Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 15 décembre 2020, n° 18/26983

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 8, 15 déc. 2020, n° 18/26983
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/26983
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 6 novembre 2018, N° 2018003594
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2020

(n° / 2020 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/26983 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6Z2E

Décision déférée à la cour : Jugement du 07 Novembre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018003594

APPELANTE

SAS FINANCIÈRE L, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 411 541 469

Ayant son siège social […]

[…]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075,

Assistée de Me Paly TAMEGA, avocat au barreau de PARIS, toque B1131,

INTIMÉS

Monsieur D Y

Né le […] à […]

[…]

[…]

Monsieur F Y

Né le […] à […]

[…]

[…]

Madame G Y née X

Née le […] à PARIS

[…]

[…]

Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistés de Me Catherine LE GUEN de la SCP anciennement AYME RAVAUD LE GUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0413,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 mars 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour, composée en bi-rapporteur, de :

C-K M-N, présidente de chambre, chargée du rapport,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame C-K M-N, présidente de chambre

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère, chargée du rapport

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame […]

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par C-K M-N, Présidente de chambre et par […], greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

Aux termes d’un acte sous seing privé en date du 2 avril 2015, intitulé 'cession sous conditions suspensives des droits sociaux de la Société d’Exploitation de la Blanchisserie Y', Mme G Y, M. F Y et M. D Y (les consorts Y) ont cédé à la société H’Eady Invest en cours de formation, représentée par M. H Z, et à M. Z, sous conditions suspensives, la totalité des 2.500 actions qu’ils possédaient (Mme Y a cédé 399 actions à la sociétéH’Eady Invest et une action à M. Z, M. F Y 845 actions à la société H’Eady Invest, M. D Y 1 255 actions à la société H’Eady Invest) dans la SARL Société

d’Exploitation de la Blanchisserie Y (SEBP).Le prix provisoire des 2.500 actions a été fixé à 826.678 euros. La société Financière L s’est portée garante de la bonne exécution des engagements souscrits par la société H’Eady Invest.

Comme annoncé dans l’acte de cession et par décision de l’assemblée générale extraordinaire des associés en date du 17/04/2015, la société a été transformée en société par actions simplifiée, les actions se substituant en quantités égales aux parts sociales.

Par acte du 01/06/2015, les parties ont constaté la réalisation des conditions suspensives et la réalisation définitive de la cession des droits sociaux de la société SEBP. La société H’Eady Invest n’ayant pas été constituée, la société Financière L s’est substituée à elle et a repris tous les engagements que celle-ci et M. Z avaient souscrits dans l’acte du 02/04/2015.

Aux termes de cet acte Mme Y a cédé 400 actions, M. F Y 845 actions et M. D Y 1 255 actions à la société Financière L laquelle a versé 105.815 euros à Mme Y, 223.534 euros à M. F Y et 331.994 euros à M. D Y, soit un total de 661.343 euros. Il était précisé qu''en application de l’article 2 du contrat de cession, ces versements représentent 80% du prix provisoire des droits sociaux, et (que) les 20% restant seront versés au jour de la production d’un arrêté contradictoire des comptes de la société au jour des présentes, en application de l’article 2 du contrat de cession, réalisé par la société Strego'.

Le Cabinet Strego, expert-comptable de la société, choisi d’un commun accord entre les parties, s’est acquitté de sa tâche et a établi le 'bilan de cession' arrêté à la date du 31 mai 2015, qui faisait ressortir une perte de 66.257 euros pour la période considérée (1 er janvier 2015 au 31 août 2015), cette perte venant diminuer le montant des capitaux propres de la société .

Soutenant qu’en l’absence d’observations de la société L sur le ' bilan de cession' dans le délai contractuel de deux mois à compter de la réception de ce document, intervenue selon eux le 11 août 2015, le prix définitif au 26 octobre 2015 s’établissait à 760.421 euros et le complément de prix à 99.076 euros, les consorts Y ont, le 1er décembre 2015, demandé à cette société de s’acquitter du solde du prix, à répartir selon le nombre de parts cédées, soit 49.737 euros pour M. D Y, 33.487 euros pour M. F Y, et 15.852 euros pour Madame G Y, née X.

