Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 23 mars 2023, n° 21/01250
CPH Niort 19 mars 2021
>
CA Poitiers
Confirmation 23 mars 2023
>
CASS
Rejet 25 septembre 2024

Arguments

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  • Rejeté
    Délai de prescription des faits

    La cour a estimé que l'employeur a eu connaissance des faits à l'issue d'une enquête interne, ce qui a permis de respecter le délai de deux mois pour engager la procédure de licenciement.

  • Rejeté
    Absence de faute grave

    La cour a jugé que les faits reprochés à Monsieur [P] constituaient une faute grave, rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

  • Rejeté
    Licenciement pour faute grave

    La cour a confirmé que le licenciement était justifié par une faute grave, ce qui exclut le droit à une indemnité de préavis.

  • Rejeté
    Justification du licenciement

    La cour a jugé que les faits reprochés à Monsieur [P] étaient suffisamment graves pour justifier le licenciement, excluant ainsi le droit à une indemnité de licenciement.

  • Rejeté
    Conditions de licenciement

    La cour a confirmé que le licenciement était justifié et n'a pas été prononcé dans des conditions vexatoires.

  • Rejeté
    Brutalité du licenciement

    La cour a jugé que les circonstances du licenciement ne justifiaient pas l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral.

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, ch. soc., 23 mars 2023, n° 21/01250
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 21/01250
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Niort, 18 mars 2021
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 6 août 2024
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Texte intégral

VC/DL

ARRET N° 132

N° RG 21/01250

N° Portalis DBV5-V-B7F-GH6I

[P]

C/

S.A.S. GENEVE OCCASION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 23 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT

APPELANT :

Monsieur [U] [P]

né le 26 avril 1963 à [Localité 5] (Portugal)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Claudy VALIN de la SCP VALIN COURNIL, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE :

S.A.S. GENEVE OCCASION

N° SIRET : 338 030 851

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant, et

par Me Nolwenn QUIGUER, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant, substituée par Me Sébastien MAYOUX, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, devant :

Madame Valérie COLLET, Conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, légitimement empêché et par Monsieur Damien LEYMONIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 30 mars 1998, la SA Genève Occasion a engagé M. [U] [P] du 30 mars 1998 au 30 juin 1998 en qualité de démonteur. La relation contractuelle s’est ensuite poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée signée le 30 juin 2018, M. [P] étant employé au même poste.

Le 16 novembre 2018, M. [P] a été placé en arrêt maladie.

Par courrier du 24 janvier 2019, la société Genève Occasion a convoqué, le 31 janvier 2019, M. [P] pour un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 11 février 2019, la société Genève Occasion a notifié à M. [P] son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [P] a saisi, par requête reçue le 19 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Niort afin d’obtenir le paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 19 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement de M. [P] était pour faute grave était justifié,

— débouté M. [P] de l’intégralité de ses demandes,

— débouté la société Genève Occasion de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Genève Occasion aux dépens.

M. [P] a interjeté appel du jugement le 15 avril 2021 par voie électronique.

Par conclusions notifiées le 1er juillet 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [P] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de :

— déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Genève Occasion à lui payer les sommes de :

* 5.260 euros à titre d’indemnité de préavis,

* 526 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 16.218,33 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 94.680 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

* 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile comprenant la première instance et l’appel,

— condamner la société Genève Occasion aux dépens.

Se fondant sur les dispositions de l’article L.1332-4 du code du travail, M. [P] fait valoir que les deux faits mentionnés dans la lettre de licenciement sont en date des 14 et 15 novembre 2018, que la convocation à l’entretien préalable est datée du 24 janvier 2019 pour un entretien fixé le 31 janvier 2019 et que le délai de deux mois était donc écoulé de sorte que son employeur ne pouvait se fonder sur ces faits pour justifier son licenciement. Il estime que la 'pseudo’ enquête du CHSCT ne se justifiait pas, que cette enquête a été déclenchée pour un fait n’ayant aucun lien avec le motif de son licenciement et qu’il y a eu une instrumentalisation du CHSCT.

M. [P] affirme en outre que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour n’avoir pas été prononcé dans un délai restreint, soulignant à cet égard que son employeur a attendu 48 jours entre la connaissance du rapport du CHSCT et l’engagement de la procédure de licenciement en alléguant une faute grave.

Il rappelle qu’il a mené une carrière pendant 21 ans digne d’éloges au regard de son dévouement et de sa loyauté envers son employeur, insistant sur le fait qu’il a régulièrement bénéficié de promotions. Il ajoute qu’aucun reproche ne lui a jamais été fait, indiquant que son employeur a produit un avertissement du 3 juillet 2013 en violation de l’article L.1332-5 du code du travail. Il affirme qu’il n’a jamais fait l’objet d’aucune plainte de la part de ses collègues de travail et que bien au contraire, il s’est fait remarquer par ses qualités de sociabilité et d’assistance à ses collègues en difficulté.

Il fait observer que sur les 24 salariés qui étaient placés sous sa responsabilité, son employeur n’en a trouvé que 5 pour le discréditer par des accusations fallacieuses. Il fait observer que ces 5 salariés ne s’étaient auparavant jamais plaints de rien et que leurs attestations n’ont pas de force probante. Il conteste les faits qui lui sont reprochés, expliquant notamment qu’il n’avait pas craché volontairement sur M. [ML] puisque connaissant des problèmes de déglutition l’amenant à cracher la salive qui s’accumule, il a craché au moment où M. [ML] passait par-là.

Il considère que la médiation tentée par le service interentreprises de santé au travail n’a été qu’un artifice tout comme l’enquête du CHSCT et que le rapport n’a aucune valeur juridique pour être signé par un auteur non identifié. Il précise que les échanges intervenus ne sont pas relatés de sorte que ce rapport n’a aucun intérêt.

Il prétend que la véritable cause de son licenciement réside dans son état de santé puisqu’il avait fait l’objet de nombreux arrêts de travail et qu’il était en partie invalide ce qui nécessitait un poste aménagé. Il en conclut que son employeur a préféré le licencier pour faute grave.

