Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 2 octobre 2018, n° 16/00645

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Gouache Avocats · 6 novembre 2018

La publicité comparative portant sur des produits n'étant pas tous identiques et présentant des variations entre eux s'agissant tant de la quantité que de la qualité ou de leur composition, est trompeuse si l'information communiquée par l'enseigne au consommateur ne lui permet pas d'apprécier ces différences et de déterminer son choix en connaissance. En octobre 2012, une enseigne de la grande distribution alimentaire (ci-après, la « Société A ») a diffusé, dans la presse et sur son site internet une campagne publicitaire comparative sous le slogan « 500 PRODUITS N°1 SUR LES PRIX » …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 2 oct. 2018, n° 16/00645
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/00645
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 16 novembre 2015, N° 13/00219
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2018

(n°124/2018, 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00645 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BX2AZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2015 -Tribunal de Commerce de CRETEIL – RG n° 13/00219

APPELANTE

COOPERATIVE U ENSEIGNE,

Coopérative à forme anonyme et à capital variable, inscrite au RCS de Créteil sous le N° 304 602 956

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Violaine AYROLE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0003

INTIMÉES

SAS CSF

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Martine KARSENTY RICARD et Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R156

SAS CARREFOUR HYPERMARCHES

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Martine KARSENTY RICARD et Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R156

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme X Y

ARRÊT :

• Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par David PEYRON, Président de chambre et par X Y, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS

La société CARREFOUR HYPERMARCHES expose exercer son activité de grande distribution par l’intermédiaire d’un réseau d’hypermarchés à enseigne 'CARREFOUR’ et de l’enseigne 'CARREFOUR MARKET’ exploitée par la société C.S.F.

Le groupement Système U indique être un groupement coopératif de commerçants indépendants qui exploitent des magasins aux enseignes 'Hyper U', 'Super U', 'Marché U’ 'U express’ et 'Utile’ (ci-après les 'Magasins U'), les Magasins U étant regroupés au sein de quatre Centrales Régionales Système U organisées sous forme de sociétés anonymes coopératives dont ils sont associés. Ces quatre Centrales Régionales Système U sont elles-mêmes regroupées au sein de la Coopérative U Enseigne (anciennement 'Système U Centrale Nationale') dont elles sont associées, qui est organisée sous forme de société anonyme, union de coopératives.

En octobre 2012, la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE (ci-après dénommée SYSTEME U) a diffusé, dans la presse et sur le site internet www.magasins-u.com, une campagne publicitaire comparative sous le slogan '500 PRODUITS N°1 SUR LES PRIX' portant sur un échantillon comportant des produits de marque nationale (MN), des produits de marque de distributeur (MDD) et des produits premier-prix (PPX) figurant sur une reproduction de la carte de France et accompagné du slogan 'LE QUOTIDIEN MOINS CHER, C’EST DANS LES MAGASINS U'.

La société CARREFOUR a, par courrier du 3 octobre 2012, mis en demeure la société SYSTEME U de prouver sous 48 heures l’exactitude matérielle des énonciations contenues dans cette publicité sur le fondement de l’article L. 121-12 du code de la consommation.

Les sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF FRANCE (ci-dessous, les sociétés CARREFOUR) indiquent que la société SYSTEME U a, par courriers des 8, 9 et 16 octobre 2012, transmis certains éléments mais a refusé de leur communiquer les informations relatives à la composition des produits.

Les sociétés CARREFOUR estiment qu’en ne mettant pas à la disposition des consommateurs toutes les informations, la société SYSTEME U a méconnu les dispositions de l’article L.121-12 du code de la consommation.

Par acte d’huissier du 18 février 2013, elles ont assigné la société SYSTEME U en concurrence déloyale fondée sur une publicité comparative illicite et trompeuse.

Reconventionnellement, la société SYSTEME U a également sollicité la condamnation des sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF FRANCE pour concurrence déloyale fondée sur une publicité comportant deux volets, la garantie du prix le plus bas avec une offre de remboursement de deux fois la différence d’une part, et une publicité comparative prétendant que sur 500 produits, ceux de CARREFOUR sont x% moins chers que ceux des principaux concurrents, dont SYSTEME U.

La société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE a interjeté appel du jugement rendu le 17 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Créteil qui a :

• Dit la publicité comparative effectuée par la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE trompeuse au regard des articles L.121-1 et L.121-8 du code de la consommation,

• Condamné la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE à payer aux sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF la somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts, et débouté les sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF du surplus de leur demande,

• Dit les sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF mal fondées en leurs demandes de les autoriser à faire publier dans cinq journaux de leur choix et aux frais avancés par la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE le jugement, et les en a débouté,

• Dit les sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF mal fondées en leur demande d’ordonner à la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE d’afficher sur son site accessible à l’adresse www.magasins-u.com le jugement pendant une durée d’un mois et ce sous astreinte de 10.000€ par jour de retard à compter de la signification du jugement, et les en a débouté.

