Cour d'appel de Toulouse, 9 novembre 2015, n° 14/04026

  • Collaboration·
  • Contrats·
  • Infirmier·
  • Cabinet·
  • Clientèle·
  • Santé publique·
  • Captation·
  • Clause·
  • Concurrence déloyale·
  • Santé

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 9 nov. 2015, n° 14/04026
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 14/04026
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 24 avril 2014, N° 11/04232

Texte intégral

.

09/11/2015

ARRÊT N°506

N°RG: 14/04026

MM/CD

Décision déférée du 25 Avril 2014 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 11/04232

Mme Y

A F épouse X

C/

C D épouse Z

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE

***

APPELANTE

Madame A F épouse X

XXX

XXX

Représentée par Me Marie-Emmanuelle KOPP, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Marie-Noelle GERAULT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame C D épouse Z

XXX

XXX

Représentée par Me Arlette FOULON-CHATEAU, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Isabelle RAULET de la SELAFA SOFIRAL, avocat au barreau de SAINT-GAUDENS

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 1° Septembre 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

D. FORCADE, président

M. MOULIS, conseiller

C. STRAUDO, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE-DURAND

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par D. FORCADE, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

A X exerce l’activité d’infirmière libérale et a acquis sa clientèle par acte notarié du 10/04/2008. Elle est installée 2 lotissement des Pyrénées à Clarac (31).

Elle a conclu avec C Z plusieurs contrats de remplacement de trois mois les 10/03, 10/06,10/09, 10/12/2008 et 10/03,10/06 et 10/09/2009.

Le 22/01/2010 elles ont conclu un contrat de collaboration pour une durée de trois mois renouvelable et le 22/04/2010 elles ont conclu un contrat identique.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15/06/2010 A X a indiqué à C Z que son contrat ne serait pas renouvelé le 22/07/2010.

Invoquant des agissements déloyaux de la part de C Z, A X l’a fait citer devant le tribunal de grande instance de Toulouse par acte d’huissier du 4/10/2011 pour obtenir indemnisation de son préjudice, sollicitant la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer la captation de la clientèle et la perte de chiffre d’affaires correspondante et celle de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour indemniser son préjudice moral.

Par jugement du 25/04/2014 le tribunal de grande instance a :

— débouté A X de l’intégralité de ses demandes

— débouté C Z de ses demandes reconventionnelles

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire

— condamné A X aux dépens.

A X a relevé appel de la décision le 3/07/2014.

L’ordonnance de clôture est en date du 1/09/2015.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions récapitulatives n° 2 A X demande à la cour de :

Vu les articles R 4312-42, R 4312-44, R 4312-47 du Code de la Santé Publique et 1134, 1147, 1156 et suivants du Code Civil et les contrats signés entre les parties,

Vu subsidiairement les articles 1382 et 1383 du Code Civil,

— Réformer le jugement dans l’intégralité de ses dispositions,

— A titre principal, dire et juger que Madame C Z s’est rendue coupable envers Madame A X de fautes graves et répétées constitutives de manquements à ses obligations contractuelles et déontologiques,

— Subsidiairement, juger que Madame C Z a commis des actes de concurrence déloyale envers Madame A X engageant sa responsabilité délictuelle,

— En tout état de cause, condamner Madame C Z à réparer envers Madame A X l’entier préjudice subi par celle-ci du fait des agissements de Madame Z,

— Condamner à ce titre Madame C Z à verser à Madame A X la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice financier lié à la perte de sa clientèle, outre la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral,

— Débouter Madame C Z de ses demandes reconventionnelles,

— Condamner Madame C Z à verser à Madame A X, la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— Condamner enfin Madame C Z aux entiers dépens de l’instance.

Elle soutient que C Z a enfreint les dispositions des articles R4312-42 et R4312-47 du code de la santé publique en s’installant à moins de 5 km de son cabinet alors que, l’ayant remplacé pendant une période supérieure à 3 mois, elle ne pouvait pas pendant une période de deux ans s’installer dans un cabinet où elle pouvait rentrer en concurrence directe avec elle.

Elle ajoute que le dernier contrat signé (contrat de collaboration) faisait état d’une clause de non concurrence très claire.

