Euro Editions Sud au titre de sa demande de dommages et intérêts liées à un préjudice d’image à l’encontre des sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X,

— Condamné solidairement les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi par cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en date du 22 août 2011,

— Condamné la société Groupe Sibuet à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC,

— Condamné solidairement les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC,

— Rejeté les demandes de dommages et intérêts formulées par la société Groupe Sibuet et les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X.

Par jugement en date du 18 décembre 2014, le tribunal de commerce de Lyon, saisi par une requête en rectification d’une erreur matérielle, a :

— Joint les instances enrôlées sous les numéros 2014J908 et 2014J909

— Constaté qu’en condamnant chacune des sociétés et non pas solidairement il a été accordé plus qu’il n’était demandé,

— Dit qu’il y a lieu de rectifier comme suit le jugement rendu le 27 mars 2014 :

« - Condamne solidairement les sociétés Groupe Sibuet, les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 116.724,96 euros, outre 10.000 euros en réparation du préjudice moral. »

— Dit que le reste du jugement demeure sans changement.

— Dit que la présente rectification sera mentionnée en marge de la minute n°1408600025 du jugement rendu le 27 mars 2014 et des expéditions délivrées.

Vu l’appel interjeté par les sociétés Groupe Sibuet, les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X le 14 janvier 2015 contre les décisions des 27 mars et 18 décembre 2014,

Vu les dernières conclusions signifiées par les sociétés groupe Sibuet, les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X le 5 août 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :

— Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 27 mars 2014, rectifié par jugement du 18 décembre 2014 en ce qu’il a condamné solidairement les sociétés Groupe Sibuet, Société d’exploitation Le Mont Blanc et Société d’exploitation les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 116.724,96 euros, outre 10.000 euros de dommages et intérêts et 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC,

Statuant à nouveau,

— Dire et juger que la société Groupe Sibuet n’est pas partie aux protocoles d’accord dont la société Euro Editions Sud prétend qu’ils auraient été rompus de manière brutale et abusive,

En conséquence,

— Mettre hors de cause la société Groupe Sibuet,

— Débouter la société Euro Editions Sud de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— Dire et juger que c’est la société Euro Editions Sud qui a rompu abusivement les relations commerciales en ne réalisant pas la prestation pour laquelle elle était mandatée,

En conséquence,

— La débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— La condamner à payer aux sociétés Groupe Sibuet, Société d’Exploitation Le Mont Blanc et Société d’Exploitation les Fermes de X la somme de 5.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts, outre celle de 5.000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Euro Editions Sud le 29 février 2016 par lesquelles il est demandé à la cour de :

— Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel,

A titre principal,

— Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lyon en ce qu’il a constaté l’existence de relations commerciales établies entre la société Euro Editions Sud et la SAS Groupe Sibuet,

— Dire et juger les demandes de la société Euro Editions Sud recevables et bien fondées.

Y faisant droit,

— Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lyon en ce qu’il a constaté que la rupture des relations commerciales par la SAS Groupe Sibuet à l’encontre de la société Euro Editions Sud est brutale et abusive,

— Infirmer le Jugement rendu le 24 mars 2014, rectifié le 18 mars 2014, s’agissant des montants alloués à titre de dommages et intérêts,

En conséquence,

— Condamner la SAS Groupe Sibuet à payer à la société Euro Editions Sud la somme de .088,52 Euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de la rupture abusive des relations commerciales, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— Condamner la SAS Groupe Sibuet à payer à la société Euro Editions Sud la somme de .000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’image, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— Condamner la SAS Groupe Sibuet à payer à la société Euro Editions Sud la somme de .000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

A titre subsidiaire

— Constater l’existence de relations commerciales établies entre la société Euro Editions Sud et la société d’exploitation Le Mont Blanc et la société d’exploitation Les Fermes de X,

— Dire et juger les demandes de la société Euro Editions Sud recevables et bien fondées.

