Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 novembre 2017, n° 16/16213

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Chronologie de l’affaire

Commentaires5

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Simon François-luc · Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

Panorama de jurisprudence et Prospective Le présent article synthétise le sens et la portée des principales décisions qui, rendues depuis le 1 er janvier 2017, concernent la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue dans un contrat de distribution, notamment dans un contrat de franchise. Le présent article est à jour au mois d'avril 2019. Il commente 55 décisions récentes et quelques articles doctrinaux en la matière. L'examen de ces décisions permet de revenir successivement sur : la notion même de clause de non-concurrence post-contractuelle, ses conditions de validité au …

 

Guillé Jérôme · Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

CA Paris, Pôle 1 chambre 2, 16 novembre 2017, n°16/16213 Le juge des référés est compétent pour ordonner sous astreinte la cessation du trouble manifestement illicite que constitue la violation de la clause de non-réaffiliation. Ce qu'il faut retenir : Le juge des référés est compétent pour ordonner sous astreinte la cessation du trouble manifestement illicite que constitue la violation de la clause de non-réaffiliation. Pour approfondir : Selon l'article 873, alinéa 1 er du CPC, la juridiction des référés dispose de la faculté, même en présence d'une contestation sérieuse, …

 

Gouache Avocats · 16 janvier 2018

Dans un arrêt récent, la Cour d'appel de Paris s'est prononcée sur la validité d'une clause de non-ré-affiliation à effet post-contractuel dans le contexte procédural particulier du référé, à l'occasion duquel le demandeur agit avant-dire droit. Le Franchiseur – célèbre enseigne d'optique – avait mis en œuvre la clause de résiliation de plein droit en cas d'impayés prévue par les trois contrats de franchise conclus avec son franchisé. Les relations contractuelles ayant cessé, le franchiseur s'est aperçu que son ancien franchisé avait poursuivi son activité sous une enseigne concurrente, …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 16 nov. 2017, n° 16/16213
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/16213
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 7 juillet 2016, N° 2016036167
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2017

(n°632, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/16213

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016036167

APPELANTES

SAS ALLARD OPTIQUE

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

N° SIRET : 389.931.767.

SCP X Y agissant poursuites et diligences en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société ALLARD OPTIQUE, ouverte selon jugement du Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE en date du 12.02.2016.

[…]

[…]

Représentée par Me Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377

Assistée par Me Franck BENHAMOU de la SCP BENHAMOU et associés, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE

SAS B C H

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es-qualités au siège

[…]

[…]

N° SIRET : 304.577.794.

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée par Me Stéphane DAYAN de l’AARPI ADVOCACY 4, avocat au barreau de PARIS, toque : P418

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Z A

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Z A, greffier.

La société Allard Optique exploitait trois magasins sous l’enseigne B C à la suite de la signature de trois contrats de franchise par les parties le 4 août 2009.

La société B C H a résilié les trois contrats le 10 février 2016 en se prévalant de la clause de résiliation de plein droit prévue en cas d’impayés.

Reprochant à la société Allard Optique d’avoir continué son exploitation en se rattachant au réseau Opticeo, la société B C H a alors adressé une mise en demeure à la société Allard optique d’avoir à retirer l’ensemble des éléments de rattachement au réseau Opticeo de ses trois magasins.

La société B C H, en vertu d’une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris, en date du 31 mai 2016, l’autorisant à assigner en référé d’heure à heure pour l’audience du 16 juin 2016, a assigné la société Allard optique par acte du 6 juin 2016.

Par ordonnance de référé en date du 8 juillet 2016, le président du tribunal de commerce de Paris a :

Vu l’article 873 code de procédure civile,

— dit l’exception d’incompétence recevable mais mal fondée.

