Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 4, 3 janvier 2023, n° 20/08067

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 4

ARRET DU 03 JANVIER 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08067 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5ZU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 11-19-5405

APPELANTE

Société AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY société de droit irlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 et assistée par Me Thomas ROUMETTE, avocat au barreau de PARIS, toque K 151, et Me Jean-Daniel BRETZNER, avocat au barreau de PARIS, toque : T 12

INTIMEES

Madame [M] [E] [O] [B]

[Adresse 6]

[Localité 5]L / FRANCE

Représentée par Me Jonathan BELLAICHE de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K103

Madame [U] [P]

Chez Mme [Z] [Adresse 2]

[Localité 4]

Défaillante

Assignation devant la cour d’appel de Paris, en date du 23 septembre 2020, déposée à l’étude d’huissier de justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Michel CHALACHIN, Président de chambre

Mme Marie MONGIN, Conseillère

M. François BOUYX, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Michel CHALACHIN dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

— Par défaut

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière chambre 4-4 présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 27 février 2016 à effet du 1er mars 2016, Mme [M] [B] a donné à bail à Mme [U] [P] un logement meublé à usage d’habitation principale situé 46 (et non 48 comme mentionné par erreur dans le bail) [Adresse 3] pour une durée de douze mois ; le loyer était fixé à 977 euros par mois charges comprises ; le contrat contenait une clause interdisant à la locataire de céder ou sous-louer le logement sans l’accord écrit du bailleur.

Par ordonnance du 26 novembre 2018, le juge des référés a ordonné à la société Airbnb de communiquer le relevé des transactions relatives aux sous-locations de l’appartement loué.

Par acte d’huissier du 1er avril 2019, la bailleresse a fait assigner la locataire et la société Airbnb devant le tribunal d’instance de Paris afin d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement des fruits civils issus des sous-locations illicites et de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Par jugement réputé contradictoire du 5 juin 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :

— condamné in solidum Mme [P] et la société Airbnb au paiement de la somme de 51 939,61 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

— condamné la société Airbnb au paiement de la somme de 1 558,20 euros au titre des commissions perçues, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné in solidum Mme [P] et la société Airbnb à payer à Mme [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum Mme [P] et la société Airbnb aux dépens,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 juin 2020, la société Airbnb Ireland unlimited company a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022, l’appelante demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à restituer à Mme [B] la somme de 1 558,20 euros,

— l’infirmer en ce qu’il a accueilli l’action en responsabilité exercée par Mme [B] et l’a condamnée in solidum avec Mme [P] au paiement de la somme de 51 939,61 euros,

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande formulée par Mme [B] au titre de son prétendu préjudice moral,

— en tout état de cause, débouter Mme [I] de toutes ses demandes,

— condamner Mme [B] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme [B] aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2022, Mme [B] demande à la cour de :

— confirmer le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

— l’infirmer sur ce point,

— condamner in solidum Mme [P] et la société Airbnb au paiement de la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

— condamner in solidum Mme [P] et la société Airbnb au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, ainsi qu’aux dépens,

— débouter Mme [P] et la société Airbnb de toutes leurs demandes.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

Mme [P], à qui la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 23 septembre 2020 déposé à l’étude de l’huissier, n’a pas constitué avocat ; le présent arrêt sera donc rendu par défaut.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient d’observer que, dans la mesure où l’appelante ne formule pas de demandes à l’encontre de Mme [P], qui n’a pas constitué avocat, ses dernières conclusions sont recevables, même si elle ne les a pas signifiées à cette dernière.

En revanche, Mme [B], qui demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné Mme [P] au paiement de certaines sommes, et qui sollicite en outre sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et d’une indemnité pour frais irrépétibles, aurait dû lui signifier ses dernières conclusions ; à défaut de signification à Mme [P], ces conclusions doivent être déclarées irrecevables, pour non-respect du principe du contradictoire ; la cour ne tiendra compte que de ses conclusions adressées au greffe le 8 février 2021, qui avaient été signifiées à Mme [P] par acte du 12 février 2021 établi selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, étant observé que les demandes de Mme [B] étaient alors strictement identiques à celles figurant dans ses dernières conclusions.