Il met en enfin en avant la brutalité de son licenciement, lequel a été humiliant et vexatoire et a porté atteinte à sa dignité. Il déclare que son éviction a eu lieu devant tout le personnel et que le PDG s’est ingénié à lui donner une importante publicité. Il se fonde alors sur les dispositions de l’article 1240 du code civil et de l’article L.1222-1 du code du travail pour solliciter la réparation de son préjudice.

Par conclusions notifiées le 1er octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Genève Occasion demande à la cour de confirmer le jugement et de :

— débouter M. [P] de ses demandes,

— subsidiairement de dire que son licenciement repose sur une faute réelle et sérieuse,

— à titre infiniment subsidiaire de réduire les demandes de M. [P] à de plus justes proportions,

— condamner M. [P] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle indique que le 14 et 15 novembre 2018, à la suite de deux altercations entre M. [P] et des collègues de travail, le CHSCT a été saisi par le service de santé au travail et qu’une enquête a ainsi été menée les 6 et 7 décembre 2018. Elle ajoute qu’une réunion de médiation a eu lieu le 13 décembre 2018 avec le service de santé au travail en présence du médecin du travail. Elle précise que l’ensemble de ces éléments lui a permis d’avoir une connaissance exacte des faits et que les faits reprochés à M. [P] ne sont pas prescrits. Elle rappelle également qu’elle disposait d’un délai de deux mois pour mettre en oeuvre la procédure de licenciement pour faute grave et que la notion de délai restreint n’a de conséquence que sur l’appréciation de la gravité de la faute. Elle fait en outre observer que M. [P] était en arrêt de travail depuis le 1er décembre 2018 de sorte qu’il n’y avait pas de nécessité absolue d’éloigner le salarié de l’entreprise lors de la découverte des faits puisque son contrat de travail était suspendu. Elle insiste sur le fait que les compétences professionnelles de M. [P] ne sont pas remises en causes mais qu’elles n’empêchent pas la commission par celui-ci de faits constitutifs d’une faute grave. Elle explique qu’elle n’avait aucun intérêt à se séparer d’un salarié très compétent.

Elle considère que les faits reprochés à M. [P], à savoir un comportement agressif et inadapté est établi par les entretiens menés par les deux membres du CHSCT et que la faute grave est donc avérée. Elle souligne que la quasi totalité des salariés s’est déclarée soulagée et a exprimé un mieux être au travail en l’absence de M. [P]. Elle expose que le médecin du travail a réuni l’ensemble des salariés de l’équipe de M. [P] qui ont évoqué les difficultés ressenties sans que M. [P] ne s’excuse auprès de son équipe. Elle fait valoir que l’obligation de sécurité à laquelle elle est tenue l’a également conduite à prononcer le licenciement de M. [P].

Elle met en avant le fait qu’elle n’a nullement évoqué dans la lettre de licenciement l’avertissement délivré le 3 juillet 2013 et que rien ne lui interdisait d’évoquer ensuite ce fait alors que M. [P] se targuait d’avoir mené une carrière exempte de tout reproche. Elle conteste les attestations produites par M. [P], considérant que certaines doivent être écartées.

Très subsidiairement, elle explique que le barème prévu par l’article L.1235-3 du code du travail doit trouver à s’appliquer, précisant que M. [P] ne justifie pas de son préjudice. Elle affirme en outre que la procédure de licenciement n’a été ni humiliante, ni brutale ni vexatoire, indiquant que M. [P] a reçu sa convocation à l’entretien préalable à son domicile, puisqu’il était en arrêt de travail et que l’entretien a eu lieu dans un bâtiment loin des ateliers et des bureaux. Elle conteste la réalité et l’ampleur du préjudice invoqué par M. [P].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 décembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 24 janvier 2023 lors de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 23 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. La lettre de licenciement du 11 février 2019 qui détermine les limites du litige est ainsi libellée :

'Nous faisons suite à notre courrier recommandé avec avis de réception du 24 janvier 2019, par lequel nous vous convoquions à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à votre licenciement, entretien qui s’est tenu le 31 janvier 2019 à 11 heures, et pour lequel vous vous étes présenté accompagné de Madame [CY] [R] en sa qualité de représentante de la Délégation Unique du Personnel.

Cet entretien avait pour objet de vous exposer les griefs qui vous étaient reprochés et de recueillir vos explications sur les faits suivants :

o Le matin du 14 novembre 2018, Monsieur [SB] [ML] a reçu un appel d'[N] [LN] pour prévenir de son absence. Monsieur [SB] [ML] est allé prévenir [NJ] [HW].

Dans la matinée, vous êtes allés voir Monsieur [SB] [ML] en lui disant : 'quand [LN] n’est pas là, c’est à moi qu’il faut le dire, ce n’est pas ton job de prévenir [NJ]'. Vous avez ensuite échangé sur ce sujet et vous avez terminé la conversation par 't’inquiète pas, cela va se régler sur le parking'. Vous êtes enfin revenus à la charge deux fois, et vous vous êtes manqués de respect mutuellement.

Lors de l’entretien du 31 janvier, vous nous avez indiqué que vous souhaitiez discuter de ce sujet seul, avec le salarié pour éviter toute influence. Néanmoins, vous avez reconnu vous êtes mal exprimé et que le parking n’était pas approprié pour discuter professionnellement.

Vous avez avoué qu’un Chef d’Equipe ne doit pas agir ainsi.

o Le 15 novembre 2018, le soir dans les vestiaires, en présence de plusieurs salariés, vous avez craché sur les chaussures de Monsieur [SB] [ML]. Ce dernier vous a alors dit : 't’es sérieux, tu n’es qu’un gamin’ et vous lui avez répondu ' t’inquiètes pas, cela va se régler sur le parking’ et avez fait un doigt d’honneur.

[XO] [M], Directeur lndustriel a dû vous demander de quitter le parking pour éviter une bagarre.