— enjoint à la société Allard optique, sous astreinte de 250 euros par jour et par magasin de retirer l’enseigne «Opticeo » de la façade de ses trois magasins et tout signe de rattachement à l’enseigne «Opticeo» au sein de ses trois magasins, ainsi que de cesser toute relation d’affaires avec la société

Opticeo, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance pendant un délai de 30 jours au-delà duquel il sera de nouveau fait droit.

— condamné la société Allard optique à payer à la société B C H la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

— condamné en outre la société Allard optique aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquides à la somme de 65,17 euros TTC dont 10,65 euros de TVA.

Par déclaration d’appel en date du 25 juillet 2016, la société Allard optique et la SCP X Y, en qualité de mandataire judiciaire, ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par leurs dernières conclusions en date du 11 octobre 2016, la société Allard Optique et la SCP X Y, en qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

— réformer l’ordonnance rendue le 16 juin 2016 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

En statuant à nouveau,

In limine litis, et à titre principal,

— constater que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris était incompétent territorialement, la clause attributive de compétence territoriale n’étant pas opposable à la société défenderesse, comme non portée à sa connaissance, ni signée, ni paraphée, ni acceptée ;

— dire et juger que seul le tribunal de commerce de La Rochelle est compétent ;

— constater que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris est matériellement incompétent en raison de preuve par le demandeur de l’existence d’un trouble manifestement illicite au profit du tribunal de commerce de La Rochelle ;

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la clause dont entend se prévaloir la société B C H, est illégitime, disproportionnée, et ne vise pas protéger les intérêts fondamentaux du H mais à interdire à la société franchisée toutes poursuites d’activité postérieurement à la résiliation du contrat,

— constater que la société B C H ne rapporte pas la preuve que la clause de non concurrence et de non affiliation sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat,

— dire que les clauses litigieuses prévues aux articles IX b) et IX c) sont réputées non écrites,

— débouter la société B C H de sa demande sous astreinte de voir retirer tous les éléments intérieurs et extérieurs de rattachement à la franchise Opticeo,

— débouter la société B C H de sa demande de voir condamner la société Allard optique à ne pas être affiliée à un réseau ou une centrale d’achat,

— débouter la société B C H de ses demandes,

— constater que la société B C H a imposé des obligations aux franchisés créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

— constater que ce faisant la société B C H se rendait coupable d’un trouble manifestement illicite,

— condamner la société B C H à payer à la société Allard optique la somme de 200.000 euros par provision à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

— débouter la société B C H de l’ensemble de ses prétentions

En tout état de cause

— condamner la société B C H à payer à la société Allard optique la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Elles font valoir :

In limine litis,

— que le tribunal de commerce de Paris est incompétent, y compris en sa formation en référé car en application de l’article 42 du code de procédure civile le tribunal de commerce compétent est celui de La Rochelle, tribunal du lieu du siège social du défendeur;

— que conformément à l’article 46 du code de procédure civile, en matière contractuelle la compétence territoriale est celle du tribunal du lieu de livraison des marchandises, soit La Rochelle ;

— que la société C ne produit aucun contrat signé, et que seules les conditions particulières sont signées alors qu’aucune des pages des conditions générales et particulières, n’ont été visées par le franchisé ;

— qu’une clause attributive de juridiction, conformément à l’article 48 du code de procédure civile, doit figurer dans « l’engagement de la partie à qui elle est opposée ». Et cette dernière doit avoir eu connaissance et accepté la clause à l’époque où le contrat a été formé ;

— que la jurisprudence exige que le graphisme de la clause attributive de compétence soit très apparent et que elle doit être spécifiquement visée, y compris quand elle figure dans des conditions générales.

— que la société B C H ne démontre pas que cette clause a été acceptée par la société Allard optique, la clause doit être réputée non écrite car elle n’est pas conformes aux prescriptions de l’article 48 du code de procédure civile et seul le tribunal de la Rochelle est compétent.

— que la société B C H ne démontre pas que le document original a bien été présenté à la signature sous la forme « Assembl’act ».