• Dit la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE irrecevable en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts et l’en a déboutée,

• Dit la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE mal fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l’en a déboutée,

• Condamné la société SYSTEME U à payer aux sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES

• et CSF la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté les sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF du surplus de leur demande et débouté la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE de sa demande formée de ce chef, Ordonné l’exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu’en cas d’appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,

• Condamné la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE aux dépens,

• Liquidé les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 189,84 euros TTC (dont TVA : 20%).

Dans ses conclusions du 5 mars 2018, la société Coopérative U Enseigne demande à la Cour de:

• Déclarer la Coopérative U Enseigne recevable et bien fondée en son appel

• Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

Sur les demandes de Carrefour Hypermarchés et CSF relatives à la publicité diffusée par la Coopérative U Enseigne :

• Constater que les produits à marque de distributeur et les produits premiers prix de la Coopérative U Enseigne, comparés aux produits de la société Carrefour, présentent des similitudes suffisantes pour être directement substituables pour un consommateur informé ;

• En conséquence, constater que les produits de la Coopérative U Enseigne, objets de sa publicité comparative, sont directement comparables aux produits de la société Carrefour sélectionnés dans la publicité ;

• Juger, en conséquence, que la publicité comparative de la société Coopérative U Enseigne n’est pas trompeuse ;

• Constater que la société Coopérative U Enseigne a transmis, dans des délais extrêmement courts, à la société Carrefour l’ensemble des informations requises par l’article L. 122-5 du code de la consommation (ancien article L. 121-12 du code de la consommation) ;

• Constater que les informations relatives à la composition des produits ne relèvent pas des informations devant être communiquées au concurrent qui les sollicite en application de l’article L. 122-5 du code de la consommation (ancien article L. 121-12 du code de la consommation);

• Juger, en conséquence, que la société Coopérative U Enseigne n’a pas contrevenu aux dispositions de l’article L.122-5 du code de la consommation (ancien article L. 121-12 du code de la consommation) ;

• Juger que la publicité de la société Coopérative U Enseigne est licite au regard de l’article L. 122-1 du code de la consommation (ancien article L.121-8 du code de la consommation) et que la société Coopérative U Enseigne n’a commis aucun acte de concurrence déloyale au détriment de la société Carrefour ;

• Rejeter en toute hypothèse la demande de condamnation à des dommages et intérêts présentée par les sociétés Carrefour Hypermarchés et CSF, qui manquent totalement de sérieux, qui est injustifiée, outrancièrement excessive et disproportionnée par rapport aux faits ;

• Rejeter en toute hypothèse les demandes de publication et d’affichage, qui n’ont aucune justification, qui sont outrancièrement excessives et disproportionnées par rapport aux faits et dont leur seul objectif est de causer un préjudice à la société Coopérative U Enseigne ;

• Rejeter en toute hypothèse la demande d’affichage car cette sanction n’est pas prévue à l’article L 132-4 du code de la consommation (ancien article L. 121-4 du code de la consommation) auquel renvoie l’article L.132-25 dudit code (ancien article L.121-14 du code

• de la consommation) ; Débouter les sociétés Carrefour Hypermarchés et CSF de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Coopérative U Enseigne relatives à la publicité diffusée par Carrefour :

• Constater qu’il existe un lien évident et suffisant entre la publicité réalisée par la Coopérative U Enseigne et la publicité réalisée par Carrefour,

• Déclarer, par conséquent, recevable la demande reconventionnelle formulée par la Coopérative U Enseigne ;

• Constater que, dans le cadre de la publicité comparative qu’elle a réalisée, la société Carrefour n’a pas mis à la disposition des consommateurs des informations facilement accessibles, de lecture simple et naturelle ;

• Constater que Carrefour n’a pas mis les consommateurs en mesure de vérifier que les magasins Carrefour sont effectivement moins chers que leurs concurrents sur chacun des produits objets de la comparaison ;

• Constater que la publicité de Carrefour est trompeuse dans la mesure où les prix des produits relevés dans les magasins Carrefour sont mensongers ;

• Constater que la publicité de Carrefour est trompeuse dans la mesure où Carrefour n’a pas informé les consommateurs sur la différence de formats et de tailles des magasins ayant fait l’objet de sa comparaison ;