Le 11 décembre 2015, la société Financière L, considérant qu’elle était dans les délais pour faire valoir ses observations, a répondu qu’en l’absence d’éléments qui ne lui avaient pas encore été communiqués, elle n’était pas en mesure de déterminer le prix de cession définitif .

Après avoir vainement mis en demeure la société FinancièreArthenco, le 19 février 2016, d’avoir à payer le solde du prix de cession des actions, les consorts Y ont le 23 mai 2016, fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel s’est déclaré incompétent par jugement en date du 4 octobre 2017 au profit du tribunal de commerce de Paris.

Devant le tribunal, les consorts Y ont maintenu leur demande de condamnation de la société Financière L au paiement de la somme globale de 99.076 euros, tandis que la société Financière L a répliqué que les consorts Y étaient débiteurs envers elle d’une somme de 43.533 euros et qu’ils devaient également être condamnés à lui payer la somme de 10.731 euros au titre du contrôle fiscal couvert par la garantie de passif .

Par jugement du 7 novembre 2018 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Financière L à payer à :

— M. D Y la somme de 49.737 euros,

— M. F Y la somme de 33.487 euros ,

— Mme G Y la somme de 15.852 euros,

avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

— dit irrecevable dans le cadre de cette instance la demande formulée au titre de la garantie de passif et condamné la société Financière L à payer aux consorts Y 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a considéré qu’il résultait de la convention que les parties avaient clairement voulu inscrire dans un calendrier précis la fixation du prix définitif, que la société Strego, mandatée par les deux parties, disposait d’un délai de deux mois et quinze jours pour transmettre aux parties le bilan de cession à compter du 1er juin 2015, que les parties s’opposaient sur la date de transmission du bilan de cession par le Cabinet Strego à la société Financière L, que les cédants produisaient aux débats un recommandé avec avis de réception adressé par le Cabinet Strego à M. Z portant le cachet de la poste daté du 7 août 2015 et l’avis de réception retourné par M. Z à la société Strego mentionnant comme date de réception le 11 août 2015, qu’au vu de ces pièces, le délai pour transmettre le bilan avait été respecté, que la société Financière L avait maintenu au cours des débats que la lettre reçue à cette date ne contenait pas le bilan de cession et que celui-ci ne lui avait été transmis que le 11 octobre, que l’affirmation selon laquelle le courrier du 7 août 2015 ne contenait pas le bilan de cession n’était étayée par aucune pièce témoignant qu’elle se serait étonnée d’un envoi vide provenant du cabinet mandaté par les parties 8 jours avant la date limite de remise du bilan de cession, qu’en conséquence, la société Financière L disposait d’un délai de deux mois, soit jusqu’au 11 octobre 2015, pour étudier le bilan de cession et se faire communiquer tous les documents qu’elle estimerait nécessaires pour l’éclairer, qu’il résultait d’un courriel qu’elle avait adressé le 9 /10/2015 à la société Strego que compte tenu des documents qui lui avaient été envoyés, elle allait saisir son expert comptable, de sorte qu’elle n’avait manifestement pas respecté le délai qui lui avait été contractuellement imparti pour contrôler le bilan, qu’aucune pièce de la société Financière L ne faisait état d’une quelconque manifestation de sa part entre octobre et novembre 2015 contestant le bilan de cession et proposant une modification du prix provisoire pour ouvrir une discussion sur le prix définitif, que ce n’est que le 11 décembre 2015, en réponse à une lettre du 1er décembre que la société Financière L avait exprimé pour la première fois des observations sur le bilan de cession et contesté la demande de paiement hors délai. Le tribunal a, ensuite, jugé que la demande formée au titre de la garantie de passif était irrecevable, aux motifs que la société Financière L n’avait pas préalablement mis en oeuvre cette garantie de passif auprès des cédants.