— que la société B C H ne peut faire état d’un trouble manifestement illicite, faute de rapporter au préalable la preuve d’une obligation manifestement licite à la charge de la société Allard.

— que l’obligation de non ré-affiliation et celle de non-concurrence sont nulles, car la société B C H ne rapporte pas la preuve de leur acceptation par la société Allard ; qu’en effet , les conditions générales n’ont pas été acceptées par la société Allard, ni signées ni paraphées ;

— que selon la jurisprudence la clause de non-affiliation telle qu’elle est présentée par la société C, doit être jugée nulle si elle est disproportionnée pour le débiteur dès lors qu’il exerce son activité non pas sur toute la France, mais dans une seule agence locale ;

— que le président du tribunal a estimé que la simple violation de la règle contractuelle constituait un trouble manifestement illicite, or il doit résulter d’une violation manifeste ; que la société Allard se contente d’exploiter ses fonds de commerce d’opticien lunetier, son activité commerciale, ce qui n’est pas un trouble manifestement illicite ;

— que la société B C a plus de1300 franchisés, elle ne peut prétendre être victime d’un dommage manifeste ;

— que le fait d’interdire d’exploiter son fonds de commerce, correspond à la mise à mort de la société.

— que la clause de non concurrence est appréciée de manière restrictive par la jurisprudence car elle prive l’ancien franchisé de la possibilité d’exploiter sa clientèle ;

— que les clauses trop générales au regard de l’objet du contrat de franchise, disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes d’une société, sont nulles.

— que la société Allard et C n’exercent pas une activité concurrente. Car l’une a une activité de gestion d’un réseau commerciale et l’autre exerce une activité d’opticien lunetier ;

— que la clause de « non concurrence » est en réalité une clause de non-affiliation, clauses très encadrées car portant atteinte au principe de la libre concurrence.

— que conformément à l’article L. 341-2 du code de commerce, au règlement européen n°330/2010 et à la jurisprudence de la Cour de cassation, la clause de non-affiliation du contrat litigieux doit être jugée nulle, car disproportionnée pour le débiteur dès lors qu’il exerce son activité non pas sur toute la France, mais que dans 3 magasins ;

— que la clause est nécessairement illégitime et non proportionnée aux intérêts du H dès lors qu’en interdisant à un franchisé une affiliation, elle rendait très difficile, voire impossible la poursuite de l’exploitation du fonds de commerce et en compromettait sa rentabilité ;

— que conformément à l’article L.341-2 du code de commerce et la jurisprudence de la Cour de cassation, l’absence de protection d’un savoir-faire original, novateur et exclusif ne permet pas d’imposer à un franchisé une clause de non ré-affiliation ;

— que la clause de non ré-affiliation de l’espèce n’a pas pour objet de protéger le savoir faire de la société C, mais de porter atteinte au droit de la concurrence ; qu’elle cherche à détourner la clientèle de la requérante vers les nouveaux commerçants de son réseau ;

— que conformément l’article L.442-6 I 2° et III du code de commerce, cette clause restreint de manière ostentatoire la liberté du commerce;

— qu’en insérant cette clause, le H a tenté de soumettre son franchisé à un déséquilibre significatif

— que le H a ainsi commis une faute qui engage sa responsabilité civile.

Par ses dernières conclusions en date du 28 septembre 2017, la société B C H, demandent à la cour, sur le fondement de l’article 873 du code de procédure civile, de :

— déclarer la société B C H recevable en ses demandes ;

Y faisant droit :

— confirmer en l’ensemble de ses dispositions l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en date 8 juillet 2016 sur les manquement par la société Allard optique de ses obligations post-contractuelles de non concurrence et de non-affiliation.

