Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 18 décembre 2019, n° 16/06579

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

5e Chambre

ARRÊT N°-319

N° RG 16/06579 – N° Portalis DBVL-V-B7A-NILQ

Société MUTUELLE NATIONALE DES CONSTRUCTEURS ET ACCEDANTS A LA PROPRIETE-MNCAP

C/

M. F-G H

Mme Y X

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE BRETAGNE

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur C D, Président,

Assesseur : Madame Geneviève SOCHACKI, Conseillère,rédactrice

Assesseur : Madame Isabelle E, Conseillère,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 Juin 2019

devant Monsieur C D et Madame Geneviève SOCHACKI, magistrats rapporteurs, tenant seuls l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats après prorogation du délibéré.

****

APPELANTE :

MUTUELLE NATIONALE DES CONSTRUCTEURS ET ACCEDANTS A LA PROPRIETE-MNCAP Agissant poursuites et diligences de son

Président, domicilié en cette qualité

audit siège.

[…]

[…]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Fany BAIZEAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur F-G H

né le […] à […]

La ferté

[…]

Représenté par Me I-J K, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame Y X

née le […] à AVRANCHES

La ferté

[…]

Représentée par Me I-J K, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT venant au droit de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE BRETAGNE

[…]

[…]

Représentée par Me Pascal ROBIN de la SELARL A.R.C, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

************

Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 2 août 2016 par le tribunal de grande instance de Rennes, qui a :

• condamné la mutuelle nationale des constructeurs et accédants à la propriété à payer la somme de 10 460 € à M. F-G X et Mme Y X, en exécution du contrat d’assurance de prêt n°000000084537 ;

• condamné la mutuelle nationale des constructeurs et accédants à la propriété à garantir à M. F-G X et Mme Y X du paiement des échéances de leur prêt immobilier, au titre de l’incapacité de travail complète et temporaire prévue au contrat d’assurance de prêt n°000000084537, à partir du mois de juin 2013 jusqu’à consolidation de l’état de santé de M. F-G X ;

• condamné la mutuelle nationale des constructeurs et accédants à la propriété à payer la somme de 1 500 € à M. F-G X et Mme Y X, à titre de dommages et intérêts ;

• condamné la mutuelle nationale des constructeurs et accédants à la propriété à payer la somme de 2 000 € à M. F-G X et Mme Y X, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

• dit en application des dispositions de l’article L141-6 du code de la consommation que la MNCAP supportera la charge de l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement prévus aux articles L111-8 et L124-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

• dit que le Crédit immobilier de France conservera la charge de ses frais irrépétibles ;

• condamné la MNCAP au paiement des entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la Scp Cabinet Gosselin ;

Vu les dernières conclusions, en date du 27 mars 2017, de la mutuelle nationale des constructeurs et accédants à la propriété (MNCAP), appelante, tendant à :

• infirmer le jugement entrepris ;

In limine litis,

• ordonner, avant dire droit, l’expertise médicale sollicitée par la MNCAP ;

A titre principal,

• juger que les dispositions du contrat d’assurance sont claires et opposables à M. X qui a reconnu en avoir été destinataire ;

• juger que la MNCAP a correctement mis en 'uvre sa garantie ITT ;

• juger que les conditions de la garantie IPP ne sont pas réunies ;

• juger que la MNCAP n’a commis aucune faute susceptible d’entraîner sa condamnation à indemniser les époux X au titre d’une perte de chance ;

En conséquence,

• débouter les époux X de l’intégralité de leur demande ;

A titre subsidiaire,

• juger que les garanties d’assurances auxquelles M. X a adhéré sont d’application stricte ;

En conséquence,

• débouter M. X de toute demande de garantie non conforme aux stipulations contractuelles ;

A titre reconventionnel,

• constater que les époux X ont perçu des prestations indues du 30 septembre 2010 au 4 avril 2011 et du 12 septembre 2011 au 2 mai 2012 pour un montant de 6 723,53 € ;

