Cour d'appel d'Amiens, 25 novembre 2014, n° 13/00518

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 25 nov. 2014, n° 13/00518
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 13/00518

Texte intégral

ARRET

E VEUVE Z

Y ES QUALITE D’HERITIER DE MONSIEUR V W Z

C/

XXX

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : 13/00518

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AMIENS DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DOUZE

PARTIES EN CAUSE :

Madame A E veuve Z

de nationalité Française

XXX

XXX

Madame J Y ès qualités d’héritier de Monsieur V W Z

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentées par Me Christian LUSSON, avocats au barreau d’AMIENS

Plaidant par Me CATILLION, avocat au barreau d’AMIENS

APPELANTES

ET

XXX

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d’AMIENS

Ayant pour avocat plaidant la SELARL RDB ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS

INTIMÉE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 16 septembre 2014 devant la cour composée de Mme Marguerite-Marie MARION, Président de chambre, Mme H I et Mme N X, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

Sur le rapport de Mme X et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 novembre 2014, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 25 novembre 2014, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Marguerite-Marie MARION, Président de chambre, et Mme Monia LAMARI, greffier.

*

* *

DÉCISION :

Monsieur V-W Z et Madame A E épouse Z (les époux Z-E) ont acheté à la SARL Brousse Loisirs le 10 juin 2007 un camping-car neuf au prix de 56 000 euros, lequel leur a été livré le 11 juillet 2007. Cette acquisition était assortie d’une garantie contractuelle de deux ans couvrant les défauts et vices de construction, ainsi que les matériaux.

Le 12 juillet 2007, en sortant de son parking, Monsieur Z a eu un accrochage qui a endommagé le pare-chocs et le bloc optique arrière.

Les époux Z-E ont fait usage de leur camping-car, provisoirement réparé, du 15 au 30 juillet puis du 17 au 22 octobre 2007.

Le 25 octobre 2007, Monsieur Z a rapporté son camping-car à la SARL Brousse Loisirs (Brousse Loisirs) pour que soient réparées les conséquences de l’accrochage du 12 juillet 2007. À cette occasion, le véhicule a été immobilisé 86 jours.

Les époux Z-E ont par la suite été confrontés à diverses pannes ou incidents mécaniques, dont un arrêt moteur le 5 mai 2008 à Bruxelles, de nouveau un arrêt moteur le 8 juillet 2008 dans les Pyrénées et une panne de climatisation ayant endommagé le passage de roue avant droit, le 18 septembre 2008 à Poitiers.

Le 10 octobre 2008, Monsieur Z a de nouveau déposé son camping-car chez Brousse Loisirs, aux fins de faire procéder à diverses réparations relevant de la garantie du vendeur. À cette occasion, le véhicule a été immobilisé 341 jours.

Par ordonnance du 20 mai 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Amiens a ordonné une expertise judiciaire à la demande des époux Z-E.

L’expert judiciaire, Monsieur B a conclu le 7 janvier 2011 que le véhicule avait été réparé et était en état de fonctionnement, a retenu cinq défauts d’achèvement mineurs parmi les 49 griefs formulés par Monsieur Z, a estimé à 200 euros hors-taxe le coût de reprise de ces défauts, et indiqué que les préjudices subis relevaient exclusivement de l’immobilisation du véhicule entre le 30 octobre 2007 et le 16 septembre 2009 durant 434 jours soit la somme de 6 076 euros (14 euros par jour x 434 jours).

Par acte d’huissier en date du 31 mars 2011, les époux Z-E ont fait assigner la SARL Brousse Loisirs devant le tribunal de grande instance d’Amiens.

Monsieur V-W Z est décédé en cours d’instance, le 3 mars 2012.