En statuant à nouveau, à titre reconventionnel :

— constater que la société Allard optique viole ses obligations post-contractuelles de non-concurrence et de non-affiliation ;

— constater que cette violation constitue un trouble manifestement illicite ;

En conséquence :

— condamner la société Allard optique à verser à la société B C H à titre de provision sur dommages et intérêts consécutifs à la violation de ses obligations post-contractuelles, la somme de 100.000 euros par magasin, soit la somme totale de 300.000 euros ;

— débouter la société Allard optique de l’ensemble de ses demandes ;

Sur la demande en paiement de la société Allard optique :

— confirmer en l’ensemble de ses dispositions l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en date 8 juillet 2016 ;

En tout état de cause, si la cour statuait à nouveau, il lui est demandé de :

— débouter la société Allard optique de l’ensemble de ses demandes ;

— a titre subsidiaire : dire qu’il n’y a pas lieu à référé

En tout état de cause,

— débouter la société Allard optique de l’ensemble de ses demandes ;

— condamner la société Allard optique à payer à la société B C H la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Elle fait valoir notamment :

— que les contrats de franchise ont bien été signés par les parties et sont reliés par le procédé « assembl’act » lequel permet de ne pas parapher chacune des pages d’un contrat, afin de gagner du temps ;

— que les conditions générales et particulières ont bien été signées et la clause attributive de compétence est lisible et explicite ;

Sur le fond,

— que les clauses de non-affiliation et de non-concurrence insérées dans les contrats de franchise sont valables car la société Allard n’a jamais été privée de son droit d’exercer une activité d’optique de façon indépendante ;

— que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le contrat doit être exécuté jusqu’à ce qu’il ait été considéré nul par le juge du fond, et il est interdit au juge des référés d’exciper de la nullité possible d’une telle clause du contrat pour écarter l’existence du trouble manifestement illicite prévue à l’article 873 du code de procédure civile ;

— que par la clause de non-concurrence, le franchisé s’interdit d’exercer une activité similaire à celle du réseau qu’il quitte dans des limites de temps et de lieu ;

— que par la clause de non-affiliation, le franchisé s’engage à ne pas s’affilier à un réseau concurrent du réseau qu’il quitte dans des limites de temps et de lieu ;

— que les clauses de non-concurrence post-contractuelle et la clause de non-affiliation post-contractuelle sont valables et ont pour seuls objectifs de protéger le savoir-faire du réseau de franchise C.

— qu’aucun argument n’est soulevé par la société Allard au soutien de sa prétention pour voir prononcer la nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle.

— que cette clause est limitée dans l’espace, aux villes de La Rochelle, Piolboreau et Angoulins sur mer, pour une durée d’un an et poursuit le but légitime de protéger le savoir-faire C et non de lui interdire d’exploiter son fonds de commerce ;

— que le juge des référés n’a jamais, contrairement aux affirmations de la société Allard, constaté que la clause de non-concurrence post-contractuelle insérée aux contrats de franchise était nulle ;

— qu’il est de jurisprudence constante que la preuve de l’absence ou du manque d’originalité du savoir-faire incombe à celui qui l’invoque, or la société Allard n’apporte pas le moindre commencement de preuve venant étayer sa position ;

— que le succès de la franchise C repose sur la création de concepts commerciaux innovants relayés par une stratégie de communication particulièrement adaptée au secteur de l’optique ; que ce savoir-faire résulte également de l’étude de chaque magasin selon un agencement particulier ;

— que la société Allard optique ne démontre pas en quoi son activité devrait nécessairement être affiliée à une société concurrente, sachant qu’elle a exploité à titre indépendant ses magasins antérieurement à 2009 ;

— que la société C, contrairement à ce qu’affirme la société Allard, n’a pas à ce jour ouvert de nouveaux magasins dans la même zone géographique ;

— que l’activité d’Opticeo est une activité concurrente à celle exercée par le réseau B C, ces deux sociétés visant une clientèle identique, à savoir celle de l’optique ;

— que les clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles font références à l’activité exercée dans les « magasins B C », peu importe que la société C ait une activité distincte de celle de la société Allard optique ou d’Opticeo ;

— qu’au cours de la période d’un an suivant la résiliation des contrats de franchise, l’enseigne Opticeo sur la façade des trois magasins de la société Allard optique a été remplacée par « Optic », qui ne fait que dissimuler l’enseigne « Opticeo »;

— que tous les franchisés qui ont quitté l’enseigne C pour rejoindre l’enseigne Opticeo ont procédé au même escamotage ;

— que le franchisé, au cours de l’exécution de son contrat de franchise, bénéfice d’une protection territoriale et les clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles sont une contrepartie à cette protection territoriale. Elles sont donc proportionnées au but recherché.

