Cour d'appel de Chambéry, 20 novembre 2012, n° 11/02757

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 20 nov. 2012, n° 11/02757
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 11/02757
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chambéry, 2 novembre 2011, N° F10/00204

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2012

RG : 11/02757 – JMA/VA

H I

C/ SARL SOS OXYGENE D E

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire – de CHAMBERY en date du 03 Novembre 2011, RG : F 10/00204

APPELANT :

Monsieur H I

XXX

XXX

Représenté par Me Joël CARLON, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

SARL SOS OXYGENE D E

XXX

XXX

Comparante en la personne de M. L M, chef d’agence, muni du pouvoir spécial, assisté de Me URBANI, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Septembre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur LACROIX, Président,

Madame CAULLIREAU-FOREL, Conseiller

Monsieur ALLAIS, Conseiller, qui s’est chargé du rapport

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame CHAILLEY,

********

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur H I a été embauché le 3 octobre 2008 par la SARL SOS OXIGENE D E, prestataire en matière d’oxygénothérapie et d’assistance respiratoire, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de livreur-installeur de matériels médicaux techniques et pour un horaire mensuel de 169 heures, soit 39 heures hebdomadaires.

L’entreprise relève de la convention collective du « négoce et prestations de services dans les domaines médico-techniques ».

Le travail de monsieur H I consistait en des tournées régionales, sur le secteur « Savoie », avec mission d’assurer la livraison de bouteilles d’oxygène et d’installer celles-ci chez des patients.

Son contrat de travail précisait également :

« permanence du service d’astreinte 24/24 heures et 7/7 jours ».

Le 17 mai 2010, monsieur H I a été convoqué à un entretien préalable et son licenciement pour faute grave lui sera notifié le 31 mai 2010, aux motifs qu’il n’avait pas respecté ses obligations contractuelles et les directives de prise en charge établies par la LPPR et les consignes du pharmacien responsable de son agence, en refusant notamment la livraison et l’installation le 12 mai 2010 d’une cuve à oxygène à la maison de retraite « les Balcons du Lac » à Thonon les Bains pendant ses heures de travail.

Par requête du 9 juillet 2010, monsieur H I a alors saisi le Conseil de Prud’hommes de Chambéry à l’effet de voir dire qu’il a été licencié sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement des sommes suivantes :

—  15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illégitime,

—  1.384,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  138,40 euros au titre des congés payés afférents,

—  10.000,00 euros au titre de ses rappels de salaire du fait de la situation d’astreinte,

—  1.000,00 euros au titre des congés payés afférents,

—  5.000,00 euros au titre de ses heures supplémentaires non payées,

—  500,00 euros au titre des congés payés afférents,

—  2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement avant dire droit du 7 avril 2011, le Conseil de Prud’hommes a :

— ordonné à la société SOS OXYGENE D E la remise du contrat Master Naut, relatif à la géolocalisation des véhicules Peugeot Boxer et renault Trafic utilisés par monsieur H I et qui soit parfaitement lisible,

— ordonné à la société SOS OXYGENE D E la remise de tous les éléments mémorisés permettant de vérifier durant la période du 6 octobre 2008 au 10 juin 2010 pendant laquelle monsieur H I travaillait au sein de l’entreprise, les données temps, durées et autres correspondant aux véhicules,

— fixé la remise des documents au plus tard le 15 mai 2011,

— renvoyé l’affaire au 30 juin 2011.

Par jugement du 3 novembre 2011, le Conseil de Prud’hommes a :

— dit que le licenciement de monsieur H I est intervenu pour faute grave,

— débouté monsieur H I de l’ensemble de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions relatives à l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La décision a régulièrement été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception le 24 novembre 2011,

Par déclaration du 9 décembre 2011, monsieur H I a interjeté appel de la décision.