Dans leurs dernières écritures, Madame A veuve Z et Madame J Y, ès-qualité d’héritière de Monsieur V-W Z, ont demandé au tribunal, au visa des articles 1382 et 1604 du code civil, du rapport d’expertise en date du 7 janvier 2011, d’entériner le rapport d’expertise de Monsieur B, de condamner la SARL Brousse Loisirs à leur payer les sommes de 6076 euros au titre du préjudice de jouissance, 182 euros au titre de la garantie Cardiff assurances risques divers et 4 000 euros au titre du préjudice moral et financier, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, de débouter la SARL Brousse Loisirs de ses demandes, de la condamner à leur payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

La SARL Brousse Loisirs a demandé au tribunal, au visa des articles 1134, 1147 et suivants, 1315 du code civil de constater que le rapport d’expertise permet d’établir qu’aucune malfaçon ou non façon ne peut lui être reprochée dans les conditions d’exécution des travaux de réparation du véhicule, de constater qu’aucun élément du dossier ne permet de lui imputer la responsabilité de l’immobilisation du véhicule ou de justifier d’une durée de l’immobilisation anormale, de dire et juger que les époux Z (sic) n’établissent aucun lien entre les préjudices ' des troubles de santé subis par Madame Z – une quelconque faute, directe ou indirecte de la SARL Brousse Loisirs, en conséquence de débouter 'les époux Z’ de leurs demandes, à titre subsidiaire de limiter le préjudice de jouissance 'des époux Z’ à 86 jours et de condamner la SARL Brousse Loisirs à leur payer une indemnité maximale 2204 euros.

Par jugement du 26 novembre 2012, le tribunal de grande instance d’Amiens a :

' déclaré irrecevables les conclusions de la SARL Brousse Loisirs datées du 25 septembre 2012,

' débouté les consorts Z de leurs demandes,

' dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

' dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens et que les frais d’expertise seront supportés par les consorts Z.

Par déclaration reçue au Greffe suivant la voie électronique le 30 janvier 2013, Madame A E veuve Z et Madame J Y, ès-qualité d’héritière de Monsieur V-W Z (ci-après les consorts Z ), ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 5 juin 2013, expressément visées, elles demandent à la Cour de :

' les dire recevables et bien fondées en leur appel,

en conséquence,

vu les dispositions de l’article 1147 du code civil et le rapport d’expertise en date du 7 janvier 2011,

' réformer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

' entériner le rapport d’expertise de Monsieur B en date du 7 janvier 2011,

' condamner la SARL Brousse Loisirs à payer à Mesdames E -Z et Y :

* préjudice de jouissance 6 076 euros,

* garantie Cardiff assurances risques divers 182 euros,

* préjudice moral et financier 4 000 euros,

le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

' rejeter toutes demandes, fins et prétentions contraires de la SARL Brousse Loisirs,

' condamner la SARL Brousse Loisirs à payer à Mesdames E veuve Z et Y la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

' condamner la SARL Brousse Loisirs aux entiers dépens ainsi qu’aux frais d’expertise, dont distraction au profit de la SCP Lusson et Catillion.

Par conclusions déposées et notifiées suivant la voie électronique le 15 octobre 2013, expressément visées, la société Brousse Loisirs, société à responsabilité limitée, sollicite de la Cour qu’elle :

' déclare irrecevables en tout cas mal fondés les consorts Z en leur appel,

vu les articles 960 et 961 du code de procédure civile,

' déclare irrecevables les conclusions des appelantes,

vu l’article 564 du code de procédure civile,

' dise et juge nouvelles les demandes fondées sur l’article 1147 du code civil,

surabondamment,

' dise et juge que l’ensemble des moyens doit être développé dans l’instance initiale au regard de la concentration des moyens,

' déclare de plus fort irrecevable la demande fondée sur l’article 1147 du code civil,

en tout état de cause,

— confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

subsidiairement et sur le fond au cas où par impossible, la Cour ne ferait pas droit aux exceptions d’irrecevabilité soulevées,

vu les articles 1134 et 1147 et suivants, 1315 du code civil,

' constate que le rapport d’expertise permet d’établir qu’aucune malfaçon ou non façon ne peut être reprochée à Brousse Loisirs dans les conditions d’exécution des travaux de réparation du véhicule,

