Tribunal Judiciaire de Paris, 27 juillet 2021, n° 20/13248

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 27 juill. 2021, n° 20/13248
Numéro(s) : 20/13248

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS 1

1/4 social

N° RG 20/13248 N° Portalis 352J-W-B7E-CTPSB

N° MINUTE : JUGEMENT rendu le 27 juillet 2021

CONDAMNE P.V.

Assignation du : 24 décembre 2020

DEMANDERESSE

ASSOCIATION CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) […]

représentée par Maître Erkia NASRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0060

DÉFENDERESSE

S.A. ORANGE […]

représentée par Maître Samuel SAUPHANOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0116

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PhilippeVALLEIX, Premier Vice-Président Agnès HERZOG, Vice-Présidente Aurélie GAILLOTTE, Vice-Présidente

assistés de Fathma NECHACHE, faisant fonction de Greffier lors des débats et de Patrick MEINIER, faisant fonction de Greffier lors de la mise à disposition

Expéditions exécutoires délivrées le:

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Décision du 27 juillet 2021 1/4 social N° RG 20/13248 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTPSB

DÉBATS

A l’audience du 04 mai 2021 tenue en audience publique devant Aurélie GAILLOTTE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort

__________________________

EXPOSÉ DU LITIGE

L’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) est une association agréée de défense des consommateurs ayant essentiellement pour objet de promouvoir et d’appuyer les actions individuelles ou collectives des consommateurs et usagers tendant à garantir la reconnaissance et le respect de leurs droits ainsi que la défense de leurs intérêts individuels et collectifs. Comptant plus de 30.000 adhérents, elle fédère un réseau de 430 associations locales réparties en 73 unions départementales. Elle assure ainsi au plan national la représentation des intérêts collectifs des consommateurs dans de nombreuses actions et instances.

La S.A. ORANGE exerce à titre principal, sous le contrôle public de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP), une activité de services de communications électroniques dont elle est le principal opérateur en France. En ce qui concerne particulièrement les activités de téléphonie mobile, elle fournit un accès haut voire très haut débit à l’internet mobile au moyen de la nouvelle technologie du réseau de la cinquième génération dite de la « 5G » via les forfaits mobiles « 4G » « compatibles 5G » aujourd’hui connus sous la dénomination « 4G/5G » qu’elle commercialise depuis le 18 novembre 2020. Il ressort de son rapport financier annuel de 2019 qu’elle détient une clientèle française ayant souscrit une offre d'« Internet haut débit » de près de 12 millions de consommateurs.

Arguant que la commercialisation par la S.A. ORANGE des forfaits « 4G/5G » depuis son site Internet « https://boutique.orange.fr » comporte des conditions constitutives de pratiques commerciales trompeuses, notamment en ce que l’information tenant à la disponibilité géographique du réseau 5G apparaitrait floue et confuse, l’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) a, par acte d’huissier de justice signifié le 24 décembre 2020, assigné, suivant la procédure d’assignation à jour fixe, la S.A. ORANGE en cessation de pratiques commerciales trompeuses et en réparation du préjudice collectif des consommateurs devant le Tribunal judiciaire de Paris.

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Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique par le Réseau privé virtuel avocats (RPVA) le 23 mars 2021, l'association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) a demandé de :

· au visa de l’article L.811-1 du code de la consommation, des articles L. 621-1 et suivants du code de la consommation, des articles L.121-1 et suivants du code de la consommation, des articles L.224-30 et suivants du code de la consommation, de l’arrêté du 16 mars 2006 relatif aux contrats de service de communications électroniques et de l’article 1240 du code civil ;

· déclarer l’association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) recevable et bien fondée en son action et y faire droit ;

· en conséquence ;

· constater que la société ORANGE met en œuvre une pratique commerciale trompeuse dans le cadre de la commercialisation de ses forfaits mobiles « 4G/5G » ;

· enjoindre la société ORANGE de cesser d’utiliser l’expression « Forfait 4G/5G » sans faire figurer dans des conditions de présentation identiques à celle de la dénomination « Forfait 4G/5G » les mentions restreignant l’usage de ces forfaits et les conséquences de ces restrictions en termes d’accès au réseau 5G et de débits, dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 10.000 € par jour de retard à l’expiration de ce délai ;

· condamner la société ORANGE à payer au profit à l’association CLCV la somme de 2.000.000 € en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs ;

· condamner la société ORANGE à la publication d’un communiqué judiciaire dans les journaux Le Point, Le Monde et Le Figaro aux frais de la défenderesse, à concurrence de 10.000 € par insertion ;

· dire que le contenu du communiqué judiciaire à publier sera le suivant : « A la requête de l’association CLCV, par jugement en date du

…, le Tribunal Judiciaire de Paris a condamné la société ORANGE pour avoir mis en œuvre une pratique commerciale trompeuse : En l’espèce, pour avoir sciemment omis, dans le cadre de la commercialisation des Forfaits « 4G/5G », de présenter dans des conditions satisfaisantes les restrictions d’usage apportées à ce service, telle que l’éligibilité au réseau 5G ou les débits réellement disponibles. Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs » ;

· dire que ce texte devra être publié dans une taille de caractère qui ne soit pas inférieure à 12, et que l’intitulé devra apparaître en lettres majuscules, en caractères gras et en couleur rouge ;

· dire que cette publication devra intervenir dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, à peine d’une astreinte de 10.000 € par jour de retard constaté ;