Y faisant droit,

— Dire et juger que la rupture des relations commerciales par la société d’exploitation Le Mont Blanc et la société d’exploitation Les Fermes de X à l’encontre de la société Euro Editions Sud est brutale et abusive.

En conséquence,

— Condamner solidairement la société d’exploitation Le Mont Blanc et la société d’exploitation Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de .088,52 Euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de la rupture abusive des relations commerciales, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— Condamner solidairement la société d’exploitation Le Mont Blanc et la société d’exploitation Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de .000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d’image, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— Condamner solidairement la société d’exploitation Le Mont Blanc et la société d’exploitation Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de .000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

En tout état de cause,

— Débouter les appelantes de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

— Condamner solidairement la SAS Groupe Sibuet, la société d’exploitation Le Mont Blanc et la société d’exploitation Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 5.000 Euros le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

* * *

La société Groupe Sibuet soutient tout d’abord qu’il n’existe aucune relation commerciale établie entre les sociétés Groupe Sibuet et la société Euro Editions Sud, qu’il n’y a jamais eu aucun échange ni aucune facture entre ces sociétés, que la société mère, groupe Sibuet, n’a jamais contracté avec la société Euro Editions Sud, mais uniquement avec ses filiales, les sociétés qui exploitent les hôtels Le Mont Blanc et Les Fermes de X, qu’en application du principe de l’effet relatif des contrats, et de l’autonomie de la personne morale, seules ces deux sociétés sont liées à la société Euro Editions Sud, et qu’elle-même doit être mise hors de cause.

En réponse la société Euro Editions Sud considère que les relations commerciales avec la société Groupe Sibuet sont avérées, que le fait que la société Groupe Sibuet ne soit pas signataire des protocoles est sans incidence sur la réalité et l’existence des relations, celles-ci ayant duré 14 années, que c’est la société Groupe Sibuet qui a répondu aux mises en demeure adressées par la société Euro Editions Sud et qui a indiqué qu’elle souhaitait poursuivre leur collaboration pour l’édition de décembre 2011, qu’il n’y a pas lieu de la mettre hors de cause.

Sur le fond, les sociétés appelantes considèrent que la société Euro Editions Sud est seule responsable de la cessation des relations contractuelles, que c’est à sa seule initiative, suite à sa lettre du 12 juillet 2011, que les sociétés du Groupe Sibuet ont indiqué souhaiter mettre fin à leurs relations après la parution du dernier magazine en décembre 2011, que les rumeurs dont la société Euro Editions Sud a fait état pour alléguer une rupture brutale ne reposent sur aucun fondement, qu’elle a refusé sans motif de réaliser le magazine de décembre 2011, qu’elle ne saurait prétendre à aucune indemnisation d’une rupture dont elle est seule responsable, qu’en tout état de cause, la rupture n’est pas brutale puisque le mandat pour la réalisation du magazine de décembre 2011 a été maintenu, que le préavis accordé était dès lors suffisant et laissait à la société Euro Editions Sud un délai de 15 mois jusqu’au magazine de décembre 2012 pour se retourner, que la demande d’un préavis de trois ans n’est pas justifiée, qu’aucun préjudice n’est caractérisé. Elles contestent également tout préjudice au titre de la perte d’image et tout préjudice moral.

