Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 25 février 2020, n° 19/04516

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/04516 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MOLW

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Référé

du 03 juin 2019

RG : 19/00590

ch n°

X

C/

S.A.R.L. B C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRET DU 25 Février 2020

APPELANT :

M. A X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Stéphanie REVOL, avocat au barreau de LYON, toque : 2293

INTIMEE :

S.A.R.L. B C, représentée par son gérant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

Parc du 8 Mai 1945

[…]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE

NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Maître Delphine GHIGHI, avocat au barreau de LYON.

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 22 Janvier 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Janvier 2020

Date de mise à disposition : 25 Février 2020

Audience tenue par D E, président, et Catherine ZAGALA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs B opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, D E a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— D E, président

— Catherine ZAGALA, conseiller

— Dominique DEFRASNE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par D E, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

En 2016, la société d’édition B C a sollicité M. X, « game designer », afin de monter un projet d’édition relatif à un jeu de rôle, visant à adapter la web-série « Aventures », menée par ce dernier, à un jeu de rôle papier qui serait également dénommé « Aventures ».

Pour financer la création de ce jeu, la société B C a mis en 'uvre une levée de fonds participative sur la plateforme Ulule.

Aucun contrat écrit n’a été régularisé entre les parties et M. X n’a reçu aucun paiement malgré ses demandes d’avance. Le jeu n’a pas été réalisé et les souscripteurs du jeu via la plateforme Ulule expriment leur mécontentement.

M. X a assigné la société B C devant le président du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de la condamner à cesser toute utilisation de son nom, de son image et de son 'uvre et de lui verser la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice à titre prévisionnel.

Par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort le 3 juin 2019, le Président du tribunal de grande instance de Lyon a :

• déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir, la demande de M. X fondée sur la violation des articles 121-2 et 122-4 du code de la propriété intellectuelle ;

• débouté M. X de sa demande portant sur une utilisation illicite de son nom et de son image par la société B C ;

• condamné M. X à verser à la société B C la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamné M. X aux dépens de l’instance.

Le juge a fait valoir que M. X ne justifie pas de sa qualité d’auteur de la web-série Aventures, qui résulterait d’une collaboration avec d’autres youtubeurs, et qu’il se contente de la prouver par voie d’allégations.

Il relève également que M. X n’est pas fondé à agir sur une atteinte à sa vie privée dans la mesure où il publie régulièrement sur les réseaux sociaux des détails sur sa vie et ses travaux, de sorte qu’il n’est pas justifié d’une atteinte disproportionnée de ses droits.

Par déclaration d’appel en date du 27 juin 2019, M. X a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions, il demande à la cour de :

• recevoir comme régulier et bien fondé son recours,

• constater que sa demande sur la base de l''uvre « Aventures le Jeu » n’est pas une demande nouvelle ou qu’elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier Juge, à savoir, voir cesser toute utilisation de son nom et de son image et de l''uvre par la société B C en l’absence de titre de cette dernière pour ce faire,

• le dire en conséquence recevable à agir tant en qualité d’auteur de l''uvre « Aventures le Jeu » qu’au titre de son droit à l’image et au respect de sa vie privée,

• constater que le Tribunal de grande instance de Lyon statuant en la forme des référés était matériellement compétent pour statuer sur les demandes formulées par M. X,

• constater que la société B C utilise de façon illicite le nom et l’image de M. X,

• constater que la société B C utilise de façon illicite l''uvre « Aventures le Jeu » dont il est l’auteur et titulaire des droits patrimoniaux,

• constater que lesdites utilisations lui ont causé un préjudice moral,

• infirmer l’ordonnance rendue le 3 juin 2019 en toutes ses dispositions prises à l’encontre de M. X,

Et statuant à nouveau :

• débouter la société B C de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

• condamner la société B C à cesser toute utilisation de son nom, de son image, de son 'uvre, sur tout support que ce soit, dans un délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

• condamner la société B C à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral à titre provisionnel,

• condamner la société B C à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

• condamner la société B C aux entiers dépens de la présente instance.

Il fait valoir d’une part que la question de sa qualité d’auteur porte uniquement sur le jeu de rôle « Aventures le Jeu » et non sur la web série Aventures, de sorte que sa demande formulée en cause d’appel n’est pas nouvelle. D’autre part, il relève que c’est à la société B C d’apporter la preuve contraire de sa qualité d’auteur et non l’inverse conformément à la présomption posée par l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle.