· dire que ce communiqué judiciaire devra être publié sous cette forme sur la page d’accueil du site Internet de la société ORANGE et au niveau de la ligne de flottaison autrement

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appelée l’ancrage, accessible à partir de : « https://boutique.orange.fr », aux frais de la défenderesse, et ce pendant un délai d’un mois minimum ;

· dire que cette publication devra intervenir dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous peine d’une astreinte de 10.000 € par jour de retard constaté ;

· ordonner la publication de ce même communiqué judiciaire sur les pages d’accueil de ses applications mobiles, sur la page d’accueil de ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn et tout autre réseau qu’il plaira au Tribunal de désigner) en tant que publication épinglée (ou le cas échéant tweet épinglé), pendant une période de trois mois consécutifs ;

· débouter la société ORANGE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

· condamner la société ORANGE à payer au profit de l’association CLCV une indemnité de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

· condamner la société ORANGE aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Erkia NASRY, Avocat au barreau de Paris, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 06 avril 2021, la S.A. ORANGE a demandé de :

· au visa des articles L.121-1, L.121-2 et L.121-3 du code de la consommation, de l’article 1240 du Code civil et des articles 6 et 9 du code de procédure civile ;

· constater que l’offre commerciale d’Orange concernant les forfaits « 4G/5G » n’est pas constitutive d’une pratique commerciale trompeuse ;

· constater la carence probatoire de la CLCV dans la démonstration du préjudice dont elle entend obtenir réparation ;

· constater que la CLCV a procédé à une communication publique fautive autour de son action ayant pour effet de discréditer les services proposés par Orange dans l’esprit du public ce qui a causé un important préjudice à Orange ;

· en conséquence ;

· déclarer que l’action de la CLCV est mal-fondée ;

· débouter la CLCV de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

· condamner, la CLCV à payer à la société Orange la somme de 50.000 euros au titre du préjudice subi par cette dernière du fait du dénigrement injustifié commis par la CLCV à l’encontre de l’offre commerciale d’Orange ;

· ordonner la publication dans un délai d’un mois à compter de la publication du jugement à intervenir dans trois quotidiens nationaux, dans trois revues spécialisées au choix d’Orange et aux frais de la demanderesse et sur le réseau social Twitter via le compte officiel de la CLCV, pour un montant maximum de 10.000 euros H.T. par publication, d’un communiqué judiciaire qui pourrait être le suivant : « COMMUNIQUE JUDICIAIRE : Par jugement en date du [__], le tribunal judiciaire de Paris a

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ordonné la publication du présent communiqué, aux frais de l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV), afin d’informer le public que l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie, dans le cadre d’une campagne de communication menée en 2020 et 2021 au sujet d’une action en justice qu’elle a intentée à l’encontre d’Orange, a accusé Orange de certains faits inexacts – notamment en affirmant à tort qu’Orange n’aurait pas informé les consommateurs des conditions de disponibilité de son réseau 5G de façon appropriée » ;

· ordonner également, dans le même délai et sous une astreinte de 5.000 euros par jour de retard, l’affichage pendant une durée de trente jours consécutifs de ce communiqué judiciaire, sur la page d’accueil du site internet de la CLCV, accessible à l’adresse « https://www.clcv.org » en caractères très apparents ;

· condamner, la CLCV à payer à la société Orange la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

· condamner, la CLCV aux entiers dépens ;

· dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la décision en tout ou en partie.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l’appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie DISCUSSION de la présente décision.

Après évocation de cette affaire et clôture des débats, lors de l’audience civile collégiale du 04 mai 2021 à 14h00 au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés, la décision suivante a été mise en délibéré au 06 juillet 2021, prorogée au 27 juillet 2021.

DISCUSSION

1/ Contexte et principes applicables

Constituant l’un des premiers opérateurs du monde numérique en France, l’activité de la société ORANGE est principalement dédiée à la fourniture de services de téléphonie fixe (anciennement France Telecom), d’Internet haut et très haut débit et de divers services personnels de communication tels les forfaits mobiles. C’est dans le cadre d’une démarche de révolution technologique se voulant toujours plus évolutive et novatrice dans le marché de l’accès à l’Internet mobile qu’elle entreprend actuellement le déploiement de la nouvelle technologie dite 5G sur l’ensemble de ses réseaux.

Le nouveau réseau 5G qui entend se substituer à l’actuel réseau 4G, permettant déjà l’accès à Internet à « très haut débit mobile », a pour objectif d’offrir des débits encore plus élevés (ou ultrarapides) ainsi que de nouveaux usages. Présenté par la société ORANGE comme la cinquième génération de standards pour la téléphonie mobile, il est censé apporter des innovations majeures dans le fonctionnement des réseaux mobiles à destination du grand public et des entreprises. Présenté par l’ARCEP comme une « génération de rupture », un « saut de performances en termes de débit » ou encore un « véritable “facilitateur“ de la numérisation de la société », il vise ni

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plus ni moins à révolutionner l’utilisation de l’Internet mobile au quotidien, tant par son extrême rapidité que par le surcroît d’amplification et de diversification des applications et usages de l’Internet.

Pouvant se déployer sur les bandes de fréquence 4G existantes, le réseau 5G aura pour effets, soit de diviser les bandes de fréquences 4G en vue d’un partage de flux, soit de se substituer à elles. Cette imbrication technique et opérationnelle procède d’une technologie 5G dite « stand-alone » lorsqu’il s’agit d’un cœur de réseau 5G et d’une technologie 5G dite « non stand-alone » lorsqu’il s’agit d’un cœur de réseau 4G. La technologie 5G dite « non stand-alone » nécessite donc de se connecter préalablement sur un réseau 4G. La société ORANGE estime que ce dispositif d’imbrication technique et opérationnelle est un choix indispensable.

