Tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, 4 novembre 2020, n° 20/00205

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Me Virginie Heber Suffrin · consultation.avocat.fr · 8 juillet 2021

Les principaux moyens soulevés par les locataires affectés par la crise sanitaire Covid 19 à l'encontre de leurs bailleurs et la réponse des juges de première instance et des décisions récentes de Cour d'appel. A – Obligation de bonne foi : article 1104 du Code civil B- Perte partielle de la chose : article 1722 du Code civil C- Force majeure : article 1228 du Code civil D- Imprévision : article 1195 du Code civil E- défaut de jouissance paisible : article 1719 du Code civil F- Exception d'inexécution : article 1217 du Code civil H- Absence de cause OBLIGATION DE BONNE FOI : …

 

Village Justice · 19 novembre 2020

Les mesures de fermetures administratives adoptées par les pouvoirs publics dans le cadre du premier confinement ont provoqué de nombreux impayés de loyers commerciaux. En réponse à cette situation inédite, plusieurs moyens de défense sont invoqués par les preneurs : force majeure, perte partielle de la chose louée ou encore manquement du bailleur à son obligation de délivrance, lequel justifierait la mise en œuvre de l'exception d'inexécution par le preneur et la suspension du paiement des loyers. Analyse des décisions de justice relatives à l'exigibilité des loyers commerciaux …

 
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Sur la décision

Référence :
TJ Boulogne-sur-Mer, 4 nov. 2020, n° 20/00205
Numéro(s) : 20/00205

Texte intégral

Minute N° EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE

DU TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BOULOGNE-SUR-MER.

REPUBLIQUE FRANCAISE

Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE DE REFERE

RENDUE LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MIL VINGT

: 04 Novembre 2020 (date de prorogation) ORDONNANCE DU

: N° RG 20/00205 – N° Portalis NUMERO RG

DBZ3-W-B7E-74UXI

: Alain VANZO, Président LE JUGE DES REFERES : Isabelle BIENVENU GREFFIER

: 07 Octobre 2020 Débats tenus à l’audience du

AFFAIRE A

DEMANDERESSE

S.C.I. GALMAR, dont le siège social est […]

62230 X

représentée par Me Guillaume VIEL, avocat au barreau de PARIS, Me Alex DEWATTINE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DEFENDERESSE

S.A.S. HAUT DE CHAUSS, dont le siège social est sis […]

BLENDECQUES représentée par Me Frédéric PLANCKEEL, avocat au barreau de LILLE



EXPOSE DU LITIGE

Selon acte authentique du 31 août 2016, la société civile SACEJUHOR a donné à bail commercial à la SAS ÉTABLISSEMENTCHOCHOIX, pour une durée de neuf années, un local destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce à usage de vente de chaussures, situé dans le […]

Liane à X, moyennant un loyer annuel de 48.098 euros HT, payable mensuellement et d’avance, outre une provision sur charges égale à 10 % du loyer HT.

Par acte authentique du 29 décembre 2017, la société SACEJUHOR a vendu les locaux à la SCI GALMAR.

Selon acte sous seing privé du 4 juin 2018, la SAS ÉTABLISSEMENT CHOCHOIX a cédé le fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, à la SAS HAUT DE

CHAUSS.

Suivant exploit du 8 juillet 2020, la SCI GALMAR a fait délivrer à la SAS HAUT DE CHAUSS un commandement de payer un arriéré de loyers et charges, reproduisant la clause résolutoire stipulée au bail, pour paiement d’une somme de 15 260,40 euros, correspondant aux termes de loyer d’avril 2020, mai 2020 et juin ou juillet 2020.

Par acte d’huissier du 4 septembre 2020, la SCI GALMAR a fait assigner la SAS HAUT DE CHAUSS en référé pour demander au juge de :

- constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail ;

- ordonner l’expulsion sans délai de la défenderesse et de tous occupants de son

chef; ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués dans un garde-meuble aux frais de la défenderesse ;

- ordonner que le dépôt de garantie d’un montant de trois mois de loyers lui reste acquis;

- condamner la société HAUT DE CHAUSS au paiement :

. d’une provision de 10.378,68 euros, correspondant à un arriéré locatif arrêté

à la date du 8 juillet 2020;

d’une indemnité d’occupation provisionnelle de 5 086,80 euros par mois du 8 août 2020 jusqu’à la libération effective des lieux ;

d’une somme de 3.600 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de

procédure civile.

A l’audience, la SCI GALMAR maintient ses demandes.

