Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 6 mai 2021, n° 20/01284

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 6 mai 2021, n° 20/01284
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/01284
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Versailles, 21 mars 2016, N° 13/00522
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 MAI 2021

N° RG 20/01284 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T5EV

AFFAIRE :

Y Z X

C/

S.A. BOULANGER venant aux droits de la Société CAP BOULANGER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VERSAILLES

N° RG : 13/00522

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL O.B.P. Avocats

la SELEURL MINAULT TERIITEHAU

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX MAI DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame Y Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS (K0136)

APPELANTE

****************

S.A. BOULANGER venant aux droits de la Société CAP BOULANGER

[…]

[…]

Représentant : Me TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, Me Arnaud THIERRY, Plaidant, avocat au barreau de LILLE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Mars 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Anne-Sophie CALLEDE,

Le 19 avril 2010, Mme Y Z X était embauchée par la société Planet Saturn en qualité de vendeuse téléphonie par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective du commerce et services de l’audiovisuel, électronique équipement ménager.

A la suite du rachat, courant 2011, de la société Planet Saturn par le groupe High Tech Multicanal (HTM), le contrat de travail de Mme X était transféré à la SCS Cap Boulanger, aux droits de laquelle vient la SA Boulanger.

A partir de la fin de l’année 2011, la SCS Cap Boulanger entreprenait un vaste projet de réorganisation pouvant aboutir à la suppression d’emplois. Un plan de sauvegarde de l’emploi était adopté.

Le 30 mai 2012, la SCS Cap Boulanger proposait à Mme Y Z X, dans le cadre d’une modification de son contrat de travail, un poste de vendeuse. La salariée refusait cette proposition. Le 5 juillet 2012, l’employeur proposait à Mme X son reclassement au poste d’employée libre-service expert. La salariée refusait à nouveau cette proposition.

Le 17 juillet 2012, la SCS Cap Boulanger lui notifiait son licenciement pour motif économique.

Le 29 mars 2012, Mme Y Z X saisissait le conseil de prud’hommes de Versailles.

Vu le jugement du 22 mars 2016 rendu en formation de départage par le conseil de prud’hommes de Versailles qui a :

— débouté Mme X de l’intégralité de ses demandes

— condamné Mme X au paiement des dépens de l’instance

— rejeté la demande présentée par la société Cap Boulanger en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu la notification de ce jugement le 1er avril 2016.

Vu l’appel régulièrement interjeté par Mme Y Z X le 29 avril 2016.

Vu les conclusions de l’appelante, Mme Y Z X, notifiées le 25 juin 2020 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 22 mars 2016.

Statuant à nouveau,

— dire et juger le plan de sauvegarde de l’emploi nul

— condamner la société Cap Boulanger à verser à Madame X les sommes suivantes :

—  22 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul et, en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse

—  4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et d’appel

— condamner la société SCS CAP Boulanger aux dépens.

Vu les écritures de l’intimée, la SA Boulanger venant aux droits de la SCS CAP Boulanger notifiées le 30 septembre 2020 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

— constater que le plan de sauvegarde de l’emploi mis en 'uvre par l’entreprise répond tant au niveau des mesures mises en 'uvre que du périmètre de reclassement des salariés concernés, aux exigences légales et jurisprudentielles ;

— tenir compte dans son appréciation de la validité du plan de sauvegarde de l’emploi, du vote favorable des membres du CCE sur les mesures du plan et de l’absence de constat de carence de la DIRECCTE.

Dès lors,

— rejeter la demande de nullité du PSE et de son licenciement formulée par Mme X.

Dans ces conditions,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en sa formation de départage du 22 mars 2016 et de débouter Mme X de sa demande à ce titre;

— constater que la situation économique du réseau Saturn nécessitait une réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité;

— constater que le licenciement de Mme X est consécutif à son refus du poste de reclassement interne qui lui a été proposé alors même que ce poste lui aurait permis de bénéficier de conditions statutaires et salariales identiques voire plus favorables et de surcroît lui aurait évité une mobilité.

Dès lors,

— considérer que le licenciement de Mme X intervenu pour motif économique, est régulièrement motivé et parfaitement justifié.

Dans ces conditions,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en sa formation de départage du 22 mars 2016 et de débouter Mme X de sa demande à ce titre;

— dire et juger que dans le cadre de la mise en 'uvre de ses efforts de reclassement, l’entreprise a strictement respecté ses obligations.