Lors de la procédure d’attribution des bandes de fréquences 5G organisée par l’ARCEP, la société ORANGE a pu ainsi faire l’acquisition de 90 MHz de bandes de fréquences dans la bande 3,4 – 3,8 GHz ainsi que des fréquences du haut de la bande 3,4 – 3,8 GHz (offrant les débits les plus élevés). Elle bénéficie ici de la quantité de spectre la plus importante en raison de ses investissements supérieurs à ceux de ses concurrents. C’est dans ces conditions que la société ORANGE a commencé de mettre en œuvre la phase de déploiement de son réseau 5G sur l’indicatif 3,5 GHz, ce déploiement devant intervenir en plusieurs étapes sur plusieurs années.

La politique de déploiement de cette nouvelle technologie de la communication vise quelque 3000 sites pour 2022 et quelque 8000 sites pour 2024. Elle est d’ores et déjà accessible depuis 742 sites sous réserve d’être équipé d’un terminal compatible 5G. Elle a ainsi commencé de commercialiser à compter du 18 novembre 2020 des « forfaits mobiles 4G compatibles 5G », dénommés par contraction : « 4G/5G ». Ces offres contractuelles résultent soit de ses 562 boutiques physiques, soit de sa boutique en ligne. Il en résulte donc une différence tarifaire entre l’offre de forfait mobile 4G préexistante et la nouvelle offre de forfait mobile 4G/5G, qui comporte au demeurant une gamme de services supplémentaires.

Rappelant l’obligation générale faite aux fournisseurs de communications électroniques d’assurer une information loyale ainsi que la plus complète et transparente possible afin de permettre un choix libre et éclairé des consommateurs, l’association CLCV considère que la multiplication des offres de souscription de contrat 4G/5G par la société ORANGE sur son site Internet http://boutique.orange.fr s’inscrit dans plusieurs pratiques commerciales trompeuses, au visa des textes suivants :

- l’article L.121-1 du code de la consommation, résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui dispose que : « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.

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Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L.121-2 à L.121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L.121-6 et L. 121-7. » ;

- l’article L.121-2 du code de la consommation, résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui dispose que : « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ; e) La portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable. » ;

- l’article L.121-3 du code de la consommation, résultant de l’ordonnance n° 2017-303 du 21 février 2017, qui dispose que : « Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d’espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des

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informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d’autres moyens. Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l’achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :

Les caractéristiques principales du bien ou du service ;

2° L’adresse et l’identité du professionnel ;

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s’ils ne peuvent être établis à l’avance ;

4° Les modalités de paiement, de livraison, d’exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu’elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d’activité professionnelle concerné ;

5° L’existence d’un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi. ».

En lecture des dispositions législatives qui précèdent, la notion de pratique commerciale trompeuse, qui s’intègre dans la notion plus large de pratique commerciale déloyale (de même que celle de pratique commerciale agressive), répond à un double critère cumulatif portant, d’une part sur la contrariété aux exigences des obligations de diligence du professionnel concerné, et d’autre part sur le fait d’altérer ou susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service, conformément aux dispositions précitées de l’article L-121-1 du code de la consommation. La loi distingue ainsi les pratiques commerciales trompeuses par action relevant de l’erreur (article L.121-2 du code de la consommation) des pratiques commerciales trompeuses par omission délibérée d’informations substantielles ou dissimulation de véritable intention commerciale (article L.121-3 du code de la consommation).

Il convient préalablement de rappeler que l’association CLCV a effectivement la charge d’établir la preuve des faits qu’elle allègue et pour lesquels elle fait état de griefs au nom de l’intérêt collectif des consommateurs, en application des dispositions de portée générale des articles 6 et 9 du code de procédure civile. Il n’est pas pour autant nécessaire que les agissements qu’elle incrimine comme tels soient sanctionnables par la loi pénale en référence aux articles L.132-1 et suivants du code de la consommation, eu égard précisément à la libre option de l’engagement de l’action en justice par la seule voie civile. Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale objecté par la société ORANGE sera en conséquence écarté, les fautes invoquées et mises en débat par l’association CLCV devant entièrement demeurer dans le registre du droit civil.

Sur le plan probatoire, l’association CLCV fonde sa démonstration sur deux constats d’huissier de justice de captures d’écran de différentes pages du site Internet litigieux, respectivement établis le 15 décembre

2020 par Me Fabien Tommasone, Huissier de justice à Paris, et le 3 mai

2021 par Me Benjamin Cohen, Huissier de justice à Paris. Ces constats en la forme authentique de captures d’écran seront donc librement

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discutés sous réserve simplement qu’ils présentent les caractères suffisants et nécessaires de clarté et d’intelligibilité. Les captures d’écran ou les deux constats d’huissier de justice produits par la société ORANGE à partir de son site Internet sont sans incidences dans la mesure où les agissements incriminés par l’association CLCV à partir de ses propres captures d’écran par constats d’huissier de justice suffisent à justifier son action préventive en cessation de pratiques illicites dès lors qu’ils sont matérialisés, que leur qualification de pratiques commerciales trompeuses est retenue et qu’ils sont donc susceptibles de se reproduire. Il convient par ailleurs de rappeler que seules les dernières conclusions récapitulatives de chacune des parties sont examinés dans le cadre de la présente discussion.