La société Financière L a relevé appel de cette décision le 27 novembre 2018.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 26/02/2019, la société Financière L demande à la cour, vu l’article 1103 et 1189 nouveaux du code civil, vu l’article 12 du code de procédure civile, de la dire recevable en ses demandes, y faisant droit, d’infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de dire qu’elle a répondu dans le délai conventionnel de deux mois à compter de la communication du bilan de la société SEBP, soit le 11 décembre 2015, dire que le bilan de cession de la SEBP et les justificatifs comptables qui lui ont été communiqués les 11 et 26 octobre 2015 ne permettaient pas d’établir le prix définitif des actions, juger que les cédants restent lui devoir la somme de 43.533 euros, dire recevable la demande de présentation de garantie de passif, à titre subsidiaire, désigner tel expert qu’il plaira afin de faire le compte entre les parties, en conséquence condamner les 'consorts Y’ à lui payer la somme de 43.533 euros, ainsi que celle de 10.731 euros au titre du contrôle fiscal, garanti par la garantie de passif, et la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel, à titre subsidiaire, désigner tel expert qu’il plaira afin de faire le compte entre les parties.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 7 mai 2019 Mme G Y, née X, M. F Y et M. D Y demandent à la cour, vu l’article 1104 du code civil, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, débouter la société Financière L de son appel et de l’intégralité de ses demandes, y ajoutant, rejeter la demande subsidiaire de désignation d’un expert pour établir les comptes entre les parties, condamner la société Financière L à leur payer une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de la procédure d’appel et de la condamner aux dépens.

SUR CE

— Sur le prix de cession définitif

A l’article 2 de l’acte de cession du 02/04/2015, les parties sont convenues de fixer provisoirement le prix des 2.500 parts sociales objets des présentes cessions, composant 100 % du capital social et des droits de vote de la Société, à la somme de 826.678 euros, et des modalités précises de fixation du prix définitif.

Pour déterminer le prix définitif des droits sociaux, la convention prévoit les dispositions suivantes : ' il sera établi à la DATE DE PRISE D’EFFET ET DU TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ, retenue comme date d’inventaire, une situation comptable en forme de bilan de la SOCIÉTÉ pour la période du 1° Janvier 2015 à la DATE DE PRISE D’EFFET ET DU TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ, (ci-dessous le ' BILAN DE CESSION').

Le BILAN DE CESSION sera établi contradictoirement entre les Parties, selon les principes et règles comptables habituels de la profession, et notamment les principes de prudence et de permanence des méthodes, et ce, sauf conventions particulières expressément convenues aux présentes, et dans la garantie d’actif et de passif en date de ce jour, lesquelles s’imposeront aux Parties en cas de contradiction avec les règles habituelles citées ci-dessus, le BILAN DE CESSION n’ayant qu’une valeur conventionnelle entre les Parties et ne pouvant à aucun titre être considéré, notamment pour l’interprétation des présentes, comme satisfaisant strictement aux règles comptables et fiscales notamment.

[….]

Le BILAN DE CESSION sera établi par la société STREGO, ci-dessus, désignée par accord entre les Parties, au plus tard deux mois et quinze jours à compter de la DATE DE PRISE D’EFFET ET DU TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ.

Afin de contrôler le BILAN DE CESSION et de satisfaire au principe du contradictoire, le CESSIONNAIRE disposera d’un délai de deux mois à compter de la transmission par la société STREGO du BILAN DE CESSION qu’elle aura établi.

Le CESSIONNAIRE aura accès à tous les documents inhérents au BILAN DE CESSION qu’il estimera nécessaire de consulter.

Les Parties arrêteront le prix définitif des parts sociales visées aux présentes, au plus tard 15 jours à compter de l’expiration du délai dont le CESSIONNAIRE dispose pour contrôler le BILAN DE CESSION établi par la société STREGO.

Le CESSIONNAIRE pourra, s’il le souhaite être assisté par toute personne de son choix ayant le titre d’expert-comptable, afin de réaliser ses vérifications et observations'.

L’article 11 de la convention stipule qu’en cas de désaccord concernant la détermination du prix des parts sociales, les parties conviennent en application des dispositions de l’article 1592 du code civil,

de s’en remettre définitivement aux dires d’un tiers et que dès la survenance d’un litige de ce type, la partie la plus diligente désignera un tiers de son choix et en avisera l’autre par lettre recommandée avec accusé de réception et qu’à défaut d’accord entre les parties sur le choix de ce tiers, celui-ci sera désigné par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris sur l’assignation de la partie la plus diligente.

