Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 11, 28 juin 2019, n° 18/28490

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Chronologie de l’affaire

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SW Avocats · 2 mai 2021

Par une décision du 8 février 2021 à mentionner aux tables, le Tribunal des conflits confirme la compétence du juge administratif pour connaître des actions en responsabilité fondées sur une pratique restrictive de concurrence dès lors que le litige se rattache à l'exécution d'un contrat administratif. Plus particulièrement ici, l'action indemnitaire pour rupture brutale des relations commerciales établies relève du champ de compétence du juge administratif si la relation commerciale en cause relève du régime des contrats administratifs. La société à l'origine de cette action en …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 11, 28 juin 2019, n° 18/28490
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/28490
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 16 décembre 2018, N° 2018009296
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 28 JUIN 2019

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/28490 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B66VO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2018009296

APPELANTES

EPIC SNCF RESEAU

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 2]

immatriculé au RCS de BOBIGNY sous le numéro 412 280 737

représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant

assistée de Me Samir KHAWAJA, avocat au barreau de PARIS, toque : L.108, avocat plaidant

EPIC SNCF

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

immatriculé au RCS de BOBIGNY sous le numéro 808 332 670

représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant

assistée de Me Samir KHAWAJA de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L.108, avocat plaidant

INTIMÉE

SASU ENTROPIA CONSEIL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 533 314 746

représentée par Me Eric VIGY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0109

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre

Madame Françoise BEL, présidente de chambre

Madame Agnès COCHET-MARCADE, conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Madame Saoussen HAKIRI, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

****************

SNCF Réseau est l’un des trois EPIC (Etablissement public industriel et commercial) composant le Groupe Public Ferroviaire (GPF) qui est constitué :

de la SNCF chargée d’assurer le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle, l’unité et la cohésion sociales du groupe public ferroviaire conformément à l’article L 2102-1 du code des transports;

de la SNCF Mobilités chargée d’exploiter selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national conformément à l’article L 2141-1 du code des transports,

la SNCF Réseau chargée de la gestion et de l’aménagement du réseau ferré national conformément à l’article L 211-9 du code des transports.

Cette organisation est issue de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

La société ENTROPIA CONSEIL qui a pour objet social « le conseil en organisation, management, gestion, stratégie développement, ressources humaines, formations et systèmes informatiques, prestations de services notamment aux entreprises, organisation manager et particuliers», a réalisé un certain nombre de prestations intellectuelles au bénéfice de SNCF Réseau sur la base de bons de commande soumis aux stipulations du cahier des clauses générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles du groupe SNCF (CGC-PI).

Evincée d’une procédure d’appel d’offres initiée par SNCF Réseau, les relations entre ENTROPIA CONSEIL et SNCF Réseau se sont dégradées. Outre une condamnation par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris pour le paiement de factures au bénéfice d’ ENTROPIA, cette dernière a assigné la SNCF Réseau le 24 janvier 2018 devant le tribunal de commerce de Paris au visa des articles L 442-6- I 5 °, L 420-2 et L 420-6 du code de commerce, aux fins de la voir condamner in solidum avec la SNCF au paiement de la somme de 10 000 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Le SNCF Réseau et la SNCF ont soulevé in limine litis l’incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit du tribunal administratif de Paris au motif que les prestations fournies par ENTROPIA CONSEIL l’ont été sur la base de bons de commande soumis au CGC-PI qui ressortent de l’exécution de contrats administratifs même si les demandes d’ENTROPIA relèvent de la responsabilité délictuelle.

Par jugement en date du 17 décembre 2018, le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par SNCF Réseau et la SNCF estimant que si les relations entre les parties s’étaient déroulées dans le cadre de contrats administratifs , les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle des deux EPICS relevaient de sa compétence « (') Attendu cependant que le litige qui lui est soumis ( au tribunal de céans) ne porte ici ni sur le contrat ni sur son exécution mais sur des dommages et intérêts qui pourraient être dus en raison, selon ENTROPIA-CONSEIL, d’une rupture brutale des relations commerciales établies, sur le fondement des dispositions de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce ou en réparation de pratiques anti-concurrentielles telles que l’abus de position dominante ou de dépendance économique visées aux articles L 420-1 et suivants du code de commerce, ces fautes ayant valeur de fautes délictuelles et non de fautes contractuelles ;

