Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 16 juin 2020, n° 19/03071

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 16 juin 2020, n° 19/03071
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 19/03071
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Poitiers, 30 juillet 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°267

N° RG 19/03071 – N° Portalis DBV5-V-B7D-F3AC

Société B C

Société B

C/

X

Z

D E

Mutuelle MUTUELLE D’ASSURANCES DES PROFESSIONNELS

Société AGENCE NATIONALE DE SECURITEDU MEDICAMENT ET DES PRODUITS

Société MINISTRE DE LA SANTEET DES SOLIDARITES

Mutuelle MUTUELLE GENERALEDE L’EDUCATION NATIONALE

Société CPAM DE LA VIENNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 16 JUIN 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/03071 – N° Portalis DBV5-V-B7D-F3AC

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 31 juillet 2019 rendue par le Tribunal de Grande Instance de POITIERS.

APPELANTES :

S.A.S B C

[…]

[…]

S.A.S B

16 rue L-Marie Leclair

[…]

ayant toutes les deux pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Jacques-Antoine ROBERT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame F X

née le […] à LILLE

[…]

[…]

ayant pour avocat postulant Me Hélène MERADE de la SCP SCP DAMY & ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Romain SINTES, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur G Z

[…]

[…]

a y a n t p o u r a v o c a t M e F l o r e n t B A C L E d e l a S C P D R O U I N E A U – B A C L E – L E LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de POITIERS

Madame J K D E

née le […] à PARIS

[…]

[…]

MUTUELLE D’ASSURANCES DES PROFESSIONNELS

[…]

[…]

ayant toutes les deux pour avocat postulant Me Anne-sophie ARBELLOT DE ROUFFIGNAC, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Vania GURDJIAN-BACHEM, avocat au barreau de PARIS

AGENCE NATIONALE DE SECURITEDU MEDICAMENT ET DES PRODUITS

[…]

[…]

défaillante bien que régulièrement assignée

MINISTRE DE LA SANTEET DES SOLIDARITES

[…]

[…]

défaillant bien que régulièrement assigné

MUTUELLE GENERALEDE L’EDUCATION NATIONALE

[…]

[…]

défaillante bien que régulièrement assignée

CPAM de la Vienne

[…]

[…]

défaillante bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Mai 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

— REPUTEE CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

F X ayant consulté aux urgences de l’hôpital le 3 juillet 2013 pour une baisse brutale de l’acuité visuelle accompagnée de violentes céphalées et de nausées, il lui a été diagnostiqué de multiples méningiomes, dont le plus gros lui a été retiré par exérèse lors d’une intervention chirurgicale pratiquée le 14 novembre 2013.

Suspectant au vu d’une étude de la CNAM rendue publique en mars 2019 et d’une campagne d’information mise en place à la même époque, le médicament 'Androcur', qu’elle indique avoir pris sur prescription médicale à raison de 50 mg par jour de 1993 à 2013, d’être en lien de causalité avec cette pathologie, et faisant valoir qu’elle n’avait été informée de ces risques entre 2008 et 2013 ni par son médecin traitant le docteur Y, ni par son pharmacien le docteur D E, ni par le laboratoire pharmaceutique B fabriquant le médicament, ni par les autorités de santé, alors qu’une étude parue dans la presse spécialisée avait mis en lumière dès 2008 le risque accru de développer des méningiomes lié à la prise de ce médicament, Mme X a fait assigner par actes des 12, 14, 18, 19 et 26 juin 2019 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Poitiers la SAS B, la SAS B C, M. Z, M. D E, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), le Ministre des Solidarités et de la Santé, la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale (MGEN) et la Caisse primaire d’assurance maladie de la Vienne (CPAM 86), afin de voir ordonner une expertise médicale sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile en suggérant de désigner pour y procéder le docteur L-G A, neurochirurgien inscrit sur la liste des experts agréés par la cour d’appel de Paris.

