Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 31 mai 2018, n° 16/04556

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRÊT DU 31 MAI 2018

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/04556

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2016 -Tribunal d’Instance de Paris 16e arrondissement – RG n° 11-15-000293

APPELANTS

Monsieur H D

Né le […] à Alger

[…]

[…]

Madame I D

Née le […] à […]

[…]

[…]

Représentés par Me Julien COULET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0178

INTIMES

Madame N E DE X

[…]

[…]

Monsieur G DES Y DE Z

[…]

[…]

Représentés par Me Caroline HATET-SAUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

SA GENERALI IARD agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET :

[…]

[…]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MAGERAND de l’AARPI ASSOCIATION CAMACHO MAGERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2125

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel FARINA, Président

M. J K, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur M. J K dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme L M

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Daniel FARINA, Président et par L M, Greffière présent lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 24 juillet 2003, Mme N E de X et Mme O E de X, épouse des Y de Z, ont donné à bail à M. H D, un local à usage d’habitation principale dépendant d’un immeuble […] à […]

Le loyer mensuel s’élevait à la somme de 5 552 euros, outre une provision sur charges de 708 euros par mois.

Des travaux de ravalement de la façade de l’immeuble, confiés par les bailleurs à la société SETRAB, entreprise de bâtiment, à M. A, tailleur, à M. B et à Mme C, architectes, ont été réalisés.

Invoquant divers préjudices résultant de ces travaux, les époux D ont saisi le juge des référés

du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir la désignation d’un expert. Par ordonnance du 26 juin 2012, le juge des référés a rejeté la demande fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile.

Par acte d’huissier de justice du 28 mars 2013, M. et Mme D ont fait assigner Mme E de F et des Y de Z devant le tribunal d’instance du 16e arrondissement de Paris, aux fins d’obtenir pour l’essentiel l’indemnisation de leurs préjudices et une diminution des loyers versés pendant la durée des travaux.

Par acte d’huissier de justice du 29 mai 2013, les bailleurs ont assigné en intervention forcée et en garantie, les architectes, M. B et Mme C, leurs assureurs, la mutuelle des architectes français d’assurance et la société QBE FRANCE, la société SETRAB, ayant réalisé les travaux et son assureur, la mutuelle du bâtiment et des travaux publics, ainsi que M. A.

Par acte d’huissier de justice du 10 octobre 2013, la société GENERALI IARD, intervenant volontairement en première instance en qualité d’assureur des bailleurs, a fait assigner en intervention forcée et en garantie le mandataire des bailleurs, la société cabinet Loic Fouchet.

Par jugement du 7 janvier 2014, le tribunal d’instance du 16e arrondissement a refusé la jonction des instances et s’est déclaré compétent à l’égard de la seule demande formée par les époux D à l’encontre de leurs bailleurs, estimant que les appels en garantie ne relevaient pas de sa compétence.

Par arrêt du 23 septembre 2014, rendu sur contredit formé par Mme E de X et M. des Y de Z, la cour d’appel de Paris a déclaré le contredit mal fondé.

Par jugement contradictoire au fond du 19 janvier 2016, le tribunal d’instance a :

— déclaré recevables les demandes formées par Mme D et rejeté le moyen soulevé de ce chef par la société GENERALI IARD,

— condamné in solidum les bailleurs et leur assureur, la société GENERALI IARD, à payer aux époux D une somme de 27 700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, une somme de 4 500 euros au titre des frais de nettoyage, une indemnité de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné in solidum les bailleurs et leur assureur, la société GENERALI IARD aux dépens.