En conséquence,

• condamner les époux X à rembourser à la MNCAP la somme de 6 723,53 € ;

En tout état de cause,

• débouter les époux X de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

• condamner les époux X à verser à la MNCAP 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

• condamner les époux X à 1 000 € à titre d’amende civile pour procédure abusive ;

• condamner les époux X à verser à la MNCAP la somme de 6 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamner les époux X aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de la Selarl Lexavoué Rennes Angers ;

Vu les dernières conclusions, en date du 17 avril 2019, de M. F-G X et de Mme Y X, intimés, tendant à :

• déclarer M. et Mme X recevables en leur appel incident, et les y déclarant bien fondés,

A titre principal,

• confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la MNCAP à prendre en charge le sinistre de l’incapacité de M. X au titre du contrat n°000000084537 ;

• réformer le jugement sur le montant des sommes allouées à M. et Mme X ;

En conséquence,

• condamner la MNCAP au paiement de la somme de 20 176 €, sauf à parfaire, au titre de la garantie assurance incapacité de travail invalidité partielle permanente prévue au contrat n°000000084537 ;

• condamner la MNCAP au paiement de la somme de 5 000 €, sur le fondement de l’article 1147 du code civil ;

• dire et juger que les sommes qui seront dues seront capitalisées en application de l’article 1153 et 1153-1 du code civil, jusqu’à parfait règlement ;

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour par impossible viendrait à considérer que le contrat n°000000084537 n’a pas vocation à s’appliquer,

• dire et juger que la MNCAP a manqué à son obligation d’information et de conseil ;

• condamner la MNCAP au paiement de la somme de 20 176 €, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi par les époux X en raison de la situation de non-assurance ;

• condamner la MNCAP au paiement de la somme de 5 000 €, sur le fondement de l’article

1147 du code civil ;

A titre infiniment subsidiaire,

• dire et juger que l’action de M. et Mme X, à l’encontre du Crédit de France immobilier est recevable et bien fondée ;

• dire et juger que la société Crédit France Immobilier a manqué à son obligation d’information prévue aux articles L312-8 et suivant du code de la consommation ;

• condamner la société Crédit France Immobilier au paiement de la somme de 20 176 €, sauf à parfaire, au titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du défaut d’information ;

• dire et juger que les sommes qui seront dues seront capitalisées en application de l’article 1153 et 1153-1 du code civil, jusqu’à parfait règlement ;

• condamner la société Crédit France Immobilier à garantir M. et Mme X de l’ensemble des condamnations qui pourraient intervenir à leur encontre ;

• débouter la MNACP et le Crédit immobilier de France Bretagne de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de M. et Mme X ;

Sur l’appel de la MNCAP,

• débouter la MNCAP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dirigées à l’encontre de M. et Mme X ou tendant à la réformation du jugement en ce que la MNCAP a été condamnée à prendre en charge le sinistre ;

• débouter la demande de la MNCAP en répétition de l’indu, dirigée contre M. et Mme X, comme étant irrecevable et en tout état de cause mal fondée ;

• débouter la MNCAP de sa demande d’expertise judiciaire ;

Subsidiairement, si par impossible la cour venait à considérer qu’il y a lieu à restitution des primes versées,

• dire et juger que les paiements de la MNCAP résultent d’une erreur de l’assureur ayant causé un préjudice financier à M. et Mme X à concurrence de 6 723,53 € ;

• ordonner la compensation des condamnations qui seront prononcées à l’encontre de M. et Mme X et à l’encontre de la MNCAP ;

• condamner le Crédit Immobilier de France Bretagne à garantir M. et Mme X de l’ensemble des condamnations qui pourraient intervenir à leur encontre en principal, frais et accessoires ;

En tout état de cause,

• condamner solidairement la MNCAP et la société Crédit Immobilier de France, ou l’un à défaut de l’autre, au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

• dire et juger, en application des dispositions de l’article L 141-6 du code de la consommation, que la MNCAP et la société Crédit Immobilier de France, ou l’un à défaut de l’autre, supporteront la charge de l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement prévus aux articles L 111-8 et L124-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

