Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 6 janvier 2017, n° 14/09412

  • Imitation de la présentation des produits·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Identité des produits ou services·
  • Pratiques commerciales trompeuses·
  • Fonction d'indication d'origine·
  • Atteinte aux droits d'auteur·
  • Usage à titre d'information·
  • Absence de droit privatif·
  • Différence intellectuelle

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La marque SWEET PANTS est valable, y compris pour les produits visés en classe 25. La conjonction des deux mots anglais, appréhendés par le public français auquel la marque est destinée, comme signifiant "pantalons doux" est éventuellement évocatrice de la matière textile douce et molletonnée du vêtement. Elle ne peut être considérée comme descriptive du produit en ce que cette locution n’est pas utilisée dans le langage courant pour désigner un pantalon de jogging ou de survêtement qui demeure largement usitée par le public français pour désigner ce type de vêtement, alors qu’au demeurant la locution anglaise équivalente serait Sweat Pants (prononcée différemment, signifiant pantalon de sudation). L’usage de la locution Sweat Pants dans un e-mail publicitaire adressé aux revendeurs de la société défenderesse ne constitue pas la contrefaçon de la marque SWEET PANTS. Cette mention en lettres d’imprimerie apparentes, positionnée à côté des photographies, associée à la marque ONLY est utilisée par la société poursuivie pour désigner, à l’égard des professionnels, la nature des produits proposés (à savoir littéralement des "pantalons de sudation" c’est à dire des "pantalons de joggings"), telle qu’elle est également employée par les sociétés demanderesses, pour désigner la nature des produits. Il ne s’agit pas d’un usage à titre de marque.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 6 janv. 2017, n° 14/09412
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/09412
Publication : PIBD 2017, 1067, IIIM-185
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 22 janvier 2016, 2014/09412
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : SWEET PANTS
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3905559
Classification internationale des marques : CL14 ; CL18 ; CL25
Référence INPI : M20170034
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 06 janvier 2017

3e chambre 3e section N° RG : 14/09412

Assignation du 16 mai 2014

DEMANDERESSES Société FREEDOM, SARL […] 92230 GENNEVILLIERS

Société SWEET PANTS, Intervenante Volontaire […] 92230 GENNEVILLIERS représentées par Me Olivier SEBBAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0406

DÉFENDERESSE Société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE, SAS […] 75009 PARIS représentée par Maître Jean-Baptiste BOURGEOIS de la SELARL B REZAC MIGNON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0111

COMPOSITION DU TRIBUNAL Béatrice F, Premier Vice-Président Adjoint Carine G, Vice-Président Florence BUTIN, Vice-Président assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier

DÉBATS À l’audience du 29 novembre 2016 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

La société FREEDOM ayant pour activité la création, la fabrication et la vente en gros de vêtements dans le domaine du sportswear, indique avoir rencontré un réel succès depuis 2012, avec le lancement d’une collection de pantalons de jogging commercialisés sous la dénomination SWEET PANTS. Elle est titulaire de la marque verbale française SWEET PANTS déposée le 16 mars 2012 sous le n°3 905 559 et enregistrée le

06 juillet 2012, pour désigner en classe 25 notamment les «Vêtements, chaussures, chapellerie» et commercialise également ses pantalons de jogging SWEET PANTS sur son site internet de vente en ligne www.sweet-pants.com.

La société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE, spécialisée dans l’achat et la revente en gros et/ou demi-gros de vêtements et accessoires de vêtements, est une filiale de la société multinationale danoise BESTSELLER. Ayant appris l’envoi par la société Bestseller Wholesale France, à ses détaillants revendeurs, d’une publicité par courriel, portant sur la vente de pantalons de jogging sous la dénomination Sweat Pants, accompagnée de photographies tirées du site internet www.sweet- pants.com représentant ses propres modèles de pantalons de jogging SWEET PANTS, la société Freedom a mis en demeure le 18 octobre 2013, puis en novembre 2013 la société BESTSELLER WHOLESALE France de cesser ces agissements. Par acte du 16 mai 2014, la société FREEDOM a fait assigner devant ce tribunal, la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE, en contrefaçon de marque, atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur et concurrence déloyale, outre mesures indemnitaires et accessoires. Le juge de la mise en état a par ordonnance du 22 janvier 2016, fait droit à la demande d’information, enjoignant à la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE de communiquer à la société FREEDOM les éléments relatifs à la masse prétendument contrefaisante. Dans le dernier état de leurs prétentions, formées suivant conclusions signifiées par voie électronique le 28 octobre 2016, la société Freedom et la société Sweet Pants, intervenante volontaire suivant conclusions du 1er décembre 2015 et à laquelle la propriété de la marque a été transférée, demandent au tribunal de : Vu le Livre VII et notamment l’article L713-3 du code de la propriété intellectuelle, Vu le Livre III et notamment l’article L122-4 du code de la propriété intellectuelle, Vu l’article 1382 du code civil, Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