• Constater que la publicité de Carrefour est trompeuse dans la mesure où la faculté de remboursement offerte par la société Carrefour aux consommateurs démontre qu’il incombe en réalité aux consommateurs de relever les prix chez les concurrents de Carrefour alors que cette preuve lui incombe normalement dès lors que la société Carrefour affirme pratiquer les prix les plus bas ;

• Constater que la publicité de Carrefour est trompeuse dans la mesure où de nombreux produits objets de la comparaison ne sont pas des produits de grande marque nationale soit car ils sont dépourvus de toute marque soit car il s’agit de marques mineures ;

• Constater que la publicité Carrefour est trompeuse dans la mesure où la société Carrefour ne démontre pas être moins chère que ses concurrents «sur plus de 500 produits de grandes marques» ;

• Juger, en conséquence, que la publicité réalisée par Carrefour est illicite en application de l’article L. 122-1 du code de la consommation (ancien article L. 121-8 du code de la consommation) et que la société Carrefour a commis un acte de concurrence déloyale au détriment de la société la Coopérative U Enseigne ;

• Condamner, en conséquence, solidairement les sociétés Carrefour Hypermarchés et CSF à payer à la société la Coopérative U Enseigne la somme d'1 € à titre de dommages et intérêts ;

• Condamner solidairement les sociétés Carrefour Hypermarchés et CSF à payer à la société la Coopérative U Enseigne la somme de 100.000 € pour procédure abusive ;

• Condamner solidairement les sociétés Carrefour Hypermarchés et CSF à payer à la Coopérative U Enseigne la somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamner les sociétés Carrefour Hypermarchés et CSF aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions du 30 mars 2018, la société CARREFOUR HYPERMARCHES et la société C.S.F. demandent à la Cour de :

— A titre principal, confirmer le jugement rendu le 17 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu’il a :

• jugé la publicité comparative effectuée par la société COOPERATIVE U ENSEIGNE trompeuse ;

• jugé la société COOPERATIVE U ENSEIGNE irrecevable en sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts relative à la publicité CARREFOUR diffusée sous le slogan : « Garantie prix le plus bas sur 500 PRODUITS DE GRANDES MARQUES Et si vous trouvez moins cher ailleurs, on vous rembourse 2 fois la différence » ;

• jugé la société COOPERATIVE U ENSEIGNE mal fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l’en a déboutée ;

• condamné la société COOPERATIVE U ENSEIGNE à payer aux sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et CSF la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

• juger qu’en communiquant à la société CARREFOUR HYPERMARCHES qui était visée par la publicité des documents incomplets et en refusant expressément de lui communiquer la composition précise de ses produits MDD (U) et 1 er prix (Bien Vu), la société COOPERATIVE U ENSEIGNE n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 122-5 du code de la consommation;

• condamner la société COOPERATIVE U ENSEIGNE à payer aux sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et C.S.F. FRANCE la somme de 300.000 €uros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ces actes de concurrence déloyale ;

• autoriser les sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et C.S.F. FRANCE à faire publier dans cinq journaux de leur choix et aux frais avancés par la société COOPERATIVE U ENSEIGNE l’arrêt à intervenir ;

• ordonner à la société COOPERATIVE U ENSEIGNE d’afficher sur son site accessible à l’adresse http://www.magasins-u.com l’arrêt à intervenir pendant une durée d’un mois et ce sous astreinte de 10.000 Euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

En tout état de cause,

• débouter la société COOPERATIVE U ENSEIGNE de toutes ses demandes, fins et conclusions, et notamment de ses demandes reconventionnelles ;

• condamner la société COOPERATIVE U ENSEIGNE à verser aux sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et C.S.F. FRANCE la somme de 20.000 €uros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamner la société COOPERATIVE U ENSEIGNE aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2018.

MOTIVATION

Sur le caractère illicite et trompeur de la publicité

Sur l’application des articles L121-2 et L122-1 du code de la consommation

La société Coopérative U Enseigne conteste s’être rendue coupable de publicité comparative illicite, et soutient que l’annonceur n’est pas tenu de détailler la composition qualitative et quantitative des produits qu’il compare ni pour les consommateurs ni pour les concurrents dès lors que les produits sont identifiables et leurs caractéristiques accessibles.

Elle soutient que le jugement n’a pas appliqué la jurisprudence de la CJUE sur le caractère trompeur de la publicité, et que la publicité comparative ne doit mentionner les caractéristiques et différences

qualitatives des produits que lorsque les produits comparés présentent des différences sensibles.