Lors de l’entretien, vous nous avez expliqué avoir des problèmes de santé et devoir régulièrement cracher.

A la question, reconnaissez-vous les faits qui plus est dans un lieu clos : les vestiaires, vous avez admis 'avoir craché devant lui et non sur ces chaussures'. Vous avez également avoué avoir fait un doigt d’honneur à tous vos collègues dans le vestiaire et non qu’à [SB] [ML].

Face à cette situation, une enquête CHSCT a été diligentée les 6 et 07 décembre 2018. Ces faits nous ont été confirmés et de nouveaux faits graves sont apparus.

o D’une manière générale, il est ressorti votre manque de respect et votre manière agressive de parler aux mécaniciens démonteurs de votre équipe. Vous élevez régulièrement le ton à leur encontre et ne vous exprimez que par des hurlements.

Quand ces derniers vous sollicite sur des questions de travail, vous leurs répondez régulièrement : 'Je m’en bas les couilles', 'j’en ai rien à branler', 'dégage toi'.

Lors de l’entretien, vous aviez nié les faits et accusé les salariés de mentir.

o Il nous a été rapporté que vous profitiez de votre poste de Chef d’Atelier pour imposer vos idées ou ne pas exercer une tâche :

'Je suis ton chef, tu obéis'

'Je suis le chef donc je ne balais pas'

'Je n’en ai rien à foutre, je fais ce que je veux, c’est moi le chef, les autres je les emmerde'

Vous nous avez affirmé que ces faits sont faux lors de notre entretien du 31 janvier dernier.

o Certains salariés nous ont affirmé que vous avez 'ciblé’ deux collaborateurs car vous ne les aimiez pas. ll s’agit de Messieurs [GY] [B] et [RD] [X].Cela a d’ailleurs été confirmé par l’un d’entre eux. Il nous alors informé, avoir été mis en arrêt pour dépression par son médecin traitant à cause de votre comportement relatif à votre vulgarité et votre manque de respect à son encontre. De même, vous lui reprochiez toujours que son poste de travail était mal rangé et l’appeliez ' pauvre type'.

Un autre salarié nous a également informé après qu’il vous ait signalé votre erreur au sein de l’atelier, vous lui avez refondu ; 'On va dire que c’est [GY], je ne l’aime pas’ et vous êtes allés sermonner ce dernier.

Là encore, vous avez nié les faits lors de notre entretien.

o Vous avez fréquemment mal parlé à vos collègues de travail en les interpellant :

' bande d’enculés', 'tu pues le sperme', 'Vous vous faites le trou de balles'

Lorsque ces derniers vous ont demandé de cesser de leur parler de cette façon, vous n’avez pas arrêté et avez même continué. Vous avez même affirmé à certains qu’ils ne comprenaient pas votre humour.

Vous avez dessiné des sexes masculins sur les vitres des véhicules que vos collègues ont dû nettoyer.

Vous avez réfuté ces faits et avoir dit 'avoir la conscience tranquille'.

Le 13 décembre 2018, une réunion de médiation avec la médecine du travail a eu lieu afin de vous mettre en relation avec vos collaborateurs : mécaniciens démonteurs, le Directeur lndustriel et moi-même afin d’améliorer les relations professionnelles et d’échanger sur les conflits existants.

La médecine du travail sans divulguer la confidentialité de ces entretiens nous a confirmé la violence des propos dont chacun a été l’objet. Il est apparu que l’équipe des démonteurs est depuis plusieurs mois, affectée par vos paroles et vos actes. Lors de cette réunion de médiation, vous avez démenti et prononcé aucune excuse envers vos collègues.

L’échec de cette réunion de médiation prouve votre incapacité à remettre en question votre attitude.

Vos explications recueillis lors de notre entretien sont insuffisantes à changer notre appréciation des faits. Ainsi, vous avez avoué les faits relatifs aux deux altercations avec Monsieur [SB] [ML] et avez réfuté les autres accusations. Néanmoins, il apparaît évident que votre comportement irrespectueux, insultant, agressif, qui plus est compte tenu de votre fonction de Chef d’Equipe ont fortement atteint les démonteurs de votre équipe et les autres salariés de l’entreprise. Un tel nombre de témoignage prouvent la véracité de ces faits.

Vous avez nuit à l’ambiance du travail, à l’intégrité morale des salariés, dégradant ainsi les conditions de travail et la santé des salariés, ce que nous ne pouvons tolérer. Il en va de notre responsabilité d’Employeur d’intervenir afin de garantir la sécurité et la santé des salariés. En effet, L’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L.4121-1 du Code du travail.

Un tel comportement contrevient également aux dispositions de la charte de référence en matière de lutte contre le harcèlement et la violence au travail de notre Réglement Intérieur qui, dans son article 3 stipule que ' Le respect des personnes, de leur identité professionnelle et de leurs opinions doit être la règle, cette règle étant valable pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

Les relations entre les personnes, quel que soit leur niveau, doivent être empruntes de respect et de courtoisie.

Tout agissement de harcèlement ou de violence au travail avéré est constitutif d’une faute grave susceptible de justifier la rupture du contrat de travail pour ce motif.'

Par conséquent, et compte tenu de ce qui précède, les faits qui vous sont imputables constituent une violation des obligations découlant de votre contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible votre maintien dans l’entreprise pendant la durée d’un préavis.

En conséquence, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave. […]'.

La société Genève Occasion a donc poursuivi une procédure disciplinaire pour licencier M. [P] en retenant une faute grave.

2. En application de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Par engagement des poursuites disciplinaires il faut entendre en principe la convocation à l’entretien préalable lorsque celui-ci est obligatoire. C’est donc à cette date qu’il convient de se référer pour apprécier si le délai est ou non expiré.

Par ailleurs, l’article L. 1332-4 ne s’oppose pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.