qu’en particulier, l’article L 442- 6 I 5° du code de commerce (') ne fait pas obstacle au droit de mettre fin à une relation commerciale mais oblige seulement à faire bénéficier la victime de la rupture d’un délai de préavis; que l’action couverte est une action délictuelle indifférente aux contrats existants sous réserve que soit reconnue, au travers de ces contrats, une relation commerciale établie, c’est à dire ayant un caractère suivi, stable et habituel ;

qu’il convient également de noter que l’article L 442-6 I 5° du code de commerce précise en son paragraphe III que les actions introduites sur son fondement le sont devant la juridiction civile ou commerciale compétente ce qui exclut la compétence du juge administratif »,

qu’il a ajouté que cette compétence judiciaire avait été reconnue par le tribunal des conflits dans sa décision du 4 mai 2009 n° 3714 « (') En matière de marchés publics, lesquels ne traduisent pas la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, la compétence du juge administratif (') ne fait pas obstacle à la compétence du Conseil de la concurrence, sous le contrôle de la Cour d’appel, c’est à dire des juridictions de l’ordre judiciaire, pour statuer sur les litiges fondés sur des pratiques anticoncurrentielles, notamment celles définies aux articles L 420-1, L 420-2 et L 420-5 du code de commerce ; (') que dès lors le litige introduit sur le fondement des règles de la concurrence, relève de la compétence de la juridiction judiciaire ».

SNCF Réseau et la SNCF ont interjeté un appel immédiat à l’encontre de cette décision.

Elles ont été autorisées au visa de l’article 84 du code de procédure civile à assigner à jour fixe la société ENTROPIA-CONSEIL à cette audience devant la présente chambre par ordonnance du 28 décembre 2018 aux fins de faire infirmer le jugement entrepris et de juger que le tribunal de commerce de Paris est incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal administratif de Paris et de condamner la société ENTROPIA CONSEIL à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Elles soutiennent que conformément à la jurisprudence du tribunal des conflits, lorsqu’un établissement public tient de la loi la qualité d’établissement public industriel et commercial, les contrats conclus pur les besoins de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l’exception de ceux comportant des clauses exorbitantes de droit commun.

Qu’en l’espèce, elles exposent que les bons de commande sur la base desquels la société ENTROPIA a réalisé les prestations à l’origine du litige sont soumis au CGC-PI qui contient des clauses exorbitantes du droit commun tels que l’article 48.2 qui autorise SNCF Réseau à récuser les remplaçants proposés par le prestataire, l’article 48-5 qui autorise SNCF Réseau à interdire l’accès aux sites dont elle est gestionnaire aux préposés du prestataire qu’elle estimerait « indésirables», l’article 84 intitulé « exécution par défaut», l’article 21 qui permet à SNCF Réseau à tout moment par une décision notifiée au prestataire, de décider de suspendre l’exécution des prestations, cette suspension pouvant donner lieu à résiliation du marché sans faute et l’article 82.1 qui autorise la personne publique pour des motifs dont elle seule juge «à mettre fin, à tout moment, au contrat.» ce qui constitue une clause de résiliation unilatérale sans aucun manquement commis par le prestataire.

En conséquence, elles estiment que la relation contractuelle entre SNCF Réseau et la société ENTROPIA CONSEIL constituée de bons de commandes soumis à des clauses exorbitantes du droit commun, est de droit administratif.

Elle soutiennent également que ces litiges, y compris de nature délictuelle, nés à l’occasion de l’exécution de contrats administratifs sont de la compétence des juridictions administratives comme l’ont jugé le Conseil d’état et la Cour de Cassation sur la procédure de passation d’ un marché public (CE, 19 décembre 2007, société Campenon Bernard, n° 268918) (Cass.Civ. 1Ère, 18 juin 2014, pourvoi n° 13-19.408).

Elle s’appuient sur l’arrêt de la présente cour d’appel en date du 16 janvier 2015 qui a jugé « Considérant que les actions relatives à l’abus de position dominante et à la rupture brutale des relations commerciales sont de nature délictuelle; que cependant, la qualification administrative du contrat implique la compétence de la juridiction administrative, quelle que soit la nature, publique ou privée, des parties au contrat, ou la nature, administrative, industrielle ou commerciale du service public en cause; que dès lors que la faute alléguée dans le cadre de l’action en responsabilité délictuelle est susceptible d’être rattachée à un contrat administratif, la responsabilité délictuelle est absorbée par la responsabilité contractuelle; que les actions en indemnisation sur le fondement de l’abus de position dominante et de la rupture brutale des relations commerciales intentées par Me Xavier B. es qualité[U] B. es qualité, se rattachent à l’exécution ou à la rupture de marchés conclus dans le cadre de contrats qualifiés d’administratifs, relèvent de la compétence du tribunal administratif ».