' constate que lors de la première réunion d’expertise, aucun dysfonctionnement empêchant l’utilisation du véhicule n’a été constaté par l’expert, que l’expertise réclamée par les époux Z était par conséquent sans objet, que l’expert a fixé une durée totale d’immobilisation du véhicule sans tenir compte des délais normaux de réalisation des travaux, des délais d’intervention des tiers, des éléments extérieurs sur lesquels par définition Brousse Loisirs n’a aucune prise et constitutifs de force majeure, des délais anormalement longs de convocation à la première réunion d’expertise dont l’expert est en l’occurrence le seul responsable, du caractère discontinu de l’utilisation d’un véhicule de loisirs,

' constate qu’aucun élément du dossier ne permet d’imputer à la société Brousse Loisirs la responsabilité de l’immobilisation du véhicule ou de justifier d’une durée d’immobilisation anormale,

' dise et juge que 'les époux Z’ n’établissent aucun lien entre les préjudices ' des troubles de santé subis par Madame Z – et une quelconque faute, directe ou indirecte, de la société Brousse Loisirs,

en conséquence,

' déboute purement et simplement 'les époux Z’ de leur demande à l’encontre de la société Brousse Loisirs,

à titre plus subsidiaire,

' limite le préjudice de jouissance des 'époux Z’ à 86 jours et condamne la société Brousse Loisirs à leur payer une indemnité maximale de 1 204 euros à ce titre,

en tout état de cause,

' dise que chacune des parties conservera la charge de ses frais engagés et dépens, et que les frais d’expertise resteront à la charge des 'époux Z'.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 18 juin 2014, et l’affaire renvoyée à l’audience du 16 septembre 2014 pour plaidoiries.

MOTIFS :

Le tribunal a débouté les consorts Z de leurs demandes indemnitaires, considérant que celles-ci ne pouvaient prospérer dans la mesure où :

— le défaut de diligence allégué, postérieur de plusieurs mois à la livraison du véhicule, est étranger à l’obligation de délivrance de l’article 1604 du code civil,

— la garantie de conformité de l’article L214-1 du code de la consommation auquel se réfère le contrat de vente n’est pas davantage applicable aux préjudices résultant de l’immobilisation excessive du véhicule imputable à un défaut de diligence du vendeur constaté plusieurs mois après la délivrance,

— l’article 1382 du code civil est inapplicable à la réparation d’un dommage se rattachant à l’exécution d’un engagement contractuel, or l’immobilisation excessive a eu lieu pour des réparations facturées 3 151,58 euros puis pour des réparations relevant de la garantie contractuelle du vendeur.

Sur la recevabilité des conclusions au regard des dispositions des articles 960 et 961 du code de procédure civile :

La société Brousse Loisirs a maintenu au dispositif de ses dernières écritures, notifiées le 15 octobre 2013, sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions des consorts Z au motif que celles-ci ne comportaient pas l’indication de la date, du lieu de naissance et de la profession de chacune des appelantes. Dans ces mêmes conclusions elle a toutefois expressément admis que les appelantes avaient dans leurs conclusions responsives et récapitulatives régularisé les irrégularités de forme ainsi soulevées, ce que la Cour constate.

Les conclusions des appelantes seront donc déclarées recevables.

Sur la recevabilité des demandes des consorts Z :

A hauteur d’appel, les consorts Z réitèrent leurs demandes indemnitaires qu’ils fondent désormais sur les dispositions de l’article 1147 du code civil.

La société Brousse Loisirs oppose qu’il s’agit de demandes nouvelles, irrecevables selon l’article 564 du code de procédure civile, rappelle que la jurisprudence impose aux plaideurs une exigence de concentration des moyens destinée à éviter le développement dilatoire, comme en l’espèce, de nouveaux moyens en appel.