La société Euro Editions Sud rappelle que les parties étaient en relations commerciales depuis 14 ans, que rien ne permettait d’anticiper la rupture, la société Groupe Sibuet n’ayant jamais eu à se plaindre de la qualité des prestations, qu’elle a appris de façon tout à fait brutale par des annonceurs de Megève qu’une nouvelle société d’édition les avait contactés au nom du Groupe Sibuet pour réaliser un nouveau magazine ayant le même objet, à savoir la promotion de l’ensemble des hôtels du groupe, et non la seule promotion d’un nouvel hôtel à Val Thorens, que la maquette était déjà bien avancée et qu’il était manifeste qu’elle avait vocation à remplacer le magazine qui avait été confié à la société Euro Editions Sud, qu’au demeurant, à la même époque habituellement, le directeur d’édition de la société Euro Editions Sud devait normalement être déjà invité sur place pour boucler la prospection, ce qui n’avait pas été le cas en 2011 et que malgré les appels, la société Groupe Sibuet n’a fourni aucune réponse à ce retard, que ce n’est que suite à la mise en demeure envoyée par la société Euro Editions Sud, que la société Groupe Sibuet est sortie de son silence et a reconnu qu’elle avait souhaité rompre le contrat pour confier la réalisation du nouveau magazine à une autre société d’édition, que la rupture incombe à la société Groupe Sibuet qui avait déjà annoncé aux annonceurs la « 8e édition annuelle » du magazine dans un nouveau format, alors qu’elle n’en avait pas informé la société Euro Editions Sud, qu’il ne s’agit pas d’une simple rumeur mais d’une rupture abusive, ouvrant droit à indemnisation, à hauteur d’un préavis qui aurait dû être de trois années, au regard de l’ancienneté des relations commerciales. Elle sollicite en outre des dommages-intérêts pour sa perte d’image et son préjudice moral.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Sur ce, la cour

1. Sur l’existence de relations commerciales établies

Considérant qu’aux termes de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce, «engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

… 5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (…) » ;

Considérant que le champ d’application de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce s’étend, au-delà des simples relations contractuelles, à des situations très diverses ;

Qu’ainsi la notion de relation commerciale établie recouvre un grand nombre de situations, voire peut exister en l’absence de signature de tout contrat, dès lors que la relation d’affaires s’inscrit dans la durée, la continuité et dans une certaine intensité ;

Considérant qu’en l’espèce, le fait que les deux protocoles d’accord qui sont à l’origine des relations commerciales établies entre deux sociétés filiales du groupe Sibuet et la société Euro Editions Sud n’aient pas été signés par la société mère est sans incidence sur l’existence de relations commerciales établies entre ces deux sociétés et la société Euro Editions Sud, ainsi qu’entre cette société et la société Groupe Sibuet qui a toujours coordonné la réalisation des magazines dont la vocation avait changé pour couvrir tous les hôtels du groupe, et qui a elle-même répondu à la mise en demeure qui lui a été adressée par la société Euro Editions Sud ;

Qu’un lien contractuel formel n’est pas exigé pour retenir l’existence de relations commerciales établies ;

Qu’il y a lieu par conséquent de rejeter la demande de mise hors de cause formulée par la société Groupe Sibuet ;

Considérant que la durée et la stabilité desdites relations commerciales n’est pas contestée ;

Qu’il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.

2. Sur la rupture des relations commerciales

Considérant qu’il est constant que la brutalité de la rupture résulte de l’absence de préavis écrit ou de l’insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures ;

Que l’empêchement volontaire de poursuivre les relations contractuelles constitue une rupture abusive ;

Qu’en l’espèce, il est établi que courant juillet 2011, des annonceurs ont été contactés par la société Groupe Sibuet pour participer à la réalisation d’un nouveau magazine intitulé « S/Magazine » qui semblait avoir le même objet que le magazine édité par la société Euro Editions Sud ;

Qu’il n’est pas contesté en effet que la société Groupe Sibuet a confié à la société Free Press la réalisation d’un projet de maquette pour un magazine hiver/été 2011-2012 et que cette dernière a contacté certains annonceurs qui participaient déjà au magazine Groupe Sibuet ;

Qu’elle explique que ce nouveau magazine était destiné à promouvoir un nouvel hôtel à Val Thorens, dont la clientèle était tout à fait différente ;

Qu’il est probable qu’à ce moment là, la société Groupe Sibuet envisageait de diversifier ses ressources éditoriales, afin de répondre au besoin de promotion d’autres établissements vers un autre type de clientèle ;

Mais considérant que ces éléments de fait, quand bien même ils seraient établis, ne sont pas suffisants pour caractériser, une volonté ferme et définitive de la société Groupe Sibuet de mettre fin sans préavis à la relation commerciale avec Euro Editions Sud ;