M. et Mme D ont relevé appel de cette décision le 19 février 2016.

Dans le dispositif de leurs dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 16 septembre 2016, M. et Mme D, appelants, demandent à la Cour de :

— confirmer le jugement querellé en ce qu’il a jugé que la responsabilité des consorts E de X, garantis par la société GENERALI IARD, était engagée du fait de la durée excessive du ravalement et de l’incident du 5 juin 2012,

— infirmer le jugement déféré en ce qui concerne l’évaluation des préjudices subis et statuant à nouveau

— condamner in solidum les bailleurs et leur assureur à payer aux époux D les sommes suivantes : 93 885, 55 euros à titre de dommages et intérêts en application des articles 1719 et 1147 du Code civil en réparation du dommage dont ils ont été victimes le 5 juin 2012, 40 40 415, 40 euros au titre de la privation totale et partielle de jouissance de novembre 2011 à janvier 2013, 1 476 euros

au titre des plantations détruites pendant les travaux, 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral, 5 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens,

— condamner les bailleurs et leur assureur aux dépens.

Mme N E de X et M. G des Y de Z, intimés, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 8 août 2016, demandent à la Cour de :

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— débouter la société GENERALI IARD de son appel incident,

— condamner M. et Mme D aux dépens et à leur payer une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société GENERALI IARD, intimée et appelante à titre incident, dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 5 octobre 2016, demande à la Cour de :

1) Sur la responsabilité des bailleurs,

— dire que les bailleurs n’ont contrevenu ni aux dispositions légales ni au contrat de bail les liant à M. D,

— dire que M. et Mme D ont commis une faute en ne prenant pas les mesures nécessaires pour éviter le sinistre,

— débouter M. et Mme D de leurs demandes,

2) Sur la garantie de la société GENERALI IARD

— dire que la demande afférente à la diminution de loyer s’analyse en une conséquence de l’inexécution de la prestation contractuelle de l’assuré,

— dire qu’une telle réclamation ne peut être confondue avec les conséquences pécunaires de la responsabilité encourue au titre du volet « PROPRIETAIRE D’IMMEUBLE »,

— débouter les bailleurs de leur demande en garantie sur la demande formée par les locataires en diminution de loyer,

— débouter M. et Mme D de leur action directe à l’encontre de la société GENERALI IARD en diminution de loyer,

— prendre acte de l’acquisition de la garantie pour les autres chefs de réclamation moyennant l’application d’une franchise contractuelle de 10 %,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. et Mme D de leurs demandes dans leur plus grande part,

— condamner M.et Mme D aux dépens et à payer à la société GENERALI IARD une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I) Sur la responsabilité des bailleurs

M. et Mme D exposent que :

— l’appartement qu’ils occupent est un appartement de standing, d’une superficie de 310 m², bénéficiant d’un jardin privatif de 270 m², dont le loyer contractuel s’élevait à 6 594 euros hors charges par mois, les bailleurs sollicitant un loyer de 13 158 euros à compter du 1er août 2012 et un expert judiciaire ayant fixé la valeur locative au 1er août à la somme de 8 920 euros par mois,

— cet appartement est utilisé par M. D, dirigeant d’entreprise et membre de l’association pour la promotion de l’art contemporain du musée Pompidou, pour recevoir des artistes, des mécènes et des conservateurs du monde entier,

— la responsabilité des bailleurs est engagée à un double titre :

a) sur le fondement des dispositions de l’article 1719 du Code civil, aux termes duquel le bailleur doit assurer à son locataire la jouissance paisible du logement et sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du Code civil, le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, l’appartement de M. et Mme D ayant été, au cours des travaux de ravalement de l’immeuble, totalement contaminé et souillé par la poussière à plusieurs reprises,

— il n’est pas établi, comme le soutiennent les bailleurs sans en administrer la preuve qui leur incombe du fait que l’article 1719 du Code civil fait peser sur le bailleur une obligation de résultat, que les locataires auraient concouru à aggraver les désordres en supprimant les protections posées par les entreprises intervenantes, ni que le fenestron situé en haut de la cuisine serait à l’origine du sinistre,

— le sinistre trouve son origine, non pas dans l’absence de fermeture du fenestron de la cuisine, tout l’appartement ayant été endommagé, mais dans l’insuffisance des protections posées par la société chargée du ravalement et le mauvais calfeutrement du vasistas et de l’ensemble des ouvertures.