• condamner solidairement la MNCAP et la société Crédit Immobilier de France, ou l’un à défaut de l’autre, aux entiers dépens, qui comprendront les frais d’expertise judiciaire, et dont la distraction sera ordonnée au profit de Me I-J K, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, en date du 24 avril 2019, du Crédit Immobilier de France

Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Bretagne, intimé, tendant à :

• confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes dont appel en ce qu’il a rejeté toute demande à l’encontre du CIFB aux droits duquel vient aujourd’hui le Crédit Immobilier de France Développement ;

En toute hypothèse,

A titre principal :

• dire et juger l’action en responsabilité engagée par les époux X à l’encontre du CIFB prescrite par application de l’article 2224 du code civil ;

A titre subsidiaire :

• dire et juger que le CIFB n’a commis aucun manquement au devoir de conseil et d’information auprès des époux X ;

• dire et juger qu’ils ne rapportent la preuve d’aucun préjudice en lien avec le manquement allégué et inexistant ;

• en conséquence, débouter les époux X de toutes leurs demandes, fins et conclusions tant en principal qu’intérêts, frais, article 700 et dépens ;

• condamner les époux X à verser au Crédit Immobilier de France Développement la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

• les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Arc conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 25 avril 2019 ;

Sur quoi, la cour

M. F-G X et Mme Y X ont signé une offre de prêt immobilier avec la société Crédit Immobilier de France Bretagne (CIFB) pour un montant de 87 162 €, sous condition suspensive d’accord d’assurance.

Par contrats signés le 20 avril 2004 et le 22 septembre 2004, les époux X ont souscrit un contrat d’assurance auprès de la mutuelle nationale des constructeurs et accédants à la propriété, afin de garantir les échéances mensuelles de leur prêt immobilier.

M. F-G X, souffrant d’une hernie discale, a été soumis à un examen médical le 14 mai 2011. Le médecin conseil de l’assureur a conclu à une incapacité temporaire de travail justifiée entre le 30 septembre 2010 et le 4 avril 2011, jour de la consolidation, et un taux d’invalidité permanente partielle de 5 %. La MNCAP a accordé sa garantie pour ladite période, déduction faite des 90 jours de carence.

L’état de santé de M. F-G X s’étant aggravé, il a dû subir une nouvelle intervention chirurgicale le 8 septembre 2011.

Constatant cette nouvelle incapacité temporaire de travail justifiée médicalement à partir du 7 septembre 2011, l’assureur a alors accordé sa garantie du 7 septembre 2011 jusqu’au mois d’avril 2012, sans franchise cette fois-ci.

Pour la période allant de juin 2011 à septembre 2011, l’assureur a refusé d’accorder sa garantie au motif que M. F-G X était apte à reprendre une activité rémunérée.

Le médecin conseil de l’assureur a par ailleurs fixé une nouvelle date de consolidation au 2 mai 2012 et une incapacité permanente partielle de 3%, entraînant alors une prise en charge par l’assureur du 7 septembre 2011 au 2 mai 2012.

En mai 2012, M. F-G X a de nouveau souffert d’une

hernie discale de sorte que celui-ci a contesté la date de consolidation retenue par l’assureur au 2 mai 2012, étant placé en arrêt de travail jusqu’au 27 septembre 2012.

L’assureur a rejeté sa demande.

M. F-G X a alors saisi le juge des référés qui, par ordonnance en date du 31 janvier 2013 a désigné un expert en médecine pour l’examiner. Son rapport a été déposé le 5 juin 2013.

Sur la base de ce rapport, M. F-G X et son épouse, par acte d’huissier en date du 1er juillet 2013, ont fait assigner la MNCAP aux fins de la voir condamnée au paiement de l’indemnité d’assurance.

Par acte d’huissier en date du 6 février 2015, les époux X ont également fait assigner le CIFB en responsabilité pour manquement à son obligation d’information.