Sur les demandes dirigées contre Mme [P]

Le contrat de bail conclu avec Mme [P] interdisait à celle-ci de sous-louer le bien loué sans l’autorisation écrite de la bailleresse, y compris sur les prix du loyer ; cette disposition contractuelle rappelait ainsi les dispositions de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989, rendues applicables aux logements meublés par l’article 25-3 de la même loi.

En application des articles 546 et 547 du code civil, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire.

Contrairement à ce que prétend la société Airbnb, le relevé des transactions qu’elle a communiqué à Mme [B] en exécution de l’ordonnance de référé du 26 novembre

2018 correspond bien aux sous-locations pratiquées par Mme [P] sur l’appartement dont elle était locataire, l’appelante ne démontrant pas que celle-ci ait été locataire ou propriétaire d’autres biens susceptibles de faire l’objet de locations saisonnières ; d’ailleurs, la société Airbnb n’a pas refusé d’exécuter ladite ordonnance, laquelle visait bien le logement situé [Adresse 3] qui appartient à Mme [B] et qui était loué par Mme [P], ce qui démontre qu’elle savait parfaitement que la liste des transactions communiquées correspondait à ce bien.

Le fait que le bail mentionne par erreur le '[Adresse 3]' alors que le bien appartenant à Mme [B] est situé au 46 de la même rue n’a aucun incidence sur le présent litige, le rapport d’analyse technique des relevés de transactions qui est produit par la société Airbnb démontrant que lesdites transactions portaient sur le bien situé au 46 de cette rue, soit l’appartement de Mme [B].

L’intimée produit en outre un constat d’huissier établi le 4 octobre 2022 démontrant que les photographies apparues sur l’annonce publiée par Mme [P] correspondaient parfaitement à l’appartement litigieux.

La bailleresse n’ayant jamais autorisé les sous-locations pratiquées par Mme [P], c’est à bon droit que le tribunal a condamné la locataire au remboursement des sous-loyers qu’elle avait perçus de manière illicite, ceux-ci répondant à la définition des fruits civils.

Mme [P] ayant sous-loué le logement à 87 reprises en 2016 et 77 en 2017, et ce durant 534 jours selon le relevé communiqué (sur les 606 jours qu’a duré la location), le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 51 939,61 euros en remboursement des fruits civils indûment perçus.

Mme [B] ne démontre pas que ces nombreuses sous-locations lui aient causé un préjudice moral, aucun voisin ne s’étant plaint de la présence de sous-locataires et aucun dégât n’étant à déplorer dans le bien loué du fait de leur présence, l’état des lieux de sortie du 28 octobre 2017 ne révélant aucun désordre particulier ; le seul fait qu’elle ait appris que son bien avait été occupé à de nombreuses reprises par des personnes qu’elle ne connaissait pas ne suffit pas à caractériser un tel préjudice ; le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire de ce chef.

Sur les demandes dirigées contre la société Airbnb

Le premier juge a condamné la société Airbnb à verser à Mme [B] la somme de 1 558,20 euros correspondant aux commissions perçues, celles-ci constituant un pourcentage des loyers payés par les voyageurs pour la sous-location du bien.

Mais les commissions perçues par cette société, appelées 'frais de service', n’étaient pas produits par le bien immobilier appartenant à Mme [B], au sens de l’article 546 du code civil, mais étaient la contrepartie du droit pour les voyageurs d’utiliser son site internet regroupant des annonces de locations saisonnières.

Le fait que ces frais représentaient un pourcentage des sous-loyers payés ne constituait qu’une modalité de calcul desdites commissions, et ne signifie pas qu’ils provenaient de la mise en location du bien.

Enfin, ces commissions s’analysent en des impenses utiles à la perception des sous-loyers et ne doivent donc pas être attribués au propriétaire du bien, conformément aux dispositions de l’article 548 du code civil.

Ces frais ne pouvant être assimilés à des fruits civils, c’est à tort que le premier juge a considéré qu’ils devaient revenir 'par accession’ à la propriétaire, en se fondant sur les dispositions de l’article 547 du code civil ; dès lors, Mme [B] n’était pas en droit d’en réclamer le paiement à la société Airbnb ; le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Le premier juge a ensuite condamné la société Airbnb in solidum avec Mme [P] au paiement de la somme de 51 939,61 euros correspondant à la totalité des sous-loyers perçus par celle-ci, au motif que, en sa qualité d’éditeur, elle avait concouru au préjudice subi par la bailleresse.