Dans ces conditions,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en sa formation de départage du 22 mars 2016 et de débouter Mme X de sa demande à ce titre.

— dire et juger que l’article L. 1222-6 du code du travail n’assortit la formalité d’envoi en recommandé avec accusé de réception des propositions de modifications de poste d’aucune sanction, ce que confirme les dispositions de l’article 667 du code de procédure civile;

— tenir compte du fait qu’après refus de cette proposition d’avenant, il a été proposé un poste de reclassement à Mme X, et que c’est ce refus de reclassement insusceptible d’être contesté dans sa forme qui a entraîné son licenciement qui ne peut par conséquent être remis en cause;

— rejeter l’argumentaire de l’appelant sur ce point;

— constater que la modification de rémunération, plus favorable, avait été prévue par un accord collectif signé à l’unanimité des organisations syndicales le 23 novembre 2011;

— en déduire que ce n’est pas discrétionnairement que cette modification a été proposée;

— rejeter l’argument de l’appelant sur ce point.

A titre subsidiaire,

— considérer que la somme de 22 000 euros net sollicitée à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul d’abord, puis sans cause réelle et sérieuse est manifestement exorbitante et ne peut être allouée à Mme X au vu des éléments objectifs qui ont présidé à son licenciement, de son refus de reclassement, des indemnités supra-légales dont elle a bénéficié par ailleurs et de sa situation actuelle.

A titre reconventionnel

— condamner Mme X au paiement d’une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu la lettre de licenciement.

SUR CE,

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le bien-fondé

Mme X expose que l’employeur n’a pas transmis sa proposition de modification du contrat de travail par LRAR, de sorte qu’il ne peut se prévaloir du refus de la modification du contrat de travail pour motiver le licenciement.

La SA Boulanger répond que la formalité liée à la lettre recommandée avec accusé de réception n’est assortie d’aucune sanction et n’a qu’un but probatoire relatif à la date à laquelle la proposition a été formulée. L’employeur indique que Mme X a émargé la lettre de proposition remise en main propre.

Selon l’article L.1222-6 du code du travail :

« Lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

La lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

A défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. »

Il ressort de ces dispositions que lorsque la modification envisagée d’un élément essentiel du contrat de travail repose sur un motif économique, l’employeur doit la proposer au salarié par lettre recommandée avec avis de réception, en lui précisant qu’il dispose d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus.

L’employeur qui ne respecte pas cette procédure légale ne peut se prévaloir ni d’un refus, ni d’une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié.

En l’espèce, l’employeur a soumis à Mme X la proposition de modification de son contrat de travail par lettre remise en main propre contre émargement et non par lettre recommandée avec avis de réception, en méconnaissance de la procédure imposée par les dispositions de l’article L.1222-6 précitées, qui seule permet de garantir à la salariée le bénéfice du délai de réflexion accordé par la loi.

L’employeur ne peut donc se prévaloir du refus de cette proposition par le salarié, privant ainsi son licenciement de cause réelle et sérieuse.

Les dispositions de l’article 667 du code de procédure civile sont sans effet sur la solution du litige, en présence d’une procédure particulière fixée à l’article L.1222-6 susvisé, dont le non-respect est sanctionné par l’impossibilité pour l’employeur de se prévaloir de la décision, exprimée ou tacite, du salarié.

Le jugement sera par conséquent infirmé.

Sur les conséquences financières

Lors de la rupture du contrat de travail, l’ancienneté de la salariée était au moins égale à deux ans et l’entreprise employait de manière habituelle plus de 10 salariés.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

A la date du licenciement, Mme X percevait une rémunération mensuelle brute de 1 773 euros. Elle était âgée de 31 ans et bénéficiait au sein de l’entreprise d’une ancienneté de 2 ans. Elle ne communique aucune information concernant sa situation personnelle et professionnelle actuelle. Il convient de lui allouer, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, une somme de 10 640 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite d’un mois d’indemnités.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la SA Boulanger.

La demande formée par Mme X au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 250 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Dit que le licenciement de Mme Y Z X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SA Boulanger à payer à Mme Y Z X la somme de 10 640 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne le remboursement par la SA Boulanger, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à Mme Y Z X dans la limite de 1 mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail ;

Condamne la SA Boulanger aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne la SA Boulanger à payer à Mme Y Z X la somme de 250 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Clémence VICTORIA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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