L’instruction a été déclarée close le 11 octobre 2017.

MOTIFS

Sur la validité de la clause attributive de compétence

Aux termes des dispositions de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de manière très apparente dans l’engagement de la partie à laquelle elle est opposée.

Les trois contrats litigieux se présentent comme des contrats associant les conditions générales, les conditions particulières et les engagements de caution par une méthode de reliure dite assembl’act qui évite d’une part tout risque de substitution ou d’addition de page et qui permet par ailleurs d’éviter d’avoir à parapher l’ensemble des pages. Les parties à la fin du contrat ont signé sous la mention selon laquelle elles reconnaissaient que le contrat avait été relié suivant la méthode de l’assembl’act et qu’elles s’étaient accordées sur ce mode de reliure. La méthode assembl’act est connue par la pratique notariale et les avocats depuis de nombreuses années et il n’est pas soutenu qu’elle ait été mise en oeuvre en l’espèce dans des conditions défectueuses.

Le sommaire en page 1 de ces contrats fait apparaître clairement qu’il existe en page 27 du contrat une clause relative à la compétence judiciaire.

En page 27 des contrats, figure l’article XXV mentionnant COMPETENCE JUDICIAIRE en caractères gras , clause ainsi rédigée : 'en cas de difficulté survenant pour l’exécution du présent contrat ou par suite de sa résiliation pour quelque cause que ce soit, et si aucune solution amiable ne permet de mettre fin au litige, le tribunal de commerce de Paris sera compétent, y compris dans sa formation de référés. Cette clause est écrite en gros caractères et suivant une typographie aérée comme au demeurant le reste des contrats.

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu par voie de conséquence que la clause attributive de compétence territoriale était opposable à la société Allard Optique.

Il convient de confirmer la décision entreprise de ce chef.

Sur la demande en cessation d’un trouble manifestement illicite présentée par la société B C H

L’article 837 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut dans les limites de sa compétence et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’action de la société C est exercée en vertu de deux stipulations contractuelles reprises aux articles IX b) et c) des conditions générales des contrats, ces clauses étant ainsi rédigées :

'- non-affiliation postérieure à l’exécution du contrat :

Le franchisé ne pourra pendant une période d’une année à compter de la cessation du présent contrat , pour quelque raison que celle-ci intervienne, et dans sa zone de protection territoriale définie à l’article V, adhérer directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit (association, affiliation, franchise) à tout groupement ou réseau de franchise ou de distribution ou autre ayant une activité concurrente de celle des magasins C.

Pendant ce délai d’un an, le franchisé sera donc libre d’exercer son activité, à titre individuel et sans affiliation au sens de l’alinéa précédent, dans la zone de protection territoriale prévue à l’article V notamment dans le ou les magasins visés à l’article 1 à condition en toute hypothèse de ne pas appliquer la politique commerciale ni utiliser le savoir -faire B F.

—  non-concurrence postérieure à l’exécution du contrat

Dans le ou les magasins visés à l’article 1 et pendant une durée de 1 an à compter de la cessation du présent contrat, pour quelque cause que celle-ci intervienne , le franchisé ne pourra , directement ou indirectement, exercer une activité concurrente de celle des magasins C , que sous réserve , d’une part de le faire à titre individuel et sans affiliation au sens du paragraphe b° ci-dessus , et d’autre part, de ne pas appliquer la politique commerciale ni utiliser le savoir-faire C'.

