Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 21 juin 2016, n° 2015/00425

  • Protection du modèle communautaire non enregistré·
  • Défaut de protection au titre du droit d'auteur·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Buffet en métal de style "industriel"·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Revendication des droits par l'auteur·
  • Modèle communautaire non enregistré·
  • Titularité des droits sur le modèle·
  • Sur le fondement du droit d'auteur

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Pour bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, une création peut ne pas être dégagée de toute inspiration ou de toute influence. Une combinaison d’éléments déjà connus peut être protégeable. En l’espèce, le modèle de buffet revendiqué n’est pas protégeable par le droit d’auteur. Le fait d’agencer, sur un buffet lui-même connu, des visuels créés, pour partie, à partir d’enseignes ou d’affiches elles-mêmes créées par d’autres, nonobstant l’adoption d’un certain code couleur résultant de l’association de couleurs froides et de couleurs vives – laquelle relève davantage d’un genre "industriel vintage" que d’un choix esthétique personnel et original – et d’insérer des chiffres en gros caractères très apparents ne traduit pas une démarche créative originale. En revanche, ce buffet bénéficie de la protection au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés. L’appréciation du caractère individuel doit s’effectuer à partir de la combinaison revendiquée (meuble et visuels apposés sur celui-ci), et non pas seulement à partir de l’agencement des visuels qui, à lui seul, ne produit pas, sur l’utilisateur averti, une impression visuelle globale différente de celle produite par une oeuvre antérieure, versée aux débats. Aucun modèle antérieur ne combine une structure métallique avec des visuels, tels que revendiqués, et n’est susceptible de produire sur l’utilisateur averti – en l’occurrence, un amateur éclairé en matière de meubles vintage et de "street art" -, une impression globale identique à celle produite par la combinaison revendiquée. Le buffet incriminé constitue une contrefaçon du modèle communautaire non enregistré. Il reprend de manière quasi-servile la combinaison des éléments qui le caractérisent. L’impression visuelle produite par les modèles en présence est quasi-identique.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 21 juin 2016

Pôle 5 – Chambre 1

(n°125/2016, 15 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 15/00425

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3e chambre – 4e section – RG n° 13/13411

APPELANTE SAS MAISONS DU MONDE Immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de NANTES sous le numéro 383 196 656 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Lieu-dit Le Portereau 44120 VERTOU Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 Assistée de Me Pierre M de la SELARL ARENAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0252

INTIMÉE SARL L’ENTREPÔT Immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de LILLE sous le numéro b 439 550 468 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] 59710 PONT A MARCQ Représentée par Me Samuel CHEVRET de la SELARL MEZERAC – C & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729 Assistée de Me Julie G de la SCP MEZERAC CHEVRET, avocat au barreau de PARIS, toque : A729

PARTIE INTERVENANTE Monsieur Pierre V Représenté par Me Samuel CHEVRET de la SELARL MEZERAC – C & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729 Assisté de Me Julie G de la SCP MEZERAC CHEVRET, avocat au barreau de PARIS, toque : A729

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 10 mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Mme Nathalie AUROY, Conseillère Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT : • contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier.

La société MAISONS DU MONDE, immatriculée au registre de commerce et des sociétés depuis le 2 septembre 2003, est spécialisée dans l’équipement et la décoration de la maison.

La société L’ENTREPOT, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 17 octobre 2001, a pour activité la vente de meubles neufs et anciens en pin.

La société MAISONS DU MONDE indique avoir conçu en 2011, au sein de son bureau de style interne, dans la collection de meubles de style « industriel et loft », un buffet, commercialisé depuis le mois de mars 2012 sous la dénomination « Vintage », qu’elle décrit de la façon suivante : 'de forme basse et rectangulaire, il repose sur quatre pieds en métal, ce meuble est entièrement en métal vieilli et de couleur noire, avec une finition patinée, ce qui lui donne un aspect ancien et industriel, il est divisé en trois compartiments de rangement verticaux et rectangulaires, de dimensions égales, ces compartiments présentent des poignées également verticales, de couleur noire et en métal, des clous sont fixes à intervalles réguliers sur toutes les arêtes du meuble ainsi que sur les montants des trois compartiments, sur le compartiment de gauche, sont notamment reproduites les mentions suivantes, dans des couleurs, tailles et typographies différentes : la lettre E, les chiffres 11, 0 et 1, le nom des villes américaines NEW YORK et LOS ANGELES, les termes 48-3 3RD ST. et OLDER POSTS. ainsi que les dessins d’une main dont l’index est pointé en bas à droite et d’un paquet de cigarettes de marque GOLD FLAKE ; sur le compartiment de droite, sont notamment reproduites les mentions suivantes, dans des couleurs, tailles et typographies différentes : les chiffres et termes 50 CENTS, N¢X2, VINTAGE et FREE MAGIC SHOW, le nom de la ville américaine SAN FRANCISCO ainsi que le dessin d’un paquet de cigarettes de marque GOLD FLAKE, ces différentes mentions sont inscrites dans des couleurs délavées et variées (bleu, rouge, jaune, noir, blanc), caractéristiques des années 1950, confortant l’aspect ancien du modèle, le compartiment du milieu présente quant à lui un grillage de couleur noire, derrière lequel est inscrit en rouge sur un fond blanc de forme carrée le nombre 20. '