b) sur le fondement des dispositions de l’article 1724 du Code civil, qui dispose que si le bailleur est en droit de priver son locataire de la jouissance de parties privatives, si ces réparations durent plus de 40 jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée, dont il aura été privé, du fait de la durée excessive des travaux de ravalement, qui ont débuté en novembre 2011 pour s’achever en 2013,

— M. et Mme D sont bien fondés à solliciter, les travaux ayant duré plus de 40 jours et ayant privé les locataires de la jouissance de leur jardin, plongeant leur appartement dans le noir et le rendant inutilisable pendant toute la durée du ravalement sur la façade jardin, une réduction de leur loyer sur la période considérée

Les bailleurs, qui concluent au débouté des époux D de leurs demandes d’indemnisation, répliquent que :

— les bailleurs ont rempli au mieux leurs obligations contractuelles et légales pour assurer la jouissance des locataires,

— les appelants ne justifient pas de l’origine du dommage ni du fait qu’ils n’ont pas concouru à l’aggravation des désordres en ne supprimant pas les protections posées par les entreprises intervenantes,

— les époux D n’ont pas interjeté appel de l’ordonnance de référé les déboutant de leur demande de désignation d’un expert judiciaire pour constater les désordres, en rechercher l’origine, ainsi que les responsabilités encourues,

— le sinistre trouve son origine exclusive dans une faute des locataires, consistant dans le fait de ne pas avoir réparé le fenestron se trouvant dans la cuisine, comme l’annexe II du décret du 26 août 1987 et les dispositions de l’article 1728 du Code civil leur en faisaient obligation, et d’avoir quitté l’appartement pour une période de plusieurs jours en laissant le fenestron dans sa position ouverte,

— de même, les bailleurs ne sont pas responsables de la durée de l’intervention – 14 mois – qui ne résulte que des modalités de mise en oeuvre et de surveillance qui échappent au contrôle des propriétaires bailleurs, étant rappelé que l’immeuble se trouve dans l’un des quartiers les plus préservés de Paris et sous le contrôle de l’architecte des bâtiments de France et que l’opération de ravalement a nécessité l’intervention d’un tailleur de pierre.

La société GENERALI IARD, assureur des bailleurs, fait valoir que la responsabilité de ses assurés ne saurait être retenue du fait que :

— la cause première du sinistre réside dans l’absence de fermeture d’un vasistas situé dans la cuisine et par lequel la poussière s’est infiltrée,

— les locataires, qui se servaient de cette ouverture comme voie d’aération et n’ont procédé ni à la réparation ni à la fermeture du vasistas défectueux, sont donc responsables de leur dommage sur le fondement des dispositions de l’article 1728 du Code civil, qui imposent au locataire d’user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, et de l’annexe II du décret du 26 août 1987, qui comprend dans la liste des réparations locatives les réparations de sections ouvrantes telles que portes et fenêtres.

Sur ce

La responsabilité des bailleurs est recherchée à la fois sur le fondement des dispositions de l’article 1724 du Code civil et sur celui des dispositions de l’article 1719 du même code.

a) Article 1724 du Code civil

L’article 1724 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la présente instance disposait :

« Si, durant le bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu’à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu’elles lui causent, et quoiqu’il soit privé, pendant qu’elles se font, d’une partie de la chose louée.

Mais, si ces réparations durent plus de quarante jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé".

Les travaux de ravalement ne constituant pas une réparation urgente au sens de l’article 1724 du Code civil, mais seulement des travaux d’entretien qui incombent périodiquement au propriétaire, les époux D sont mal fondés à solliciter une indemnisation de leurs préjudices sur ce fondement.

B) Article 1719 du Code civil

L’article 1719 du Code civil dispose que le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Pareillement, l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 précise que le bailleur est tenu d’assurer une jouissance paisible des lieux à son locataire.