C’est toutefois à bon droit que les consorts Z invoquent les dispositions de l’article 565 du code de procédure civile aux termes desquelles : « Les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. ». Fondées en première instance sur les dispositions des articles 1604 du code civil et L 214-1 du code de la consommation, subsidiairement de l’article 1382 du code civil, les demandes des consorts Z tendant à la condamnation de la SARL Brousse au paiement de la somme de 6 076 euros en réparation du préjudice de jouissance, 182 euros au titre de la garantie Cardiff et 4 000 euros en réparation du préjudice moral et financier sont fondées à hauteur d’appel sur les dispositions de l’article 1147 du code civil. Les demandes tendent ainsi aux mêmes fins en appel qu’en première instance, différant seulement par leur fondement et sont par conséquent recevables. En outre, c’est vainement que la concentration des moyens, notion intéressant le débat sur l’autorité de la chose jugée, est invoquée à l’encontre des appelantes, celles-ci faisant valablement observer que cette exigence juriprudentielle n’a pas vocation à s’appliquer à l’examen des moyens développés dans le même procès.

Les demandes des consorts Z seront en conséquence déclarées recevables.

Sur le bien-fondé des demandes des consorts Z :

Les consorts Z font valoir que l’acquisition de leur camping-car auprès de la SARL Brousse Loisirs était assortie d’une garantie contractuelle de 24 mois, qu’ils ont dû remettre leur véhicule à la société Brousse Loisirs en raison de dysfonctionnements ou d’avaries subies lors de l’utilisation de leur bien, que les ordres de réparation adressés à cette dernière étaient liés soit à la garantie contractuelle souscrite lors de l’achat du véhicule, soit à une demande spécifique de leur part ayant donné lieu à facturation. Ils exposent que selon le rapport d’expertise les réparations que nécessitait leur véhicule devaient entraîner une immobilisation de celui-ci tout au plus 7 jours ouvrés, alors que l’immobilisation totale a duré 434 jours, que les impondérables (retards de livraison de pièces, conditions météorologiques à l’origine d’un sinistre) sur lesquels ils ne pouvaient influer ne sauraient leur être opposés par le professionnel auquel ils avaient confié leur véhicule, que l’expert a chiffré leur préjudice de jouissance à la somme de 6 076 euros, soit 14 euros par jour, prenant ainsi en compte la destination de loisir de ce type de véhicule.

En réplique à l’argumentation de la société Brousse Loisirs ils soutiennent, s’agissant de la période d’immobilisation de 86 jours, que selon l’expert les réparations pouvaient être faites en 2 jours seulement, que la société Brousse Loisirs aurait eu la possibilité de remédier à la difficulté (pour le collage de certaines pièces) liée aux basses températures extérieures en travaillant dans un atelier chauffé, qu’ils n’ont pas à subir le manque de professionalisme de la SARL Brousse Loisirs qui a fait un choix différent, et s’agissant de la période d’immobilisation à compter du 10 octobre 2008, que cette dernière ne saurait s’abriter derrière le sinistre survenu alors que le véhicule à réparer avait par ses soins été confié au garage Leleu, concessionnaire Fiat, qu’il lui appartient le cas échéant de solliciter que ce dernier la garantisse des condamnations prononcées à son encontre, qu’aucune relation contractuelle ne les lie en effet à ce garage, enfin qu’ils n’ont pu reprendre possession de leur camping-car que le 16 septembre 2009, date officielle à laquelle ils ont été informés de la mise à disposition de leur bien.

La SARL Brousse Loisirs fait grief à l’expert d’avoir considéré que :

— la totalité des 86 jours d’immobilisation pour les travaux de remise en état suite à l’accrochage dont M. Z était responsable était anormale et lui était imputable, alors qu’elle était dans l’incapacité d’obtenir les pièces de rechange en moins de 2 jours et qu’elle ne dispose pas d’un atelier chauffé lui permettant de coller le pare-chocs dans les règles de l’Art en période de températures extérieures très basses,