Il est constant que la prescription court du jour où l’employeur a eu connaissance des faits, non du jour de leur commission de sorte que la datation précise des faits importe peu dans le débat relatif à la prescription. La seule possibilité pour l’employeur de différer l’engagement des poursuites disciplinaires est la nécessité prouvée de recourir à des mesures d’investigation sur les faits reprochés au salarié et de se déterminer sur la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement pour faute grave. En cas d’enquête ordonnée par l’employeur sur les faits, le jour de ses résultats constitue le point de départ du délai de 2 mois.

La charge de la preuve du caractère non prescrit de l’action disciplinaire incombe à l’employeur. Ainsi, lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il lui appartient d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites, faute de quoi les faits sont considérés comme prescrits.

En l’espèce, l’employeur a effectivement engagé, comme le fait remarquer M. [P], la procédure de licenciement plus de deux mois après les derniers faits reprochés. Cependant, ce n’est qu’à l’issue de l’enquête menée par le CHSCT les 6 et 7 décembre 2018 que la société Genève Occasion a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à M. [P].

L’employeur a, certes, eu indéniablement connaissance des faits des 14 et 15 novembre 2018, avant que l’enquête CHSCT soit menée puisque M. [XO] [M], directeur industriel et supérieur hiérarchique de M. [P], a été informé des faits du 15 novembre 2018 dès le jour même et en a été partiellement témoin ainsi que cela ressort de son attestation. En outre, les deux premières questions dans le cadre des auditions menées par le CHSCT ne laissent planer aucun doute quant à la connaissance de ces deux faits par l’employeur puisque la première question est ainsi libellée 'Avez-vous été témoin d’un problème dans les ateliers le mercredi 14 novembre '' et la deuxième question : 'Avez-vous été témoin d’un problème le 15 novembre ''. Pour autant, dans la mesure où M. [P] ne s’est pas présenté à son travail le 16 novembre 2018 et que bien au contraire, il a fait parvenir un arrêt maladie à son employeur, ce dernier était fondé à mener des investigations au sein de l’entreprise pour comprendre la situation dans son ensemble comprenant l’arrêt de travail de M. [P] et les deux faits des 14 et 15 novembre 2018. C’est dans ces conditions qu’une enquête interne a été décidée 'suite à des informations reçues faisant état d’un accident de travail sur la personne de [U] [P]. Le présent entretien a pour origine de faire émerger, s’il y a lieu, des éléments objectifs et factuels susceptibles de cerner la réalité de cette situation et, le cas échéant, les causes qui en sont à l’origine'. Or, à l’occasion des diverses auditions qui ont eu lieu par les membres du CHSCT, certains salariés ont pu révéler d’autres comportements inapropriés de la part de M. [P], distincts de ceux des 14 et 15 novembre 2018 mais de même nature, de sorte que ce n’est qu’à l’issue de cette enquête que l’employeur a pu avoir une connaissance complète et précise de l’ampleur des faits qui pouvaient être reprochés à M. [P].

Ainsi, en engageant la procédure de licenciement le 24 janvier 2019, le délai de deux mois ayant commencé à courir le 7 décembre 2018 n’était pas expiré de sorte que le licenciement de M. [P] ne repose pas sur des faits prescrits.

3. Il est constant que la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail pour faute grave doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire. L’écoulement d’un délai trop long est de nature à démontrer que les faits, s’ils peuvent justifier un licenciement, ne peuvent cependant recevoir la qualification de faute grave impliquant un départ immédiat de l’entreprise. Néanmoins, le fait pour l’employeur de laisser s’écouler un délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l’entreprise (Soc., 9 mars 2022, pourvoi n° 20-20.872).

En l’espèce, c’est tout à fait vainement que M. [P] tente de faire valoir que l’employeur, dès lors qu’il a eu connaissance des faits en décembre 2018, n’a pas agi dans un délai restreint. En effet, M. [P] a été placé en arrêt maladie dès le 16 novembre 2018 et n’a jamais repris son poste avant son licenciement de sorte qu’il était absent de l’entreprise depuis la révélation des faits. Ainsi, le fait que l’employeur ait attendu 48 jours pour engager la procédure de licenciement n’a pu avoir pour effet de retirer à la faute reprochée à M. [P], à la supposer établie, son caractère de gravité.

4. Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux. Le juge ne peut pas examiner d’autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n’auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties.

La charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

Lorsque le motif allégué n’est pas le motif réel du licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il appartient au juge d’apprécier la nature de la faute invoquée par l’employeur. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l’aggraver.

En l’espèce, pour justifier les faits reprochés à M. [P], la société Genève Occasion produit les comptes rendus d’entretien menés les 6 et 7 décembre 2018 par deux membres du CHSCT desquels il ressort que :

— M. [K] [A] n’a été témoin de rien ni le 14 ni le 15 novembre 2018, indiquant simplement que 'au début, j’ai eu des problèmes avec [U], sa façon de parler, il gueule. Ensuite, il a changé avec moi. On s’habitue au coup de gueule. Sa façon de parler aux démonteurs, je n’ai pas d’exemples',

— M. [C] [I] n’a pas été témoin des faits du 14 novembre. Il explique en revanche pour le 15 novembre 2018 que 'le soir dans les vestiaires, je suis à côté du sopalin en face d'[SB] [ML]. [U] passe entre nous deux pour sortir des vestiaires, lorsqu’il arrive au niveau d'[SB], il ralentit et lui crache sur ses chaussures sans lui adresser la parole avant et après le crachat. [SB] a dit 'tu m’as craché dessus'' [U] a répondu 'non de toute façon, je suis au même niveau que toi maintenant, je fais ce que je veux. Viens sur le parking, je t’attends'. Plus généralement, M. [I] déclare que 'j’ai eu des problèmes avec [U] lorsque j’étais au poste de [DN] [Z] en remplacement, il me parlait mal. J’ai eu 4 altercations avec [U] dont une s’est fini dans le bureau de M. [L] [HW]. Il nous parle comme à un chien. Un jour, je lui ai dit 'je ne suis pas ton fils, tu me parles autrement’ [U] m’a répondu 'je suis ton chef, tu obéis'….Depuis son départ, meilleure ambiance, meilleur listage.',