Aux termes des débats et des écritures des parties, reprises oralement à l’audience et auxquelles il est fait référence pour un plus ample exposé des moyens qui y sont développés,

MN H I, par conclusions du 15 juin 2012, demande à la Cour de :

— dire et juger qu’il a été victime d’un licenciement illégitime,

— condamner la SARL SOS OXIGENE D E à lui payer les sommes et indemnités suivantes :

. 20.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

. 1.384,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 138,40 euros au titre des congés payés afférents,

outre intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d’instance,

. 692,00 euros au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied,

. 69,20 euros au titre des congés payés afférents,

outre intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2012,

. 10.000,00 euros au titre des salaires et astreintes,

. 1.000,00 euros au titre des congés payés afférents,

ou subsidiairement 11.000,00 euros correspondant,

outre intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d’instance,

. 10.000,00 euros au titre des heures supplémentaires,

. 1.000,00 euros au titre des congés payés afférents,

ou subsidiairement 11.000,00 euros correspondant,

outre intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d’instance,

. 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que si son contrat de travail fixait effectivement un horaire mensuel de 169 heures et la permanence d’un service d’astreinte 7/7 jours et 24/24 heures, il ne prévoyait pas pour autant une rémunération de ce service d’astreinte et des heures supplémentaires, si ce n’est par un forfait hebdomadaire de 176,00 euros brut.

Il indique qu’en 20 mois d’activité il a du se soumettre à 10 semaines d’astreintes fixées unilatéralement par son employeur.

Il rappelle qu’en cas d’astreinte, le salarié étant à la disposition permanente de son employeur, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, il doit être pleinement dédommagé comme s’il s’agissait d’un travail effectif.

Il indique qu’effectivement pendant ses services d’astreintes, il était à la disposition de l’employeur 24/24 heures, sans temps de répit, excluant toute prise en compte de sa vie privée et dans un état de stress constant.

Il précise que la SARL SOS OXIGENE D E a finalement reconnu devant le Conseil de Prud’hommes la réalité de ces 10 semaines d’astreinte, sans pour autant lui payer les salaires y afférents.

Il indique également que ses conditions de travail étaient particulièrement pénibles et éprouvantes, étant toujours seul pour manipuler et installer des bouteilles d’oxygène pesant près de 100 kg, sans aucun monte charge à sa disposition pour charger et décharger les bouteilles de son camion, et en utilisant souvent des véhicules de location inadaptés au transport de l’oxygène, notamment sur le plan de la sécurité.

Il fait valoir que son contrat ne prévoyait aucun horaire précis de travail, que l’employeur au cas d’espèce, a volontairement dissimuler la réalité des horaires effectivement accomplis par les salariés (non production des disques des camions) alors que l’incident relatif au licenciement démontre la grande flexibilité des horaires imposés.

Il s’estime fondé en tout état de cause de solliciter une indemnisation forfaitaire au titre de ses heures supplémentaires non payées.

En ce qui concerne son licenciement, il fait valoir que la journée du 12 mai 2010 était particulièrement chargée et qu’il devait partir en congés le soir.

Il indique que contrairement au planning établi, il va recevoir à 15 heures 45 un appel téléphonique de son responsable, monsieur X, lui demandant de revenir de suite au siège de l’entreprise à Voglans, de charger une bouteille d’oxygène et de se rendre immédiatement à Thonon les Bains, ce qui impliquait entre les heures de route et l’installation du matériel, une fin d’activité à 22 heures au lieu de 18 heures 30.

Il estime que cette demande était délibérément provocatrice dans la mesure où il n’y avait aucune urgence à effectuer cette livraison, s’agissant d’une toute nouvelle cliente qui aurait pu être orientée vers d’autres prestataires de services et qu’en outre cela débouchait sur une journée de travail de 13 heures, dont il était certain qu’elle ne lui serait pas intégralement payée.

Il fait valoir qu’il s’agit d’un véritable abus de pouvoir du chef d’entreprise, en violation totale avec les dispositions du code du travail sur le non respect de l’amplitude du temps de travail effectif.

Il rappelle que suite à son licenciement il est resté plus de quinze mois au chômage et que son préjudice est donc particulièrement important.