Elle relève que le jugement a considéré, pour les deux seuls produits pointés par les sociétés CARREFOUR, que les différences ne mettaient pas en cause le caractère de substituabilité des produits, de sorte qu’elle ne pouvait se voir reprocher de n’avoir pas communiqué aux consommateurs la composition quantitative et qualitative des produits.

Elle affirme n’avoir comparé que des produits substituables, c’est à dire soit identiques soit ne présentant pas de différences sensibles, et que les deux seuls produits relevés par les sociétés CARREFOUR ne présentent pas de différences de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur. Elle ajoute qu’elle n’aurait pas dû être condamnée pour n’avoir pas indiqué la quantité de chaque produit comparé, lesquels étaient identiques.

Les sociétés CARREFOUR font valoir que la société SYSTEME U s’est rendue coupable de publicité illicite et trompeuse compte tenu du caractère insuffisant des informations données au consommateur sur les produits comparés et de l’absence d’objectivité de la comparaison opérée par la société SYSTEME U.

Elles rappellent que la question de la comparabilité se pose pour les produits qui ne sont pas des produits de marque nationale, à savoir les produits de marque distributeur et les produits premier prix, soit les 2 tiers des produits concernés par la publicité, et qu’il est nécessaire d’informer le consommateur sur la différence qualitative de produits.

Elles soutiennent que la désignation des produits par la société Coopérative U Enseigne était des plus succintes, que l’appelante ne donnait pas assez d’informations sur la composition des produits de marque distributeur comparés présentant des différences qualitatives.

Elles affirment que pour les produits de marque de distributeur, qui ne sont donc pas strictement identiques, l’absence d’indication de la composition des produits présente un caractère trompeur pour le consommateur.

Elles avancent que la société Coopérative U Enseigne a comparé des produits de quantités différentes, avec des unités non équivalentes, qui peuvent influer sur le prix des produits, sans que le consommateur n’en ait connaissance.

Elles dénoncent l’absence de communication de la méthodologie suivie par la société Coopérative U Enseigne, et de son tableau d’équivalence, sur son site internet, et le fait que leur présence dans les magasins n’est pas démontrée. Elles soulignent que 30% des produits de marque distributeur ou 1er prix de l’enseigne U n’étaient pas comparés avec les produits de marque de distributeur ou 1er prix carrefour, ce qui établit le manque d’objectivité de la comparaison.

Sur ce

L’article 121-2 du code de la consommation dispose qu’ 'une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : …

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :…

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;…'

L’article L.122-1 du code de la consommation (anciennement, article L.121-8) dispose que :

'Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si :

1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;

2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;

3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.'

La cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit qu' 'une publicité… peut revêtir un caractère trompeur, notamment : … s’il est constaté que, aux fins d’une comparaison effectuée sous l’angle exclusif du prix, ont été sélectionnés des produits alimentaires qui présentent pourtant des différences de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur moyen, sans que lesdites différences ressortent de la publicité concernée'.

La publicité comparative diffusée en octobre 2012 pour assurer la promotion des hypermarchés et supermarchés U avait pour slogan '500 produits n°1 sur les prix’ et indiquait qu’elle reposait sur une comparaison du prix moyen de 500 produits après relevés effectués dans les magasins sous enseigne concurrente, dont Carrefour.

Les 616 produits retenus pour cette comparaison étaient des produits sélectionnés par la société Coopérative U Enseigne, soit de marque nationale (203 produits), soit de marque distributeur (309 produits) soit premiers prix (104 produits, distribués sous la marque 'Bien Vu’ de Système U).

L’article R. 412-47 alinéa 2 du code de la consommation indiquant qu’ 'est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe d’entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu', il en ressort que les deux tiers des produits n’étaient pas strictement identiques à ceux distribués dans les magasins sous les enseignes concurrentes, et dans lesquels les relevés de prix avaient été effectués.

S’agissant de produits qui n’étaient pas strictement identiques, et alors que la comparaison était effectuée sous le seul angle des prix, il revenait à la société Coopérative U Enseigne d’apporter au consommateur moyen toute information sur les différences entre ces produits de nature à conditionner de manière sensible son choix.

Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que la comparaison a notamment porté sur une boîte de cassoulet toulousain de 420 gr, mais celui proposé par les magasins sous enseigne U contenait des saucisses de Toulouse et de la viande de porc, alors que celui vendu chez Carrefour contenait des saucisses de Toulouse et des manchons de canard, ce qui est de nature à constituer une différence pouvant orienter le consommateur, si elle est portée à sa connaissance, dans son acte d’achat.