2/ Sur les allégations de pratiques commerciales trompeuses

À l’appui de ses allégations de pratiques commerciales trompeuses, l’association CLCV expose d’abord que, parmi les offres de forfaits 4G/5G présentées aux côtés des offres de forfaits 4G sur son site Internet http://boutique.orange.fr, les offres portant sur les forfaits 4G/5G pour 70 Go prévoient un abonnement mensuel de 24,99 € pendant les 12 premiers mois d’engagement obligatoire, alors que des forfaits 4G pour 70 Go, strictement identiques aux forfaits 4G/5G, sont commercialisés au prix de 19,99 € par mois pendant les 12 premiers mois d’engagement obligatoire. Elle en déduit que l’accès au réseau 5G est donc facturé pour 5,00 € de plus par mois pour une offre identique ne mentionnant pas cette caractéristique.

En l’occurrence, si la seule différenciation possible entre ces deux offres similaires à 70 Go s’objective par l’accessibilité à la technologie 5G, la société ORANGE réplique à juste titre à ce sujet que la différence de conception des forfaits 4G et 4G/5G ressort clairement de cette page Internet, chacune de ces offres à 70 Go étant présentée respectivement sous l’intitulé « Les forfaits 4G/5G » et sous l’intitulé « Les forfaits 4G ». En tout état de cause, le consommateur ne peut raisonnablement ignorer le principe et l’incidence du surcoût d’acquisition d’un équipement terminal dédié en cas d’option pour le dispositif 5G.

L’association CLCV considère également qu’il existe une situation de pratique ou de stratégie déloyale consistant à associer les deux réseaux

4G et 5G dans l’offre de services 4G/5G. À ce sujet, il apparaît d’une façon suffisamment claire que le consommateur est correctement informé du fait que le déploiement du réseau 5G porte tant sur un réseau propre constitué ou en cours de constitution que sur des bandes de fréquence prises sur le réseau 4G existant. Cette imbrication technique et opérationnelle, qui se décline actuellement en technologie

5G dite « stand-alone » lorsqu’il s’agit d’un cœur de réseau 5G et en technologie 5G dite « non stand-alone » lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’un cœur de réseau 4G, n’apparaît donc pas constitutive des agissements incriminés de pratiques commerciales trompeuses. Il n’y a en conséquence pas lieu de considérer que le couplage des accès Internet mobile 4G et 5G dans certaines parties du territoire français pose en soi des difficultés par rapport à la sincérité et l’exactitude de l’information donnée, seule posant question l’accès rapide et fluide à l’information nécessaire et suffisante pour le consommateur quant à la cartographie de ces zones où le réseau propre 5G est encore inexistant. En conséquence des motifs qui précèdent, la dénomination « forfaits

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4G/5G » n’apparaît pas en elle-même source de confusion et donc de pratique commerciale trompeuse.

Ainsi, l’association CLCV fait à juste titre observer que les mentions restrictives relatives à la limitation géographique de l’accès au réseau 5G, dont les conditions actuelles de mise en œuvre n’assurent par définition qu’une couverture encore très partielle du territoire français, d’une part ne figurent pas dans le corps même du texte de présentation de cette offre, ne fut-ce que par l’aménagement d’un lien hypertexte, et d’autre part ne font l’objet de mentions complémentaires qu’en fin de présentation de ces offres (après déroulé de 9 pages). Ces mentions demeurent selon elle imprécises en ne listant pas les zones géographiques où cette couverture est effectivement assurée, celles où elle ne l’est pas et celles où elle est en passe de l’être.

Il existe donc bien à ce sujet, par défaut de précisions au moyen d’une carte de couverture géographique en accès direct du réseau 5G, une situation de mentions restrictives constitutives d’un déficit de loyauté venant limiter la portée de l’engagement de l’annonceur sur une caractéristique essentielle, en l’occurrence l’accessibilité et la disponibilité mêmes de la technologie 5G faisant l’objet entier de cette offre contractuelle suivant le lieu de résidence de la personne potentiellement intéressée.

À ce stade de l’information du consommateur, il existe indéniablement une offre commerciale qui n’est en réalité que partiellement présentée dans la mesure où le réseau 5G ne couvre pas la totalité du territoire français, alors qu’il s’agit d’une publicité diffusée au niveau national et que la période d’engagement obligatoire de 12 ou 24 mois rend de plus visiblement improbable l’effectivité en tout ou en partie de cette offre suivant le lieu de résidence du souscripteur. Il apparaît pourtant aisément loisible à l’opérateur numérique de communiquer, au besoin par un lien hypertexte, une liste ou une carte périodiquement actualisées de chacune des communes bénéficiant de manière complète et dûment finalisée de la couverture de cette nouvelle technologie de l’information et de la communication.