La société MAISONS DU MONDE a fait constater par procès-verbal d’huissier en date du 12 novembre 2012, que la société L’ENTREPOT commercialisait un buffet de type industriel dénommé 'Atelier’ sur son site internet www.made-in-meubles.meubles.com qui, selon elle, constituait une copie quasi-servile de son buffet.

Par mise en demeure en date du 18 décembre 2012 restée infructueuse, elle a demandé à la société L’ENTREPOT de cesser les faits litigieux.

Par acte d’huissier en date du 12 septembre 2013 , la société MAISONS DU MONDE a assigné la société L’ENTREPOT devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence déloyale.

Au cours de la procédure, par conclusions en date du 22 mai 2014, M. Peter V, artiste américain exerçant la profession de designer graphique, a demandé qu’il lui soit donné acte de son intervention volontaire aux côtés de la société L’ENTREPOT. Il a indiqué être un artiste créant depuis 30 ans des enseignes vintage et prétendu être titulaire de droits d’auteur sur des enseignes et signes qui seraient repris sans son accord par la société MAISONS DU MONDE.

Dans un jugement rendu le 6 novembre 2014, le tribunal a notamment :

•déclaré la société MAISONS DU MONDE irrecevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur sur le meuble 'Vintage', •déclaré M. V irrecevable en sa demande reconventionnelle en contrefaçon de droits d’auteur, • prononcé la nullité du modèle communautaire non enregistré s’agissant du meuble 'Vintage’ de la société MAISONS DU MONDE, • débouté la société MAISONS DU MONDE de ses demandes relatives à la concurrence déloyale et parasitaire et au dénigrement, • débouté la société L’ENTREPOT de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive, • débouté M. V de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, • condamné la société MAISONS DU MONDE à verser à la société L’ENTREPOT la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, • ordonné l’exécution provisoire, sauf en ce qui concerne la nullité du dessin et modèle communautaire non enregistré.

Le 2 janvier 2015, la société MAISONS DU MONDE a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 30 juillet 2015, la société MAISONS DU MONDE, poursuivant l’infirmation du jugement si ce n’est en ce qu’il a : • reconnu la titularité de ses droits sur le meuble 'Vintage', • débouté la société L’ENTREPOT de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive, • et débouté M. V, intervenant volontaire en première instance, de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

demande à la cour :

•de juger : •que le modèle de buffet 'Vintage’ est original et protégeable par le droit d’auteur, qu’il est nouveau et présente un caractère individuel au sens des dispositions du Règlement n°6/2002 du 12 décembre 2001sur les dessins et modèles communautaires non enregistrés, • qu’en reproduisant, en important, en offrant à la vente et en commercialisant des meubles reproduisant les caractéristiques originales, nouvelles et individuelles du modèle de buffet 'Vintage', la société L’ENTREPOT a commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur et de modèles communautaires non enregistrés au sens des articles L.122-4, L.335-2, L.335-3, L.513-4 et L.515-1 du Code de la propriété intellectuelle, • que par ailleurs, en important, en offrant à la vente et commercialisant des produits reprenant les caractéristiques distinctives de ses modèles 'Vintage’ et 'Rétro', créant ainsi des risques de confusion et d’association, la société L’ENTREPOT a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts au sens de l’article 1382 et suivants du code civil, • que la société L’ENTREPOT a commis des actes de dénigrement auprès de tiers à son encontre,

en conséquence, • d’interdire à la société L’ENTREPOT d’importer, de reproduire, de faire fabriquer, de commercialiser, d’offrir en vente et de vendre, sous quelque dénomination que ce soit et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, tout article comportant les caractéristiques originales, nouvelles et individuelles du modèle de buffet 'Vintage', • d’interdire à la société L’ENTREPOT d’importer, de reproduire, de faire fabriquer, de commercialiser, d’offrir en vente et de vendre, sous quelque dénomination que ce soit et à quelque titre que ce soit, et ce, sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, tout article comportant des

caractéristiques de nature à créer des risques de confusion et d’association avec les modèles 'Vintage’ et 'Retro', • d’ordonner, sous le contrôle d’un huissier de justice désigné à cet effet, aux frais de la société L’ENTREPOT et sous astreinte de 1 500 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la destruction de la totalité du stock des produits reprenant les caractéristiques des modèles 'Vintage’ et 'Retro', • de dire que les astreintes prononcées seront liquidées, s’il y a lieu, par la cour, • d’ordonner l’inscription par extraits du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet de la société L’ENTREPOT www.made- in-meubles.com sur un espace égal à un quart de l’écran, pendant une durée d'1 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 1 500 € par jour de retard, • de condamner la société L’ENTREPOT à lui payer : • 20 000 € en réparation du préjudice découlant des actes de contrefaçon des droits d’auteur et de modèles communautaires non enregistrés dont elle est titulaire sur son modèle du buffet 'Vintage', • 30 000 € en réparation du préjudice qui découle des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire, • 5 000 € en réparation du préjudice qui découle des actes de dénigrement,