De son côté, par conclusions récapitulatives du 20 septembre 2012, la SARL SOS OXIGENE D E demande à la Cour de :

— confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

— condamner monsieur H I à lui payer une indemnité de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que le 12 mai 2010 à 15 heures 45 minutes, monsieur X (adjoint au responsable d’équipe) a demandé par téléphone à monsieur H I de se rendre à Thonon les Bains pour l’installation d’une cuve à oxygène à la maison de retraite 'Les Balcons du Lac’ et que contre toute attente, monsieur H I a alors refusé de procéder à cette installation, est revenu à l’agence à 16 heures, a laissé son camion et a quitté son poste en disant : 'pour moi c’est fini'.

Elle précise qu’à la suite de cet incident, madame Q R-S, la pharmacienne responsable de la SARL SOS OXIGENE D E, lui a retiré le 14 mai 2010, son habilitation l’autorisant à dispenser un traitement par oxygène selon les Bonnes Pratiques de Dispensation à Domicile de l’Oxygène à Usage Médical ( Y ), attestation qui lui avait été délivrée le 24 octobre 2008.

Elle indique que le contrat de travail de monsieur H I prévoit expressément qu’il avait la responsabilité de :

. respecter l’application des règles d’hygiène et de sécurité tant légales qu’internes à l’entreprise,

. de livrer et d’installer le matériel chez les nouveaux clients,

Que, le salarié parfaitement informé de ses obligations contractuelles, parfaitement

formé à ce travail et ayant une habilitation spécifique, a délibérément refusé d’accomplir une mission relevant de ses attributions pendant ses heures de travail.

Elle indique que monsieur H I, contrairement à ses allégations et alors que sa journée n’était pas terminée, pouvait parfaitement accomplir la mission qui lui était demandée et terminer celle ci à 19 heures et non 22 heures comme il tente de le faire croire, qu’en réalité il souhaitait tout simplement terminer sa journée à 16 heures pour préparer ses vacances qui débutaient le lendemain.

Elle fait valoir qu’en tout état de cause, monsieur H I a abandonné son poste à 16 heures, soit bien avant la fin de sa prise de fonction et alors même que son temps de travail, effectif, au vu de son planning horaire de la journée, n’était pas intégralement effectué, l’intéressé ne démontrant pas avoir travaillé entre midi et 14 heures.

En ce qui concerne le paiement des astreintes, la SARL SOS OXIGENE D E indique que monsieur H I a effectué 10 astreintes en tout et pour tout sur les 20 mois travaillés, que ces astreintes ont toutes donné lieu à une rémunération de 176,00 euros bruts par astreinte au lieu des 45,70 euros prévues par la convention collective.

Pour ce qui est des heures supplémentaires, elle rappelle que les horaires de travail sont affichés dans l’entreprise et sont les suivants :

. 8 heures 30 à 12 heures 30 et 14 heures à 18 heures, sauf le samedi où les salariés finissent à 17 heures,

Qu’il n’existe pas d’heures supplémentaires dans l’entreprise, les salariés rémunérés sur la base de 39 heures sans majoration, bénéficiant du système du repos compensateur.

Elle fait valoir que monsieur H I ne rapporte nullement la preuve qu’il a effectivement accompli des heures supplémentaires à la demande de l’employeur, sans bénéficier en retour de repos compensateurs.

Elle précise enfin qu’elle a été dans l’impossibilité matérielle de satisfaire à l’injonction de communication des disques d’enregistrement des camions, dans la mesure où la société Masternaut ne garde pas les disques d’enregistrement au delà de 3 mois.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la rémunération des astreintes

Attendu que monsieur H I a été embauché à compter du 6 octobre 2008, selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 octobre 2008, pour un horaire mensuel de 169 heures, soit 39 heures par semaine, en qualité de livreur installateur ;

Attendu que la rémunération mensuelle de monsieur H I était fixée à la somme de 1.600,00 euros bruts, outre une prime de 176,00 euros bruts pour une semaine d’astreinte du vendredi 8 heures 30 au vendredi suivant même heure, le contrat de travail précisant que la permanence du service était de 24 heures / 24 et 7 jours / 7 ;

Attendu qu’en l’état de leurs dernières écritures les parties reconnaissent que monsieur H I a été d’astreinte pendant 10 semaines au cours de son contrat de travail ;