Le Cabinet Strego, expert-comptable de la société, choisi d’un commun accord entre les parties a établi le 'bilan de cession' arrêté à la date du 31 mai 2015, lequel fait ressortir une perte de 66.257 euros pour la période considérée (1 er janvier 2015 au 31 août 2015), cette perte venant diminuer le montant des capitaux propres de la société .

Les consorts Y soutiennent que le bilan de cession transmis par la société Strego à la société Financière L est devenu définitif, puisque, alors qu’il lui avait été communiqué dans le délai prévu, la société Financière L n’a pas sollicité de modification dans le délai fixé d’un commun accord entre les parties, et qu’il fait apparaître un solde de prix de cession de 99 076 euros dont la société Financière L est redevable.

La société Financière L fait valoir que les premiers juges ont interprêté le contrat et ce faisant qu’ils l’ont dénaturé, alors que toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier et que lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci, qu’en l’espèce, l’acte de cession litigieux est couplé à une convention de garantie de passif et que le délai de 2 mois ne court que lorsque le bilan et les justificatifs comptables lui ont été communiqués, que les consorts Y se prévalent d’un formulaire d’avis de réception de lettre recommandée totalement illisible et ne prouvent pas qu’une lettre recommandée contenant les états financiers de la SEBP lui a vraiment été envoyée. Elle affirme que la lettre susmentionnée ne contenait pas les pièces comptables (bilan) devant accompagner les états financiers, que le 11 octobre 2015, ainsi que cela résulte du courriel versé aux débats, la société Strego lui a transmis le bilan , c’est à dire son ' dossier annuel arrêté le 31 mai 2015 ainsi qu’un second fichier avec l’ensemble des pièces justificatives' et le 26 octobre, le détail des créances douteuses au 31 décembre 2014. Elle considère donc que c’est à compter du 26 octobre 2015 que le délai contractuel de deux mois a commencé à courir à son égard et que c’est donc à bon droit que, par lettre recommandée avec avis de réception du 11 décembre 2015 et conformément à la stipulation contractuelle, elle a exercé 'son droit de réponse'. Elle ajoute qu’en la condamnant à payer la somme de 99.076 euros alors que l’article 2 de l’acte de cession stipule que les parties arrêteront le prix définitif des parts sociales visées aux présentes, au plus tard 15 jours à compter de l’expiration du délai dont le cessionnaire dispose pour contrôler le bilan établi par le cabinet Strego, les juges consulaires ont dénaturé la convention, puisque la société Strego lui a communiqué le bilan le 11 octobre 2015, complété par des pièces, le 26 octobre 2015 et qu’elle a répondu le 11 décembre 2015, en indiquant notamment que certains éléments ne figuraient pas au bilan, tels que les indemnités de fin de carrière des anciens salariés de la SEBP, le dépôt de garantie, les charges d’honoraires de la société Strego et qu’aucun inventaire physique portant sur le matériel n’a été établi. Elle précise que c’est en application du principe du contradictoire qu’elle a confié à son expert-comptable, la société Daven Partners, la mission de déterminer le prix définitif des parts sociales au regard du bilan produit par le Cabinet Strego et des pièces comptables en sa possession et qu’il est ressorti de ces travaux que les cédants restent lui devoir la somme de 43.533 euros.

Les parties ne s’accordent pas sur la date d’expiration du délai accordé à la société FinancièreArthenco pour contester le bilan de cession arrêté par le cabinet Strego et sur le caractère définitif de ce bilan destiné à déterminer le prix définitif de cession.