L’obligation de jouissance paisible est une obligation de résultat qui ne cesse qu’en cas de force majeure (Cass. 3e civ., 29 avril 2009, n°08-12.261, Cervello c/Gerardin) ou de faute de la victime

mais présentant les caractéristiques de la force majeure (Cass. 3e civ., 5 janvier 2010, n°08-21.140, Mokhtari c/ Doux).

En l’espèce, il ressort des procès-verbaux d’huissier de justice produits par les époux D que les travaux de ravalement de l’immeuble qui ont commencé en novembre 2011 et ont été achevés en janvier 2013 ont généré une quantité importante de poussière qui s’est infiltrée tant dans les parties commune de l’immeuble que dans l’appartement des époux D, l’huissier de justice ayant relevé « la présence d’un poussiérage d’aspect blanchâtre au toucher, nettement visible sur le sol et sur l’ensemble du mobilier ».

Comme l’a fort justement relevé le premier juge, la durée importante des travaux – 14 mois – a aggravé le trouble de jouissance subi par les locataires, en diminuant fortement la luminosité des pièces, comme en témoignent éloquemment les clichés photographiques versés aux débats par les appelants.

Enfin, les locataires ont été, pendant toute la durée des travaux, privés de la jouissance du jardin privatif, de 270 mètres carrés, inclus dans le périmètre de la location.

Pour s’exonérer, les bailleurs et leur assureur font valoir, d’une part, qu’ils ne sont pas responsables de la durée des travaux – 14 mois – qui ne résulte que des modalités de mise en oeuvre et de surveillance qui échappent à leur contrôle, et d’autre part, que les locataires seraient responsables de leur préjudice en omettant de faire réparer et de signaler l’existence d’un fenestron se trouvant dans la cuisine et qui demeurait entrebaillé en permanence, servant de voie d’aération dans la cuisine.

Toutefois, ces deux moyens sont inopérants.

En effet, comme il a été rappelé ci-avant, l’obligation de jouissance paisible est une obligation de résultat, et, partant, le fait qu’il s’agisse d’un ravalement exceptionnellement long du fait des contraintes imposés aux bailleurs – recours aux services d’un tailleur de pierre, nécessité d’obtenir l’accord de l’architecte des bâtiments de France – que ces derniers aient scrupuleusement respecté ces contraintes d’urbanisme, dont ils ne pouvaient s’affranchir, ne permet pas aux bailleurs de s’exonérer de leur responsabilité et n’a aucune influence sur la solution du litige.

Par ailleurs, l’entrebâillement d’un fenestron dans la cuisine, qui ne peut expliquer la présence de poussière dans la totalité des pièces de l’appartement d’une surface de quelque 300 mètres carrés, ne peut être imputé à faute aux époux D, dès lors qu’il appartenait à la société chargée du ravalement de calfeuter correctement cette ouverture, ce qui n’a pas été fait, l’huissier de justice relevant dans son constat du 21 juin 2012 que le vasistas en partie ouvert, laisse apparaître une bâche en plastique visible entre la fenêtre et le chambranle de la fenêtre et que le pourtour de la fenêtre est dépourvu d’adhésif. Il ne saurait être utilement fait grief aux locataires de ne pas avoir réparé ce vasistas en violation des dispositions de l’article 1728 du Code civil qui imposent au locataire d’user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, et de l’annexe II du décret du 26 août 1987, qui comprend dans la liste des réparations locatives les réparations de sections ouvrantes telles que portes et fenêtres, dès lors que ce vasistas n’était nullement défectueux et que son entrebâillement avait pour fonction de permettre une ventilation de la cuisine.

Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de Mme E de X et de M. des Y de Z.