Attendu qu’il est justifié également, ce qui n’est pas contesté par la société SOS OXYGENE D E, qu’au cours de ces 10 semaines, monsieur H I a effectué effectivement six interventions ;

Attendu que conformément à l’article L 3121-5 du code du travail, le temps d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ;

Attendu qu’il convient en conséquence de distinguer l’astreinte proprement dite, du temps d’intervention qui constitue un temps de travail effectif ;

Attendu qu’il est constant au cas d’espèce, que si monsieur H I a bien été rémunéré sur la base de 176,00 euros bruts pour chaque semaine d’astreinte, il n’a perçu à l’inverse aucune rémunération pour ses heures effectives d’intervention ;

Attendu que la rémunération des semaines d’astreinte étant de quatre fois supérieure au minimum conventionnel qui était de 45,70 euros, monsieur H I a donc sur ce point précis perçu une juste indemnisation ;

Attendu que cependant les six heures de travail effectif devant être rémunérées en plus de l’astreinte proprement dite, il convient au vu des bulletins de salaires de monsieur H I, (le taux horaire étant de 10,20 euros) de condamner la société SOS OXYGENE D E à lui payer la somme de 61,20 euros bruts au titre des heures effectivement travaillées, outre 6,12 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

Sur la rémunération des heures supplémentaires :

Attendu qu’en l’espèce monsieur H I sollicite l’allocation d’une somme forfaitaire de 10.000,00 euros au titre des heures supplémentaires effectuées ;

Attendu que conformément à l’article L 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles;

Attendu que dès lors la durée légale du travail, telle que définie ci-dessus, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile ;

Attendu que cependant et conformément à l’article L 3121-24 du code du travail, une convention ou accord de branche peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que les majorations prévues à l’article L 3121-22 du code du travail, par un repos compensateur équivalent ;

Attendu que par application de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande ;

Que si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de fournir préalablement des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande et à permettre également à l’employeur d’y répondre ;

Attendu qu’en l’espèce il est justifié que l’horaire de l’entreprise est un horaire collectif, à savoir 39 heures de travail mensuels pour tous les salariés, à l’exclusion des cadres de la Direction, les heures supplémentaires entre 35 et 39 heures étant majorées par le système du repos équivalent ;

Attendu que pour accréditer le fait qu’il aurait accompli des heures supplémentaires non payées, monsieur H I ne produit qu’une attestation, celle de monsieur C, dans laquelle ce dernier indique :

'qu’il a effectué avec monsieur H I de nombreuses heures supplémentaires tous les jours, ces heures étant portées sur un carnet ' ;

Attendu qu’il n’est pas justifié de la réalité de ce carnet ;

Attendu que la simple attestation d’un salarié, qui au demeurant ne fait plus partie de l’effectif de l’entreprise, ( monsieur C embauché le 29 avril 2009 ayant démissionné le 26 juin 2009) sans production d’un décompte précis des heures effectivement réalisées, est insuffisante pour justifier de la réalité des heures supplémentaires revendiquées ;

Attendu que surtout, les bulletins de salaire de monsieur H I font expressément apparaître les jours de repos compensateurs pris par le salarié ;

Attendu qu’en l’absence d’éléments de preuve suffisamment précis du salarié alors que de son côté l’employeur justifie de la réalité et de l’application effective du système du repos compensateur mis en place dans l’entreprise, monsieur H I, qui ne démontre pas la réalité des heures supplémentaires effectuées et non payées, sera en conséquence débouté de ce chef de demande ;

Sur le licenciement :

Attendu qu’en l’espèce monsieur H I a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 31 mai 2010 ;

Attendu qu’il convient de rappeler liminairement, que la lettre de licenciement fixe les limites du litige,

Que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis, la charge de la preuve pesant sur l’employeur ;

Attendu qu’en l’espèce monsieur H I a été licencié pour les motifs suivants :

' Le mercredi 12 mai 2010 à B, l’adjoint au responsable d’équipe, responsable oxygène, Monsieur J X, vous a appelé afin que vous interveniez à la maison de retraite ' Les Balcons du Lac ', située à Thonon les Bains. Le médecin coordinateur de la maison de retraite venait de nous appeler pour prescrire une cuve à oxygène avec déambulation, avec un débit de 8L/MN, pour une de ses résidentes. Vous avez alors refusé d’effectuer l’installation prescrite, et ce sans justifier de quelque raison. Je vous rappelle que cette demande intervenait pendant vos horaires de travail.