Qu’au demeurant, la société Groupe Sibuet a confirmé à la société Euro Editions Sud par un courrier du 16 août 2011 qu’elle était toujours en charge de la réalisation du magazine de décembre 2011 ;

Que c’est donc plus sur des soupçons et des rumeurs que sur des éléments certains que la société Euro Editions Sud s’est fondée pour alléguer la rupture brutale des relations commerciales à la date à laquelle elle a cru pouvoir en prendre acte ;

Considérant que ces rumeurs ne sont corroborées par aucun autre élément susceptible d’établir une volonté ferme de cessation des relations commerciales sans préavis ;

Qu’en effet, l’allégation selon laquelle le dirigeant de la société Euro Editions Sud n’aurait pas été mis en mesure de mener à bien sa mission ne repose sur aucun élément de preuve ;

Que bien au contraire, un hébergement a été mis à sa disposition à Megève pour qu’il puisse finaliser sa prospection sur place ;

Que la société Euro Editions Sud ne rapporte la preuve d’aucun autre acte ou comportement qui serait déloyal ;

Que par lettre du 16 août 2011, la société Groupe Sibuet a simplement indiqué, en réponse à l’interrogation de la société Euro Editions Sud, qu’elle ne poursuivrait pas les relations contractuelles au-delà de la publication du dernier magazine, ce qui n’était ni immédiat, ni déloyal ;

Qu’il en résulte que la rupture n’était ni immédiate, ni imprévisible, seule la durée du préavis restant en débat au regard du caractère 'brutal’ de la rupture ;

Que la décision des premiers juges sera par conséquent réformée sur ce point ;

3. Sur le préavis

Considérant que les relations commerciales étaient établies depuis 14 ans ;

Que les parties étaient convenues à l’origine d’un préavis de six mois, qui n’a pas été respecté, le magazine devant être publié fin décembre et le préavis donné le 16 août expirant le 15 février 2012 ;

Que l’évolution du magazine sur toutes ces années s’est faite vers les annonceurs de luxe, auprès desquels un délai de prévenance est important, la prospection se faisant à N-, soit douze mois ;

Que la société Euro Editions Sud allègue l’existence d’un usage selon lequel le préavis serait de trois années ;

Qu’aucun justificatif d’un tel préavis n’est versé aux débats ;

Qu’en l’absence de tout autre élément de comparaison qui justifierait l’usage allégué, et vu la récurrence annuelle de la publication, il y a lieu de fixer à douze mois la durée du préavis, qui indemnisera ainsi justement la rupture intervenue ;

Que la somme de 58.362,84 euros retenue au titre de la marge pour 2010 sur la base des pièces versées aux débats et non contestée dans son calcul par les parties pour douze mois sera par conséquent allouée à la société Euro Editions Sud à titre de préavis, sous déduction des quatres mois déjà accordés, soit 38.908,56 euros ;

Considérant qu’en l’absence de tout abus distinct de la seule notification d’un préavis insuffisant, ou de tout autre justificatif d’une faute, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’indemnisation d’un préjudice moral et d’image qui ne sont pas établis ;

Que la décision des premiers juges sera donc infirmée sur ces points ;

Qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile formée par l’une ou l’autre des parties, chacune succombant partiellement.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme les jugements déférés par motifs propres, sauf en ce qu’ils ont fixé la durée du préavis à 24 mois et condamné les appelantes solidairement au paiement d’une indemnisation pour préjudice moral.

Et statuant à nouveau,

Fixe à 12 mois la durée du préavis ouvrant droit à indemnisation en application de l’article L442-6, I, 5° du code de commerce, sous déduction des quatre mois de préavis déjà accordés.

Condamne solidairement la société Groupe Sibuet, les sociétés d’exploitation Le Mont Blanc et Les Fermes de X à payer à la société Euro Editions Sud la somme de 38.908,56 euros.

Déboute la société Euro Editions Sud du surplus de ses demandes.

Partage les dépens par moitié et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

B.REITZER L. DABOSVILLE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 23 juin 2016, n° 15/01089