Bien que la clause de non-concurrence soit normalement différente de la clause de non-affiliation et que le contrat prévoit deux clauses distinctes à ce sujet, il convient d’observer que les deux clauses ne sont pas réellement différentes dans leur contenu, dès lors que la clause de non-concurrence n’interdit pas à la société Allard Optique d’avoir une activité d’opticien à titre individuel.

Ces deux clauses sont intégrées dans les conditions générales et précisées dans les conditions particulières des contrats reliés selon la méthode assembl’act précitée et sont donc opposables à la société Allard Optique.

Ces points étant précisés, il appartient au juge des référés saisi d’une demande en cessation du trouble liée à l’inexécution d’une obligation prévue par un contrat, de rechercher si cette demande ne se heurte pas au caractère manifestement illicite de la clause prévoyant cette obligation.

Une clause de non-réaffiliation peut à cet égard tomber sous le coup de l’interdiction érigée à l’article L420-1 du code de commerce prohibant les conventions ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché, notamment en limitant l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence.

La validité de la clause de non-réaffiliation doit être appréciée en termes de proportionnalité et de nécessité par rapport aux intérêts légitimes du H.

L’appréciation de la proportionnalité s’apprécie tant au regard des limitées de la clause de non-réaffiliation tant dans le temps que dans l’espace qu’au regard du mode d’exercice habituel de la profession concernée dès lors qu’il ne serait pas possible, sous peine de générer un trouble manifestement illicite, d’assurer l’efficacité d’une clause qui interdirait de fait à l’ex-franchisé de poursuivre son activité dans des conditions suffisamment rentables.

Force est de constater que la clause de non-réaffiliation est limitée à une durée d’une année, ce qui correspond pratiquement à une durée minimale. Force est de constater également que l’article V des conditions générales du contrat renvoie aux conditions particulières des trois contrats signés par la société Allard lesquelles prévoient que les zones de protection territoriales correspondent à la ville de la Rochelle, à la ville de Pulboreau et au centre commercial Carrefour d’Angoulins sur Mer. Il en résulte que l’interdiction de réaffiliation est également parfaitement circonscrite dans l’espace.

Ainsi qu’il a été dit, la clause litigieuse n’interdit pas à la SAS Allard Optique d’exercer une activité à titre individuel. Il ne résulte aucunement des éléments de la cause que ce mode d’exercice aurait ipso facto comme conséquence de ne pas permettre à l’appelante d’exercer son activité économique dans des conditions viables. En effet, d’une part, la SAS Allard Optique qui exerce depuis de nombreuses années a dû normalement réussir à fidéliser sa clientèle comme l’a exactement relevé le premier juge. D’autre part et surtout, la SAS B C H produit aux débats un document concernant la répartition du parc des magasins d’optique selon le mode de développement . Ce document, qui n’est pas contesté pour ce qui concerne les statistiques annoncées, fait ressortir que les magasins exerçant en franchise et succursale sont finalement plutôt minoritaires, correspondant ainsi à 17% du parc, tandis que les indépendants et enseignes locales sont presque majoritaires à concurrence de 48 % du parc, le reste du parc étant constitué par les opticiens mutualistes et les magasins coopératifs. Il est donc permis de conclure que la clause n’entraîne aucunement pour la société Allard Optique une incapacité de fait d’exercer son activité dans des conditions normales.

Aucune disproportionnalité manifeste ne peut donc faire obstacle en référé au jeu de la clause.

S’agissant de la nécessité de la clause au regard des intérêts légitimes du franchisé, il convient de préciser qu’au stade du référé, il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité de la clause alors que seuls les juges du fond sont compétents pour statuer sur la nullité de ladite clause.

Il suffit pour la cour de procéder aux constatations suivantes.