La société B a sollicité sa mise hors de cause en indiquant qu’elle fabrique des produits pour l’agriculture et n’a rien à voir avec ce médicament, produit par B C, autre société du Groupe B.

La société B C a conclu au rejet de la demande au motif, en substance, que l’action au fond était manifestement vouée à l’échec, pour cause de prescription, et subsidiairement parce que la demanderesse ne prouve pas avoir pris l’Androcur qu’elle-même fabrique, plutôt que l’un des médicaments génériques fabriqués par des laboratoires concurrents.

Le docteur Z a formulé toutes protestations et réserves en disant ne pas s’opposer à une expertise mais en demandant de ne pas désigner l’expert proposé par la demanderesse et en suggérant de commettre un spécialiste en endocrinologie.

Le docteur D E, et son assureur intervenu volontairement à l’instance à ses côtés la Mutuelle d’Assurance des Professionnels (MADP), ont déclaré formuler toutes protestations et réserves.

L’ANSM a déclaré formuler toutes protestations et réserves et ne pas s’opposer à la mesure en suggérant de désigner un collège d’experts comprenant un neurologue et un pharmacologue.

Le Ministre de la Santé, la MGEN et la CPAM 86 n’ont pas comparu.

Par ordonnance réputée contradictoire du 31 juillet 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Poitiers a dit n’y avoir lieu à référé du chef de la prescription invoquée par B C ; ordonné une expertise aux frais avancés de Mme X et désigné pour y procéder un collège d’experts composé d’un neurochirurgien en la personne du docteur A, d’un pharmacologue et d’un endocrinologue ; rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS B ; et laissé provisoirement les dépens et frais irrépétibles à la charge de ceux qui les avaient exposés.

La SAS B C et la SAS B ont l’une et l’autre relevé appel le 20 septembre 2019.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 11 février 2020 par la SAS B

* le 11 février 2020 par la SAS B C

* le 28 novembre 2019 par Mme X

* le 29 novembre 2019 par M. Z

* le 28 janvier 2020 par M. D E et la MADP.

La SAS B demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a refusé de la mettre hors de cause, et de prononcer sa mise hors de cause. Elle redit que son activité est de fabriquer des pesticides et autres produits phytosanitaires pour l’agriculture, et qu’elle n’exploite pas ni n’a jamais exploité la spécialité pharmaceutique 'Androcur’ à laquelle la demanderesse impute certains des troubles dont elle a souffert. Elle réfute l’imprudence qu’il y aurait selon le premier juge a la mettre d’ores-et-déjà hors de cause, en observant que la société B C établit être le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché de l’Androcur, et prouve venir aux droits de la société B Santé, qui exploitait ce produit.

La SAS B C demande à titre principal à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise au motif que l’action au fond de Mme X à son encontre est manifestement irrecevable en toute hypothèse,

¤ tant sur le fondement de l’article 1245-15 du code civil, car l’action est éteinte puisque l’intéressée allègue la prise d’Androcur mais ne démontre pas s’être vu délivrer ce produit de B dans les 10 ans précédant son assignation, ce qui constitue un préalable essentiel à l’action puisque cette spécialité pharmaceutique est disponible en génériques depuis 2004

¤ que sur le fondement de l’article 1245-16 du code civil car l’action est prescrite, puisque le risque de méningiome est indiqué dans la notice du médicament, de sorte que Mme X pouvait au plus tard le 5 juillet 2013, date de l’IRM, rattacher éventuellement le développement de ses tumeurs à la prise de l’Androcur, et que le délai triennal de l’action était expiré lorsqu’elle a assigné, en juin 2019

La société B C ajoute que Mme X ne justifie pas d’un motif légitime faute d’établir la vraisemblance des faits qu’elle relate et du caractère possiblement défectueux de l’Androcur et plus généralement d’une faute de B C susceptible d’engager sa responsabilité alors qu’il n’existait pas de consensus scientifique sur un lien de causalité entre la prise d’Androcur et le développement de méningiomes et que la société a fait diligence auprès de l’ANSM et a modifié sa notice pour signaler un effet secondaire indésirable.