De même, la comparaison a porté sur un produit gel WC dont la teneur en chlore était significativement différente, puisque de 1% dans le produit U et de 4,5% dans le produit carrefour, et cette différence de composition entre les produits peut également orienter le consommateur dans son acte d’achat.

Même si les produits en cause répondent aux mêmes besoins, la nature des principaux ingrédients

d’un plat cuisiné est de nature à déterminer l’acte d’achat d’un consommateur, comme la teneur plus ou moins importante d’un principe actif dans un produit de nettoyage. Il n’est pas contesté que ces différences qualitatives ne figuraient pas sur la liste des produits comparés qui était consultable par les consommateurs sur le site internet de la société Système U.

Par ailleurs, la comparaison figurant sur le tableau accessible au consommateur entre certains produits (ainsi, les cannelloni) est réalisée sans que le poids des produits U ne soit mentionné, alors que le poids du produit carrefour est indiqué.

De même est-elle parfois réalisée alors que les produits sont présentés dans des quantités différentes, ou dans des unités de mesures différentes (la boîte de petits pois de 445 gr est comparée avec celle de 720 ml, la mousse au chocolat panaché de 8x60 gr est comparée avec la mousse chocolat noir ou au lait 960 ml, le cône glace menthe chocolat 6x110 ml avec une boîte de glace chocolat menthe de 720 ml) et il n’est pas démontré, comme la société Coopérative U Enseigne l’affirme, qu’il y ait une équivalence entre les données relevées dans des unités de mesure différentes, et qu’ainsi la 'mousse choco panachée U 8x60gr’ représente le même poids que la mousse chocolat noir ou au lait 960 ml de Carrefour.

Une telle différence peut, outre celle relative à la forme de conditionnement des produits, avoir des conséquences sur le prix des produits.

Il n’est au surplus pas établi par les pièces versées par l’appelante que la méthodologie et ses annexes se trouvaient sur son site internet ou étaient consultables dans les magasins U, ce que n’aurait pas manqué de répondre la société Coopérative U Enseigne à la demande de la société Carrefour du 3 octobre 2012 de communication de cette méthodologie, la réponse du 9 octobre 2012 de l’enseigne U adressant 'copie de la méthodologie à laquelle nous faisons référence sur notre site internet www.magasins-u.com'.

Il résulte de ce qui précède que le tribunal a justement apprécié que les différences ainsi relevées sont de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur entre deux produits, et qu’il doit en être informé lorsque la comparaison est réalisée sur le seul critère du prix, même si les produits présentent entre eux une substituabilité.

En l’espèce, les produits n’étant pas tous identiques, et au vu des variations relevées entre eux s’agissant tant de la quantité que de la qualité ou de leur composition, l’information communiquée par les enseignes U au consommateur ne lui permettait pas d’apprécier ces différences et de déterminer son choix en connaissance.

Par conséquent, le jugement du 17 novembre 2015 sera confirmé en ce qu’il a dit la publicité comparative effectuée par la société SYSTEME U CENTRALE NATIONALE trompeuse sur ce point.

Sur l’application de l’article L122-5 du code de la consommation

La société Coopérative U Enseigne soutient en avoir respecté les dispositions, car elle n’avait pas à communiquer à Carrefour la composition précise des produits dès lors que les produits comparés de part et d’autre étaient parfaitement identifiables.

Elle ajoute qu’il ressort du tableau d’équivalence envoyé à Carrefour qu’elle a indiqué à chaque fois les codes EAN des produits Carrefour comparés afin de permettre à Carrefour de les identifier, et que Carrefour utilise cet article pour demander à ses concurrents de communiquer sans délai des informations très volumineuses n’entrant pas toutes dans les éléments devant être communiqués au vu de cet article ; elle déclare s’être efforcée de répondre aux demandes très importantes de Carrefour lorsque les informations demandées relevaient de l’article L. 122-5.

Elle revendique n’avoir comparé que des produits substituables, soit totalement identiques (produits à marque fournisseur), soit ne comportant pas de différences sensibles (produits à marque distributeur).

Les sociétés CARREFOUR reprochent à la société SYSTEME U d’avoir violé les dispositions de l’article L121-12 (devenu L122-5) du code de la consommation.

Elles soutiennent que la composition des produits de marque distributeur et Premier Prix objets de la publicité comparative fait partie des éléments pouvant être demandés à l’annonceur par un concurrent visé afin de justifier de l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité ; elles avancent que pour ces produits, la transmission d’une simple désignation générique du produit ne permet pas au concurrent d’apprécier si lesdits produits étaient interchangeables avec les siens, ni de vérifier la condition d’objectivité, ce qui les empêchent de pouvoir contrôler de légalité de la publicité comparative.