Par le jugement déféré, le tribunal a déclaré qu’il convient, tant en application du principe de la force obligatoire du contrat que de celui de l’interprétation la plus favorable d’un contrat d’assurances à l’assuré, de définir le risque contractuel en l’espèce comme l’incapacité totale temporaire d’exercer sa profession et non n’importe quelle profession. Ensuite, le tribunal a relevé, selon les conclusions de l’expert médical, que la consolidation de l’état de santé de l’assuré n’est pas acquise. De sorte que le tribunal a considéré qu’en l’absence d’une telle consolidation l’assuré est bel et bien en incapacité professionnelle complète et temporaire. En conséquence, le tribunal a fait droit intégralement au paiement de la garantie contractuelle, la MNCAP ne démontrant pas que M. F-G X était apte à reprendre son travail entre le 5 avril 2011 et le 6 septembre 2011, ainsi qu’à partir du 3 mai 2012. A compter du mois de juin 2013 la MNCAP est condamnée à garantir M. X, au titre de l’incapacité temporaire de travail, tant qu’il ne sera pas consolidé. Le tribunal a également fait droit à la demande au titre du préjudice moral et a condamné la MNCAP à indemniser les époux X à ce titre. Enfin, le tribunal a déclaré que la demande reconventionnelle en répétition de l’indu formée par la MNCAP et l’action en responsabilité du Crédit Immobilier formée à titre subsidiaire n’avaient pas lieu d’être examinées.

Le 29 août 2016, la MNCAP a interjeté appel de cette décision.

L’appelant a pris le 3 juin 2019 des conclusions de procédure auxquelles M. et Mme X ont répondu le 4 juin suivant.

. Sur la procédure

Par conclusions de procédure en date du 3 juin 2019, l’appelante sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture ou le rejet des conclusions en date du 17 avril 2019 déposées par les époux X ; elle soutient que les dernières écritures des intimés du 17 avril 2019 soit quelques jours avant la clôture imposent une réponse de sa part et alors qu’elles visent une obligation d’information qui ne serait pas à sa charge et s’accompagnent de la communication de nouvelles pièces, et qu’elles ont été trop tardives pour ce faire. Les époux X s’en rapportent à justice sur la demande de rabat de clôture et concluent au débouté de la demande de rejet de leurs dernières conclusions en soulignant que l’appelante aurait pu y répondre avant l’ordonnance de clôture à l’image du Crédit immobilier de France Développement, qui a déposé ses dernières écritures le 24 avril 2019.

D’une part, il convient de constater qu’aucune cause grave telle que définie par l’article 784 du code de procédure civile soit l’existence d’un événement qui n’a pu être connu des parties qu’après l’ordonnance de clôture n’est établie.

D’autre part, les moyens et pièces visés aux dernières écritures des époux X en date du 17 avril 2019 correspondent à une argumentation développée en première instance et à l’actualisation de leurs demandes (communication de prolongation d’arrêts de travail de 2017 et 2018 non contestée par l’appelant), la MNCAP a d’ailleurs conclu sur ces moyens dans ses écritures du 27 mars 2017 et était donc à même d’y répliquer éventuellement une nouvelle fois avant l’ordonnance de clôture devant intervenir le 25 avril 2019 et à l’instar du Crédit immobilier de France, qui a déposé ses conclusions le 24 avril 2019.

En conséquence, les conclusions notifiées du 17 avril 2019, n’ayant pas méconnu le principe du contradictoire, n’ont pas à être rejetées.

. Sur le fond

La MNCAP sollicite avant dire droit une expertise médicale afin de mieux appréhender la situation médicale de M. X alors que celui-ci a caché son état de santé pendant trois ans de juin 2013, date du dépôt de rapport d’expertise judiciaire à juillet 2016, date de la transmission des éléments relatifs à sa nouvelle ITT depuis janvier 2016 et de compléter ainsi la mission de l’expert en l’interrogeant sur l’inaptitude au travail de l’assuré en regard de la définition contractuelle de l’incapacité de travail temporaire complète. Les époux X s’opposent à cette demande.