Pour le cas où la cour en jugerait autrement, l’appelante sollicite la confirmation de l’ordonnance quant à la mission d’expertise ordonnée aux frais avancés de la demanderesse.

Mme X conclut à la confirmation pure et simple de l’ordonnance déférée.

Elle fait valoir que l’action qu’elle engagera au fond pourra certes reposer sur la responsabilité du fait des produits défectueux, dont il n’est aucunement démontré avec l’évidence requise en référé qu’elle serait irrecevable pour cause de prescription, puisque s’agissant de la prescription décennale de l’article 1245-15 du code civil elle a consommé le médicament jusqu’en juillet 2013, et que s’agissant de la prescription triennale de l’article 1245-16 c’est seulement à compter de mars 2018 que le public a été informé d’un lien possible entre la prise de l’Androcur et l’apparition de méningiomes, mais que son action pourra aussi être fondée comme le permet l’article 1245-17 sur la faute, pourvu que celle-ci soit distincte du défaut de sécurité du médicament, et qu’à cet égard, elle se propose justement d’invoquer la défaillance de chacun des intervenants qu’elle a assignés dans l’obligation d’information qui leur incombait, cette action n’étant pas non plus susceptible avec évidence d’être irrecevable puisque le délai de la prescription décennale court à compter de la consolidation du dommage corporel et qu’elle n’est toujours pas consolidée.

Elle indique justifier d’un motif légitime à voir ordonner la mesure, puisque les signaux existaient sur un risque important dès 2008 et que les différents acteurs qu’elle a assignés n’ont communiqué sur ce risque qu’à compter de 2018/2019, sans qu’il y ait pourtant eu entre-temps de découverte scientifique particulière.

M. Z sollicite la confirmation de l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a commis l’expert que proposait la demanderesse, ce en quoi il avait déjà déclaré en première instance, et redit devant la cour, voir un risque d’atteinte à l’impartialité objective du technicien. Il demande donc la désignation d’un autre expert, et réclame 1.500 euros d’indemnité de procédure à chacune des sociétés appelantes, la SAS B C et la SAS B.

M. D E et la MADP sollicitent la confirmation pure et simple de l’ordonnance déférée, réitèrent leurs plus expresses protestations et réserves en précisant que la responsabilité du pharmacien ne sera pas susceptible d’être recherchée sur le fondement du fait des produits défectueux puisque le producteur du produit litigieux est identifié, et ils réclament 1.500 euros d’indemnité de procédure aux deux appelantes. Ils soutiennent, en substance, que la présence d’une partie à une mesure d’expertise ne préjuge en rien de sa responsabilité ; et que la procédure de l’article 145 du code de procédure civile n’est pas limitée à la conservation des preuves mais peut aussi tendre à leur établissement.

L’ANSM, le Ministre de la Santé et des Solidarités, la MGEN et la CPAM de la Vienne, tous quatre régulièrement assignés -pas tous à personne- ne comparaissent pas.

La procédure a été clôturée le 12 février 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

En l’affaire, Mme X établit s’être vu diagnostiquer trois méningiomes en juillet 2013, dont l’un lui a été retiré par exérèse chirurgicale en novembre 2013 ; elle produit des indices concordants datés de 1993, 1999, 2001 et 2013, émanant de différents médecins, propres à établir qu’il lui était prescrit, et qu’elle a effectivement pris, de l’Androcur entre 1993 (courrier d’un endocrinologue évoquant une action 'en relais à l’Androcur'