Elle fait valoir que les actes de concurrence déloyale sont caractérisés et que C Z avait organisé son départ alors qu’elle était encore liée par le contrat de collaboration.

Elle estime que C Z avait planifié sa réinstallation et la captation de sa clientèle depuis plusieurs mois.

Elle indique rapporter la preuve du préjudice financier subi par la production d’éléments comptables et ajoute que ses difficultés financières se sont aggravées puisqu’en raison de la baisse de ses revenus elle n’a pu continuer à faire face au paiement des ses charges, impôts et prêts.

Elle expose par ailleurs que suite aux agissements de C Z elle a souffert de dépression et que suite à plusieurs hospitalisations elle a dû abandonner son activité.

C Z réplique dans ses conclusions récapitulatives n° 2 du 28/08/2015 qu’il convient de :

* Vu les pièces produites

* Vu les articles R 4312-42 à 4312-44 et R 4312-47 et du code de la santé publique

* Vu l’article 18 de la loi du 2 août 2005,

* Vu les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil,

* vu l’article 559 du code de procédure civile

* Vu les articles 1134 et 1156 du code civil,

* Vu la jurisprudence et la doctrine produite,

* Vu l’article 700 du code de procédure civile

— confirmer le jugement du 25 avril 2014 en ce qu’il a débouté Madame A X de l’intégralité de ses demandes,

— rejeter toutes argumentations contraires comme infondées,

— condamner Madame A X à régler à Madame C Z la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

— condamner Madame A X à régler à Madame C Z la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Madame A X aux entiers dépens.

Elle soutient que les 7 contrats improprement qualifiés de contrats de remplacement ne peuvent entraîner l’application des textes régissant le remplacement.

Concernant le contrat de collaboration elle indique qu’il ne se justifiait nullement en l’espèce et qu’il ne peut s’expliquer que par la volonté de régulariser une situation qui manifestement était déjà une collaboration.

Elle demande dès lors la requalification de ces contrats en contrat de collaboration et indique que la clause mentionnant l’obligation de non concurrence a été biffée.

Elle conteste par ailleurs tous les griefs qui lui sont faits par A X et ajoute que la perte de chiffre d’affaires subie par A X ne s’est pas faite à son profit.

Enfin elle indique que même si la cour retenait son comportement fautif le lien de causalité entre les fautes invoquées et le préjudice allégué par A X n’est nullement démontré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Deux séries de contrats ont lié les parties du 10/03/2008 au 22/07/2010 puisque, tout d’abord elles ont été liées par 7 contrats de remplacement infirmier en exercice libéral puis par deux contrats de collaboration.

Il est constant qu’à l’issue de leur collaboration C Z s’est installée le 23/07/2010 à Montréjeau à une distance de 5 km du cabinet de A X.

L’article R 4312-47 du code de la santé publique dispose qu’un infirmier ou une infirmière qui a remplacé un autre infirmier ou une autre infirmière pendant une période totale supérieure à trois mois ne doit pas, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il pourrait entrer en concurrence directe avec l’infirmier ou l’infirmière remplacé, et éventuellement avec les infirmiers ou les infirmières exerçant en association avec celui-ci, à moins que le contrat de remplacement n’en dispose autrement.

En application de ces dispositions A X serait bien fondée à invoquer la clause de non concurrence.

Cependant, aux termes de l’article R 4312-43 du code de la santé publique, le contrat de remplacement suppose une indisponibilité temporaire et ponctuelle du titulaire d’un cabinet.

En l’espèce A X ne saurait prétendre que c’était le cas alors que les contrats sont au nombre de 7, chacun conclu pour une période de trois mois, sans aucune interruption entre eux, et que si les deux premiers contrats prévoyaient les jours de remplacement de façon détaillée (correspondants à environ la moitié du mois) les contrats suivants ne prévoyaient plus rien.

Il était seulement mentionné sur la 1re page, de façon très vague, que ce contrat avait pour but que C Z prenne en charge, lors de la cessation temporaire de son activité professionnelle habituelle, pour cause de congés, les patients qui feraient appel à elle et la continuité des soins.

Les deux infirmières exerçaient dans les mêmes locaux, en alternance, après avoir instauré un système de roulement, la clientèle étant celle du cabinet appartenant à A X.

Les plannings produits démontrent que les périodes de travail des deux infirmières étaient sensiblement identiques.