II) Sur les demandes indemnitaires des époux D

M. et Mme D revendiquent une diminution de leur loyer liée à la privation totale ou partielle de jouissance de leur appartement, en faisant valoir que l’évaluation retenue par le premier juge (27

700 euros) est trop faible, compte tenu de la durée du chantier (14 mois), du fait qu’ils ont été privés de lumière naturelle et de la jouissance totale de leur jardin privatif de 270 mètres carrés et qu’ils ont subi une privation totale de jouissance entre le 5 juin et le 5 août 2012. Ils demandent, en conséquence, à la Cour de fixer leur préjudice de jouissance à la somme de 40 415, 40 euros, correspondant à 30 % du montant du loyer pendant12 mois et à la totalité du loyer pendant deux mois.

Ils sollicitent, en outre, le remboursement de nombreux frais :

— dépollution hors textiles pour 38 520 euros,

— dépollution textiles pour 17 940 euros,

— reprises de peinture sur les fenêtres pour 6 420 euros,

— déjeuners et dîner à l’extérieur pour 1 512,90 euros,

— nourriture se trouvant dans la cuisine pour 500 euros,

— frais de conseils pour 4 914,65 euros, 6 578 euros et 6 500 euros,

— temps perdu par M. D et qu’il n’a pu, de ce fait, consacrer à son entreprise pour 11 000 euros,

— plantations détruites pendant les travaux et frais de remise en état du jardin pour 1 476 euros.

Enfin, les époux D demandent à la Cour de leur allouer une somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Les bailleurs et leur assureurs répliquent que :

— les prétentions des époux D sont excessives et relèvent d’une "appréciation divinatoire de leurs préjudices" : le cabinet Vinatier, dont on ne sait en quoi il est expert, s’est borné à additionner les factures qui lui étaient présentées, les factures de repas sont sans rapport avec le préjudice, les factures de nettoyage beaucoup trop élevées, la facture de travaux de reprise sur les fenêtres pour 6 420 euros n’est pas justifiée, le devis concernant la mise en terre de deux plantes pour 1 476,60 euros laisse perplexe, le chiffrage ddu préjudice professionel invoqué de M. D n’est pas justifié. Enfin, il n’est pas démontré que l’appartement aurait été inhabitable durant les deux mois pour lesquels est demandée une remise totale du loyer.

Sur ce

Compte tenu de sa durée – 14 mois – et de son intensité dont il est justifié par la production de nombreux procès-verbaux d’huissiers de justice, le préjudice des époux D sera intégralement réparé par la condamnation in solidum de leurs bailleurs et de l’assureur de ces derniers à leur payer une somme de 28 000 euros.

S’agissant des frais de nettoyage de l’appartement, les appelants produisent une facture d’un montant de 25 680 euros toutes taxes comprises. Ces frais seront retenus pour le montant demandé et justifié soit 25 680 euros.

S’agissant des frais de pressing, les appelants ne fournissent qu’un devis de la société CLEAN UP, d’un montant de 17 940 euros. Aucune facture justifiant du règlement n’étant produite, les appelants seront déboutés de leur demande.

Le lien de causalité entre les travaux de reprises de peinture sur les fenêtres pour 6 420 euros et le sinistre ne sont pas justifiés par le seul fait que le cabinet Vinatier indique "avoir constaté sur place des coulures importantes sur l’ensemble des tableaux de fenêtres intérieures et des allèges intérieures". Ils ne seront pas, de ce fait, retenus.

Il n’est pas justifié du lien de causalité entre les frais de bouche et de restaurants exposés et le sinistre, dès lors que les appelants auraient été contraints de se nourrir même en l’absence de sinistre. Ces frais ne seront donc pas retenus.

Les pertes de nourriture ne sont pas justifiées et ne pourront, de ce fait, donner lieu à indemnisation.

Les frais d’avocat, de conseil et d’huissier de justice relèvent des frais irrépétibles.

Le temps perdu par M. D à la gestion du sinistre et aux réunions sur place, chiffré à 11 000 euros, n’est pas justifié et, par suite, le préjudice professionnel invoqué ne pourra donner lieu à indemnisation.