— M. [GY] [B] indique sans autre précision, que le 14 novembre il a entendu M. [P] et M. [ML] 'se crier dessus'. S’agissant du 15 novembre, il explique 'le jeudi soir, j’étais en train de me changer dans le vestiaire, j’ai entendu [SB] s’exprimer fort avec [U], mais je n’ai rien vu. [U] a dit à [SB] 'maintenant, j’ai le droit! Dépêche je t’attends sur le parking'. Plus généralement, il évoque le fait que 'j’ai déjà entendu des personnes refusé des ordres de [U], il leur demandait de nettoyer son poste de travail. Je n’ai rien à dire sur son management, nous avons eu des altercations qui se sont régler ensuite. Les altercations venaient de ses blagues. Sa façon, de parler me choquait, son ton froid, blague que dans son sens (vanne).' Enfin, à la question 'depuis le départ de [U] [P], comment est l’ambiance dans les ateliers'' il répond 'Plus agréables, moins de tension et meilleure collaboration avec [T].',

— M. [DN] [Z] déclare qu’il n’a été témoin de rien ni le 14 ni le 15 novembre 2018, qu’il a eu une altercation avec M. [P] en début d’année et que depuis le départ de M. [P] 'je suis moins stressé. C’est mieux, [G] et [T] liste bien et maintenant quant j’ai besoin, je demande à [T] qui vient et nous aide. Le soir avant quand je rentrai, j’étais stressé et mal à l’aise.',

— M. [ZD] [S] déclare avoir seulement entendu M. [P] et M. [ML] se crier dessus le 14 novembre. Quant au 15 novembre, il expose que 'le jeudi soir, j’étais en train de m’essuyer les mains, j’ai entendu et vu un crachat tomber sur les pieds d'[SB] venant de [U]. Il n’y a eu aucun échange de paroles avant le crachat. Après [SB] a dit 't’es sérieux!' ensuite, il y a eu échanges d’insultes entre eux. Je suis sorti et une fois sur le parking, j’ai vu [F] s’embrouiller avec [U]. [XO] [M] est arrivé et à calmer [U] qui est parti ensuite'. Il ajoute plus généralement que 'quand je suis arrivé, nous avons eu des altercations, mais depuis nous nous disons uniquement bonjour. Son vocabulaire familier voir enfantin. Il était un jour gentil et le lendemain moins. Un jour, sur un véhicule, je constate une erreur venant de [U], je lui signale et là, il me dit 'on dire que c’est [GY] je ne l’aime pas’ et il est allé voir [GY] et lui a mis une braise'. Il précise enfin que l’ambiance a changé en mieux depuis le départ de M. [P],

— M. [ZD] [O] qui n’a été témoin de rien ni le 14 ni le 15 novembre mais qui explique que 'Cela fait tellement longtemps que tout le monde est sous pression, depuis que [U] est au poste de Chef. S’il voit un mec en pause, il fait des réflexions. Ces cibles sont [RD] [X] ou [GY] [B]. [RD] [X] n’arrive pas à se défendre et réagit mal à la pression. Si tu lui demandes d’aller plus vite, il se met en arrêt de travail. Et ça [U] ne le comprenait pas. Il vapote dans son bureau et à l’export. [U] refuse de démonter les batteries pour dépanner mais par contre démonte volontiers les sièges pour récupérer les pièces de monnaie. Un jour, je l’ai vu engueuler un mec au labo photo, qui ne prenait pas en photo une pièce cassée alors que c’est [U] qui lui avait demandé de faire. [U] estime que les gars n’avaient pas à repasser derrière son travail même s’il s’était trompé.' Il précise que 'depuis son départ, plus de plaintes, plus d’altercations.',

— M. [CA] [D] qui n’a été témoin de rien ni le 14 ni le 15 novembre mais qui expose avoir 'eu une altercation avec [U] un jour, j’en ai eu marre qu’il me parle mal. Je l’ai cherché partout dans l’entreprise pour que l’on s’explique et je ne l’ai pas trouvé. Il bossait sans chaussures de sécurité et quand tu lui faisais remarquer, il te répondait 'je ne suis pas là pour travailler'. Il a une façon de parler aux gars comme des chiens. Il a des réflexions pas drôles : 'vous vous faîtes le trou de balle''. Il précise que depuis que M. [P] n’est plus là, 'c’est mieux, pas de clash. [RD] [X] va mieux malgré ses problèmes familiaux. [DN] va mieux.',

— M. [AC] [V] [le nom de ce dernier ne figurant pas dans le compte-rendu mais selon la liste produite par M. [P] des personnes dont il avait la charge, un seul [AC] est mentionné comme étant [AC] [V]] explique qu’il n’a été témoin de rien le 14 novembre mais que le 15 novembre 'le jeudi soir dans les vestiaires, je m’essuyais les mains, j’étais à côté à un mètre d'[SB]. [U] est allé dans la direction de la sortie, il est passé à côté d'[SB] et a tourné la tête dans la direction d'[SB] pour lui cracher sur les chaussures et a continué à marcher vers la sortie. [U] n’a pas adressé la parole à [SB]. C’est juste après le crachat que [SB] a dit : 'T’as pas honte!' [U] lui a répondu : 'ce que tu ne sais pas, c’est qu’avant je ne pouvais pas, mais maintenant je peux'. Plus généralement, il indique que '[U] n’est pas méchant, pas gentil, je dirais spécial. Il ne m’a jamais mal parlé. Au bout du 2ème mois de travail, j’étais en intérim, il est venu me voir et m’a dit : 'ici, je peux te simplifier la vie ou te la compliqué’ et aussi 'le mec avant toi, il répondait beaucoup et on l’a fait partir'. Je n’ai rien répondu.' Enfin au sujet de l’ambiance depuis le départ de M. [P], il déclare que 'pression maîtrisée, plus détendue, bonne ambiance',