En ce sens, il n’est pas contestable que la société ORANGE a mis en ligne un dossier d’information sur l’ensemble des thématiques de la nouvelle technologie 5G afin de fournir l’information complémentaire nécessaire, notamment sur les trois conditions restrictives que sont la souscription d’un forfait 5G, la possession d’un téléphone compatible 5G et l’existence d’un réseau 5G. Mais il n’en demeure pas moins qu’elle ne justifie pas dans cette rubrique de l’accès à cette carte de couverture géographique mentionnant clairement les réseaux existants et les réseaux en cours de constitution. Cette rubrique se borne en effet à indiquer à ce sujet d’une manière beaucoup trop générale que « Le déploiement de la 5G Orange est réalisé progressivement sur toute la France. / (…) », renvoyant à deux sites Internet distincts pour connaître la couverture du réseau 5G (réseaux. orange.fr et site de l’ARCEP). Contrairement aux objections de la société ORANGE à ce sujet, celle-ci ne justifie pas que « (…) la carte de couverture 5G est accessible en un clic depuis la page des offres mobiles. ». En définitive, force ici est de constater que le renvoi à un autre site Internet, y compris par un lien direct, sur cette caractéristique pourtant essentielle excède pour l’utilisateur ordinaire d’Internet les limites et sujétions usuelles de la consultation d’un site Internet par divers liens hypertextes.

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Décision du 27 juillet 2021 1/4 social N° RG 20/13248 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTPSB

À cette imprécision sur l’effectivité et l’actualité de la couverture du territoire français par le réseau 5G, s’ajoute celle relative aux grands axes calendaires de déploiement qui participent aussi d’une information beaucoup trop générale, et donc insuffisamment utile et loyale, par rapport aux véritables enjeux contractuels et financiers que constituent pour les consommateurs les court délais d’engagement obligatoire de 12 à 14 mois. Cette imprécision se constate également par rapport aux zones géographiques particulières sur lesquelles ils peuvent être amenés à souscrire des forfaits 4G/5G sur des critères qui sont par définition strictement personnels.

Il en résulte donc pour le consommateur en général tout un ensemble de griefs standards du fait de la privation de possibilité de souscrire un forfait 4G Orange moins onéreux sur une technologie pouvant s’avérer en définitive seule disponible pendant toute la durée de la période d’engagement obligatoire, de souscrire un forfait 5G auprès d’un autre opérateur estimé plus complet et plus loyal quant à l’information sur la disponibilité de son réseau 5G ou de s’abstenir de toute souscription jusqu’à plus ample informé sur le forfait 4G/5G en évitant par là-même l’achat inutile du terminal nécessaire pour la connexion 5G.

Il convient ici de préciser que ce n’est pas le caractère emphatique ou hyperbolique du texte attractif par rapport à la plus grande sobriété du texte figurant en aval sur conditions restrictives qui est en cause, cette pratique publicitaire étant usuellement admise sous réserve de ne pas dépasser certaines limites qui s’apprécient au cas par cas, mais l’impossibilité d’accéder immédiatement à une carte de couverture géographique normée (en référence à l’ARCEP) et actualisée du réseau 5G actif ou en cours de constitution. Cette condition d’accessibilité et de disponibilité constitue pourtant une caractéristique essentielle de l’offre contractuelle. Dès lors, les éléments de confusion et de présentation de nature à induire en erreur, constitutifs de la publicité commerciale trompeuse au sens des dispositions précitées de l’article L.121-2/1°&2° du code de la consommation, ne peuvent que persister.

L’association CLCV fait à juste titre observer que l’insertion en cours de procédure de la carte de couverture du réseau 5G dans le site Internet de la société ORANGE demeure insuffisante en termes d’information utile et loyale du consommateur. En effet, en dépit d’indications visiblement suffisantes sur les niveaux de qualité en GHz, cette carte faisant apparaître 27 villes bénéficiant de ce nouveau réseau s’avère en réalité trompeuse dans la mesure où le lien « I » [information] situé en bas à droite précise que plusieurs de ces villes signalées ne sont en réalité pas couverte par le réseau et qu’elles ne le seront que « prochainement ». Ni le légendage sur la carte, ni le texte de renvoi par le lien hypertexte ne permettent de distinguer les villes ou zones où le réseau 5G et actifs de celles où il n’est qu’en passe de l’être.

En tout état de cause, force est de constater que cette carte de couverture n’est pas conforme au standard préconisé en la matière par l’ARCEP dans un communiqué de presse du 22 octobre 2020, qui n’a certes pas valeur normative mais qui liste avec légitimité l’ensemble incompressible des informations nécessaires aux consommateurs tout en tenant compte des sujétions techniques des opérateurs, recommandant en la matière de :

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1. Elaborer et publier des cartes de disponibilité du service 5G

2. Faire apparaître un titre est une légende

3. Être transparent sur la méthodologie utilisée pour élaborer la carte : préciser qu’il s’agit d’une carte de couverture simulée par ordinateur à partir de la localisation des sites 5G activés à date (ou jusqu’à xx/202x, le cas échéant), de la topographie, etc.

4. Rappeler la nécessité en marge de la carte pour accéder à un service 5G, de disposer d’un terminal compatible 5G

5. Si volonté d’afficher une carte de couverture prévisionnelle, afficher la temporalité de cette carte (« carte de couverture à x mois ») et afficher également une carte de couverture à l’instant T

6. Indiquer comme couvertes uniquement les zones où une partie du débit est effectivement portée par la 5G (ce qui implique que lesdites zones soient couvertes avec la fréquence d’ancrage)

7. Faire des cartes de couverture permettant de refléter le niveau de qualité de service accessible avec un terminal et un forfait 5G. Ne répondrait pas à cette exigence une carte 5G qui mêlerait des bandes de fréquences très différentes comme la 3,5 GHz d’une part et les autres fréquences d’autre part, sauf à dégager de manière pertinente pour l’utilisateur au moins deux niveaux de service sur la carte (par exemple des niveaux de débits).