Le lien de causalité entre les travaux de plantation et de remise en état du jardin (1 476,60 euros) et le sinistre est établi par les clichés photographiques versés aux débats, de sorte que la demande des époux D, relative à ces frais, sera accueillie pour le montant demandé, soit 1 476 euros.

Enfin, les époux D ne caractérisent pas l’existence d’un préjudice moral distinct du préjudice de jouissance indemnisé par ailleurs. Leur demande en paiement de la somme de 10 000 euros sera, en conséqucnce, rejetée.

Par suite, les bailleurs et leur assureur seront condamnés à payer aux époux D, les sommes suivantes : 28 000 euros, 25 680 euros et 1 476 euros.

Les époux D seront déboutés du surplus de leurs demandes et de leurs autres demandes.

III) Sur la garantie de la société GENERALI IARD, assureur des bailleurs

La société GENERALI IARD, assureur des bailleurs, fait valoir que sa garantie, qui ne couvre que la responsabilité civile de l’assuré, n’est pas due au titre de la demande en réduction de loyer qui s’analyse comme une exception d’inexecution et non comme une dette de responsabilité.

Les bailleurs répliquent que la garantie de leur assureur est due, l’article 1724 du Code civil n’ayant pas vocation à s’appliquer aux demandes formées par les locataires appelants.

Sur ce

Même si la durée des travaux de ravalement a été prise en compte pour évaluer le préjudice de jouissance des époux D, la responsabilité des bailleurs n’a été retenue que sur le seul fondement des dispositions de l’article 1719 du Code civil, la Cour ayant précisé que les dispositions de l’article 1724 du Code civil n’avaient pas à s’appliquer dans le cadre de la présente instance. Les indemnisations accordées aux locataires le sont en réparation de leur préjudice de jouissance, et non à titre de réduction de loyer, en application des dispositions de l’article 1724 du Code civil.

Par suite, l’appel incident de la société GENERALI IARD sera rejeté et le jugement querellé confirmé en ce qu’il a condamné l’assureur des bailleurs in solidum avec ces derniers.

La société GENERALI IARD pourra faire application des franchises contractuelles, qui sont opposables au tiers victime, qui exerce l’action directe contre l’assureur, en application des dispositions de l’article L.112-6 du Code des asssurances.

IV) Sur les demandes accessoires

Les intimés, qui succombent pour l’essentiel, seront condamnés in solidum au paiement des dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces dépens, étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant concernant le montant des réparations allouées à M. H D et à Mme I D ;

Statuant à nouveau de ce chef

Condamne in solidum Mme N E de X, M. G des Y de Z et la société GENERALI IARD, ès-qualités d’assureur de Mme N E de X et de M. G des Y de Z, à payer à Mme I D et à M. H D les sommes suivantes :

—  28 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

—  25 680 euros en remboursement des frais engagés pour le dépoussiérage de leur appartement,

—  1 476 euros en remboursement des frais exposés pour la remise en état de leur jardin privatif,

Déboute Mme I D et M. H D du surplus de leurs demandes et de leurs autres demandes ;

Ajoutant au jugement entrepris

Dit que la responsabilité de Mme N E de X, M. G des Y de Z est engagée à l’encontre de Mme I D et à M. H D sur le fondement des dispositions de l’article 1719 du Code civil ;

Déboute Mme N E de X et M. G des Y de Z de leurs demandes ;

Déboute la société GENERALI IARD de ses demandes ;

Dit que la société GENERALI IARD pourra faire application des franchises contractuelles ;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile, condamne in solidum Mme N E de X, M. G des Y de Z et la société GENERALI IARD, ès-qualités d’assureur de Mme N E de X et de M. G des Y de Z, à payer à Mme I D et à M. H D, une indemnité de 5 000 euros ;

Condamne in solidum Mme N E de X, M. G des Y de Z et la société GENERALI IARD, ès-qualités d’assureur de Mme N E de X et de M. G des Y de Z, aux dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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