Alors qu’une expertise judiciaire a été réalisée au contradictoire de la MNCAP au premier semestre 2013 et que la contestation principale est relative à l’application du contrat visant une incapacité de travail temporaire complète, garantie dont la mobilisation est sollicitée par les époux X, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande d’expertise avant dire droit.

1. Sur l’application du contrat d’assurance souscrit par les époux X

Les époux X estiment donc que la MNCAP doit sa garantie au titre de l’incapacité temporaire totale visée par le contrat signé entre eux le 20 avril 2004 en exposant que ledit contrat ne comprend aucune notice explicative de son fonctionnement pas plus que des définitions des termes contractuels ; que la clause litigieuse n’est pas claire pour ne pas préciser que l’incapacité doit s’entendre de l’incapacité à exercer toute profession comme soutenu par l’assureur ; qu’en cas d’interprétation et par application des dispositions de l’article 133-2 du code de la consommation, la clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur doit s’appliquer dans le sens le plus favorable à l’assuré.

L’appelante conclut qu’un résumé des conditions générales a été remis aux époux X au moment de la souscription du contrat, élément qui indique clairement les conditions d’application des garanties contractuelles, en les précisant et en faisant ainsi notamment référence à la notion d’incapacité de travail complète et temporaire, qui ne prête à aucune interprétation pour viser une incapacité d’exercer une activité professionnelle. Elle rappelle que la cour a déjà statué en ce sens.

Il est acquis qu’au moment de la souscription du contrat applicable, M. X a pris connaissance des conditions générales et particulières et s’est vu remettre un résumé des conditions générales, qui expose le fonctionnement de l’assurance incapacité de travail et invalidité partielle et permanente ainsi contractée.

Dans ce document, au paragraphe intitulé l’incapacité de travail il est mentionné que l’assurance incapacité de travail complète et temporaire intervient pendant la durée de versement des indemnités journalières par la sécurité sociale ou sur expertise.

Il doit être constaté que les termes d’incapacité de travail complète et temporaire sont clairs et ne se réfèrent aucunement à la profession exercée par l’assuré au jour de son arrêt de travail. C’est d’ailleurs dans ces conditions que dès le stade du référé expertise, la MNCAP rappelait dans ses conclusions que l’incapacité de travail complète et temporaire au sens du contrat correspondait à l’impossibilité d’exercer toute activité professionnelle pour que la mission de l’expert soit libellée en tenant compte de cette définition contractuelle.

L’expert judiciaire a constaté que M. X était inapte à la reprise de son activité professionnelle en tant que magasinier cariste, sans retenir l’incapacité à exercer toute profession. Dès lors, il doit être retenu que la garantie incapacité de travail complète et temporaire n’a vocation à s’appliquer que lors de ses périodes d’hospitalisation soit du 6 au 11 septembre 2011 ; le jugement sera donc infirmé.

Enfin si l’assuré fait valoir qu’il a de nouveau été mis en arrêt de travail pour une rechute de sa lombo-sciatique en janvier 2016, il doit être constaté qu’il ne justifie aucunement de l’incapacité de travail telle qu’exigée contractuellement pas plus que de la possibilité de bénéficier de la garantie invalidité ; en effet, il est versé à la procédure une notification de décision relative à l’attribution par la sécurité sociale d’un taux d’incapacité de 17 % à M. X à compter du 7 février 2014, taux qui ne peut lui permettre de bénéficier de la garantie invalidité mobilisable selon les conditions générales qu’à partir d’un taux de 33% . Les demandes des époux X à ce titre seront donc rejetées.

2. Sur le manquement à l’obligation d’information de l’assureur

Les époux X sollicitent la condamnation de l’assureur à leur régler la somme de 20 176 € à titre de dommages et intérêts pour correspondre aux sommes, qu’ils n’ont pu percevoir au titre de garantie pourtant souscrite et pour avoir manquer à son obligation d’information à leur égard ; l’assureur rappelle qu’il n’a commis aucune faute puisqu’il n’a jamais été en contact avec les intéressés s’agissant d’un contrat d’assurance collectif proposé directement à ses emprunteurs par la banque, qui est le souscripteur.