— Dire et juger que la marque SWEET PANTS n° 12 3 905 559 est parfaitement distinctive pour désigner des vêtements de la classe 25,
-Dire et juger que la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de la marque SWEET PANTS au sens des dispositions des articles L713-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
-Dire et juger que la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de droit d’auteur au sens

des dispositions de l’article L122-4 du code de la propriété intellectuelle,
-Constater la mauvaise foi caractérisée et les actes fautifs de la société défenderesse commis à l’encontre de la société FREEDOM, – Dire et juger que la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire au sens des dispositions de l’article 1382 du code civil, En conséquence,
-Débouter la société défenderesse de sa demande d’annulation de la marque SWEET PANTS n° 12 3 905 559,
-Condamner la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE à verser à la société FREEDOM une somme totale de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de marque commis,
-Condamner la défenderesse à verser à la société FREEDOM une somme totale de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial résultant de l’atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur,
-Condamner la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE à verser à la société FREEDOM une somme totale de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale commis,
-Ordonner à la société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE de cesser ou faire cesser toute commercialisation par elle-même ou ses partenaires commerciaux, en France de ses « modèles de jogging mode (produit) spécialement pour la France » ou référencés « FRATI STRING LOOSE SWEAT » sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de jugement à intervenir, – Condamner la société défenderesse à verser la somme de 9.000 euros à la société FREEDOM et la somme de 3.000 euros et à la société SWEET PANTS au titre de l’article 700 du code de procédure civile, -Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie,
-Condamner la même aux dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les sociétés demanderesses exposent que :

-la marque Sweet Pants est valable, pour désigner des vêtements, car elle n’est pas descriptive, le mot anglais « sweet » ne se rapporte pas à une texture de vêtements,
-la contrefaçon de marque est caractérisée, la locution « sweat Pants » dans l’annonce litigieuse étant bien utilisée à titre de marque et non pas à titre de désignation des produits, la proximité des termes « sweet » et « sweat » d’un point de vue sonore, visuel et conceptuel générant un risque de confusion,
-la société Freedom dispose de droits d’auteur sur les photographies qui ont été utilisées par son adversaire, dont la défenderesse ne peut contester l’existence après les avoir reconnus,
-les photographies sont originales et portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur,

— la contrefaçon de droit d’auteur est établie.

-la défenderesse a commis des actes déloyaux de concurrence et de parasitisme, en s’immisçant dans le sillage de la demanderesse, en reprenant non seulement les formes particulières des pantalons de jogging, mais également, leurs imprimés et coloris, et leurs caractéristiques (bord-cotes , surpiqûre, forme passepoilée de la poche, forme de la poche arrière…) et en profitant des investissements réalisés par le demandeur,
-la masse contrefaisante est de 2640 vêtements, et la réparation au titre de la contrefaçon de marque doit être fixée à la somme de 25000 euros en considération du gain manqué, des investissements réalisés,
-la somme de 25000 euros doit être allouée pour l’indemnisation de l’atteinte aux droits d’auteur,
-la somme de 75000 euros est réclamée pour l’indemnisation des actes de concurrence déloyale,
-la demande reconventionnelle en concurrence déloyale doit être rejetée. La société défenderesse a signifié par voie électronique le 08 novembre 2016 ses dernières écritures aux termes desquelles elle demande au tribunal de : Vu les éléments de fait ci-dessus exposés et les pièces visées selon le bordereau annexé, Vu les dispositions des articles L122-2, L122-4, L131 -4, L711 -2, L 713-3 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle. Vu les dispositions des articles L232-22 et R247-3 du code de commerce, Vu les dispositions de l’article 1382 du code civil, Vu les dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile, Vu la jurisprudence, À titre principal :