Il explique qu’il est recevable à agir au titre de son droit à l’image et au respect de son nom dans la mesure où il avait préalablement interdit à la société B C de l’utiliser sur son site web, alors qu’elle profitait de la notoriété de ce dernier.

Il observe que la société Ulule n’a pas à être attraite dans la cause dans la mesure où elle a le statut d’hébergeur et qu’elle bénéficie à cet égard d’un régime de responsabilité allégée de sorte que la société B C reste pleinement responsable du contenu de l’espace qui lui est allouée sur le site de la société Ulule

Il ajoute qu’il existe un trouble manifestement illicite justifiant la procédure de référé dans la mesure où la société B C utilise son 'uvre et son nom de manière illicite afin de générer du trafic sur son site web. Il soutient que l’utilisation de son 'uvre B son accord porte atteinte à ses intérêts légitimes dans la mesure où il en est l’auteur et que l’utilisation de son nom et de son image B son consentement est constitutive d’une violation des droits de la personnalité de M. X.

En réponse, la société B C demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions d’intimée, et à titre principal :

S’agissant du jeu web-série « Aventures » :

• juger que la web-série « Aventures » revendiquée par M. X en première instance n’est pas identifiée, et que l’originalité de cette 'uvre justifiant sa protection au titre du droit d’auteur n’est pas caractérisée,

• juger que M. X ne démontre pas sa qualité d’auteur de la web-série « Aventures »,

• juger que la web-série « Aventures » est une 'uvre de collaboration,

• juger que M. X n’a pas mis en cause les différents co-auteurs de l''uvre de collaboration web-série « Aventures »,

• par conséquent, juger que les demandes de M. X au titre du droit d’auteur s’agissant de la web-série « Aventures » sont irrecevables pour défaut de qualité à agir.

S’agissant du jeu papier « Aventures » :

• juger que les demandes formulées par M. X au titre du droit d’auteur s’agissant du jeu papier « Aventures » sont nouvelles en ce qu’elles n’ont pas été soumises à l’examen du président du tribunal de grande instance de Lyon en première instance,

• par conséquent, juger que ces demandes sont irrecevables pour la première fois en cause d’appel,

• juger que le jeu « Aventures » revendiqué par M. X n’est pas identifié, et que l’originalité de cette 'uvre justifiant sa protection au titre du droit d’auteur n’est pas caractérisé,

• juger que M. X ne peut bénéficier de la présomption de titularité sur le jeu « Aventures » revendiqué et qu’il ne démontre pas sa qualité d’auteur de ce jeu « Aventures »,

• par conséquent, juger que les demandes de M. X au titre du droit d’auteur s’agissant du jeu « Aventures » sont irrecevables pour défaut de qualité à agir,

S’agissant des publications intervenues sur la plateforme Ulule :

• juger que les demandes de M. X au titre des publications effectuées sur ce site internet ne peuvent être dirigées à l’encontre de la société B C et donc irrecevables à défaut d’intervention de la société Ulule

A titre subsidiaire :

• juger que M. X ne démontre pas l’urgence, ni l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent justifiant que soit ordonnées des mesures d’interdiction sous astreinte,

• juger que la demande de provision formulée par M. X se heurte à une contestation sérieuse,

• par conséquent, juger que les conditions du référé ne sont pas requises, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé,

• juger que la société B C n’a commis aucune atteinte à l''uvre revendiquée par M. X,

• juger que la société B C n’a commis aucune atteinte au nom et à l’image de M. X,

• par conséquent, débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

En toute hypothèse :

• confirmer l’ordonnance rendue par le Président du tribunal de grande instance de Lyon le 3 juin 2019 en toutes ses dispositions,

• condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

• condamner M. X aux entiers dépens.

Elle fait valoir que, concernant la web série « AVENTURE » et le jeu « AVENTURE », M. X ne peut pas agir en sa qualité d’auteur dans la mesure où d’une part il ne justifie pas de l’originalité de l''uvre permettant la protection de celle-ci et d’autre part, il n’établit pas qu’il en est effectivement l’auteur unique. La société B C considère qu’il s’agit d’avantages d’une 'uvre de collaboration.

Elle relève également qu’elle ne saurait être tenue responsable des éléments diffusés sur la plateforme Ulule, de sorte que son action est irrecevable dans la mesure où M. X n’a pas mise en cause la société Ulule.