) et 2013 (compte-rendu de mammographie du 05.04.2013 visant parmi les facteurs

de risques son traitement à l’Androcur

); il est constant -et expressément indiqué par cette société

elle-même- que l’existence d’un risque d’apparition de méningiomes a été signalée aux autorités de santé par la société B C, et explicitement mentionnée par elle dans sa notice de présentation de l’Androcur, au titre des effets indésirables de cette spécialité pharmaceutique ; le praticien que F X désigne comme ayant été son prescripteur de l’Androcur, le docteur Z, et le pharmacien qu’elle désigne comme lui ayant délivré ce médicament, le docteur D E, ne le contestent pas et sollicitent la confirmation de l’ordonnance qui a institué l’expertise sollicitée, de même que ne s’y opposait pas l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), établissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé en vertu de l’article L.5311-1 du code de la santé publique, et qui délivre, renouvelle, modifie et peut retirer l’autorisation de mise sur le marché.

Mme X, pour voir instituer une mesure d’expertise, démontre ainsi suffisamment l’existence d’un litige potentiel susceptible de l’opposer aux parties qu’elle a assignées en référé, et elle justifie en cela d’un intérêt légitime au sens de l’article 145 susdit, y compris à l’égard de la SAS B, comme l’a retenu à bon droit le premier juge en relevant que l’étendue de la période à considérer -durant laquelle il est déjà à tout le moins constant que la société B C qui

admet aujourd’hui fabriquer l’Androcur a succédé à la société B Santé- rend incertain le périmètre des patrimoines sociaux, au vu des scissions, fusions et transformations sociales intervenues au sein du Groupe B.

Ce texte n’impose pas au juge des référés de caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction au regard du ou des différents fondements juridiques de l’action que la partie demanderesse se propose d’engager (cf Cass. Com. 18.11.2014 P n°12-29389)

Certes, la mesure d’instruction sollicitée ne peut être ordonnée lorsqu’il s’avère dès le stade du référé que l’action au fond susceptible d’être introduite dans le cadre de ce litige potentiel apparaît d’ores-et-déjà manifestement voué à l’échec.

Mais au regard de la diversité des acteurs assignés par Mme X, deux textes apparaissent à tout le moins avoir vocation à gouverner le régime d’une potentielle action au fond.

Celle-ci est d’une part susceptible d’être engagée sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle de droit commun des articles 1382 et 1383 anciens, devenus 1240 et 1241, du code civil.

À ce titre, l’article 2270-1,alinéa 1er du code civil dispose que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation et ce texte, abrogé par la loi du n°2006-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, a été remplacé par l’article 2226 selon lequel l’action en responsabilité née en raison d’un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé.

Sur un tel fondement, l’action n’est pas manifestement vouée à l’échec pour cause de prescription,

— alors que l’article 26-1 de la loi du 17 juin 2008 énonce que ses dispositions qui allongent la durée d’une prescription s’appliquent lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur, et qu’il est alors tenu compte du délai écoulé.

— alors qu’il est de jurisprudence assurée que la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, au sens de ces textes, doit s’entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l’étendue de son dommage et d’avoir ainsi connaissance de celui-ci (ainsi : Cass. Civ. 1° 15.06.2016 P n°15-20022

)

— et alors que Mme X indique sans être démentie n’être point encore consolidée, en précisant même qu’elle devait subir récemment une nouvelle intervention chirurgicale en lien avec ses méningiomes.

La potentielle action au fond est, d’autre part, susceptible d’être engagée sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle encourue par le fabricant d’un produit dont le caractère défectueux est invoqué -étant relevé que l’article 1245-3 du code civil fait de la présentation du produit, que Mme X incrimine, un critère d’appréciation de sa sécurité- et à cet égard elle n’apparaît pas manifestement vouée à l’échec,

— puisque s’agissant du délai décennal d’extinction de l’action contre le producteur prévu à l’article 1386-16 ancien, devenu 1245-15, du code civil, il n’est pas établi avec l’évidence requise en référé qu’il était expiré à la date de délivrance de l’assignation alors que Mme X verse, notamment, un compte-rendu de mammographie du 5 avril 2013 visant son traitement à l’Androcur, sans que rien ne permette à ce stade de considérer que ce terme, expressément employé, aurait pu désigner en réalité un médicament générique fabriqué par un autre producteur que le laboratoire