En l’occurrence, il importe de constater que cette carte de couverture qui a été finalement insérée dans le site litigieux à titre de régularisation reste en décrochage important avec ces recommandations pourtant minimales de l’ARCEP, faute notamment de transparence sur la méthodologie utilisée pour élaborer la carte, de précisions sur les dates de référence pour l’affichage des villes désignées comme étant couvertes par le réseau 5G, de précisions dès lors suffisantes sur la question de savoir si les villes signalées sont d’ores et déjà couvertes ou en passe de l’être, de mention de la carte suivant laquelle il est nécessaire de disposer d’un terminal compatible 5G, de temporalité quant à l’affichage de la carte. Il est par ailleurs pour le moins surprenant que cette rubrique informative (fenêtre « I » en bas à droite de la carte) renvoie à une mention suivant laquelle « les informations sur les communes à ouvrir prochainement sont délivrées à titre indicatif et n’ont pas de valeur contractuelle ». Le seuil d’informations suffisantes et nécessaires résultant de cette démarche de mise en conformité apparaît donc encore trop conjectural sur cette question particulière.

Par ailleurs, en dépit du fait que l’association CLCV convient dans ses écritures que la qualité technique et opérationnelle du service proposé par la société ORANGE n’est pas en cause en elle-même et qu’elle ne disconvient pas que le choix de la bande 3,5 GHz est optimal, seuls étant mis en débat le caractère trompeur et la déloyauté des conditions de commercialisation des forfaits 4G/5G, l’indication par cette dernière d’un « débit maximum théorique » apparaît insuffisante, faute de toute mention d’un engagement portant concomitamment sur des débits minimums. Il a en effet été déjà jugé à ce sujet que le niveau de qualité minimum garanti sur le débit attendu du consommateur s’inscrit dans les caractéristiques techniques essentielles du contrat, conformément à l’article 1 de l’arrêté du 16 mars 2006. Ce texte réglementaire imposeer à l’opérateur numérique de faire apparaître dans le contrat de services

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de communications électroniques le niveau de garantie minimum pour chacune des caractéristiques techniques essentielles définies dans l’offre, telles que le débit. Ces dispositions réglementaires sont elles- mêmes applicables au visa de l’article L.224-30 du code de la consommation. Cette obligation spécifique s’inscrit en tout état de cause dans l’obligation générale de résultat visant à garantir la qualité des services et la quantité des débits annoncés, en termes de caractéristiques essentielles lors de la diffusion de l’offre contractuelle ou de la souscription du contrat.

Contrairement à ce qu’indique l’association CLCV, il n’y a pas lieu de considérer que la page sur laquelle figure d’abord la mention commerciale de haut d’encart « Profitez dès maintenant de la 5G » occulte ou neutralise les mentions conditionnelles ou restrictives situées juste en dessous. Ce second texte de mentions spécifie que la technologie 5G n’est toutefois accessible qu’avec un forfait 4G/5G, un téléphone compatible 5G et dans une zone couverte par le réseau 5G. Les différences de taille de caractères et de couleurs entre ces deux ordres de mentions n’apparaissant pas déterminantes, pas plus d’ailleurs que pour l’ensemble des autres rubriques mises en discussion par l’association CLCV au titre du site Internet litigieux. Par ailleurs la mention « sur une zone couverte par le réseau 5G » apparaît suffisamment incitative pour amener le consommateur à réaliser qu’il lui appartient de pousser davantage sa consultation afin de savoir plus précisément s’il peut bénéficier du réseau 5G sur la zone territoriale qui l’intéresse, sous réserve toutefois d’un accès ensuite facile, immédiat et effectif à la carte de couverture. Tel n’est pas le cas sur le site Internet litigieux pour les motifs précédemment énoncés.

En revanche, force est de constater qu’en cliquant sur le lien général « Tout savoir sur la 5G », le consommateur qui consulte le site accède à un dossier relatif à la thématique de la 5G mais ne débouche pas sur un listage ou une cartographie des zones géographiques où cette couverture est effectivement assurée, ainsi que cela résulte des motifs qui précèdent. La question du délai de desserte de la zone pouvant intéresser le consommateur apparaît par contre sans incidence dans la mesure où l’absence de desserte de son lieu de résidence rend sans objet pour lui cette question dans le cadre de cette offre contractuelle. Le fait que cette carte de déploiement ait été ultérieurement insérée dans le site durant le mois de janvier 2021 n’enlève en rien le caractère illicite de ce déficit d’information constaté en décembre 2020 sur la base d’une offre contractuelle en cours. Cette mise en conformité ultérieure n’efface pas la commission du préjudice ayant été occasionné à l’intérêt général et collectif des consommateurs, même si son caractère le cas échéant systémique n’est pas établi.

Les mentions rectificatives ayant été insérées par la société ORANGE afin d’informer les consommateurs sur les conditions d’accès au réseau 5G à l’aide des forfaits 4G/5G le sont désormais sous un lien hypertexte insuffisamment intitulé « Mentions ». Ce libellé ne permet effectivement aucunement de comprendre que ce lien renvoie à l’ensemble des informations nécessaires quant à la limitation de la portée des offres contractuelles au regard de la disponibilité et de l’accessibilité du réseau 5G en cours de constitution. Ces mentions restrictives au regard de la limitation de l’engagement contractuel de l’opérateur numérique apparaissent dès lors dissimulées sous un intitulé libellé de manière trop banale. L’intitulé même de cette nouvelle

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rubrique apparaît donc objectivement trompeur et déloyal, l’ensemble des renseignements relatifs à la restriction des engagements contractuels justifiant objectivement un intitulé beaucoup plus explicite. Par ailleurs, l’usage des astérisques ne renseigne pas mieux que la simple mention « Mentions » sur l’existence de la cartographie du déploiement du réseau 5G de la société ORANGE.