•de rejeter l’ensemble des demandes de la société L’ENTREPOT et de M. V, •de condamner la société L’ENTREPOT et M. V à lui payer, respectivement, 10 000 € et 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, transmises le 18 janvier 2016, la société L’ENTREPOT, intimée et appelante incidente, et M. V, intervenant volontaire, demandent à la cour : • de confirmer le jugement en ce qu’il a : • déclaré la société MAISONS DU MONDE irrecevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur sur le meuble 'Vintage', • prononcé la nullité du modèle communautaire non enregistré s’agissant du meuble « Vintage » de la société MAISONS DU MONDE, • débouté la société MAISONS DU MONDE de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire, ainsi qu’en sa demande sur les actes de dénigrement, • condamné la société MAISONS DU MONDE à lui verser 4 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, • d’infirmer le jugement pour le surplus et : • de déclarer la société MAISONS DU MONDE irrecevable en toutes ses demandes pour défaut de qualité à agir, et subsidiairement pour

absence de droit d’auteur et nullité du modèle communautaire non enregistré sur le buffet « Vintage », • de prononcer la nullité du dessin et modèle communautaire non enregistré revendiqués par la société MAISONS DU MONDE sur le meuble 'Vintage’ pour défaut de nouveauté et de caractère individuel, • de débouter la société MAISONS DU MONDE de l’ensemble de ses demandes tant en ce qui concerne la contrefaçon de droit d’auteur et de dessin et modèle communautaire non enregistrés que la concurrence déloyale et parasitaire ou encore du dénigrement, • à titre subsidiaire, de la débouter de l’ensemble de ses demandes en ce qu’elles sont totalement infondées en leur quantum, • à titre reconventionnel, de condamner la société MAISONS DU MONDE : • à payer à la société L’ENTREPOT la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, •à payer à M. V la somme de 35 000 € en réparation du préjudice subi au titre de ses droits patrimoniaux d’auteur, et 25 000 € au titre de ses droits moraux d’auteur ou, subsidiairement, la somme de 30 000 € sur le fondement de l’article 1382 du code civil, •à leur payer à chacun, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, 4 000 € au titre de la première instance et 10 000 € au titre de l’instance d’appel.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant qu’en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées ;

À titre liminaire, sur la recevabilité des demandes de M. V

Considérant que M. V, qui n’est pas visé dans la déclaration d’appel de la société MAISONS DU MONDE, se présente comme intervenant volontaire à la procédure et présente en appel des demandes aux côtés de la société L’ENTREPOT, intimée, sans avoir formé lui-même un appel incident ;

Qu’aucune difficulté n’est soulevée par la société MAISONS DU MONDE quant à la recevabilité de ses demandes ;

Qu’il y a lieu de considérer son intervention comme un appel provoqué au sens de l’article 549 du code de procédure civile ;

Sur la contrefaçon

Sur les droits de la société MAISONS DU MONDE au titre des droits d’auteur et des dessins et modèles communautaires non enregistrés sur le modèle de buffet 'VINTAGE'

Considérant que la société L’ENTREPOT conteste la recevabilité des demandes de la société MAISONS DU MONDE pour défaut de qualité à agir, faisant valoir que les visuels revendiqués reprennent notamment des œuvres antérieures de M. V et que l’intervention volontaire de celui-ci à l’instance pour revendiquer des droits de propriété intellectuelle sur ses œuvres fait par conséquent obstacle à la présomption de titularité dont se prévaut l’appelante ; que subsidiairement, la société L’ENTREPOT argue de l’irrecevabilité des demandes de la société MAISONS DU MONDE à défaut de tout droit de propriété intellectuelle sur le meuble concerné, faute d’originalité de celui-ci, et de la nullité du modèle communautaire non enregistré, faute de nouveauté et de caractère individuel ;

Sur les droits d’auteur de la société MAISONS DU MONDE

Considérant qu’il convient d’examiner successivement les conditions de recevabilité de la demande en contrefaçon et les conditions de l’existence de la protection ;

' Sur la recevabilité des demandes de la société MAISONS DU MONDE sur le fondement du droit d’auteur

Considérant qu’aux termes de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ;

Qu’en application de cette disposition, l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne morale sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fussent-ils identifiés, fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne morale est titulaire sur l’œuvre du droit de propriété intellectuelle de l’auteur ;

Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d’identifier précisément l’œuvre qu’elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation en établissant que les caractéristiques de l’œuvre revendiquée sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;

Considérant que M. V ne revendique de droits de propriété intellectuelle que sur certains des visuels représentés sur le buffet 'Vintage’ et non pas sur la combinaison revendiquée par la société MAISONS DU MONDE, telle que décrite supra qui concerne un meuble sur lequel sont apposés des visuels (mentions, dessins) ; que son intervention à la procédure ne constitue donc pas un obstacle de principe à ce que la société MAISONS DU MONDE puisse revendiquer le bénéfice de la présomption de titularité ;

Considérant que la société MAISONS DU MONDE verse aux débats, notamment :

•des extraits de ses catalogues 2012, 2013 et 2014 sur lesquels figure le buffet 'Vintage', • les contrats de travail de Mmes G (styliste), LULIC (styliste), MARTIN (styliste, chef de produit), RAFFEGEAU (styliste), RIPOCHE (designer), M. L (acheteur, chef de produit), les contrats de travail des stylistes et designer contenant une clause selon laquelle les droits de propriété intellectuelle sur leurs créations et réalisations seront dévolus à l’employeur, • l’attestation de la société indienne SONU HANDICRAFTS qui indique qu’elle a été chargée le 27 avril 2011 de la fabrication d’un buffet et d’un cabinet VINTAGE, •l’attestation de Mme F, secrétaire général de la société MAISONS DU MONDE, en date du 26 août 2013, relative au chiffre d’affaires réalisé sur le buffet 'Vintage’ (254 327,75 € pour 451 unités vendues) ;

Que ces éléments sont propres à démontrer que la société MAISONS DU MONDE a divulgué et commercialisé le buffet revendiqué à partir de 2012 et qu’elle bénéficie de la présomption de titularité sur le meuble 'Vintage’ ;

Que la société MAISONS DU MONDE justifiant de sa qualité à agir au titre du droit d’auteur, la fin de non-recevoir soulevée par la société ENTREPOT sera rejetée ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

' Sur la protection du buffet 'Vintage’ par le droit d’auteur

Considérant que l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protège par le droit d’auteur toutes les 'œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales ; que selon l’article L. 112-2, 10° du même code, sont considérées comme 'œuvres de l’esprit les œuvres d’art appliqués ;

Qu’il incombe à celui qui entend se prévaloir des droits de l’auteur de caractériser l’originalité de l’œuvre revendiquée, c’est à dire de justifier de ce que cette œuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant que la société L’ENTREPOT établit l’existence dans le catalogue de la société SIGNATURE de janvier 2011 d’un buffet métallique qui, hormis l’absence de visuels sur les façades, ressemble grandement au meuble tel que revendiqué, présentant, tout comme le

modèle 'Vintage', trois compartiments de rangement verticaux et rectangulaires de dimensions égales, avec des poignées en métal verticales, le compartiment du milieu présentant un grillage, une finition patinée lui donnant un aspect ancien et industriel, des clous à intervalles réguliers sur les montants des trois compartiments ;

Que la société intimée verse, par ailleurs, des pièces (notamment sa pièce 6) de nature à établir que certains visuels apposés sur le buffet 'Vintage’ constituent la reprise d’éléments d’œuvres de créateurs américains (notamment, enseigne 'Free magic Show’ de Jeff C créée le 27 juin 2007, posters 'New York United Air Lines’ et 'Los Angeles United Air Lines’ de JEBRARY de 1967) ;

Que l’existence de ces éléments antérieurs n’est pas contestée par la société MAISONS DU MONDE qui précise qu’elle ne revendique des droits que sur la combinaison des choix esthétiques qui caractérisent son buffet 'Vintage’ ; que la société appelante argue, à cet égard, que la combinaison de la structure métallique noire constituant le meuble avec l’ensemble des décors apposés sur les portes du meuble résulte d’un effort créatif qui confère au modèle un aspect original qui le distingue des autres modèles sur le marché, faisant valoir que le choix d’associer des couleurs froides (bleu ciel, bleu soutenu, bleu turquoise) qui prédominent sur les couleurs chaudes et vives (jaune et rouge vif), de mettre en avant le chiffre '20« , en très gros caractère au milieu du compartiment central, la rondeur du '2 » et du '0« contrastant avec le carré sur fond blanc dans lequel il est inscrit, de même que le chiffre '50 » au milieu du compartiment de droite, dont la rondeur contraste également avec le chiffre '11« sur le compartiment de gauche, très droit et dont la répétition confère un effet de symétrie, le fait d’avoir mis en exergue la lettre 'O', très ronde, sur un fond noire en couleur blanche, contraste avec le trait rouge vif épais de même qu’avec la raideur du chiffre '11 » sous lesquels elle est inscrite, ou encore le fait d’avoir ordonné les décors par bandes afin de structurer l’assemblage et créer des jeux de contrastes pouvant rappeler un plan de ville, constituent autant de partis pris esthétiques, arbitraires et propres à la concluante, qui reflètent l’empreinte de la personnalité de son bureau de style ;