La SAS HAUT DE CHAUSS demande à la juridiction, au visa notamment de l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, des articles 1719, 1728, 1219, 1302 et suivants, 1343-5 du code civil, ainsi que de l’article L. 145-41 du code de

commerce,

*À titre principal,

Mde constater qu’elle a acquitté une somme de 5 595,48 euros avant l’expiration du délai d’un mois suivant la délivrance du commandement, puis une somme de 656,36 euros à valoir sur les causes du commandement;



- de constater que la prétention de la SCI GALMAR se heurte, pour le surplus, à une contestation sérieuse ;

- de lui octroyer un délai rétroactif pour payer la somme de 656,36 euros, avec suspension des effets de la clause résolutoire ;

- de débouter en conséquence la SCI GALMAR de toutes ses demandes ;

À titre subsidiaire, si la juridiction estimait dus les loyers afférents la période de fermeture, faisait droit à la demande adverse de provision et considérait comme acquise la clause résolutoire, de lui octroyer les plus larges délais pour déférer aux causes du commandement et de suspendre les effets de la clause résolutoire ;

* En tout état de cause, de condamner la SCI GALMAR à lui payer une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste devoir les loyers d’avril et mai 2020, correspondant quasiment à la période de fermeture des lieux loués entre le 15 mars et le 10 mai 2020 inclus.

Elle fait valoir à cet égard qu’elle a été contrainte de fermer son commerce durant cette période en raison de décisions administratives prises pour lutter contre la propagation du covid-19. Elle estime que la pandémie et les mesures réglementaires adoptées en réaction par les pouvoirs publics sont constitutives d’un cas de force majeure ayant rendu impossible l’exploitation de son fonds de commerce et que la fermeture administrative dont elle a fait l’objet a empêché la bailleresse d’exécuter son obligation de délivrance des locaux loués pour l’usage convenu. Elle en déduit ne pas être tenue au paiement du loyer et des charges sur le fondement de l’exception d’inexécution.

La SCI GALMAR réplique avoir toujours délivré au preneur les locaux loués conformément à la destination prévue au bail, dès lors qu’ils sont restés constamment accessibles à la société HAUT DE CHAUSS et que leur consistance est demeurée conforme à la destination des lieux.

Elle ajoute que si l’on devait considérer qu’elle n’a pu satisfaire à son obligation de délivrance en raison des mesures gouvernementales, cette circonstance constituerait un cas de force majeure à son égard.

Elle considère enfin que l’exception d’inexécution est inapplicable au cas d’espèce pour les raisons suivantes :

. la société HAUT DE CHAUSS ne démontre pas un manquement du bailleur dans l’exécution de ses obligations, alors qu’elle-même n’a pas rempli son obligation de régler ses loyers aux termes convenus ; il n’est pas justifié d’un manquement suffisamment grave, dès lors qu’elle a toujours satisfait à son obligation de délivrance, que la société locataire n’a pas elle-même rempli ses obligations et que les reproches formulés par le preneur sont liés à l’intervention d’une mesure administrative contraignante indépendante de la volonté du bailleur et constitutive d’un cas de force majeure ;

. le principe de bonne foi contractuelle commande que le bailleur n’assume pas la charge des loyers, alors qu’il a délivré des locaux conformément à leur destination contractuelle, accessibles et utilisés par le preneur.

La SCI GALMAR s’oppose par ailleurs à l’octroi de délais de paiement à la société

HAUTS DE CHAUSS.



MOTIFS DE LA DECISION

L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile autorise le juge des référés à accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

L’article 1719 du code civil oblige le bailleur à délivrer au preneur la chose louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, étant précisé que l’obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur lui impose de livrer des biens conformes à l’usage auquel ils sont destinés.

Pour sa part, le preneur a l’obligation, selon l’article 1728 du code civil, de payer le loyer aux termes convenus.

En vertu de l’exception d’inexécution, chaque partie, dans un contrat synallagmatique, a le droit de refuser d’exécuter la prestation à laquelle elle est tenue si son cocontractant ne s’exécute pas lui-même.

Un arrêté ministériel du 14 mars 2020, auquel a été substitué un décret n° 2020 293 du 24 mars 2020, a interdit l’accueil du public dans les magasins de vente et dans les centres commerciaux jusqu’au 15 avril 2020, cette mesure ayant été ultérieurement prorogée jusqu’au 11 mai 2020.

La question de savoir si cette interdiction récente et inédite est de nature à empêcher les bailleurs d’exécuter leur obligation de délivrance, si la force majeure (ou le fait du prince qui lui est assimilé) peut avoir un effet exonératoire pour les bailleurs et si les preneurs peuvent invoquer l’exception d’inexécution pour ne plus payer les loyers correspondants fait actuellement l’objet d’analyses juridiques divergentes.

Ainsi, la réponse à cette question ne relève pas de l’évidence et ne peut être tranchée que par le juge du fond.

L’obligation de la société HAUT DE CHAUSS d’acquitter les loyers et charges contractuellement dus entre le 15 mars et le 10 mai 2020 se heurte donc à une contestation sérieuse, le surplus de la dette étant en revanche incontestable.