— M. [XO] [WR] atteste que le 14 novembre, il a vu M. [P] et M. [ML] parler ensemble et qu’en revenant, il a vu M. [ML] en colère. S’agissant du 15 novembre, il n’a été témoin d’aucune altercation avec M. [ML] mais a discuté le matin avec M. [P] qui lui a dit, au sujet de l’altercation de la veille, que 'je regrette, mon tort, c’est de lui avoir dit, je t’attends à la sortie du parking'. Plus généralement, M. [WR] explique qu’il a eu lui aussi 'des soucis avec [U], mais je ne me suis pas arrêté à ça. J’ai continué à lui dire bonjour et à discuter avec lui. On aurait dû lui enlever ce poste de chef avant cette embrouille. Humainement, je l’aime bien. Le poste de chef, n’est pas fait pour lui.',

— M. [SB] [ML] explique :

— s’agissant du 14 novembre que 'le mercredi matin, je reçois un appel d'[N] [LN] pour me prévenir qu’il ne sera pas là, car il a un problème de santé et me demande de prévenir [NJ] [HW]. A 8h, je vais prévenir [NJ] [HW] de l’absence d'[N] [LN]. Je ne vois pas l’intérêt de prévenir mon chef [U] [P] car à chaque fois que je le prévenais d’un retard ou d’une absence d’un de mes collègues, j’avais le droit à une réflexion 'je m’en bats les couilles’ ou bien 'j’en ai rien à branlé'. Vers 10h, [U] vient me voir pour dire 'quand [LN] n’est pas là, c’est à moi qui faut le dire, ce n’est pas ton job de prévenir [NJ].' Nous avons eu des échanges durant 10 minutes. Et pour finir [U] m’a répondu : 'T’inquiètes pas cela se réglera sur le parking, je t’attends'. Il est parti et revenu à la charge 2 fois. Je lui ai dit 'Parle-moi mieux, je ne suis pas ton chien.' Echange d’insultes des deux côtés. Je lui ai dit 'retourne à ton listage faire ton boulot de merde et essaie d’être plus conscencieux plutôt que de faire chier les gars’ il m’a répondu 'Y a que toi que j’emmerde'. Suite à notre altercation, j’ai envoyé un texto à [SB] [HW] pour lui demander un entretien. Au bout de 15 minutes, [SB] [HW] vient me voir et je lui explique la situation. Il me répond qu’il attend demain le retour de [XO] [M] pour voir.',

— s’agissant du 15 novembre que 'le soir dans les vestiaires, je me lave les mains et je veux aller chercher du sopalin, [U] passe à ce moment là. Il me regarde dans les yeux et ensuite me crache dessus les pieds et continue à se diriger vers la sortie. J’ai dit à [C] [I] qui est en face de moi 'Tu as vu comme moi'' il me répond 'oui'. [U] : 'de toute façon tu peux plus rien me faire, je suis au même niveau que toi!' ce que je n’ai pas compris sur le moment. [SB]: 'tu es vraiment un gamin’ [U] :' je t’attends sur le parking'. [T], [C] et [G] m’ont demandé d’aller voir [XO] [M] et de ne pas aller sur le parking. Je suis donc allé voir [XO] [M] dans son bureau accompagné d'[C] et de [G] pour lui expliquer la situation. Depuis ce soir-là, j’ai des problèmes de sommeil.'

— plus généralement que '[U] passe à côté de toi, et ne te dit pas bonjour. C’est usant. Tu ne fais plus attention à la fin. Il pousse les gens à bout. Problème de langage. Un jour, sur un véhicule, je constate un problème de dépollution, je préviens [RD] [X], c’était la personne qui l’a fait, que sa machine doit être bouché cela arrive. [U] passe par là et me dit 'tu aimes travailler dans la merde!' je lui réponds 'non cela vient de la station de dépollution'. [U] est parti cherché [RD] [X] pour lui montrer le véhicule et l’engueulé devant tout le monde 'Tu bosses comme une merde!'. [RD] lui a répondu 'je sais [SB] vient de prévenir, ne vient pas me casser les couilles!'. Quand je vais dans le bureau de [U], les réflexions fusent : 'Tu pues le sperme!' 'Quand tu ouvres la bouche, ça pues la merde!' Quand tu lui dis que ça suffit, il te répond que tu n’a pas d’humour. Lors de ma visite médicale, j’en ai parlé au médecin du travail''

— et depuis le départ de M. [P] que 'je me sens mieux à mon poste de travail. Dans l’atelier une meilleure ambiance, un meilleur listage.'

— M. [T] [OH] déclare n’avoir rien vu rien entendu le 14 novembre tandis que le 15 novembre : 'le jeudi soir, j’étais en train de m’essuyer les mains, j’ai entendu et vu un crachat tomber sur les pieds d'[SB] venant de [U]. Il n’y a eu aucun échange de paroles avant le crachat. Après [SB] a dit 't’es sérieux!'. Ensuite, il y a eu échanges d’insultes entre eux deux. Je suis sorti et une fois sur le parking, j’ai vu [F] s’embrouiller avec [U]. [XO] [M] est arrivé et à calmer [U] qui est parti ensuite'. Plus généralement il expose que 'il se mettait la pression sur les urgences, c’est un sanguin un nerveux. [U] et les autres se lançaient dans les répliques déplacés. Je ne me suis jamais engueulé avec [U]. Je n’ai rien à lui reprocher personnellement, mais vis-à-vis de son comportement avec les autres… Un surcroit d’activité, le faisait péter un plomb selon moi, il est dur en surface, mais fragile. Il s’est mis la pression. Il avait du mal à communiquer, mais il y avait des embrouilles normales. Ils se rendent coup pour coup avec les gars. Il prenait les choses trop à coeur. Ses paroles étaient sa façade, mais c’est un gros nounours. Les problèmes avec [U] sont depuis qu'[SB] est au démontage. [U] n’est pas méchant, c’est la pression qui lui fait perdre ses moyens. Il s’inflige tout seul cette pression et perd vite ses moyens….'. Enfin, il indique que s’agissant de l’ambiance que 'c’est mieux, pas de clash. [RD] [X] va mieux malgré ses problèmes familiaux. [DN] va mieux.'