Qu’elle produit aux débats les attestations de Mme FICHOU G, une de ses stylistes, qui décrit le processus ayant abouti à la création du buffet 'Vintage’ (‘nous avons décidé de retenir différents thèmes dont un thème Vintage, évoquant le voyage, les grandes villes américaines, un côté rétro… Les codes couleurs de ce thème gardaient l’esprit Vintage, avec une gamme assez large, vieillie, patinée (…) J’ai décidé de réaliser des collages et des peintures à partir de visuels que j’ai créés puis patinés (…) Nous avons sélectionné le collage qui était le plus équilibré. Puis il m’a été demandé de l’appliquer sur différents supports (…) Il fallait ensuite trouver les meubles qui pouvaient recevoir ce graphisme. J’ai dessiné des modèles de (…) buffets (…) en reprenant le motif sélectionné (…) ) ; que Mme FICHOU G précise

encore qu’elle a créé des visuels le 1er février 2011 et les a finalisés entre le 7 et le 27 avril 2011 à partir d’éléments qu’elle a elle-même 'retravaillés et patinés', l’originalité de son travail résidant 'dans la recherche artistique et dans les choix esthétiques réalisés pour travailler et combiner les différents éléments graphiques afin de les agencer de manière originale ' ;

Que si, comme le souligne la société MAISONS DU MONDE, une création, pour être protégée par le droit d’auteur, peut ne pas être dégagée de toute inspiration ou de toute influence et la combinaison nouvelle d’éléments déjà connus peut être protégeable par le droit d’auteur, il n’en demeure pas moins, que la création revendiquée doit révéler une démarche traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur ;

Qu’il ne suffit pas à la société MAISONS DU MONDE de décrire très précisément les caractéristiques de la combinaison qu’elle revendique pour faire cette démonstration ;

Que l’ordonnancement de visuels par bandes contrastées 'pouvant rappeler un plan de ville’ se retrouve dans le travail de Jeff C, précité, dans une œuvre 'It’s a sign’ présentée le 3 décembre 2010 à l’Adobe Books Backroom Gallery (pièce 6 de l’intimée) ;

Que la cour partage l’analyse des premiers juges qui ont estimé que le fait d’agencer, sur un buffet lui-même connu, des visuels créés, pour partie, à partir d’enseignes ou d’affiches elles-mêmes créées par d’autres, nonobstant l’adoption d’un certain code couleur résultant de l’association de couleurs froides et de couleurs vives – laquelle au demeurant se retrouve dans les choix antérieurs de Jeff C (cf. pièce 9 de l’intimée) et relève davantage d’un genre 'industriel vintage’ que d’un choix esthétique personnel et original – et l’insertion de chiffres en gros caractères très apparents, ne traduit pas une telle démarche créative originale ;

Qu’ainsi, il y a lieu de dire la société MAISONS DU MONDE non pas irrecevable, l’originalité étant une condition de fond et non de recevabilité de l’action en contrefaçon, mais mal fondée à revendiquer la protection de son buffet 'Vintage’ par le droit d’auteur et, par conséquent, de la débouter de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur ; que le jugement sera réformé en ce sens ;

Sur les droits de la société MAISONS DU MONDE au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés

Considérant qu’en application de l’article 24 du règlement (CE) n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires, un dessin ou modèle communautaire non enregistré peut être déclaré nul par une juridiction sur demande introduite ou à la

suite d’une demande reconventionnelle dans le cadre d’une action en contrefaçon ;

Que l’article 4 § 1 du même règlement dispose que la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ; qu’en application des articles 5-a et 6-a dudit règlement, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois et comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant cette même date ;

Que l’article 25 § 1 du même règlement prévoit qu’un dessin ou modèle peut être déclaré nul s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 ;

Considérant que c’est à juste raison que le tribunal a jugé que le modèle de buffet présentait un caractère de nouveauté dans la mesure où n’était versée aucune antériorité de toutes pièces ;

Considérant, en revanche, le tribunal ne peut être approuvé pour avoir estimé que le caractère individuel du modèle n’était pas démontré dans la mesure où il ne créait pas une impression visuelle globale différente de celle produite par l’agencement d’autres visuels empruntés à des enseignes anciennes sur l’utilisateur averti ; qu’en effet, comme le fait pertinemment valoir la société MAISONS DU MONDE, l’appréciation du caractère individuel doit s’effectuer à partir de la combinaison revendiquée (meuble + visuels) et non pas seulement à partir de l’agencement des visuels apposés sur le meuble qui à lui seul, il est vrai, ne produit pas, sur l’utilisateur averti, une impression visuelle globale différente de celle produite par l’œuvre précitée 'It’s a sign’ de Jeff C ;