Il ne s’agissait donc pas pour C Z de remplacer ponctuellement A X puisque le système mis en place correspondait à un mode de fonctionnement habituel du cabinet.

Les contrats qui liaient les parties n’étaient donc pas de véritables contrats de remplacement, le statut de remplaçant accordé par le préfet de la Haute Garonne à C Z ne pouvant suffire à qualifier ainsi le contrat.

Il s’agissait en réalité de contrats de collaboration et la clause de non concurrence qui résulte de plein droit du texte susvisé devient en conséquence inapplicable en l’espèce.

Suite à ces contrats ont été établis successivement 2 contrats de collaboration aux termes desquels C Z s’engage à ne pas s’installer dans une périphérie de 20 km du cabinet si le contrat venait à se rompre.

Il importe peu que cette mention ait été biffée, ce qui établirait clairement une renonciation des parties à la clause, ainsi que l’allègue C Z puisque le contrat conclu le 22/04/2010 pour une durée de trois mois n’a pas été rompu, A X ayant simplement indiqué dans son courrier du 14/06/2010 qu’elle ne souhaitait pas qu’il soit renouvelé. La séparation est donc intervenue au terme de ce contrat.

En outre cette clause apparaît irrégulière dans la mesure où aucune limitation dans le temps n’est prévue.

Enfin un infirmier collaborateur dispose, de par son statut, de la possibilité de développer une patientèle personnelle et il apparaît juste qu’à l’issue du contrat il puisse s’installer librement d’autant que c’est A X qui a décidé de mettre fin à la collaboration qui avait de facto duré plus de deux ans.

A X ne saurait donc prétendre que C Z a manqué à ses obligations contractuelles en s’installant à proximité de son cabinet.

A X invoque d’autres actes répréhensibles de la part de C Z qui constitueraient des actes de concurrence déloyale.

Elle lui reproche en effet d’avoir prémédité son départ. Cependant, et ainsi qu’il a déjà été indiqué ci dessus, le contrat de collaboration n’avait été conclu que pour une durée de trois mois renouvelable avec accord des deux parties. Un seul renouvellement a eu lieu. La collaboration avait donc été convenue de façon précaire et A X ne saurait faire reproche à C Z, même si son départ était prémédité, d’avoir souhaité et organisé une autre orientation professionnelle.

Elle lui reproche également d’avoir demandé les bilans de A X pour organiser la captation de clientèle.

Cette communication des bilans s’est faite, au vu des courriers échangés les 5/05 et 3/06/2010 suite à la proposition de A X de vendre à C Z la moitié de sa clientèle. Ces éléments démontrent qu’il n’y a pas eu de manoeuvres de la part de C Z pour obtenir les bilans et il ne saurait être fait reproche à cette dernière de s’être renseignée sur la comptabilité du cabinet puisque qu’elle était fondée, eu égard à la proposition faite, à s’informer sur la situation financière du cabinet.

Enfin il appartient à A X de démontrer que C Z qui avait, compte tenu de leur longue collaboration, une connaissance précise de sa patientèle , a utilisé ces éléments pour détourner une partie de celle ci.

Elle indique que la preuve de ces agissements déloyaux résulteraient de ce qu’elle aurait laissé chez les patients des cartes de visite et des prescriptions de soins infirmiers.

Or il ressort de très nombreuses attestations produites par C Z qu’au mois de juin 2010 A X a contacté de nombreux patients pour leur demander, compte tenu de leur prochaine séparation , quelle infirmière ils voulaient conserver. Dans ce contexte le fait pour C Z de laisser sa carte de visite et des prescriptions médicales chez des patients ne saurait constituer une faute caractérisant un détournement de clientèle.

La preuve de fautes commises par C Z n’étant pas rapportée par A X cette dernière sera déboutée de ses demandes et la décision du tribunal sera confirmée.

La preuve du caractère abusif de l’appel interjeté par A X n’est pas suffisamment établi pour qu’il soit fait droit à la demande de C Z formée à ce titre.

A X qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme en son entier la décision entreprise,

Y ajoutant

Déboute C Z de sa demande en dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne A X à payer à C Z la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700-1er du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés devant la cour,

Condamne A X aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Toulouse, 9 novembre 2015, n° 14/04026