Il résulte des pièces versées aux débats que la 'date de prise d’effet et du transfert de propriété' est celle du 31 mai 2015, que la société Strego a transmis à la société Financière L, par lettre recommandée avec accusé de réception, le 'bilan de situation' intitulé par elle ' états financiers' ( pièces 2 et 4 des intimés) qui a été réceptionnée le 11/08/2015 par la société Financière L (Pièce n°4 des intimés), que le 27 août 2015 ( pièce 7 des intimés ) un préposé de la société Strego (Mme B I 'responsable de dossiers') a adressé un message électronique à 'K-L@orange.fr'dont l’objet est : ' Etats SEBP au 31/05/2015", ainsi rédigé : ' Bonjour K vous trouverez ci-joint les états arrêtés au 31/05/2015: Balance générale, grand livre général, balance clients, balance fournisseurs, état des immobilisations, rapprochements bancaires CCP et HSBC, grand livre fournisseurs. Je reste à votre disposition si vous aviez besoin d’information complémentaire', que les mêmes documents ont été retransmis le 8 septembre 2015 à la société Financière L, que le 1er octobre 2015 la même personne au sein de la société Financière L a réclamé à Mme B, sous le même objet, le ' journal des AN 2014 de SEBP', que le 5 octobre Mme I B a demandé ' vous souhaitez le journal des a nouveaux au 1er janvier 2014'', que ' K' a répondu, quelques minutes plus tard: ' oui car la migration de Coala dans Sage 100 n’a pu se faire avec les AN et je dois tous les saisir', que Mme B les a transmis le même jour, que ' K' a écrit quelques instants plus tard ' excusez moi mais je me suis trompée j’ai besoin des AN au 1er Janvier 2015 et non 2014" , que Mme B a transmis les documents demandés dans l’après midi du 5 octobre, que le 9 octobre 2015 ' K' a écrit à Madame B: ' Faisant suite à l’ensemble des documents que vous avez eu la gentillesse de nous transmettre. Conformément à l’acte de cession et en vue de l’audit par notre expert comptable de la situation arrêtée au 31/05/2015 . Il demande avant son intervention de mettre à sa disposition votre dossier de travail courant de la société SEBP comme il est d’usage', que le 11 octobre 2015, Mme B lui a répondu ' Vous trouverez ci-joint notre dossier annuel arrêté au 31/05/2015 ainsi qu’un second fichier avec l’ensemble des pièces justificatives', que le 21 octobre 2015 ' K' a réclamé ' le détail du compte client 416 au 01/01/2015", que le lundi 26 octobre 2015, Mme B a adressé ' le détail des créances douteuses au 31/12/2014".

Il ressort ainsi de l’ensemble des mails échangés entre la société Financière L et le cabinet Strego qui ont tous pour objet ' états au 31/05/2015", que dès le 27 août 2015, et jusqu’au 21 octobre 2015, la première nommée a réclamé à la seconde les documents qui lui semblaient nécessaires et étaient indispensables à son expert comptable pour ' contrôler le bilan de cession' qui lui avait été transmis.

Il a été rappelé ci-dessus que la convention fixe des délais, en premier lieu, pour l’établissement du bilan de cession, en deuxième lieu pour sa transmission aux parties, en troisième lieu pour son contrôle, puisqu’elle stipule que le bilan de cession doit être établi par la société Strego au plus tard deux mois et quinze jours à compter de la date de prise d’effet et de transfert de propriété (ici le 31 mai 2015), et que le cessionnaire disposera d’un délai de deux mois à compter de la transmission du bilan de situation pour contrôler le bilan, délai pendant lequel elle aura accès à tous les documents qu’elle estimera utile de consulter et pendant lequel elle pourra se faire assister par l’expert comptable de son choix pour réaliser ses vérifications et observations. Elle prévoit aussi que le prix définitif des parts sociales sera fixé au plus tard 15 jours à compter de l’expiration du délai dont le cessionnaire dispose pour contrôler le bilan de cession établi par la société Strego .

La société Financière L, qui disposait d’un délai de 2 mois à compter du 11/08/2015, pour contrôler le bilan de cession, n’a en septembre 2015 et/ou en octobre 2015 élevé aucune contestation, sollicitant simplement des documents complémentaires.

Il s’en déduit que 'le droit de réponse' qu’elle a exercé le 11 décembre 2015 et, plus tard, lors de la première instance devant le tribunal de commerce, au cours de laquelle, pour la première fois, elle a prétendu que les consorts Y étaient débiteurs d’un trop perçu, a été formulé hors délai.

La société Financière L ne peut pertinemment soutenir qu’il s’agit là d’une interprétation du contrat qui le dénature alors qu’une telle analyse résulte des clauses claires et précises de la convention, qui n’ont qu’un sens et ne sont discordantes avec aucune stipulation, ni même avec la convention de garantie d’actif et de passif et ne nécessitent aucune recherche de la commune

intention des parties.