Par suite, la dette locative doit être liquidée comme suit en référé :

La société HAUT DE CHAUSS justifie avoir payé le terme de mars 2020, de sorte qu’elle a droit à la restitution du loyer pour la période du 15 au 31 mars 2020, soit

5 086,80 euros x 17/31 = 2 789,54 euros.

Elle était indubitablement tenue au paiement du loyer pour la période du 11 au 31 mai 2020, soit 5 086,80 x 21/31 = 3 445,90 euros.

Elle justifie avoir acquitté, dans le délai d’un mois suivant la délivrance du commandement, les termes de loyer de juin et juillet 2020.

La SCI HAUT DE CHAUSS est donc finalement débitrice de la différence entre les sommes de 3 445,90 euros et de 2 789,54 euros, soit 656,36 euros, qu’elle a réglés le 27 septembre 2020.

Le contrat de bail renferme une clause résolutoire ainsi rédigée : “A défaut de paiement à son échéance exacte d’un seul terme de loyer ou à défaut de paiement dans les délais impartis de tout rappel de loyer consécutif à une augmentation de celui-ci ou pouvant notamment être dus après révision judiciaire du prix du bail renouvelé, ou à défaut de remboursement de frais, taxes locatives, imposition, charges ou prestations qui en constituent l’accessoire ou enfin à défaut d’exécution d’une seule des conditions du présent bail (…), une mise en demeure adressée par acte extrajudiciaire resté sans effet pendant un mois, et exprimant la volonté du BAILLEUR de se prévaloir de la présente clause en cas d’inexécution dans le délai précité, le présent bail sera résilié immédiatement et de plein droit sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire (…)”.



La SAS HAUT DE CHAUSS ne s’étant pas acquittée intégralement des causes du commandement dans le mois suivant la délivrance de cet acte, le bail s’est trouvé résilié de plein droit, en application de la clause ci-dessus mentionnée.

L’article 1244-1 ancien du code civil, applicable en l’espèce dès lors que le bail a été conclu antérieurement au 1er octobre 2016, autorise le juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, à reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années.

Selon l’article L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 anciens du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, la clause résolutoire ne jouant pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Le juge peut, sur le fondement de ce texte, accorder des délais de paiement rétroactivement au débiteur de bonne foi qui, au jour de l’audience, s’est acquitté de sa dette et, constatant que la dette est acquittée, dire que la clause résolutoire

n’a pas joué.

En l’espèce, aucun élément ne permet de douter de la bonne foi de la société HAUT DE CHAUSS et la fermeture de ses commerces pendant près de deux mois a nécessairement obéré sa situation financière, tandis que la SCI GALMAR, pour sa part, ne justifie pas avoir subi un préjudice du fait du paiement différé de la somme de 656,36 euros.

Il convient donc d’autoriser rétroactivement la société HAUT DE CHAUSS à

s’acquitter de cette dette jusqu’à la présente décision, avec suspension des effets de la clause résolutoire, et, ce délai ayant été respecté, de dire que la clause résolutoire n’a pas joué.

Par conséquent, la SCI GALMAR doit être déboutée du surplus de ses demandes.

La juridiction ayant estimé les prétentions de chaque partie partiellement fondées, il est équitable de laisser à la charge de chacune d’elles les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour assurer sa représentation en justice. Pour la même raison, les dépens seront partagés par moitié entre elles.

PAR CES MOTIFS

Le juge des référés, statuant publiquement, en premier ressort et par ordonnance contradictoire,

CONSTATE que le bail conclu entre la SCI GALMAR et la SAS HAUT DE CHAUSS, portant sur des locaux sis […] à X, a été résilié de plein droit un mois après la délivrance du commandement de payer;

CONDAMNE la SAS HAUT DE CHAUSS à payer à la SCI GALMAR une provision de 656,36 euros à valoir sur un arriéré de loyers et charges ;

DIT n’y avoir lieu de statuer en référé sur le surplus de la dette locative invoquée par la SCI GALMAR ;

AUTORISE rétroactivement la SAS HAUT DE CHAUSS à s’acquitter de la somme de 656,36 euros jusqu’à la présente décision ;

SUSPEND les effets de la clause de résiliation de plein droit du bail pendant le cours de ce délai ;

DIT que la résiliation de plein droit du bail n’a finalement pas joué ;



REJETTE en conséquence le surplus des demandes de la SCI GALMAR ;

DEBOUTE chaque partie de sa demande en paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles ;

PARTAGE par moitié les dépens entre la SCI GALMAR et la SAS HAUT DE CHAUSS.

Le Président La Greffière Alain VANZO Laurence GODART

POUR EXPEDITION CONFORME

DELIVREE par le GREFFIER soussigné

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