Que la société MAISONS DU MONDE démontre qu’aucun modèle antérieur ne combine une structure métallique (de couleur noire) avec des visuels tels que revendiqués et n’est susceptible de produire sur l’utilisateur averti – en l’occurrence, un amateur éclairé en matière de meubles vintage et de « street art » -, une impression globale identique à celle produite sur un tel utilisateur par la combinaison revendiquée, la société intimée n’invoquant au demeurant aucun modèle antérieur de meuble, notamment de buffet, qui produirait sur cet utilisateur averti une impression globale identique au modèle revendiqué ;

Qu’il y a lieu, dans ces conditions, d’infirmer le jugement en ce qu’il a annulé le modèle pour défaut de caractère individuel et de juger que la société MAISONS DU MONDE bénéficie pour son buffet 'Vintage'

de la protection au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés ;

Sur les actes de contrefaçon du modèle communautaire non enregistré

Considérant qu’il résulte de l’article 19.2 du règlement n° 6/2002 que le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère à son titulaire le droit d’interdire les actes de contrefaçon que si l’utilisation contestée résulte d’une copie du dessin ou modèle protégé, l’utilisation contestée n’étant pas considérée comme résultant d’une copie si elle résulte d’un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire ;

Que l’article 515-1 du code de la propriété intellectuelle précise que toute atteinte aux droits définis par l’article 19 du règlement n° 6/2002 constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ;

Considérant qu’en l’espèce, il ressort des photographies contenus dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon que le buffet 'Atelier’ commercialisé par la société L’ENTREPOT sur son site internet www.made-in-meubles.com reproduit la combinaison des caractéristiques du buffet 'Vintage’ de la société MAISONS DU MONDE : buffet de type industriel de forme basse et rectangulaire, reposant sur quatre pieds fins en métal, en métal vieilli et de couleur noire, avec une finition patinée, lui donnant un aspect ancien et industriel ; trois compartiments de rangement verticaux et rectangulaires, de dimensions égales, avec des poignées verticales, de couleur noire et en métal ; clous fixés à intervalles réguliers sur les arêtes du meuble et les montants des trois compartiments ; reproduction, sur le compartiment de gauche, des mentions suivantes, dans des couleurs, tailles et typographies différentes : la lettre 'E', les chiffres '11« , '0 » et '1", le nom des villes américaines 'NEW YORK’ et 'LOS ANGELES', les termes '48-3 3 RD ST.' et 'OLDER POSTS’ ainsi que les dessins d’une main dont l’index est pointé en bas à droite et d’un paquet de cigarettes de marque GOLD FLAKE ; reproduction, sur le compartiment de droite, des mentions suivantes, dans des couleurs, tailles et typographies différentes : les chiffres et termes '50 CENTS', 'N°2", 'VINTAGE’ et 'FREE MAGIC SHOW', le nom de la ville américaine 'SAN FRANCISCO’ ainsi que le dessin d’un paquet de cigarettes de marque GOLD FLAKE, ces différentes mentions étant inscrites dans des couleurs délavées et variées (bleu, rouge, jaune, noir, blanc') ; compartiment du milieu présentant un grillage de couleur noire, derrière lequel est inscrit en rouge sur un fond blanc de forme carrée le nombre '20" ;

Que le modèle litigieux reprend ainsi de manière quasi-servile la combinaison des éléments qui caractérisent le buffet 'Vintage’ de la société MAISONS DU MONDE et l’impression visuelle produites par les modèles en présence est quasi-identique ;

Que la société L’ENTREPOT n’articule aucun moyen sur ce point ;

Qu’il y a lieu, en conséquence, d’infirmer le jugement déféré et de juger que le buffet 'Atelier’ commercialisé par la société L’ENTREPOT constitue une contrefaçon du buffet 'Vintage’ de la société MAISONS DU MONDE ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire et le dénigrement

Considérant que la société MAISONS DU MONDE soutient que la société L’ENTREPOT a créé des risques de confusion et d’association préjudiciables dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, en commercialisant une copie servile de son buffet 'Vintage’ ainsi qu’un meuble 'MENIER Rétro’ évoquant un autre de ses modèles, le modèle 'Rétro', conçu et exploité par elle dans le cadre d’un accord de licence avec la société NESTLE ; qu’elle argue que ces faits constituent en outre des faits de parasitisme qui portent atteinte à l’image de ses produits ; qu’elle fait encore reproche à la société L’ENTREPOT de l’avoir dénigrée en adressant à M. V un courrier dans lequel elle affirmait que l’usage frauduleux qui était fait de ses œuvres portait atteinte aux droits de propriété intellectuelle de ce dernier ;