— l’immobilisation du véhicule lui était imputable

* pour la période allant du 10 octobre 2008 au 19 février 2009, alors que, pour la réparation concernant le compresseur de climatisation, seul le constructeur pouvait intervenir de sorte qu’elle a confié le véhicule à la concession Fiat-Etablissements Leleu-Artois, qu’elle dépendait totalement des délais constructeur et du planning de l’atelier du garage Fiat, qu’en outre « la tempête de 2009 » a été à l’origine de la casse d’une lucarne sur le toît du camping-car et de l’inondation de celui-ci, que les travaux de reprise et de réparation ont été effectués par le concessionnaire Leleu Artois lui-même, qu’ainsi cette immobilisation relève d’un cas de force majeure et/ou du fait d’un tiers,

* pour la période allant du 19 février 2009 au 17 avril 2009, alors qu’elle n’a récupéré le véhicule que le 19 février 2009, que quelques travaux pris en charge en garantie restaient à réaliser, dont la remise en état de la porte de la salle de bains ayant nécessité selon le constructeur un retour en usine, qu’elle s’est ainsi trouvée dépendante des délais du constructeur Trigano, que courant mars 2009 elle avait averti M. Z de la disponibilité de son véhicule, que ce dernier avait coupé court à la discussion téléphonique et n’avait pas repris contact sauf par la délivrance d’une assignation en référé expertise, qu’au plus tard le 31 mars 2009 le véhicule était à disposition des époux Z, qui en étaient informés mais ont refusé de venir le chercher,

* pour la période comprise entre la désignation de l’expert et la date à laquelle il a convoqué les parties, soit le 16 septembre 2009, alors que la procédure d’expertise ne s’imposait pas, les réparations étant achevées depuis mars 2009, et que l’expert a mis 5 mois à fixer la première réunion et autant à rendre son pré-rapport.

Des pièces du dossier, et notamment du rapport d’expertise de M. B, non contesté sur ce point, il résulte que la SARL Brousse Loisirs s’est vu confier par les époux Z, pour réparations, le camping-car que ceux-ci lui avaient acheté à l’état neuf en juin 2007, avec livraison le 11 juillet 2007, et dont M. Z avait endommagé le pare-chocs et le bloc optique arrière en faisant une fausse man’uvre le 12 juillet 2007, que la prestation de la SARL Brousse Loisirs consistait à remplacer les éléments du pare-chocs arrière et du bloc optique arrière gauche ainsi qu’à une très légère intervention de peinture, mais a immobilisé le véhicule durant 86 jours.

L’expert a estimé que ces prestations, facturées 3 151,58 euros, nécessitaient moins de deux jours de travail, et n’est pas contredit sur ce point. Si la SARL Brousse Loisirs est bien fondée à évoquer le temps nécessaire à l’obtention des pièces et une difficulté liée aux basses températures, la durée d’immobilisation justifiée du véhicule ne saurait excéder une durée que la Cour fixe à 15 jours. Pour le surplus de la période considérée, le manque de diligence de la SARL Brousse Loisirs dûment caractérisé engage la responsabilité contractuelle de ce prestataire. Privés en raison du comportement fautif de la SARL Brousse Loisirs de la jouissance de leur camping-car, les consorts Z réclament à juste titre en application de l’article 1147 du code civil l’indemnisation du préjudice subi à ce titre durant 71 jours (86 – 15).

Il est en outre établi par le rapport d’expertise, non contredit sur ce point, que le camping-car des époux Z a été confié à la SARL Brousse Loisirs à compter du 10 octobre 2008 pour que celle-ci remédie, dans le cadre de la garantie contractuelle de deux ans, aux désordres signalés (page 21 du rapport), notamment par le remplacement du passage de roue avant droit endommagé par le galet du compresseur de climatiseur (panne du 18 septembre 2008), la remise en état de la porte de la salle de bains (précédente intervention du 13 août 2008 infructueuse), la remise en 'uvre de l’affichage de l’heure sur le tableau de commande, la réparation de la batterie qui ne « tient pas la charge », la remise en état de la poignée intérieure de douche, et que M. B a constaté lors de la première réunion d’expertise, le 16 septembre 2009, qu’aucun dysfonctionnement n’existait plus – restaient quelques points défaillants (cinq, dont l’un était en suite de la fausse man’uvre de M. Z du 12 juillet 2007) que la SARL Brousse Loisirs s’engageait à reprendre – et que le véhicule pouvait être repris et utilisé normalement par ses propriétaires.