Alors que le Crédit immobilier de France Bretagne a souscrit pour les époux X le contrat d’assurance collectif soumis à adhésion, il est le seul débiteur à leur égard d’une obligation d’information et de conseil.

Les prétentions formées à ce titre contre l’assureur sont donc mal fondées.

3 . Sur le manquement du Crédit immobilier de France Bretagne (CIFB)

. A titre liminaire, le CIFB invoque la prescription de l’action formée par les époux X de ce chef ; il soutient qu’une telle action en responsabilité ne pouvait être initiée que jusqu’au 22 septembre 2009, la dernière adhésion étant du 22 septembre 2004 et puisque la faute reprochée est relative aux conditions d’adhésion et non pas à l’application du contrat, et donc à l’obligation d’information, qui ne perdure pas pendant toute la durée du contrat.

A raison, les époux X s’opposent à cette fin de non-recevoir alors qu’en effet en droit, le dommage résultant d’un manquement au devoir de conseil dû à l’assuré se réalise au moment du refus de garantie opposé par l’assureur.

. Les époux X reprochent à la banque de ne pas les avoir éclairés sur l’adéquation des risques couverts par les stipulations du contrat d’assurance et en observant au surplus qu’aucune notice informative n’a été annexée au contrat de prêt, une telle notice ne libérant pas au surplus la banque de son obligation de les éclairer telle qu’invoquée.

Le CIFB conclut à l’absence de faute en rappelant que les intéressés ont été destinataires d’une notice correspondant aux exigences de l’article L 312-9 du code de la consommation, annexée à leurs pièces

1 et 2 et même si le document ne s’appelle pas notice, il comprend une définition claire des garanties et un descriptif détaillé des modalités de mise en jeu de l’assurance y compris les documents à fournir et les conditions de règlement des prestations. Il précise que ce document complète les conditions générales dont les époux X ont expressément reconnu avoir été informés dans leur offre de prêt et que l’article L 312-8 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ne l’obligeait nullement à les informer de la possibilité de souscrire un contrat d’assurance auprès d’un autre assureur.

Il convient de rappeler que le banquier souscripteur d’une assurance de groupe est tenu envers les adhérents d’une obligation d’information qui dépasse la remise de la notice d’information due en matière d’assurance emprunteur. Aussi, la connaissance des stipulations contractuelles par les époux X de l’assurance groupe à laquelle ils ont adhéré, ne peut dispenser la banque, souscripteur, de les éclairer sur l’adaptation des risques couverts à leur situation, ces stipulations fussent-elles claires et précises. La banque doit effectivement faire une proposition efficace en regard de la situation de ses clients. Il est acquis que M. X, né en 1968, père de trois enfants, exerçait un emploi de magasinier cariste depuis 1990 dans la même entreprise et compte tenu des contraintes physiques d’une telle activité, le banquier se devait de l’éclairer précisément sur l’adaptation du contrat d’assurance en regard de la définition de l’incapacité de travail telle que retenue par la garantie litigieuse.

Ce manquement est à l’origine d’une perte de chance pour les adhérents d’avoir pu contracter un contrat mieux adapté à leur situation en retenant une autre définition de l’incapacité de travail et visant l’impossibilité d’exercer sa profession et non une quelconque activité professionnelle.

Cette perte de chance sera justement appréciée à hauteur de 50 %.

Alors que les époux X exposent que les sommes, qui auraient été dues contractuellement, se chiffrent à 20 176 €, sur la base d’une indemnité journalière d'/360 ème de l’annuité due par l’assuré, calcul non contesté à titre subsidiaire par la banque, il convient de les indemniser de cette perte de chance d’avoir pu contracter une assurance les faisant bénéficier de garanties plus adaptées à leur situation à hauteur de 10 088 €.