La fiche d’information standardisée, insérée le 30 décembre 2020 par la société ORANGE afin de permettre par un lien hypertexte de connaître un certain nombre d’informations utiles supplémentaires, ne contient pas davantage de précisions sur les zones géographiques ayant fait ou devant faire l’objet du déploiement technique du réseau 5G, cette mention demeurant donc en tout état de cause insuffisante. Le dossier d’information sur la thématique de la 5G ne contient pas non plus d’informations concrètes et précises sur la disponibilité du réseau 5G suivant les zones de couverture susceptibles d’intéresser les consommateurs. Ainsi que cela est déjà été énoncé, il demeure pourtant aisément loisible à l’opérateur numérique de renseigner le consommateur en temps réel et avec actualisation périodique sur les zones d’ores et déjà actives ou en passe de l’être pour la souscription des forfaits 4G/5G.

En tout état de cause, ce type d’information n’a pas à se borner à figurer dans une Foire aux questions (FAQ). Enfin, la diffusion à compter du 28 février 2021 d’une cartographie des sites couverts commercialement et techniquement par la société ORANGE demeure tardive. L’accès à cette carte géographique de couverture n’est en plus pas situé à proximité immédiate des offres contractuelles litigieuses.

Sur la tardiveté de la diffusion de cette cartographie, il convient de rappeler les dispositions de l’article D.98-6-2 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), suivant lesquelles notamment « Les opérateurs déclarés en application de l’article L.33-1

[fournisseurs au public de services de communications électroniques] rendent publiques les informations relatives à la couverture du territoire par leurs services de communications électroniques commercialisés sur le marché de détail. Ces informations sont rendues publiques sous forme de cartes numériques permettant d’apprécier les zones de disponibilité de leurs services sur le territoire et mises à jour au 1 juillet de chaque année. ». L’ARCEP elle-même recommandeer que l’obligation d’information la plus complète et transparente possible du consommateur par l’opérateur numérique intègre en particulier la disponibilité géographique des services proposés ainsi que leurs caractéristiques, considérant cette obligation d’informations comme une obligation essentielle. Il existe donc bien des textes contraignant la société ORANGE à la communication de d’informations exactes et périodiquement actualisées concernant la teneur et l’ampleur géographiques de son réseau 5G créé ou encore en chantier.

Le fait que la société ORANGE offre l’accès au réseau 4G aux souscripteurs des forfaits 4G/5G dans les localités non encore couvertes par le réseau 5G, d’une part ne résulte que d’une proposition par défaut et d’autre part procède d’un contrat ayant pour finalité exclusive l’accès à l’Internet mobile 5G et non un accès indifférencié à l’Internet mobile quel que soit le réseau. Le manque d’énumération exhaustive et actualisée des zones couvertes par le réseau 5G apparaît donc d’autant plus déloyal et trompeur. À ce sujet, l’inaccessibilité d’un réseau donné

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et décrit pourtant comme une caractéristique essentielle de l’offre d’abonnement ôte objectivement tout intérêt à l’offre souscrite. Par ailleurs, si le consommateur est censé pouvoir s’informer d’une manière générale sur l’effectivité ou la progressivité de l’installation du réseau 5G sur le territoire français, il n’en demeure pas moins que l’offre contractuelle présentée par l’opérateur numérique doit impérativement, immédiatement et subséquemment accompagner son argumentaire promotionnel d’un ensemble minimal d’informations utiles qui ne peuvent être atténuées, dissimulées (par implantation sur une autre partie du site ou sur un autre site) ou même parfois tues sur l’opérabilité de son réseau.

C’est ce qui résulte en tout cas, en termes de caractéristiques essentielles, des manquements relatifs à la carte de couverture du réseau 5G et aux mentions sur les débits minimums. L’impossibilité pour le consommateur de vérifier sur le site même de l’opérateur ces caractéristiques essentielles apparaît précisément constitutive des agissements incriminés de pratiques commerciales trompeuses, étant rappelé que cette prise en considération du consommateur ordinaire type (ou consommateur moyen) procède d’une appréciation in abstracto, c’est-à-dire au terme d’une analyse contradictoire des clauses, des notices et des pratiques litigieuses en elles-mêmes et non de manière in concreto, c’est-à-dire à partir d’une situation individuelle ou d’un panel de situations individuelles.

Il sera dès lors fait droit à la demande principale formée par l’association CLCV à l’encontre de la société ORANGE aux fins d’injonction de mise en conformité sur ses offres contractuelles 4G/5G, dans les conditions générales et d’astreinte directement énoncées au dispositif de la présente décision.

3/ Sur les autres demandes

Compte tenu des motifs qui précèdent en ce qui concerne l’objectivation de pratiques commerciales trompeuses, les demandes reconventionnelles formées par la société ORANGE à des fins de dommages-intérêts et de publication judiciaire en allégation de dénigrement injustifié ainsi que sa demande additionnelle de défraiement au visa de l’article 700 du code de procédure civile seront purement et simplement rejetées.