B

— et que s’agissant du délai triennal de prescription de l’action en réparation prévu à l’article 1386-17 ancien, devenu 1245-16, du code civil, il court à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, sans qu’aucun élément ne permette de retenir d’ores-et-déjà avec évidence à ce stade du référé- qu’il était expiré à la date de l’assignation, y compris eu égard à la détermination de cette date de connaissance, d’autant

.que pour les produits mis en circulation après l’expiration du délai de transposition de la directive du 25 juillet 1985 mais avant la date d’entrée en vigueur de la loi n°98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, l’action en responsabilité extracontractuelle se prescrit selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire sur ce point l’objet d’une interprétation conforme au Droit de l’Union, par 10 ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé (cf Cass. Civ. 1° 15.05.2015 P n°14-13151

)

.et que la cour européenne des droits de l’homme juge au visa de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que lorsqu’il est scientifiquement prouvé qu’une personne est dans l’impossibilité de savoir qu’elle souffre d’une certaine maladie, une telle circonstance doit être prise en compte pour le calcul du délai de péremption ou de prescription (cf arrêt Sect II, 11.03.2014 Howald Moor c/ Suisse).

Ainsi, l’action éventuelle au fond n’est pas d’évidence irrecevable.

Il sera ajouté que la procédure de l’article 145 du code de procédure civile n’est pas limitée à la conservation des preuves mais peut tendre aussi à leur établissement.

Enfin, la présence du fabricant à l’expertise acceptée par les autres parties est très fortement utile à son bon déroulement, et elle ne préjuge évidemment en rien de sa responsabilité.

C’est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu que Madame X justifiait d’un motif légitime de recourir à une mesure d’instruction et qu’il a ordonné une expertise.

Les termes de la mission confiée au collège d’experts sont pertinents, et ne sont pas véritablement discutés.

Il n’y a pas lieu de réformer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a commis le docteur A pour composer ce collège, la circonstance que sa désignation a été suggérée par Mme X ne suffisant pas par elle-même et à elle seule à y faire obstacle, alors que le docteur Z, qui la conteste, n’articule aucun motif propre à faire peser le moindre doute sur l’objectivité et l’impartialité de l’intéressé, étant ajouté d’une part, que les autres plaideurs, y compris les appelantes dans le cadre de leur position subsidiaire, ne formulent aucune objection à sa désignation, et d’autre part qu’il demeure évidemment loisible au technicien de se déporter s’il discerne un obstacle à cette désignation.

En tout état de cause, la présente confirmation laisse entière la faculté de commettre tous autres experts en remplacement de ceux qui refuseraient leur désignation ou s’avéreraient empêchés.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée, sauf à retrancher de son dispositif l’énonciation disant 'n’y avoir lieu à référé du chef de la prescription’ en raison de son caractère équivoque alors que le juge des référés a examiné, à bon droit, le moyen opposé à la demande d’expertise tiré de l’acquisition d’une prescription qui vouerait à l’échec l’action potentielle au fond.

La société B C, qui succombe principalement devant la cour, supportera les dépens d’appel et versera une indemnité de procédure à M. Z et à M. D E.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement et par défaut :

CONFIRME l’ordonnance entreprise sauf à retrancher de son dispositif l’énonciation disant 'n’y avoir lieu à référé du chef de la prescription'

ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

CONDAMNE la SAS B C aux dépens d’appel, ainsi qu’À PAYER en application de l’article 700 du code de procédure civile

* 1.500 euros à M. Z

* 1.500 euros à M. D E

ACCORDE à Me Arbellot de Rouffignac, avocat, le bénéfice de la faculté instituée par l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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