Elles concluent que la communication par la société Coopérative U Enseigne de documents incomplets sans indication de la composition précise des produits établit le non-respect par l’appelante des dispositions de l’article L121-12 du code de la consommation, en ne permettant pas d’apprécier la comparabilité des produits.

Sur ce

L’article L.122-5 du code de la consommation dispose que :

'l’annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité'.

En l’espèce, la société Coopérative U Enseigne a répondu respectivement, les 8 et 9 octobre 2012 au courrier de Carrefour du 3 octobre 2012, le 16 octobre 2012 au courrier de Carrefour du 9 octobre 2012, le 24 octobre 2012 au courrier de Carrefour du 19 octobre 2012.

Il est ainsi établi que, compte-tenu des délais d’acheminement des courriers, la condition de brièveté des délais posée par l’article précité a été respectée par la société Coopérative U Enseigne.

Le courrier du 9 octobre 2012 indiquait la liste des magasins à enseigne Carrefour et Carrefour Market ayant fait l’objet des relevés de prix effectués entre le 29 août et le 17 septembre 2012, les justificatifs des relevés de prix réalisés dans les différents magasins, la liste de tous les produits MDD Hyper U et Super U avec pour chacun son équivalent Carrefour et Carrefour Market concerné par les relevés de prix, la copie de la méthodologie utilisée à laquelle il était fait référence sur le site www.magasins-U.com.

Le courrier du 16 octobre 2012 contenait aussi la copie de la méthodologie utilisée, qui n’aurait pas été transmise dans le précédent envoi selon les sociétés CARREFOUR, ce que conteste la société Coopérative U Enseigne.

Le courrier du 24 octobre 2012 contenait un tableau des dates de relevés effectués dans les différents magasins, ainsi qu’un tableau des prix moyens par enseigne pour chacun des produits objets de la comparaison.

La méthodologie transmise contenait en annexe l’indication des produits comparés avec leur dénomination précise, leur contenance et leur distributeur, comme le tableau de résultats transmis le 24 octobre 2012.

La présence des références EAN des produits Carrefour dans ces tableaux permettait leur identification, comme la dénomination précise des produits distribués sous marque de distributeur par la société Coopérative U Enseigne.

Les sociétés CARREFOUR ne justifient du reste pas que la seule indication du nom des produits distribués par la société Coopérative U Enseigne ne permettait pas, en l’absence de transmission de leurs codes EAN, de procéder à leur identification, et donc de vérifier l’exactitude des informations contenues dans la publicité.

Les produits en cause étant identifiables au vu des documents transmis, ces indications étaient de nature à permettre aux sociétés CARREFOUR de vérifier 'l’exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité', au sens de l’article L122-5 précité.

Par conséquent, le jugement, qui a retenu que la société Coopérative U Enseigne n’avait pas contrevenu aux obligations découlant de ce texte, sera confirmé sur ce point.

Sur la réparation du préjudice subi par les sociétés Carrefour

La société Coopérative U Enseigne soutient que la société Carrefour n’a présenté aucun justificatif sur son préjudice induit du caractère illicite de la publicité, et n’explique pas le raisonnement par lequel elle arrive à une demande de 300.000 euros, de sorte que sa demande n’est pas sérieuse. Elle ajoute que Carrefour ne cherche pas à obtenir la réparation de son préjudice, mais à dissuader ses concurrents de recourir à la publicité comparative. Elle considère que le montant auquel elle a été condamnée n’est pas justifié.

Elle ajoute que les demandes de publication et d’affichage sont disproportionnées par rapport à la diffusion de la campagne de publicité qui n’a duré qu’une quinzaine de jours, alors que celle de Carrefour commencée peu après a duré jusqu’à son interdiction judiciaire le 31 décembre 2014. Elle ajoute que la demande d’affichage de la décision sur son site internet est irrecevable.

Les sociétés CARREFOUR soutiennent que le tribunal a justement apprécié que la publicité comparative et trompeuse de la société Coopérative U Enseigne leur cause un préjudice commercial, et que le manquement de la société Coopérative U Enseigne aux obligations posées par les articles du code de la consommation doit être sanctionné. Elles rappellent qu’en matière de concurrence déloyale et parasitaire le préjudice ne résulte pas nécessairement d’un détournement de clientèle, et soulignent l’importance de la campagne publicitaire en cause. Elles justifient leur demande de publication par l’ampleur de ladite campagne.

Sur ce

Comme l’a relevé le jugement, les sociétés CARREFOUR n’invoquent pas un dommage économique direct se matérialisant par une baisse de son chiffre d’affaires à la suite de la campagne publicitaire en cause.