— M. [N] [LN] confime avoir demandé à M. [ML], le 14 novembre au matin, de prévenir [NJ] [HW] de son arrêt de travail, précisant n’avoir rien vu le 15 puisqu’il était en arrêt de travail. Plus généralement, il déclare avoir eu plusieurs altercations avec M. [P], précisant que 'Au mois d’avril, après une demande de respect du matériel neuf, j’ai demandé [U] de bien me mettre le véhicule sur le pont en faisant attention aux cales, il m’a répondu 'j’en ai rien à foutre, je fais ce que je veux, c’est moi le chef, les autres je les emmerde!' Pendant les vacances de [PF] [T], j’étais au poste pneumatique et j’ai dû aller au bureau de [U], il a fait exprès de se mettre devant moi pour créer une altercation. Je lui dis que c’était un blaireau, il a aussitôt appelé [SB] [HW] pour l’avertir. [SB] [HW] est venu peu de temps après pour me dire que je ne devais pas manquer de respect envers mes collègues et il a demandé aussi à [U] de parler correctement aux employés. Depuis cette altercation, nos rapports sont cordiaux, secs et polis. Un jour, [U] est venu reprendre [C] [I], car il ne démonte pas assez vite alors qu’il était nouveau au poste. [U] revient toujours à la charge après une altercation, avec des petits pics. Je pense que ça l’amuse de venir engueuler [RD] [X]. Il ne se passe pas une semaine sans qu’il engueule [RD] [X]. Moi et [RD] [X] on fait le même travail, si moi je fais 16 voitures et lui en fait 13 ou 14 voitures. Moi pas d’engueulades et lui oui, c’est de l’acharnement. Les réflexions de [U] le vendredi quant on nettoie nos postes de travail, [U] nous dit 'je suis chef donc je ne balaie pas!' Enfin, il souligne que 'depuis son départ, l’équipe est apaisée, pas de tensions, et plus de productivité. Pas de problème de listage, bonne ambiance. [RD] [X] bosse apaisé, il embauche avec le sourire.'

— M. [YM] [H] explique avoir vu l’altercation du 14 novembre mais n’avoir rien entendu, précisant que M. [P] était parti en colère. S’agissant du 15 novembre, il indique que dans l’après midi, alors qu’il allait voir M. [P] dans son bureau, ce dernier lui a dit 'dégage-toi!'. Puis 'le jeudi soir, j’étais en train de me laver les mains quand j’entends [SB] dire : 'tu m’as craché dessus!!'. Je vois à ce moment -là [U] faire un doigt d’honneur à [SB]. Tout le monde a dit à [SB] de se calmer et d’aller voir [XO] [M].'. Il évoque également avoir eu des altercations avec M. [P] et insiste sur le fait que 'depuis que je suis membre du CE-CHSCT, il ne me parle plus au travail. Il ne communique pas, le listage ce n’est pas ça. Sa façon de parler est déplacé (en dessous de la ceinture). J’ai moi aussi eu des altercations avec lui.' A ce stade de l’audition, les membres du CHSCT ont mentionné que M. [H] s’est mis à pleurer et qu’ils ont décidé de ne pas insister, le salarié précisant toutefois que depuis le départ de M. [P] : 'super ambiance, je me sens mieux depuis son départ.'

— M. [RD] [X] déclare qu’il n’a rien vu ni entendu les 14 et 15 novembre mais plus généralement que 'En 2018, je me suis mis en arrêt de travail pour dépression à cause de lui. Sa façon de me parler, vulgaire, on n’est pas des chiens. Il me reprochait toujours que mon poste de travail était sale, quand je revenais avec un collègue, il me disait 'l’autre a été te la mettre'. Et lorsque je lui signalais que ce n’était pas drôle, il rigolait et il n’arrêtait pas pour autant, aucun dialogue. Il arrivait dans les vestiaires comme ça et disait 'bande d’enculés’ et personnes ne disaient rien. Il disait souvent 'pauvre type'. Lors de ma visite médicale du travail, j’ai alerté des problèmes que j’avais avec [U]. Il dessine des bites sur les vitres des véhicules avec un feutre blanc et on est obligé de nettoyer la vitre, cela l’amuse. Il m’a demandé un jour de dépolluer un véhicule qui était dessus un élévateur et j’ai refusé'. Il ajoute que 'depuis son départ, je suis moins stressé plus serein, car mon poste de travail est en face de lui.'

La société Genève Occasion produit également les attestations de M. [X] qui réitère les propos qu’il a tenus lors de l’enquête interne, de M. [M] qui évoque plus en détail les faits du 15 novembre, de M. [ML] et de M. [I] qui insistent sur l’aspect volontaire du crachat de M. [P] sur les pieds de M. [ML] le 15 novembre, de M. [S] qui confirme ses propos tenus lors de l’enquête interne, et de M. [TX] [Y] [PM] (salarié) qui témoigne du caractère intentionnel du crachat de M. [P] sur les pieds de M. [ML] le 15 novembre 2018.

Elle produit enfin un 'rapport de médiation Genève Occasion du 13 décembre 2018' faisant état d’une réunion menée sur l’initiative du médecin du travail 'dans le but de mettre en relation les membres d’une équipe d’ouvriers démonteurs, leur chef d’atelier [U] [P] et le directeur de proximité [XO] [M] en présence du chef d’entreprise [SB] [HW]'. Il est indiqué dans ce rapport que 'au cours de cette réunion, chacun a pu exprimer la violence des propos dont il a été l’objet, exprimer les émotions ressenties. Il est apparu que l’équipe des démonteurs est depuis plusieurs mois, affectée par des paroles et actes de la part de leur chef d’atelier ; ce dernier dément la plupart des propos et actes qui lui seraient rapportés et n’a prononcé envers ses équipiers aucune excuse.'