Monsieur X vous a alors demandé de venir déposer votre véhicule à l’agence car, face à votre refus de travailler, il devait diligenter en urgence un autre technicien, Monsieur T-U A, afIn d’effectuer l’intervention prescrite par le médecin. Face à l’urgence de la demande, la tournée de Monsieur T-U A a du être annulée, ce qui a perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise dans ses obligations envers ses patients et ses organismes payeurs, et, de surcroît, a eu pour effet d’imposer une surcharge de travail à l’ensemble du personnel technique.

L’agence ne disposant que de trois véhicules équipés d’une cuve embarquée, et les deux autres étant déjà utilisés par deux techniciens encore en tournée, seul votre véhicule était disponible pour effectuer l’installation. Dans la demie heure suivant l’appel de Monsieur X, vous vous êtes présenté à l’agence, et avez confirmé à votre responsable votre refus d’effectuer l’intervention demandée. Vous avez alors laissé votre véhicule au milieu de la cour, puis avez déposé les clefs sur le bureau du directeur et êtes en disant ' pour moi, c’est fini '.

Je vous rappelle que, conformément aux procédures des Bonnes Pratiques de Dispensation à Domicile de l’Oxygène a usage médical (Y 4.5.3.) qui précisent « l’intervention au domicile du patient, si elle est nécessaire, doit être effectuée dans les délais qu’impose la situation décrite, y compris sur le plan psychologique », nous devons tout mettre en 'uvre afin d’installer le matériel nécessaire au traitement d’un patient dans un délai raisonnable. Nous vous rappelons, également, que l’activité de notre société consiste en l’assistance à domicile 24H/24H et 7J/7J de patients en insuffisance respiratoire. Cette assistance doit se faire obligatoirement par des techniciens formés et habilités à la dispensation d’oxygène à domicile (BPDOM, JO du 25/11/00). Je vous rappelle que vous avez été formé à nos procédures par le pharmacien responsable 'qui vous a habilité le 24 octobre 2008, et par F G, notre gazier, le 6 mars 2009.

Dès lors, du fait de la nature même de l’emploi qui est le votre, vos interventions auprès de nos patients sont indispensables à garantir le suivi obligatoire de leur traitement médical.

De par votre comportement, vous n’avez pas respecté non seulement vos obligations contractuelles mais, également, les directives de prise en charge établies par la LPPR et les consignes du Pharmacien responsable de votre agence.

Le Pharmacien, dont la fonction réglementaire consiste en la surveillance du respect des bonnes pratiques de dispensation de l’oxygène, vous a, en l’état de ces faits, retiré votre agrément, le 14 mai 2010.

Les faits ci-dessus constituent une grave faute professionnelle que nous ne pouvons tolérer dans le cadre de notre activité.

Par voie de conséquence, votre licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la première présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement '.

Attendu qu’il est constant que le jour des faits, ces points n’étant plus réellement

discutés par les parties, monsieur H I avait pris son service à 8 heures 30 minutes, qu’il a été appelé en intervention à 15 heures 45 minutes par Monsieur X et qu’il s’est présenté au siège de l’entreprise aux alentours de 16 heures ;

Attendu que la société SOS OXYGENE D E ne rapporte pas la preuve de l’urgence de la situation, dans la mesure où il s’agissait de fournir pour la première fois une nouvelle cliente qui pouvait donc être orientée vers un autre prestataire de service ;

Qu’au surplus cette nouvelle patiente qui résidait dans une maison de retraite, était nécessairement prise en charge par l’établissement, y compris en cas d’urgence ;

Que de même, la société SOS OXYGENE D E ne démontre pas que l’organisation de l’entreprise a totalement été perturbée, après que cette prestation ait été confiée à monsieur A, collègue de monsieur H I ;