-Prononcer la nullité de la marque française SWEET PANTS n° 12 3 905 559 pour les « Vêtements » visés en classe 25,
-Débouter la société Freedom et la société Sweet Pants de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société Bestseller Wholesale France. A titre subsidiaire :

-Ramener à plus juste proportion l’indemnisation sollicitée par la société Freedom, En tout état de cause :

-Condamner solidairement la société Freedom et la société Sweet Pants à payer à la société Bestseller Wholesale France la somme de 6 000 euros au titre de la concurrence déloyale,
-Débouter la société Freedom et la société Sweet Pants de leur demande d’exécution provisoire ou à tout le moins limiter cette demande aux mesures d’interdiction,
-Condamner solidairement la société Freedom et la société Sweet Pants à payer à la société Bestseller Wholesale France la somme de 14 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner solidairement la société Freedom et la société Sweet Pants aux entiers dépens dont recouvrement au profit du Cabinet Bourgeois Rezac Mignon, Avocats à la Cour, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société BESTSELLER WHOLESALE FRANCE conclut au débouté des prétentions de ses adversaires et fait valoir en substance, que :

-la marque SWEET PANTS n° 12 3 905 559 pour les « Vêtements » visés en classe 25, n’est pas valable,
-la dénomination «SWEAT PANTS» n’est pas utilisée, à titre de marque et donc, n’est pas de nature à porter atteinte à la fonction essentielle de garantie d’origine de la marque,
-le risque de confusion entre les dénominations «SWEAT PANTS» et «SWEET PANTS» n’est pas établi,
-les photographies divulguées par la société Freedom sur son site Internet, et reproduites dans le courriel litigieux, ne sont pas protégées au titre des droits d’auteur,
-la société Bestseller n’a commis aucun comportement fautif visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine de son produit avec celui commercialisé par la société Freedom,
-elle n’a commis aucun comportement fautif visant à tirer profit sans bourse déliée du succès commercial du produit «SWEET PANTS» de la société Freedom et à se placer dans son sillage,
-le préjudice subi par la société Freedom en raison des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire allégués n’est pas établi.

La procédure a été clôturée le 22 novembre 2016 et plaidée le 29 novembre 2016. MOTIFS DE LA DÉCISION 1-validité de la marque La société Freedom est titulaire de la marque verbale française Sweet Pants déposée le 16 mars 2012 sous le n°3 905 559 et enregistrée le 06 juillet 2012, pour désigner en classe 25 notamment les «Vêtements, chaussures, chapellerie». La propriété de cette marque a été transférée le 22 septembre 2014 à la société Sweet Pants.

La société défenderesse poursuit la nullité de la marque, au motif que celle-ci est dépourvue de caractère distinctif, en ce qu’elle désigne une caractéristique du produit, tandis que les sociétés demanderesses soutiennent que le public français n’interprétera pas le terme « sweet » comme une caractéristique du produit et particulièrement de la matière des vêtements. Sur ce,

En application des dispositions de l’article L711-2 b/ du code de la propriété intellectuelle, sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service. Le caractère distinctif s’apprécie à la date du dépôt (le 16 mars 2012), par rapport aux produits désignés et au public auquel la marque est destinée et s’agissant d’une marque complexe l’examen doit porter sur l’ensemble du signe et non pas sur les éléments qui le composent pris isolément.