La convention prévoit d’une part, que le prix définitif des parts sociales sera fixé au plus tard 15 jours à compter de l’expiration du délai dont le cessionnaire dispose pour contrôler le bilan de cession établi par la société Strego, et, d’autre part, que les contestations qui auraient été élevées relativement à l’établissement du bilan de cession et par conséquent à la détermination du prix des parts sociales seront définitivement réglées, conformément à l’article 1592 du code civil (arbitrage d’un tiers ) et à l’article 11 de la convention, lequel prévoit, en cas de litige relatif à la détermination du prix des parts sociales, le recours à un tiers arbitre.

Prétendre que le délai de 2 mois ne court qu’à compter du 26 octobre 2015, date à laquelle la société Strego a transmis, non pas le bilan de situation, mais les dernières pièces réclamées par la société Financière L après réception de celui-ci, constitue une dénaturation des obligations qui résultent de la convention du 02/04/2015.

Il doit être en outre souligné que dans son courrier du 11 décembre 2015, la société Financière L indique répondre dans les délais conformément à l’article 2 de la convention et ne pas être en mesure de 'déterminer le prix de cession définitif et donc le montant restant à devoir ( aux consorts Y)', et qu’elle verse aux débats devant la cour, pour justifier un solde en sa faveur de 43.533 euros, 'un état récapitulatif des corrections' établi au 14/10/2016, c’est à dire près d’une année plus tard, par son propre expert comptable, de sorte que faire droit à ses demandes, principale, ou subsidiaire de désignation d’un expert, aboutirait à retirer tout sens aux stipulations de la convention.

Il se déduit de ce qui précède que les prétentions de la société Financière L ne sont pas conformes aux stipulations de la convention qui la lie aux cédants.

Ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit que la société Financière L avait laissé expirer le délai dont elle disposait pour contrôler le bilan de situation sans formuler d’observation. Il s’ensuit que le bilan de situation du cabinet Strego est devenu définitif avant que la société Financière L ne formalise ses contestations. Il résulte du bilan de situation que le prix définitif des cessions, déduction faite d’une perte de 66.257 euros, s’élève à 760.421 euros. Eu égard à la somme totale de 661.343 euros réglée lors de la cession aux cédants, la société Financière L reste devoir un complément de prix de 99.078 euros [ 99.076 euros selon le jugement dont il est demandé la confirmation] en faveur des consorts Y, à répartir entre eux en fonction du nombre de parts cédées, dans les termes du jugement.

— Sur la garantie de passif

La société Financière L expose que les intimés ne lui ont pas fourni la garantie bancaire à première demande, qui était prévue à l’article VI de la convention de garantie d’actif et de passif, que la société SEBP a fait l’objet d’un contrôle fiscal, déclenché le 9 janvier 2017, au titre notamment des années 2014 et 2015, période de gestion de l’ancienne direction, qu’à l’issue de ce contrôle l’administration fiscale a effectué un rappel de TVA déductible de 4.530 euros pour l’année 2014, de 2.504 euros pour l’année 2015, et d’impôts sur les sociétés de 3.117 euros pour l’année 2014. Elle précise que par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juillet 2017, elle a vainement mis en demeure les cédants de lui payer ces sommes sous huitaine .

Les consorts Y exposent que la société Financière L est irrecevable à solliciter leur condamnation au titre de la garantie de passif, alors qu’elle n’a pas mis en oeuvre cette garantie, et qu’elle ne démontre pas que la garantie souscrite ait à couvrir les passifs invoqués.

L’article III de la convention de garantie d’actif et de passif, intitulé 'consultation du garant' est ainsi rédigé :

' Le Bénéficiaire ou la SOCIETE devra notifier au Garant dans le délai de vingt (20 ) jours ( ou par un délai plus court si une procédure exige une réponse ou une action dans un délai plus bref) à compter du moment où il en aura connaissance, l’existence de tout événement ou réclamation susceptibles de faire jouer la présente garantie (notamment sans que cela soit limitatif, toute réclamation, assignation, etc émanant de tout tiers ou avis de vérification émanant de l’administration fiscale ou des organismes sociaux).