Attendu qu’il est constant également, que le déplacement demandé (Voglans – Thonon les Bains) supposait un temps de trajet moyen de l’ordre d’une heure trente à deux heures, soit une arrivée sur place à 18 heures, et après installation du matériel, un retour au siège de l’entreprise vers 21 heures ;

Attendu que dès lors l’amplitude de travail de monsieur H I pour la journée du 12 mai 2010, ( l’amplitude correspondant au nombre d’heures séparant le début de la journée de travail de son achèvement), étant de 12 heures 30 minutes, le refus de monsieur H I d’exécuter la prestation demandée apparaît donc en l’espèce comme légitime ;

Attendu qu’enfin il est justifié, au vu du planning de monsieur H I, que celui ci a effectué les interventions suivantes :

—  9 H 30 – 10 H 30 madame D…. ( Chambéry )

—  10 H 00 – 11 H 00 madame XXX

—  11 H 00 – XXX

—  14 H 30 – 15 H 35 monsieur R…. ( Termignon )

—  16 H 15 – 17 H 00 enfant K… ( Albertville )

Attendu que bien que monsieur H I se soit présenté à l’agence à 16 heures et qu’il y ait laissé son camion, la société SOS OXYGENE D E ne démontre pas que le dernier client de la journée n’ait pas été livré ;

Attendu qu’en l’espèce, lors de son retour au siège de l’entreprise, monsieur H I avait bien effectué l’ensemble des prestations convenues, qu’il ne peut lui être fait aucun reproche sur ce point ;

Attendu que le refus pour monsieur H I d’accomplir une nouvelle mission, non urgente, à près de deux heures de route du siège de l’entreprise, alors même que l’ensemble des prestations planifiées sur la journée avait été accompli et que cette nouvelle prestation supposait un dépassement important de l’amplitude journalière, ne peut au cas d’espèce être considéré comme fautif ;

Qu’il convient en conséquence de dire et juger que le licenciement de monsieur H I est sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les indemnités et le préjudice :

Attendu que monsieur H I a moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise ;

Attendu que monsieur H I, dont le salaire brut moyen mensuel était de 1.547,19 euros, sollicite une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 1.384,00 euros (soit un mois de salaire net) outre 138,40 euros au titre des congés payés afférents ;

Qu’il sera fait droit à cette demande ;

Attendu que monsieur H I sollicite le paiement de la somme de 692,00 euros outre 69,20 euros de congés payés afférents, au titre du paiement de ses heures de travail du fait de la mise à pied prononcée le 17 mai 2010, soit 15 jours de salaire sur la base de son salaire net ;

Qu’il sera fait droit à cette demande ;

Attendu que par application de l’article 1235-5 du code du travail, monsieur H I peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

Attendu qu’il est justifié, malgré les nombreuses demandes d’emploi déposées, que monsieur H I a été au chômage pendant plus d’un an (attestation Pôle Emploi du 25 avril 2012) ;

Que dès lors il convient de lui allouer une indemnité de 10.000,00 euros en réparation du préjudice subi ;

Sur les demandes accessoires :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de faire application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 3 novembre 2011 du Conseil de Prud’hommes de Chambéry dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de monsieur H I est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne en conséquence la société SOS OXYGENE D E à payer à monsieur H I les sommes et indemnités suivantes :

—  1.384,00 euros nets à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  138,40 euros nets au titre des congés payés afférents ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2010, date de la convocation devant le Conseil de Prud’hommes,

—  692,00 euros nets à titre de paiement du salaire pour la période de mise à pied,

—  69,20 euros nets au titre des congés payés afférents,

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2012, date de la demande,

—  10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Condamne la société SOS OXYGENE D E à payer à monsieur H I la somme de 61,20 euros bruts au titre des heures effectivement travaillées pendant les périodes d’astreinte et la somme de 6,12 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2010, date de la convocation devant le Conseil de Prud’hommes,

Déboute monsieur H I de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

Condamne la société SOS OXYGENE D E à payer à monsieur H I la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SOS OXYGENE D E aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Ainsi prononcé publiquement le 20 Novembre 2012 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur LACROIX, Président, et Madame CHAILLEY, Greffier.

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Cour d'appel de Chambéry, 20 novembre 2012, n° 11/02757