La validité de la marque ne peut être discutée que pour les produits et services de la classe 25 visés au dépôt, car elle est manifestement distinctive pour les autres produits et services visés à savoir, les « Métaux précieux et leurs alliages ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques, montres, montres-bracelets, bracelets de montres, chaînes de montres, bijoux en métaux précieux, bijouterie fantaisie, à savoir anneaux, bagues, boucles d’oreilles, boutons de manchette, bracelets, broches, chaînes, colliers, épingles, médailles, médaillons, parures ; porte-clés de fantaisie » en classe 14 et les «articles de maroquinerie en cuir ou en imitation du cuir (à l’exception des étuis étant adaptés aux produits qu’ils sont destinés à contenir, des gants et des ceintures), portefeuilles, porte-documents, serviettes (maroquinerie), cartables, étuis pour clés, porte-monnaie (non en métaux précieux) ; malles, valises, coffres de voyage, sacs, à savoir sacs à dos, sacs à provisions, sacs de campeur, sacs d’écolier, sacs de voyage, sacs d’alpiniste, sacs de plage, sacs à main, sacs à roulettes ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » en classe 18. En l’occurrence, il s’agit d’une marque verbale composée de deux termes anglais, d’une part le mot « Pants » qui est aisément appréhendé, y compris par le public français, au regard de son niveau de connaissance de cette langue, comme signifiant « 'pantalon », ne serait-ce que parce que les mots « pants » et « pantalons » sont proches du fait de leur même syllabe première et d’autre part, du terme « sweet », qui est tout à fait compris, du fait de son utilisation dans de nombreuses locutions, telles que « Sweet Dreams » ou « Home sweet Home », comme signifiant quelque chose de « doux, sucré, suave » au sens propre et de « agréable, confortable, doux, douillet », au sens figuré. Dès lors la conjonction de ces deux mots anglais, appréhendés par le public français auquel la marque est destinée, comme signifiant « pantalons doux » est éventuellement évocatrice de la matière textile douce, molletonnée du vêtement, mais ne peut être considérée comme descriptive des produits, en ce que cette locution anglaise n’est pas utilisée dans le langage courant pour désigner "un pantalon

de jogging ou de survêtement« qui demeure largement usitée par le public français pour désigner ce type de vêtement, alors qu’au demeurant la locution anglaise équivalente serait »SwEAt Pants« (prononcée différemment, signifiant pantalon de sudation ). Dès lors la marque »Sweet Pants« ne désigne pas une caractéristique du produit. Elle est donc valable, y compris pour les produits visés en classe 25. 2- contrefaçon de marque À l’automne 2013, la société défenderesse a adressé à ses détaillants revendeurs un e-mail publicitaire annonçant la vente promotionnelle de »Sweat Pants", accompagnée de la photographie de mannequins portant des pantalons de jogging. Les sociétés demanderesses estiment que cet usage est constitutif d’une contrefaçon par imitation de la marque verbale dont la société Freedom se trouvait titulaire à l’époque.

La défenderesse conclut au rejet de ces prétentions, indiquant que la mention litigieuse n’a pas été reproduite à titre de marque, mais à titre de désignation des produits, sous une la marque ONLY, qui est l’une des siennes, à destination de professionnels de la revente de vêtements; Et qu’en outre, il n’y a pas de risque de confusion et le préjudice en résultant n’est pas établi. Sur ce, Les signes en présence étant différents, la contrefaçon doit s’apprécier au regard des dispositions de l’article 713-3 b/ du code de la propriété intellectuelle qui dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés-dans l’enregistrement". Et l’usage du signe doit porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, à savoir la garantie de l’origine des produits. Or en l’occurrence, le mail litigieux est adressé aux quelques clients revendeurs (il est dit qu’ils sont 22) de la société Bestseller France, émis depuis l’adresse internet "@bestseller" clairement apparente, annonçant l’envoi de « deux fichiers de promo ONLY », ONLY étant une des marques de la société défenderesse, identifiée comme telle par les destinataires des emails. Il comporte la mention en lettres d’imprimerie apparentes « SWEAT PANTS » positionnée à côté des photographies, associée à la marque ONLY et cette appellation est donc utilisée pour désigner à l’égard des professionnels du secteur concerné, la nature des produits proposés ( à savoir littéralement des « 'pantalons de sudation », c’est à dire des « pantalons de joggings »), telle que du reste elle est également