Pour autant, les manquements relevés précédemment aux articles du code de la consommation sont de nature à provoquer un trouble commercial dont les sociétés CARREFOUR ont pâti.

L’importance du préjudice subi par les sociétés CARREFOUR doit être évaluée au vu de l’ampleur de cette campagne publicitaire, et du dommage subi par elles du fait de l’imprécision et l’incomplétude des informations qui étaient portées par l’annonceur à la connaissance des consommateurs.

Afin de souligner l’importance de la campagne de publicité en cause, les sociétés CARREFOUR ont fourni une évaluation réalisée par l’agence Havas Media, estimant son coût à plus de 5 millions

d’euros. Si la société Coopérative U Enseigne conteste ce chiffrage, elle ne justifie ni ne fait état du montant qu’elle a dû régler au titre du financement de cette campagne.

La société Coopérative U Enseigne reconnaît que sa campagne publicitaire a duré une quinzaine de jours, que celle-ci s’est manifestée par des spots télévisuels sur différentes chaînes, des encarts et cavaliers dans des journaux nationaux quotidiens et hebdomadaires à grand tirage.

Au seul vu de ce qui précède, il convient de confirmer l’appréciation du préjudice subi par les sociétés CARREFOUR du fait de la campagne de publicité en cause en condamnant la société Coopérative U Enseigne au versement d’une somme de 120.000 euros de ce chef.

Par ailleurs, et au vu notamment de l’écoulement du temps depuis la campagne incriminée, il ne sera pas fait droit aux mesures de publication sollicitées.

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle

La société Coopérative U Enseigne fait valoir que les sociétés Carrefour se sont aussi rendues coupables de publicité comparative illicite en diffusant, à la fin de l’année 2012, une publicité comparative intitulée « Garantie prix le plus bas sur 500 produits de grande marques » sur le site internet www.carrefour.fr, dans la presse, à la télévision et en radio, dans laquelle il était affirmé notamment que l’enseigne « U » était plus chère de 10,2% que Carrefour. Elle ajoute que Carrefour a lancé en mars 2013 une seconde publicité comparative, comparable sur la forme à la première mais portant sur quelques produits différents, dans laquelle était indiqué que les magasins Super U sont en moyenne 12,3% plus chers que les magasins Carrefour.

Elle soutient que sa demande de condamnation au titre de cette publicité comparative illicite est recevable contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, car les deux campagnes de publicité sont comparatives, portent en partie sur des produits de marque nationale, et concernent les mêmes parties. Elle soutient que l’appréciation d’un lien suffisant entre les demandes principale et reconventionnelle relève de circonstances factuelles, et que le tribunal a à tort fixé comme critère de recevabilité que la 2e publicité réponde à la 1re ou n’introduise un élément de dénigrement. Elle affirme que le lien entre la publicité réalisée par la Coopérative U Enseigne et celle réalisée par Carrefour est direct et suffisant. Elle souligne ainsi que ces deux publicités sont de même nature car, notamment, elles concernent les mêmes parties, ont été réalisées presque en même temps, ont le même thème et portent sur le même nombre de produits comparés, soit 500 produits.

Les sociétés CARREFOUR soutiennent que la demande reconventionnelle n’est pas recevable pour défaut de lien suffisant avec la demande principale, et analysent les constats d’huissier réalisés par la société Système U. Elles font état de la différence de nature entre les deux publicités, la publicité U étant purement comparative, alors que la leur comporte une offre de remboursement de la différence de prix si le consommateur trouve moins cher ailleurs, et une partie comparative ; la publicité U porte de plus principalement sur des produits de marques distributeurs et premiers prix, alors que la publicité CARREFOUR porte exclusivement sur des produits de grandes marques.

Elles font état de décisions jurisprudentielles qui conforteraient leur argumentaire sur la différence de nature entre leur publicité incriminée à titre reconventionnel et la publicité U incriminée à titre principal, donc sur l’irrecevabilité des demandes reconventionnelles faute de lien suffisant. Elles affirment que la diffusion de leur publicité n’est pas liée à celle de la publicité SYSTEME U, qu’elle n’y fait d’ailleurs aucune référence, ni ne cherche à discréditer les produits concurrents.

Sur ce

L’article 70 du code de procédure civile prévoit en son alinéa 1er que :

'les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant'.

Les juges du fond apprécient souverainement le caractère suffisant du lien rattachant la demande reconventionnelle aux prétentions originaires.