Que la société L’ENTREPOT répond i) que la société MAISONS DU MONDE n’invoque pas de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon, ii) qu’aucun des buffets litigieux n’a été commercialisé, ce qui exclut tout risque de confusion, iii) que la société MAISONS DU MONDE ne justifie pas d’investissement pour la création de son buffet 'Vintage', et ce, d’autant moins qu’elle s’est contentée de reprendre une structure de meuble qui existait déjà et des créations d’artistes également préexistantes, iv) que la société MAISONS DU MONDE ne peut invoquer la commercialisation d’un meuble 'MENIER Rétro’ dont la structure est différente, la reprise de l’enseigne MENIER, dont l’appelante n’est pas propriétaire, relevant du concept répandu consistant à apposer d’anciennes marques alimentaires sur des meubles et v) qu’aucun dénigrement procédant d’une volonté de nuire ne peut résulter du fait d’avoir informé M. V de la procédure ;

Considérant que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce ; que l’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et

circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée ;

Que les agissements parasitaires constituent entre concurrents l’un des éléments de la concurrence déloyale ; qu’ils consistent, pour une personne morale ou physique, à titre lucratif et de façon injustifiée, à s’inspirer ou à copier une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissement ;

Considérant qu’en l’espèce, le risque de confusion dans l’esprit du consommateur entre les deux modèles de buffet en présence résulte de la reprise quasi-servile par la société L’ENTREPOT de la combinaison des éléments caractérisant le buffet 'Vintage’ ; que cet élément a déjà été pris en compte pour retenir l’existence de la contrefaçon de modèle communautaire non enregistré ;

Que les autres éléments invoqués par la société MAISONS DU MONDE au titre du risque de confusion n’emportent pas la conviction ; qu’il n’est, en effet, pas démontré que le modèle de buffet 'Vintage', dont la commercialisation n’est invoquée que pour les trois années 2012, 2013 et 2014, constituait un produit 'phare’ de la collection MAISONS DU MONDE, le buffet ne figurant pas, contrairement à ce que soutient la société MAISONS DU MONDE, sur la première page de son catalogue pour l’année 2012 ; que, par ailleurs, l’utilisation par la société L’ENTREPOT sur un buffet 'MENIER Rétro’ d’un visuel concernant la 'petite fille CHOCOLAT MENIER’ de l’illustrateur Firmin B, objet d’un contrat de licence conclu entre les sociétés NESTLE et MAISONS DU MONDE, ne peut être utilement invoquée, dès lors que la structure des buffets 'Vintage’ et 'MENIER Rétro’ n’ont rien en commun et que l’apposition d’illustrations d’anciennes marques alimentaires sur des meubles et décorations est répandue ;

Qu’en outre, il est constant que 6 exemplaires seulement du buffet 'Atelier’ litigieux étaient stockés par la société L’ENTREPOT ; que celle-ci établit (sa pièce 14) que 4 de ces exemplaires ont été vendus sans les visuels apposés sur les portes, du fait de modifications demandées par la société intimée en raison du litige existant avec la société appelante ;

Que, dans ces conditions, la société MAISONS DU MONDE n’établit pas l’existence de faits distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon de modèle communautaire non enregistré ;

Considérant que la société MAISONS DU MONDE, qui, pour son buffet 'Vintage', comme il a été dit, a repris la structure d’un buffet SIGNATURE déjà existant et, dans une large mesure, des décors antérieurs d’artistes américains, ne justifie pas de la réalité des

investissements réalisés spécifiquement pour la création du buffet concerné, indépendamment de ceux afférents à la promotion (catalogues, book photos, site internet…) de l’ensemble des produits qu’elle commercialise ;

Considérant que c’est à juste raison que le tribunal a rejeté la demande au titre du dénigrement, les écrits litigieux résultant d’un courrier privé adressé par la société L’ENTREPOT à M. V à l’occasion du présent litige l’opposant à la société MAISONS DU MONDE ;

Considérant, en conséquence, que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et du dénigrement ;

Sur les mesures réparatrices Sur les demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon (de dessin et modèle communautaire non enregistré)

Considérant qu’en application de l’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte, la juridiction pouvant, toutefois, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte ;

Considérant que la société MAISONS DU MONDE invoque, d’une part, un préjudice résultant de la banalisation et de la vulgarisation de son modèle et de l’atteinte ainsi portée à la valeur de son modèle communautaire non enregistré et, d’autre part, un préjudice d’ordre commercial découlant de son manque à gagner, réclamant la somme de 10 000 € en réparation de chacun de ces deux préjudices ;

Que, comme il a été dit, sur les 6 exemplaires du buffet 'Atelier’ litigieux stockés par la société L’ENTREPOT, 4 de ces exemplaires ont été vendus sans les visuels apposés sur les portes du buffet ;

Que le buffet 'Atelier’ de la société L’ENTREPOT était commercialisé au prix unitaire de 580 € TTC ; que le buffet 'Vintage’ de MAISONS DU MONDE était, lui, vendu entre 590 € à 599 € TTC ;