Le premier juge a qualifié l’appelante d’éditeur, par une interprétation a contrario des dispositions de l’article 6,I ,2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 dite pour la confiance dans l’économie numérique selon lequel 'Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa…

… Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites'.

Le premier juge a estimé que la société Airbnb n’entrait pas dans la catégorie des hébergeurs (visée par le texte susvisé), mais dans celle des éditeurs, au motif qu’elle 'jouait un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données’  ; il a donc considéré que l’appelante était de plein droit responsable de la diffusion d’annonces illicites par les hôtes puisqu’elle avait pour mission de surveiller les informations transmises par ceux-ci et qu’elle ne pouvait bénéficier de la responsabilité allégée prévue au texte susvisé en faveur des simples hébergeurs.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que la société Airbnb avait joué un rôle actif dans la rédaction des annonces diffusées sur son site internet, en raison des nombreuses contraintes imposées à ses 'hôtes’ quant à l’utilisation de sa plateforme.

Ainsi, Mme [B] produit de nombreux documents issus du site internet de l’appelante décrivant les règles à respecter avant la diffusion d’une annonce : ces documents, qui s’intitulent 'valeurs et attentes d’Airbnb', 'politique de non-discrimination d’Airbnb', 'règles d’Airbnb en matière de contenu', révèlent à quel point l’appelante supervise et contrôle le contenu des annonces publiées sur son site.

Il ne s’agit pas de règles générales mais de consignes précises, qui constituent autant de contraintes auxquelles doivent se soumettre les 'hôtes'.

La société Airbnb interdit également à ses 'hôtes’ de créer des contenus à caractère promotionnel ou commercial ou de publier des annonces frauduleuses, fallacieuses ou trompeuses.

Elle les oblige à respecter certaines normes ou 'valeurs de la communauté Airbnb', exigeant ainsi de ses 'hôtes’ qu’ils adoptent un certain comportement à l’égard des voyageurs : être réactif, accepter les demandes de réservation, éviter les annulations, maintenir une bonne évaluation globale, fournir des équipements de base.

Toutes ces contraintes sont assorties de sanctions, la société Airbnb se réservant le droit de retirer tout contenu qui ne respecterait pas ses règles, conditions générales et 'valeurs de la communauté', voire même 'pour toute autre raison, à notre discrétion’ ; en cas de manquements répétés ou particulièrement graves, elle s’autorise à 'suspendre ou désactiver définitivement le ou les comptes concernés'.

L’appelante sanctionne également les 'hôtes’ qui décident d’annuler une réservation sans raison légitime.

Elle interdit en outre aux 'hôtes’ et aux voyageurs de 'demander, faire ou accepter une réservation en dehors de la plate-forme Airbnb, afin d’éviter les frais de service ou pour toute autre raison'.

Elle récompense les 'hôtes’ qui respectent le mieux ses consignes en leur attribuant le titre de 'superhost’ , qui leur offre une meilleure visibilité dans la liste des annonces ; même si ce titre est décerné de manière automatique, par le biais d’un logiciel, il n’en demeure pas moins que celui-ci est programmé selon les critères définis par l’appelante elle-même, qui joue donc un rôle actif dans la récompense attribuée à certains de ses 'hôtes'.

L’appelante propose également un programme 'Airbnb plus’ aux 'superhosts’ dont le logement répond à certains critères, lesquels sont vérifiés par un partenaire Airbnb qui se rend sur place ; ce programme leur offre un nouveau design, une nouvelle mise en page et des photographies professionnelles.

La société Airbnb s’est même récemment immiscée dans les relations contractuelles entre les 'hôtes’ et les voyageurs puisqu’elle a décidé, de manière unilatérale, de rembourser les voyageurs qui avaient réservé un séjour pendant la période de confinement dû à l’épidémie de Codid-19.

Au regard de tous ces éléments, c’est à bon droit que le premier juge a qualifié la société Airbnb d’éditeur.

A ce titre, il lui appartenait de s’assurer du caractère licite des annonces publiées sur son site.