L’ensemble de ces éléments permet d’établir la réalité des faits reprochés à M. [P] non seulement en ce qui concerne les faits des 14 et 15 novembre 2018 mais également les faits plus anciens, mais de même nature, lors desquels il s’est avéré que M. [P] parlait, de manière générale, relativement mal aux membres de son équipe en usant des termes vulgaires voire orduriers, et en tout cas méprisants et humiliants, au point que M. [X] a été placé en arrêt de travail au cours de l’année 2018 pour ne plus supporter le comportement inapproprié de M. [P] à son égard.

C’est tout à fait vainement que M. [P] souligne qu’il a mené une carrière professionnelle exceptionnelle dès lors d’une part qu’aucun reproche sur son savoir-faire technique ne lui est fait et d’autre part que contrairement à ce qu’il allègue, il avait déjà fait l’objet d’un avertissement le 3 juillet 2013 pour avoir fait preuve d’un comportement agressif dans ses relations professionnelles. C’est également en vain que M. [P] fait valoir :

— qu’aucune plainte n’a été formulée à son encontre en 21 ans de carrière, alors qu’il a fait l’objet d’une précédente sanction disciplinaire et que le silence conservé par les salariés sur un comportement inacceptable ne signifie pas nécessairement que ce comportement n’existe pas,

— qu’il a entretenu de très bonnes relations professionnelles avec M. [UV] [HW], M. [W] [VT], M. [CP] [J], M. [E] [ZK], M. [XO] [WR], M. [EL] [IU]. En effet, le fait d’entretenir de très bonnes relations avec certains professionnels n’exclut pas que M. [P] ait fait preuve d’un comportement totalement inapproprié à l’égard de certains autres,

— les propos tenus lors de l’enquête menée par le CHSCT ne sont que des mensonges dans la mesure où il ne produit aucune pièce de nature à contredire l’ensemble des propos, confirmés dans les attestations produites par l’ensemble, tenus par les salariés entendus – les attestations de M. [IU] et de M. [ZK] n’évoquant nullement le jour du 14 novembre ni même celui du 15 novembre,

— les attestations produites par l’employeur seraient dépourvues de toute valeur juridique dès lors qu’il ne démontre pas en quoi les quelques omissions ou erreurs qu’il relève lui auraient fait grief, étant rappelé que les faits évoqués par les salariés attestants sont suffisants précis et circonstanciés pour emporter la conviction de la cour,

— qu’il n’a pas craché volontairement sur M. [ML] le 15 novembre 2018 alors qu’il résulte des attestations produites par l’employeur que les salariés ayant assisté à la scène soulignent le caractère intentionnel du crachat et qu’il résulte en outre de l’ensemble des pièces précitées que M. [P] se dirigeait vers la sortie lorsqu’il est passé à côté de M. [ML], qu’il a tourné la tête vers lui et qu’il a craché en sa direction de sorte qu’il n’est pas sérieux de soutenir qu’il a craché involontairement en raison de problèmes de déglutition. A cet égard, la cour observe que si les problèmes de déglutition de M. [P] sont établis par les pièces qu’il produit, les différentes personnes qui attestent en ce sens n’étaient pas présentes le 15 novembre 2018 de sorte qu’il ne peut en être déduit que M. [P] aurait craché sur M. [ML] involontairement,

— que le rapport de médiation n’a aucune valeur juridique dès lors que la preuve d’un fait juridique est libre et que la cour appréciera souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont produits,

— que les échanges qui ont eu lieu lors de la médiation n’ont pas été reproduits dès lors qu’in fine M. [P] ne conteste pas la conclusion de ce rapport qui mentionne l’absence de rapprochement possible et l’absence d’excuses formulées par M. [P],

— que le motif de son licenciement résidait en réalité dans son état de santé dès lors que M. [P] se contente de procéder par voie d’affirmation péremptoire sans produire le moindre élément étayant ses allégations.

Par conséquent, la cour considère, à l’instar des premiers juges, que les faits reprochés à M. [P] sont établis et que pris dans leur ensemble, ils revêtent une gravité telle qu’ils ont rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et ont justifié la rupture 'immédiate’ de son contrat de travail qui était alors suspendu. En effet, au regard des conséquences du comportement de M. [P] sur les membres de l’équipe dont il était le chef, ce qui impliquait un comportement respectueux et adapté à l’égard des autres salariés, et de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur, il était parfaitement justifié que celui-ci poursuive le licenciement du salarié pour faute grave.

M. [P] doit donc être débouté de ses demandes tendant à voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en paiement d’une indemnité de préavis et des congés payés afférents, d’une indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts en application de l’article L.1235-3 du code du travail. Le jugement attaqué est ainsi confirmé de ces chefs.

5. Contrairement à ce que soutient M. [P], il n’est pas établi que son licenciement soit intervenu brutalement alors même qu’il relève que la procédure a été engagée 48 jours après les résultats de l’enquête du CHSCT et après une réunion de médiation organisée par le médecin du travail à laquelle il a été convié. Il n’est pas plus justifié de circonstances humiliantes, dégradantes ou portant atteinte à sa dignité, étant précisé que M. [P], qui procède uniquement par allégations, ne démontre absolument pas que son licenciement aurait été prononcé publiquement devant tout le personnel. Par conséquent, la demande de dommages et intérêts présentée par M. [P] au titre d’une rupture de son contrat de travail intervenue dans des conditions vexatoires ne peut qu’être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

6. M. [P] qui succombe doit supporter les dépens d’appel et de première instance, les premiers juges ayant omis de statuer sur ce point.

Enfin, l’équité conduit à ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leur demande respective sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 19 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Niort en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [U] [P] et la SAS Genève Occasion de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] [P] aux dépens d’appel et de première instance.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

D.LEYMONIS M-H.DIXIMIER

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Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 23 mars 2023, n° 21/01250