Il résulte en définitive des débats que l’association CLCV apporte la preuve, qui lui incombe, que les activités de la société ORANGE aux fins d’offres contractuelles portant sur les nouveaux forfaits 4G/5G sont assorties de conditions et de mentions constitutives de pratiques commerciales trompeuses en ce qui concerne la carte de couverture du réseau 5G sur le territoire français, initialement absente et dont la régularisation demeure imparfaite au regard des recommandations spécifiques de l’ARCEP, et des indications de débits minimums faisant défaut.

La société ORANGE sera en conséquence condamnée à payer au profit de l’association CLCV une allocation de dommages-intérêts à hauteur de 15.000 €, en réparation du préjudice occasionné à l’intérêt collectif des consommateurs.

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Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication d’un communiqué judiciaire dans des journaux de presse écrite, la sanction complémentaire par la publicité de ce communiqué judiciaire apparaissant en l’occurrence suffisante à partir du site Internet de la société ORANGE.

En l’occurrence, il y a lieu de fixer le contenu de ce communiqué judiciaire dans les termes suivants :

« COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE Sur assignation de l’association CLCV, par jugement rendu le 27 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société ORANGE pour avoir mis en œuvre une pratique commerciale trompeuse, en l’occurrence pour avoir sciemment omis, dans le cadre de la commercialisation des forfaits « 4G/5G», de présenter dans des conditions satisfaisantes les restrictions d’usage apportées à ce service, en ce qui concerne d’une part la disponibilité effective du réseau 5G et d’autre part les débits minimums réellement disponibles.

Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs. ».

Ce texte devra être publié dans une taille de caractère qui ne soit pas inférieure à 12. L’intitulé devra apparaître en lettres majuscules et en caractères gras, mais pas nécessairement en couleur rouge. Cette publication devra intervenir dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l’expiration de ce délai, cette astreinte ne pouvant courir que pendant un délai maximum de 3 mois.

Ce communiqué judiciaire devra être diffusé pendant un délai d’un mois sur le site Internet « https://boutique.orange.fr », accessible par un lien hypertexte intitulé « Communiqué judiciaire » et situé sur toutes les premières pages d’accueil de ce site Internet diffusé sur les ordinateurs, tablettes et téléphones, ainsi que sur les pages d’accueil de ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn), la mise en place de l’ensemble de ce dispositif devant intervenir dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l’expiration de ce délai. Cette astreinte ne pourra courir que pendant une durée maximale de trois mois.

Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de l’association CLCV les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette instance et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 5.000 €.

Enfin, succombant à l’instance, la société ORANGE en supportera les entiers dépens.

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PAR CES MOTIFS, Le Tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

ORDONNE à la S.A. ORANGE, à l’occasion de l’ensemble de sa politique de déploiement de la nouvelle technologie numérique de la communication « G5 » et de l’ensemble de ses offres contractuelles commerciales « Forfaits G4/G5 » qui s’y rattache, de cesser d’utiliser l’expression « Forfaits G4/G5 » sans permettre par un lien hypertexte l’accès immédiat, d’une part à une carte de couverture géographique de l’ensemble des zones où sont aménagés ou en projet d’aménagement les réseaux G7 nécessaires sur l’ensemble du territoire français, dans le strict respect de toutes les conditions énoncées dans la recommandation du 22 octobre 2020 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP), et d’autre part à l’ensemble de l’information nécessaires concernant les débits minimums autant que maximums ;

DIT que l’injonction qui précède devra être exécutée dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l’expiration de ce délai, l’astreinte ne pouvant durer pendant plus de trois mois ;

CONDAMNE la S.A. ORANGE à payer au profit de l’association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) la somme de 15.000 €, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice occasionné à l’intérêt collectif des consommateurs du fait des agissements susmentionnés ;

CONDAMNE la S.A. ORANGE à diffuser sur son site Internet « https://boutique.orange.fr » le communiqué de presse ci-après libellé :

« COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE Sur assignation de l’association CLCV, par jugement rendu le 27 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société ORANGE pour avoir mis en œuvre une pratique commerciale trompeuse, en l’occurrence pour avoir sciemment omis, dans le cadre de la commercialisation des forfaits « 4G/5G», de présenter dans des conditions satisfaisantes les restrictions d’usage apportées à ce service, en ce qui concerne d’une part la disponibilité effective du réseau 5G et d’autre part les débits minimums réellement disponibles.

Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs. » ;

DIT que ce communiqué de presse devra être publié dans une taille de caractère qui ne soit pas inférieure à 12, l’intitulé devant apparaître en lettres majuscules et en caractères gras ;

DIT que ce communiqué judiciaire devra être diffusé pendant un délai d’un mois sur le site Internet « https://boutique.orange.fr » de la S.A. ORANGE, y être accessible par un lien hypertexte intitulé « Communiqué judiciaire » et situé sur toutes les premières pages

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d’accueil de ce site Internet diffusé sur les ordinateurs, tablettes et téléphones, ainsi que sur les pages d’accueil de ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn), la mise en place de l’ensemble de ce dispositif devant intervenir dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l’expiration de ce délai, cette astreinte ne pouvant courir que pendant une durée maximale de trois mois ;

CONDAMNE la S.A. ORANGE à payer au profit de l’association CLCV une indemnité de 5.000 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE en tant que de besoin que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

CONDAMNE la S.A. ORANGE aux entiers dépens de l’instance, dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Erkia Nasry, Avocat au barreau de Paris.

Fait et jugé à Paris le 27 juillet 2021

Le Greffier Le Président

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Tribunal Judiciaire de Paris, 27 juillet 2021, n° 20/13248