employée par les sociétés demanderesses elles-mêmes, pour désigner la nature des produits. Dès lors à défaut d’usage à titre de marque, l’usage de la locution Sweat Pants, n’est pas constitutive de contrefaçon. En tout état de cause, à titre superfétatoire, les produits et services sont identiques (en l’occurrence des pantalons de survêtement) et l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux- ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. S’il existe des ressemblances visuelles entre les deux locutions, en ce que chacune comprend le mot anglais « Pants » précédé des termes « Sweet » ou « Sweat » lesquels comportent strictement le même nombre de lettres, soit 5, dont 4 identiques positionnées dans le même ordre (le « S » d’attaque, puis le « W » suivi du « E » puis le « T » final) et ne diffèrent que par la 4e lettre qui est un « E » dans la marque opposée et un « A » dans l’appellation contestée.

Il y a néanmoins des différences sonores, car le premier est prononcé [ swiiit'] et le second [ swêt ], soit des phonèmes totalement différents et il existe des différences conceptuelles, car les termes «SWEAT» et «SWEET» renvoient à deux notions distinctes connues du consommateur français, à savoir pour le premier «SWEAT» la traduction du mot «sueur, sudation» et pour le second «SWEET», qui signifie «doux» et qui renvoie à la matière ou à la consistance du produit. De sorte que nonobstant la similitude de produits et les similitudes visuelles entre les signes, le public concerné, à savoir en l’occurrence le professionnel de la vente de vêtements, avisé et averti, sera à même de les distinguer, de sorte que le risque de confusion n’est pas établi. La contrefaçon de la marque n’est donc pas caractérisée et les prétentions à ce titre de la société Freedom seront rejetées. 3-existence de droits d’auteur et contrefaçon de droits d’auteur La société FREEDOM revendique des droits exclusifs d’exploitation sur les photographies divulguées sur son site internet www.sweet- pants.com et dans son Look Book Hiver 2013, qui représentent l’un de leurs modèles de pantalon de sport, sur un mannequin dans une certaine position.

dont la reproduction sans autorisation est constitutive selon elle de contrefaçon. Toutefois, quand bien même la société défenderesse aurait indiqué dans le cadre de négociations préalables à l’instance, reconnaître l’existence de droits du fait de l’originalité des clichés, ainsi que l’atteinte portée au titulaire de ses droits, il n’en demeure pas moins, que dans le cadre de la présente instance, l’originalité est contestée par la société Bestseller et en dépit des efforts de la demanderesse, pour caractériser l’empreinte de la personnalité de l’auteur, en invoquant le positionnement du mannequin, de trois quarts, la coupe de la photographie, le positionnement des jambes et des mains, il ne s’agit que d’éléments purement descriptifs, caractérisant au mieux un savoir-faire, et des choix techniques destinés à la présentation du vêtement, sans que ne soit révélée l’empreinte de la personnalité de l’auteur. La société Freedom ne peut revendiquer la protection des droits d’auteur et l’atteinte à ses droits de ce chef. 4-Sur la concurrence déloyale et parasitaire La société Freedom estime que la défenderesse a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, en commercialisant des pantalons de jogging reprenant l’ensemble des éléments caractéristiques des siens, et notamment, la coupe, la taille large et ses surpiqûres, les bords cotes sur les chevilles, les imprimés et coloris, forme passepoilée de la poche de côté les coutures de la poche arrière et ont ainsi tiré profit des investissements pour assurer sa notoriété et sa réputation. Elle soutient qu’il s’ensuit une perte de visibilité pour sa clientèle, entraînant un risque de confusion, un préjudice d’image et un détournement des lourds investissements qu’elle a consacrés pour asseoir sa réputation; Eu égard au volume des ventes réalisées par son adversaire, (2640), ses prétentions

indemnitaires (75000 euros) à ce titre et les mesures d’interdiction sont justifiées. La société Bestseller France répond que les faits allégués, au demeurant identiques à ceux invoqués au soutien des actions en contrefaçon, ne sont pas constitutifs de faute, ni ne génèrent un risque de confusion lequel est évalué au regard de l’ancienneté d’usage de l’objet, de la réalité du public concerné, de l’intensité de la reconnaissance acquise auprès de ce public, du caractère plus ou moins arbitraire, original, distinctif ou fonctionnel de cet objet, du caractère systématique ou répétitif de la copie. En outre, la marque est apparente sur chacun des produits des concurrents de sorte que le consommateur ne peut se tromper. Elle ajoute que la remise au goût du jour et à la mode, d’un vêtement aussi banal que le pantalon de survêtement, ne requiert pas d’investissements particuliers qui ne sont au demeurant pas justifiés; qu’elle-même dispose de son propre réseau, installé de plus longue date que son adversaire et bénéficiant d’une notoriété supérieure; qu’aucun préjudice n’est établi; que d’autres marques commercialisent également des joggings. Sur ce, Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1382 du code civil devenu 1240, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