Elle indique que M. X n’apporte pas la preuve du caractère manifeste de l’illicéité des troubles allégués et que les seules communications opérées par la société B C le concernant ont été approuvées par ce dernier.

La société B C conteste toute atteinte à l''uvre dans la mesure où le jeu « Aventures » n’a jamais été achevé et qu’il n’a jamais démontré l’originalité du titre permettant sa protection juridique sur le fondement du droit d’auteur.

Elle conclut également que les usages litigieux de son 'uvre et de son nom ne relèvent pas d’une atteinte à la vie privée de M. X dans la mesure où d’une part les informations communiquées relèvent de l’actualité et pour lesquelles il a donné son accord et nécessaire au financement du projet, et d’autre part car l’utilisation du petit personnage « chibi » qui le personnalise ne permet pas de l’identifier clairement et ne constitue pas un élément de la sphère privée de M. Z dont il pourrait obtenir l’interdiction d’usage sur le fondement de l’article 9 du code civil.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions de l’article 809 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il peut également accorder une provision au créancier lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

La demande de l’appelant est fondée sur ces textes et tend à voir cesser l’utilisation de son nom et de son image et à obtenir une provision à valoir sur le préjudice moral découlant de cette utilisation.

L’intimée soulève l’irrecevabilité de ces demandes en arguant à la fois du caractère nouveau de celles-ci et du fait que l’appelant ne justifie pas de sa qualité d’auteur tant de la Web série que du jeu matériel « Aventures ».

Il ressort tant des conclusions des parties que des pièces produites aux débats et notamment des mails échangés entre les parties que la société B C a approché M. X aux fins de monter un projet d’édition relatif au jeu de rôle visant à adapter la web-série Aventures à un jeu de rôle papier dénommé également Aventures et dont M. X devait élaborer l’ensemble des textes de jeu.

Il est également constant que le financement de projet reposait sur un financement participatif sur la plateforme Ulule moyennant la réalisation de préventes. Dans ce cadre, les parties ont communiqué et mentionné le nom de M. X comme auteur, M. X reconnaissant dans ses écritures, avoir prêté son nom et son image pour la communication réalisée par l’éditeur sur la plateforme

participative.

Dans la mesure où l’intimée présente elle-même dans sa communication sur la plateforme M. X comme celui qui développe l’univers du jeu et l’auteur et meneur du jeu qui « dévoilera le voile sur de nombreux mystères distillés au cours des saisons » et qu’elle souhaitait conclure avec lui un contrat d’auteur, elle ne peut sérieusement soutenir que celui-ci n’aurait pas qualité ou intérêt à agir.

L’ordonnance sera donc réformée en ce qu’elle a déclaré irrecevable M. X.

Les demandes formées en première instance par l’appelant se fondent sur sa qualité d’auteur de jeu Aventures B plus de précision et tendent comme en appel à voir cesser l’utilisation du nom et de l’image de M. X. Elles ne sauraient être qualifiées de nouvelles en appel au sens des dispositions du code de procédure civile.

Comme il a été rappelé ci-dessus, les parties étaient d’accord sur l’utilisation du nom et de l’image de M. X pour promouvoir le projet et la collecte de fonds.

M. X s’y oppose désormais en soutenant qu’il n’a pas reçu d’avance de fonds et la société B C lui reprochant l’absence de signature du contrat comme le fait de ne pas avoir obtenu l’accord des autres participants et joueurs de la web-série Aventures.

Il convient de rappeler que le contrat d’auteur doit être formalisé par écrit.

Curieusement, M. X n’explique pas pourquoi il refuse de signer le projet de contrat qu’il a en sa possession et qui lui permettait de percevoir une rémunération au titre de la commande dès la clôture de la levée des fonds alors même qu’il reproche l’absence de versement d’une avance.

Dans la mesure où les parties ont lié des relations contractuelles comportant la possibilité de faire usage du nom et de l’image de M. X pour le projet d’édition du jeu et que l’imputabilité de la rupture des relations contractuelles est discutée, chacune d’entre elles l’imputant à son co-contractant, il n’est pas justifié de l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent au sens des dispositions précitées.

Les demandes de M. X seront donc rejetées.

Les dépens d’appel resteront à sa charge.

La cour n’estime pas par contre devoir faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme l’ordonnance sauf en ce qu’elle a déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir, la demande de M. X fondée sur la violation des articles 121-2 et 122-4 du code de la propriété intellectuelle.

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare recevables les demandes de M. X.

Rejette les demandes de M. X.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Condamne M. A X aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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