D’une part, les trois contrats signés par la société Allard Optique consacrent de longs développements au savoir-faire particulier d’C et en signant ces contrats, la société Allard a reconnu l’existence de ce savoir faire, pour lequel la société intimée a consacré de longs développements dans ses écritures, rappelant l’expertise particulière de la société C H en manière d’agencement des magasins d’optique et l’historique des concepts innovants en matière de commercialisation et notamment en dernier lieu le concept Win-Win.

D’autre part, il ressort de la lecture des contrats que la clause de non-réaffiliation est applicable dans tous les cas de cessation du contrat, quelle que soit la cause de cette cessation, ce qui permet de conclure que la société C n’entend pas utiliser de manière dévoyée la clause de non-réaffiliation comme une clause pénale pour sanctionner les franchisés qui quittent la relation contractuelle avant son terme.

Il importe peu que la société Allard Optique n’ait pas la même activité que la société B C H.

Dès lors en conséquence, il n’existe aucun motif évident justifiant en référé que la clause litigieuse soit écartée.

La société B G H produit aux débats un constat d’huissier en date du 27 avril 2016 duquel il résulte qu’à la date sus-dite, les trois magasins de la société Allard Optique portaient en façade l’enseigne Opticéo qui est un autre réseau de franchise ainsi les lettres de mises en demeure adressées à Allard Optique d’avoir à faire cesser ce trouble.

C’est à bon droit que le premier juge a conclu que cette violation flagrante d’une obligation contractuelle constituait un trouble manifestement illicite et décidé qu’il convenait de prendre les mesures propres à faire cesser ce trouble à savoir d’ordonner à la société Allard Optique sous astreinte de 250 euros par jour et par magasin de retirer l’enseigne Opticéo de la façade de ses trois magasins et tout signe de rattachement à l’enseigne Opticéo au sein de ses trois magasins ainsi que de faire cesser toute relation d’affaires avec la société Opticéo dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, l’astreinte courant pendant un délai de 30 jours.

Il convient de confirmer l’ordonnance entreprise de ce chef.

Il convient de préciser que la cour ne statue que pour le passé, sachant que la période d’une année pendant laquelle la clause a joué est à ce jour terminée.

La société Allard Optique produit aux débats un constat d’huissier en date du 3 août 2016 pour démontrer que les anciennes enseignes Opticeo ont été neutralisées pour devenir Optic. Toutefois, outre le fait que la société G conteste l’existence d’une régularisation en faisant valoir que la disparition de la référence Opticeo n’est que de façade, la cour ne peut que rappeler que, de la même façon qu’elle n’est pas juge du fond sur le préjudice qu’a pu subir la société C H, elle n’est pas juge de la liquidation de l’astreinte.

Sur la demande de dommages-intérêts formulée par la société Allard à titre provisionnel

Ce qui a été jugé plus haut justifie par voie de conséquence le rejet de la demande de dommages-intérêts provisionnels présentée par la société Allard Optique.

Il convient de confirmer l’ordonnance entreprise de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par la société B C H à hauteur de 300 000 euros à titre provisionnel

Cette demande qui n’avait pas été formulée en première instance se relie dans le récapitulatif des conclusions de l’intimée à l’existence d’un trouble manifestement illicite alors qu’elle aurait dû l’être à l’existence d’une obligation non sérieusement contestable.

En tout état de cause, la cour ne dispose en l’état d’aucun élément suffisant concernant le préjudice subi par la société C lui permettant d’arbitrer le montant d’une provision.

Il convient en conséquence de dire qu’il n’y a pas lieu à référé de ce chef.

Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile

Le sort des dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ont été exactement réglés par le premier juge.

Il convient de confirmer la décision sur ce point.

L’appelante succombant en son appel en supportera les dépens.

Il sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société B C H comme indiqué au dispositif.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation à des dommages-intérêts provisionnels présentée par la société B C H ;

CONDAMNE la société Allard Optique aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la société Allard Optique à payer à la société B C H une indemnité de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 novembre 2017, n° 16/16213