La Cour constate que la SARL Brousse Loisirs, comme elle y était tenue en sa qualité de vendeur du véhicule, a effectué – ou fait effectuer, s’agissant de réparations relevant de la garantie du constructeur – les réparations nécessaires au bon fonctionnement du camping-car acheté par M. et Mme Z-E quelques mois plus tôt pour un prix de 56 000 euros.

Selon l’expert, non contredit sur ce point, les réparations nécessitaient au plus une semaine de travail.

Si la SARL Brousse Loisirs fait à juste titre valoir qu’elle a dû confier le véhicule à un concessionnaire Fiat, en l’espèce le garage Leleu-Artois, pour la réalisation des réparations garanties par le constructeur, elle ne saurait cependant valablement s’exonérer de son obligation de diligence à l’égard de ses acheteurs en invoquant les événements (calendrier du garage, intempéries et sinistre, remise en état après sinistre) survenus durant la période où le véhicule était confié à ce concessionnaire, avec lequel M. et Mme Z-E n’ont, contrairement à elle aucun lien contractuel.

Au vu de ces éléments, la Cour considère que l’immobilisation du véhicule par la SARL Brousse Loisirs n’était aucunement justifiée au-delà de 15 jours, et que la responsabilité de celle-ci est engagée en application de l’article 1147 du code civil pour l’immobilisation au-delà de ces 15 jours.

La SARL Brousse Loisirs, si elle affirme avoir informé M. et Mme Z-E de l’achèvement des travaux de réparation sur leur camping-car, et de la possibilité pour ces derniers de reprendre possession de leur véhicule, ne se montre aucunement précise sur la date à laquelle elle aurait délivré cette information, évoquant une conversation téléphonique avec M. Z « courant mars 2009 », une information donnée « au plus tard le 31 mars 2009 », et ne produit aucune pièce au soutien de cette affirmation, formellement contestée par M. Z.

Il n’est pas établi qu’avant le16 septembre 2009, date à laquelle M. et Mme Z-E ont été informés par l’expert de ce que leur camping-car était désormais en parfait état de fonctionnement, ceux-ci aient été avisés par la SARL Brousse Loisirs de ce qu’elle avait terminé les travaux et tenait le camping-car à leur disposition. Force est de constater que cette dernière ne justifie d’aucune démarche en vue de faire reprendre par les époux Z-E le véhicule remis en état. Il y a donc lieu de retenir à l’origine de la privation de jouissance des époux Z-E un manquement à son obligation de diligence de la part de la SARL Brousse Loisirs, ouvrant droit à la réparation du préjudice subi de ce fait par les époux Z-E jusqu’au 16 septembre 2009, soit durant 327 jours ' déduction faite des 15 jours d’immobilisation justifiée.

Au titre des deux périodes d’immobilisation considérées, c’est donc une période totale de 398 jours qui doit être indemnisée.