La compétence du tribunal administratif de Paris résulte de l’article 86 du CGC-PI qui dispose :

« Les litiges qui pourraient naître entre les parties à l’occasion des marchés soumis aux présentes clauses et conditions générales sont portés devant les tribunaux de Paris. »,

Par conclusions signifiées par le RPVA le 10 mai 2019 , auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leurs moyens, la société ENTROPIA sollicite de la cour :

Vu les articles L 410'1 et suivants du code de commerce,

Vu la décision du Tribunal des Conflits en date du 4 mai 2009,

Dire mal fondés SNCF RESEAU et SNCF en leur appel,

En conséquence,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré en ce qu’il a déclaré compétent le Tribunal de Commerce pour statuer sur le litige initié par la société ENTROPIA CONSEIL au terme de son acte introductif d’instance en date du 24 janvier 2018 ;

Et y ajoutant,

Condamner in solidum SNCF et SNCF RESEAU à verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure qui pourront être recouvrés par Me VIGY, Avocat à la Cour, sur le fondement des dispositions de l’article 699 du CPC.

La société ENTROPIA soutient la compétence de la juridiction judiciaire en faisant valoir que l’article L410-1 du code de commerce rappelle que le livre concerné s’applique aussi aux activités de production, distribution, services qui sont le fait des personnes publiques.

Elle fait encore valoir que l’action est délictuelle, donc indifférente aux contrats, et que l’article L442-6 I, 5° donne explicitement compétence à la juridiction civile ou commerciale, excluant donc le juge administratif.

Elle vise la décision du 4 mai 2009 du tribunal des conflits qui jugeait qu’en matière de marchés publics ne traduisant pas l’usage de prérogatives de puissance publique, le conseil de la concurrence et la cour d’appel de Paris gardaient compétence.

Ainsi les pratiques anti-concurrentielles des personnes publiques sont détachables du régime du contrat qui en est le support.

Elle en conclut donc que le litige délictuel de rupture brutale est détachable du contrat administratif et est de la compétence de la juridiction judiciaire.

SUR CE ;

Considérant qu’il résulte de la décision du 4 mai 2009 n° 3714 du tribunal des conflits « (') En matière de marchés publics, lesquels ne traduisent pas la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, la compétence du juge administratif (') ne fait pas obstacle à la compétence du Conseil de la concurrence, sous le contrôle de la Cour d’appel, c’est à dire des juridictions de l’ordre judiciaire, pour statuer sur les litiges fondés sur des pratiques anticoncurrentielles, notamment celles définies aux articles L 420-1, L 420-2 et L 420-5 du code de commerce ; (') que dès lors le litige introduit sur le fondement des règles de la concurrence, relève de la compétence de la juridiction judiciaire »,

qu’en l’espèce l’action de la société ENTROPIA porte sur la réparation éventuelle qui résulterait du préjudice qu’elle aurait subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies et des pratiques anti-concurrentielles sur le fondement des dispositions des articles L 442-6 I 5° du code de commerce et L 420-1 et suivants du code de commerce, ces fautes ayant valeur de fautes délictuelles et non de fautes contractuelles,

que les actions relatives à l’abus de position dominante et à la rupture brutale des relations commerciales sont de nature délictuelle,

qu’ainsi les pratiques anti-concurrentielles des personnes publiques sont détachables du régime du contrat qui en est le support,

qu’il convient également de souligner que l’article L 442-6 I 5° du code de commerce précise en son paragraphe III que les actions introduites sur son fondement le sont devant la juridiction civile ou commerciale compétente ce qui exclut la compétence du juge administratif,

que l’article L410-1 du code de commerce rappelle que le livre concerné s’applique aussi aux activités de production, distribution, services qui sont le fait des personnes publiques,

que c’est donc à juste titre que les premiers juges ont jugé rejeté l’exception d’incompétence soulevée par SNCF RESEAU et par la SNCF,

qu’il convient donc de confirmer le jugement entrepris ;

Considérant que l’équité impose de condamner in solidum SNCF RESEAU et la SNCF à payer à la société ENTROPIA la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS ;

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris ;

RENVOIE l’affaire au tribunal de commerce de Paris ;

CONDAMNE in solidum SNCF RESEAU et la SNCF à payer à la société ENTROPIA la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les CONDAMNE in solidum aux entiers dépens de la présente procédure qui pourront être recouvrés par Me VIGY, Avocat à la Cour, sur le fondement des dispositions de l’article 699 du CPC.

Le greffier Le président

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