Qu’il n’est pas démontré que, comme le soutient l’appelante, le buffet litigieux était de mauvaise qualité ;

Que la cour dispose ainsi des éléments suffisants pour évaluer à 1 000 € la somme devant être allouée à la société MAISONS DU MONDE au titre de son manque à gagner et celle de 1 000 € pour réparer son préjudice moral ;

Sur les autres demandes

Considérant qu’il y a lieu d’interdire à la société L’ENTREPOT de poursuivre les actes délictueux constatés dans le présent arrêt, sous astreinte définitive de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de cet arrêt ;

Qu’il y a lieu également d’ordonner la destruction, sous le contrôle d’un huissier de justice désigné à cet effet, aux frais de la société L’ENTREPOT, et sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de cet arrêt à intervenir, la destruction des buffets litigieux qu’elle conserverait encore en stock ;

Que le préjudice subi par la société MAISONS DU MONDE est suffisamment réparé par les condamnations pécuniaires et les mesures d’interdiction et de destruction prononcées ; qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de publication judiciaire à titre de réparation complémentaire ;

Sur les demandes de M. V

Considérant que M. V soutient que la société MAISONS DU MONDE a commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur à son préjudice en reproduisant sur le buffet « Vintage », d’une part, le visuel d’une affiche "Avery & Co Hardware 48-3rdST« qu’il a créée le 14 août 2009 et, d’autre part, la lettre »O« d’un panneau portant le nom de la ville »Thomaston" crée le 15 janvier 2010 ; qu’à titre subsidiaire, il soutient que la société MAISONS DU MONDE s’est livrée à des actes de parasitisme ;

Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que M. V est un artiste dont l’inspiration provient notamment de « vieilles étiquettes et de panneaux, du voyage dans le temps » et de « vieilles photos de scènes de rue en ville » ;

Que pour démontrer la titularité de ses droits, M. V produit une photocopie sur laquelle il est représenté auprès de l’enseigne "Avery & Co Hardware 48-3rdST" et sur laquelle est dactylographiée la date du 14 août 2009 ; qu’il produit encore une photographie de l’enseigne « Thomaston » avec la date dactylographiée du 15 janvier 2010

Que, comme l’a retenu le tribunal, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir des dates de création certaine pour les éléments revendiqués ;

Que, dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que M. V était irrecevable en sa demande en contrefaçon de droit d’auteur ;

Sur la demande de la société L’ENTREPOT pour procédure abusive

Considérant que le bien fondé, même seulement partiel, des prétentions de la société MAISONS DU MONDE fait obstacle à la reconnaissance d’une faute quelconque de sa part ayant fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice ;

Que la demande de la société L’ENTREPOT sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef ;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile Considérant que la société L’ENTREPOT et M. V qui succombent seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées ;

Que la somme qui doit être mise à la charge de la société L’ENTREPOT et de M. V au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société MAISONS DU MONDE en première instance et en appel, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon, peut être équitablement fixée à 8 000 € ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré si ce n’est en ce qu’il a :

•déclaré M. V irrecevable en sa demande en contrefaçon de droit d’auteur, •débouté la société MAISONS DU MONDE de ses demandes relatives aux actes distincts de concurrence déloyale, au parasitisme et au dénigrement, •débouté la société L’ENTREPOT de sa demande pour procédure abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société MAISONS DU MONDE de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur, faute de démontrer l’originalité du buffet « Vintage »,

Déboute la société L’ENTREPOT de sa demande de nullité du modèle communautaire non enregistré concernant le buffet « Vintage » de la société MAISONS DU MONDE, Dit que la société MAISONS DU MONDE bénéficie pour son buffet 'Vintage’ de la protection au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés,

Dit que la société L’ENTREPOT a commis des actes de contrefaçon de modèle communautaire non enregistré de la société MAISONS DU MONDE en reproduisant, en important, en offrant à la vente et en commercialisant le buffet « Atelier » reproduisant les caractéristiques du modèle de buffet « Vintage » de la société MAISONS DU MONDE,

Condamne la société L’ENTREPOT à payer à la société MAISONS DU MONDE la somme de 2 000 € en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon, soit 1 000 € en réparation de son manque à gagner et 1 000 € en réparation de son préjudice moral,

Interdit à la société L’ENTREPOT de poursuivre les actes délictueux constatés dans le présent arrêt, sous astreinte définitive de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de cette décision,

Ordonne la destruction, sous le contrôle d’un huissier de justice désigné à cet effet, aux frais de la société L’ENTREPOT, et sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de cet arrêt, la destruction des buffets litigieux que la société L’ENTREPOT conserverait en stock,

Condamne la société L’ENTREPOT et M. V aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon, ainsi qu’au paiement à la société MAISONS DU MONDE de la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 21 juin 2016, n° 2015/00425