4. Sur la demande en répétition de l’indu de la MNCAP

. A titre liminaire, les époux X opposent la prescription de l’action de l’assureur en regard de la prescription biennale édictée par l’article L 114-1 du code des assurances.

Toutefois à raison, l’assureur rappelle que l’action en répétition de l’indu et quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de dispositions spéciales, aux quasi-contrats ; la fin de non recevoir doit donc être rejetée.

. L’assureur conclut à la condamnation des époux X à lui régler la somme de 6 723,53 € au titre des sommes indûment versées pour ne pas correspondre à des périodes d’incapacité à exercer une activité professionnelle aux termes des constatations de l’expert judiciaire, son erreur quant aux paiements opérés ne faisant pas obstacle à une telle répétition.

Les intimés s’opposent à cette demande soutenant que les sommes étaient dues et que les règlements ont été opérés spontanément par l’assureur et suite aux rapports sollicités à ses experts. A titre subsidiaire, ils estiment que l’erreur commise est génératrice d’un préjudice, dont l’indemnisation doit correspondre au montant de l’indu réclamé et concluent à la compensation des créances ainsi déterminées.

Il a donc été retenu ci-avant que la société d’assurance MNCAP n’avait aucune dette vis à vis des époux X compte tenu des stipulations contractuelles claires et non équivoques ; dès lors, la

demande en répétition de l’indu de la MNCAP est recevable et bien fondée. La demande de dommages et intérêts des époux X est en revanche mal fondée en l’absence de toute faute de l’assureur et d’un préjudice établi.

De plus, les époux X demandent que la banque le CIFB la relève de cette condamnation ; la banque soutient que les intéressés n’établissent aucun lien de causalité entre les sommes réclamées par la MNCAP et son manquement au devoir de conseil.

Alors qu’il a été retenu que le CIFB avait effectivement manqué à son obligation de conseil vis à vis de ses clients emprunteurs, et que la répétition de l’indu correspond aux sommes que les époux X ne peuvent percevoir compte tenu de leur perte de chance d’avoir contracté un contrat adapté à leur situation ; cette perte de chance ayant été appréciée à hauteur de 50 %, la banque les garantira de ce paiement de la répétition de l’indu à hauteur de la moitié.

5. Sur les demandes de dommages et intérêts

La demande de dommages et intérêts des époux X au titre d’une inexécution des obligations contractuelles par l’assureur est mal fondée compte tenu des constatations opérées ci-avant et le jugement déféré sera donc réformé de ce chef.

L’assureur forme une demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à hauteur de 1 500 € et d’amende civile à hauteur de 1 000€.

Alors que le tribunal a fait droit aux demandes des époux X, il ne peut être question de résistance abusive de leur part ;les demandes de la MNCPA à ce titre seront donc rejetées.

Eu égard à l’issue de la présente procédure, les dépens, comprenant notamment les frais de référé et d’expertise, seront supportés par le Crédit immobilier de France Bretagne comme y succombant au principal et une somme de 3500 € sera allouée aux époux X pour leurs frais exposés en première instance et en appel.

Par ces motifs,

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Dit n’y avoir lieu à ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture et à rejeter les conclusions des époux X notifiées le 17 avril 2019 ;

Infirme le jugement déféré et

Statuant à nouveau,

Condamne le Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Bretagne à régler la somme de 10 088 € à M. F-G X et Mme Y X à titre de dommages et intérêts ;

Condamne M. F-G X et Mme Y X à régler la somme de 6 723,53 € à la Mutuelle Nationale des Constructeurs et Accédants à la Propriété au titre de la répétition de l’indu et condamne le Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Bretagne à garantir les époux X de cette condamnation à hauteur de 50% ;

Condamne le Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Bretagne aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais de référé et d’expertise ;

Condamne le Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Bretagne à régler M. F-G X et Mme Y X la somme de 3500 € au titre des frais exposés en première instance et en appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT empêché,

Mme E

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Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 18 décembre 2019, n° 16/06579