Elle dispose des moyens de procéder à de telles vérifications, puisqu’elle s’autorise déjà, à travers l’article 2.4 de ses conditions de service, à demander à ses membres de lui fournir une pièce d’identité ou de se soumettre à des contrôles destinés à vérifier leur identité, à consulter des bases de données ou d’autres sources d’information pour vérifier si des membres y figurent, à demander des rapports à des prestataires de services ou à obtenir des extraits de fichiers d’infractions pénales ou sexuelles auprès des autorités locales ; ce contrôle aléatoire de l’identité des 'hôtes’ pourrait parfaitement devenir systématique et s’accompagner d’un contrôle des droits de l’annonceur à disposer du bien qu’il propose à la location touristique.

Dans le cas de Mme [P], le nombre particulièrement élevé des sous-locations pratiquées par celle-ci aurait dû attirer l’attention de l’appelante quant à la nécessité de s’assurer du caractère licite de son activité.

En ne réclamant pas à Mme [P] la preuve de ce qu’elle pouvait librement disposer de l’appartement qu’elle sous-louait, la société Airbnb a largement contribué à la violation par la locataire de ses obligations contractuelles qui lui interdisaient de sous-louer le logement sans l’accord de la bailleresse.

La responsabilité de l’appelante dans la violation des obligations contractuelles qui s’imposaient à la locataire est d’autant plus grande que cette société, par sa renommée internationale, offre à ses 'hôtes’ la possibilité de diffuser leurs annonces auprès d’un très large public et de multiplier ainsi leurs chances de louer leur bien à de nombreux touristes ; par sa position quasi dominante en matière de location touristique et sa réputation, elle incite les propriétaires ou locataires de biens immobiliers à proposer ces biens à la location saisonnière afin de se procurer une source de revenus non négligeable.

Dans le présent litige, il convient d’observer que Mme [P], qui est entrée dans les lieux le 1er mars 2016, a commencé à sous-louer le logement dès le 5 mars 2016 sans la moindre autorisation préalable, puis a poursuivi cette activité à un rythme particulièrement soutenu (277 jours de sous-location en 2016 et 257 jours en 2017), ce qui prouve que, en prenant à bail ce bien situé dans un quartier historique et très touristique de Paris, son intention manifeste était de réaliser des profits grâce à la location saisonnière.

Or il est certain que, sans l’aide logistique de la société Airbnb, elle n’aurait pu sous-louer l’appartement de Mme [B] à un tel rythme.

L’appelante a ainsi contribué dans une large mesure au préjudice économique subi par l’intimée qui, plutôt que louer son bien à l’année comme elle l’a fait, aurait pu le louer pour de courtes durées à des touristes, comme l’a fait sa locataire, et percevoir des revenus plus élevés que ceux qu’elle a perçus.

Son préjudice financier imputable à la société Airbnb correspond donc à la différence entre les loyers qu’elle a perçus pendant les vingt mois de location (soit 20 x 977 = 19 540 euros) et les sous-loyers perçus par Mme [P] (soit 51 939,61 euros), ce qui représente une somme de 32 399,61 euros.

L’appelante doit être condamnée in solidum avec Mme [P] à hauteur de ce montant.

Sur les demandes accessoires

Le jugement étant confirmé dans une large mesure, Mme [P] et la société Airbnb doivent être condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

La société Airbnb, qui succombe en son appel, doit être déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de confirmer la condamnation de Mme [P] et de la société Airbnb au paiement des frais irrépétibles de première instance alloués à Mme [B] et d’allouer à celle-ci la somme supplémentaire de 7 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [U] [P] au paiement de la somme de 51 939,61 euros à titre principal, de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [M] [B] de sa demande d’indemnité pour préjudice moral,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Airbnb, l’a condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros in solidum avec Mme [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Infirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les points infirmés :

Déboute Mme [B] de sa demande en paiement des commissions perçues par la société Airbnb Ireland unlimited company,

Condamne la société Airbnb Ireland unilimited company à payer à Mme [B], in solidum avec Mme [P], la somme de 32 399,61 euros à titre principal, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Y ajoutant :

Déboute la société Airbnb de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] et la société Airbnb Ireland unlimited company in solidum à payer à Mme [B] la somme supplémentaire de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] et la société Airbnb Ireland unlimited company in solidum aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

Le greffier, Le Président,

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