La SARL Brousse Loisirs fait grief à M. B de n’avoir pas tenu compte de ce que le camping-car, véhicule de loisirs, n’aurait pas été utilisé tous les jours par ses propriétaires. Cependant, l’expert judiciaire a exposé (page 22 du rapport) qu’en évaluant à 1/4000 ème de la valeur du véhicule par jour d’immobilisation le préjudice résultant de la perte de jouissance subie par ses propriétaires, il a tenu compte de la destination du véhicule, qu’en effet le préjudice d’immobilisation d’un véhicule destiné à un usage quotidien s’apprécie sur la base de 1/1000 ème de la valeur par jour d’immobilisation, qu’un véhicule de loisir doit pouvoir être utilisé pendant les week-ends et/ou pendant les périodes de vacances ou de week-ends prolongés, soit au total un minimum de 30 week-ends par an et un mois de vacances, soit 90 jours, soit un quart de l’année. La Cour constate que le raisonnement tenu par l’expert qui a ainsi divisé par quatre le préjudice d’immobilisation d’un véhicule à usage quotidien pour évaluer le préjudice de jouissance subi par les époux Z-E privés de leur camping-car durant 398 jours est parfaitement motivé et n’est pas utilement contredit.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les consorts Z-E de leurs demandes d’indemnisation et de condamner la SARL Brousse Loisirs à payer aux consorts Z à titre de dommages-intérêts :

— la somme de 5 572 euros (398 x14) en réparation de leur préjudice de jouissance,

— celle que la Cour arrête à 120 euros, au titre de la garantie Protexxio d’une durée de deux ans souscrite le 10 juin 2007 par les époux Z auprès de CARDIF-Assurances Risques Divers, assurance inutile du fait de l’immobilisation du véhicule, étant précisé d’une part que le comportement de la SARL Brousse Loisirs n’a pas permis aux propriétaires, qui n’avaient aucune visibilité quant à la durée de l’immobilisation de leur véhicule, d’obtenir de l’assureur « la modulation des primes versées pour le cas où le véhicule n’était pas utilisé » évoquée par l’expert et vantée par la société intimée, d’autre part que la somme de 13 euros par mois correspondant à la cotisation payée par M. et Mme Z n’est pas due intégralement pour les 398 jours d’immobilisation, dans la mesure où la garantie prenait fin en tout état de cause le 10 juin 2009,

— celle que la Cour arbitre à hauteur de 500 euros en réparation du préjudice moral subi par les époux Z-E du fait des soucis et déceptions causés par l’immobilisation excessive de leur véhicule, étant précisé que les préjudices invoqués pour le surplus par les consorts Z, en particulier les troubles auditifs et vertiges rattachés par Mme Z-E au stress lié aux dysfonctionnements et pannes du camping-car, ne trouvent pas leur origine dans le manque de diligence de la SARL Brousse Loisirs, seul comportement fautif démontré à l’encontre de cette dernière, de sorte que la demande d’indemnisation ne saurait prospérer en ce qui les concerne.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’astreinte, non justifiée.

Sur les frais et dépens :

Partie succombante, la SARL Brousse Loisirs sera condamnée aux dépens de première instance, y compris les frais d’expertise dès lors que la mesure d’investigation a été rendue nécessaire par les défaillances de celle-ci, le jugement étant infirmé du chef des dépens, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts Z la totalité des frais non compris dans les dépens qu’ils ont dû exposer pour faire valoir leurs droits tant en première instance qu’en appel ; le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté ces derniers de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et une somme totale de 2000 euros sera allouée aux consorts Z sur ce fondement.

Condamnée aux dépens, la SARL Brousse Loisirs ne saurait être accueillie en sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au Greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions et les demandes de Mme A E veuve Z et de Mme J Z épouse Y.

Infirme le jugement rendu le 26 novembre 2012 par le Tribunal de grande instance d’Amiens, sauf en ce qu’il a déclaré irrecevables les conclusions de la SARL Brousse Loisirs datées du 25 septembre 2012.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SARL Brousse Loisirs à payer à Mme A E veuve Z et Mme J Z épouse Y :

— la somme de 5 572 euros au titre du préjudice de jouissance,

— celle de 120 euros au titre de l’assurance,

— celle de 500 euros au titre du préjudice moral,

— celle de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme A E veuve Z et Mme J Z épouse Y du surplus de leurs demandes.

Déboute la SARL Brousse Loisirs de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL Brousse Loisirs aux dépens de première instance, y compris les frais d’expertise, et d’appel, dont distraction au profit de la SCP Lusson & Catillion, avocats aux offres de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Amiens, 25 novembre 2014, n° 13/00518