En l’espèce, le procès-verbal de constat du 22 février 2013 établit que Carrefour diffusait alors, sur le site www.carrefour.fr, la publicité suivante : 'garantie Prix le plus bas sur 500 produits de grande marques et si vous trouvez moins cher ailleurs on vous rembourse 2 fois la différence’ (sic), autrement formulée à côté d’un logo 'garantie Carrefour prix le plus bas', l’indication 'c’est sur plus de 500 produits de grandes marques et si vous trouvez moins cher ailleurs on vous rembourse 2 fois la différence'.

Était accessible depuis ce site une méthodologie 'comparative prix 3 produits essentiels', ainsi qu’un écran sur lequel était indiqué que sur l’ensemble des produits comparés, l’enseigne U était 10,2% plus chère que Carrefour.

Une publicité comparable 'garantie carrefour prix le plus bas’ avec l’indication 'C’est sur plus de 500 produits de grandes marques. Et si vous trouvez moins cher ailleurs on vous rembourse 2 fois la d i f f é r e n c e ' a é t é c o n s t a t é e l e 2 3 m a i 2 0 1 3 s u r l e s i t e www.lesprixlesplusbaslaconfianceenplus.carrefour.fr.

Un encart publicitaire était aussi diffusé dans la presse, indiquant 'chez Carrefour, 500 produits de grandes marques sont au prix le plus bas**' et présentant les prix pratiqués par Super U comme 12,3% plus chers, le double astérisque renvoyant à une précision en petits caractères 'et si vous trouvez moins cher ailleurs, on vous rembourse 2 fois la différence'.

Il en ressort que cette publicité Carrefour portait à la fois sur une garantie 'prix le plus bas’ proposant au consommateur de lui rembourser le double de la différence de prix s’il trouvait moins cher ailleurs sur une liste arrêtée de produits de grandes marques, et constituait une publicité comparative sur les plus de 500 produits de grandes marques figurant sur cette liste, alors que la publicité de l’enseigne U était seulement comparative.

Par ailleurs, la publicité Carrefour revendique que les plus de 500 produits sur lesquels elle garantit le remboursement du double de la différence de prix et sur lesquels elle affirme proposer les prix les plus bas sont des produits de grandes marques, alors que ceux sur lesquels la publicité de l’enseigne U a porté sont pour les deux tiers des produits de marque de distributeurs et des produits premiers prix et pour un tiers des produits de marque nationale.

Ainsi, les comparaisons de prix effectuées par Carrefour portent uniquement sur des produits strictement identiques, alors que pour les deux tiers de ceux objets de la comparaison dans le cadre de la publicité de l’enseigne U il s’agit de produits non identiques mais pouvant être objectivement substitués, ce qui induit la prise en compte des caractères objectifs de substituabilité entre les produits alors que la comparaison de la publicité Carrefour ne porte que sur les prix.

La différence de nature de la plupart des produits concernés (produits de marques nationales pour la campagne Carrefour, produits de marques de distributeurs – marques 1ers prix – marques nationales pour la campagne de l’enseigne U) révèle aussi que la campagne Carrefour n’apparaît pas comme une réponse à la publicité de l’enseigne U, ni ne tend à dénigrer les produits distribués par les magasins sous cette enseigne.

La partie comparative de la publicité Carrefour ne vise par directement l’enseigne U mais les principaux acteurs de la grande distribution, de la même façon que Carrefour n’était pas traité distinctement de ces autres acteurs par la publicité de la société Coopérative U Enseigne.

Le recours par les acteurs de la grande distribution à des publicités comparatives ne peut justifier l’existence d’un lien suffisant entre les demandes initiale et reconventionnelle, sauf à permettre de ce seul fait à la partie défenderesse à une action en concurrence déloyale de contester la publicité de son concurrent.

Dès lors, même si un faible laps de temps s’est écoulé entre ces campagnes, la demande reconventionnelle présentée par la société Coopérative U Enseigne ne présente pas un lien suffisant avec la demande principale des sociétés CARREFOUR.

Le jugement sera donc confirmé, en ce qu’il a déclaré cette demande reconventionnelle irrecevable.

Sur les autres demandes

Au vu de la teneur de la décision, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit la société Coopérative U Enseigne mal fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l’a déboutée de cette demande.

Les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

La société Coopérative U Enseigne succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens de l’instance d’appel.

Il convient également de la condamner au versement, aux sociétés CARREFOUR, de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 17 novembre 2015 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société COOPERATIVE U ENSEIGNE à verser aux sociétés CARREFOUR HYPERMARCHES et C.S.F. FRANCE la somme totale de 15.000 €uros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société COOPERATIVE U ENSEIGNE aux entiers dépens.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 2 octobre 2018, n° 16/00645