Toute Demande devra être faite par lettre recommandée avec accusé de réception adressée, au Garant .

Il est précisé que toute demande d’indemnisation présentée par le BENEFICIAIRE en vertu de la présente garantie ,ne sera prise en considération par le GARANT qu’à la condition que ce dernier ait été préalablement informé des causes de l’apparition d’un tel passif et qu’il ait été mis en mesure d’y répondre ou s’y opposer dans les 15 jours suivants la mise en cause de la SOCIETE

[….]

Spécialement, en cas de vérification comptable par l’Administration des Finances, le GARANT devra être avisé par tous moyens dans un délai de 15 jours de cette vérification et de toute notification afin de pouvoir assurer sa défense ou se faire représenter, le tout à ses frais, par toute personne de son choix, en ce qui concerne les opérations effectuées par la SOCIETE antérieurement à DATE PRISE D’EFFET ET DU TRANSFERT DE PROPRIETE. Il en sera de même dans les différentes phases de la procédure qui pourrait s’ensuivre'.

L’appelante verse aux débats quatre pièces:

— la proposition de rectification adressée par l’administration fiscale suite à la vérification de comptabilité, le 28 juin 2017, à la Sarl Société d’Exploitation Blanchiserie Y (pièce n°5)

— la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 juillet 2018 adressée à M. D Y par la société SEBP par laquelle il est réclamé au premier nommé les sommes de 7.560 euros et de 3.717 euros , dans le cadre de la garantie d’actif et de passif (pièce n°6)

— un message électronique de M. D Y en date du 13 février 2017, ayant pour destinataire M. H Z, dont l’objet est ' contrôle de TVA collectée exercice 2014" et dans lequel il est dit ' je vous adresse le cadrage TVA au 31/12/2014, ce document faisant apparaître un écart entre la base déclarée sur l’exercice et la base à déclarer Complément à déclarer 20% base : 651/TVA:130 19,6% Base : 10771/TVA:2111. Ces sommes ont été régularisées sur la CA3 du mois de mai 2015, je vous adresse la déclaration et notre feuille de travail'.(pièce n°8)

— un message électronique émanant de M. D Y en date du 21 février 2017 adressé à M. Z transmettant ' le juridique de la société SEBP pour l’exercice clos au 31/12/2014".

Il résulte de l’examen de la pièce n°5 que la vérification de comptabilité a eu lieu du 09/01/2017 au 15/06/2017 .

Aux termes de l’article III précité, il incombait à la société Financière L de notifier par lettre recommandée avec accusé de réception aux consorts Y, désigné comme étant 'le garant', dans les 15 jours de sa réception,

l’avis de vérification de comptabilité émanant de l’administration fiscale, lequel a été nécessairement adressé à la Société d’Exploitation Blanchisserie Y antérieurement au 09/01/2017.

La société Financière L ne justifie pas de l’accomplissement de cette formalité impérative, ni

même n’établit avoir avisé les consorts Y, par un autre moyen que l’envoi d’une lettre recommandée, de la décision de l’administration fiscale d’effectuer une vérification de comptabilité pour les années 2014 et 2015, à compter du 09/01/2017.

Or, l’article IX de la convention de garantie stipule que toutes les clauses du contrat sont de rigueur, aucune d’entre elles ne peut être réputée de style, chacune étant déterminante du consentement des parties.

Il s’ensuit que la société Financière L, ne démontrant pas avoir respecté les obligations lui incombant au titre de la mise en oeuvre de la garantie d’actif et de passif, sa demande d’indemnisation ne peut être prise en considération.

A ces motifs, le jugement sera confirmé .

— Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Financière L, qui succombe et sera condamnée aux dépens, ne peut prétendre à l’octroi de sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée à verser aux consorts Y, pris ensemble, la somme de 3.000 euros .

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Financière L à payer à M. D Y, M. F Y et Mme G Y, pris ensemble, une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne la société Financière L aux dépens d’appel.

La greffière,

[…]

La Présidente,

C-K M-N

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 15 décembre 2020, n° 18/26983