En l’occurrence, nonobstant l’absence de droits privatifs de propriété intellectuelle, la reprise quasi-servile de la combinaison des éléments propres aux vêtements commercialisés par la demanderesse (les coupes, le positionnement des coutures, des poches, la taille…) et la déclinaison de plusieurs coloris et imprimés, sans obligation aucune, comme son adversaire pour un vêtement aussi banal que celui en litige, est constitutive de faute. Par contre, les actes de parasitisme ne sont pas caractérisés, en l’absence de preuve de tout investissement. En dépit de l’absence de perte significative de chiffre d’affaires, le tribunal dispose eu égard au volume des vêtements concernés (plus de 2600), des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 15000 euros, l’indemnisation du préjudice de la demanderesse en réparation des actes de concurrence déloyale. 5-Sur la demande reconventionnelle

La société Bestseller expose que l’inexécution par son adversaire de son obligation légale de dépôt annuel de ses comptes, qui est au demeurant constitutive d’une infraction pénale, en application des articles L232-22 et R247-3 du code de commerce, et la volonté manifeste de la société Freedom de tromper le consommateur en faisant référence de manière totalement artificielle et fausse à la date de 1982, pour se créer de toute pièce une histoire et une réputation, génèrent un préjudice qui justifie que lui soit allouée la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts. Les demanderesses concluent au rejet de cette réclamation, la société Bestseller ne justifiant pas d’un intérêt à agir, au titre de l’absence de publication des comptes ni d’un préjudice généré par la prétendue tromperie. Sur ce, Si les demanderesses n’ont pas effectivement procédé au dépôt des comptes (sauf en 2014 pour Freedom) et si effectivement ces faits sont susceptibles de constituer une contravention, la société défenderesse ne peut justifier d’un préjudice propre lui permettant de solliciter une quelconque indemnisation. Aux termes de l’article L 121-1 (devenu l’article L. 121-2) du code de la consommation, "une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes: l°Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent, 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : […] f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel… »

Le fait pour les sociétés demanderesses d’utiliser le chiffre 1982 pour faire accroire à l’ancienneté des sociétés et à la pérennité de l’activité commerciale, appartient à une stratégie commerciale, actuellement répandue et n’est pas de nature à tromper le public qui n’est pas dupe ni à qualifier une publicité trompeuse, de sorte que les prétentions à ce titre seront rejetées. 6-Sur les autres demandes La société Bestseller France, partie perdante, qui succombe supportera les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et elle sera également condamnée à payer aux demanderesses, la somme globale de 3000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire qui apparait nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire. PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, Déclare valable la marque verbale française Sweet Pants déposée le 16 mars 2012 sous le n°3 905 559 et enregistrée le 06 juillet 2012, pour désigner en classe 25 notamment les «Vêtements, chaussures, chapellerie», dont les sociétés Freedom puis Sweet Pants ont été successivement titulaires, Déboute la société Freedom de son action en contrefaçon de marque, Déboute la société Freedom de son action au titre de la contrefaçon de droits d’auteur sur les photographies, Dit qu’en commercialisant une gamme de pantalons de survêtement, reprenant quasi-servilement, ceux de la société Freedom, la société Bestseller France a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Freedom En conséquence. Fait interdiction à la société Bestseller France de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement, passé le délai de huit jours après la signification du présent jugement, Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte, Condamne la société Best-seller Wholesale France à payer à la société Freedom la somme de 15000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre.

Condamne la société Bestseller Wholesale France à payer à la société Freedom la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Bestseller Wholesale France aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Ordonne l’exécution provisoire.

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