Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 8 juillet 2021, n° 20/02767

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 8 juill. 2021, n° 20/02767
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 20/02767
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulouse, 16 septembre 2020, N° 2020R206
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

08/07/2021

ARRÊT N° 639/2021

N° RG 20/02767 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NYI5

FG/MB

Décision déférée du 17 Septembre 2020 – Président du TC de TOULOUSE ( 2020R206)

Y Z

S.A. CAROLL INTERNATIONAL

C/

A X

S.A. ETABLISSEMENT A L’IDEAL

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3e chambre

***

ARRÊT DU HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANTE

S.A. CAROLL INTERNATIONAL agissant poursuites et diligences de son représentant légal

domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Séverine VALADE de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIME

M. A X immatriculé au RCS de TOULOUSE sous le numéro 302 547 013

[…]

[…]

Représenté par Me C DALMAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A. ETABLISSEMENT A L’IDEAL Société anonyme à conseil d’administration au capital social de 60.970,61', immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le numéro 301 571 873

agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d’Administration en exercice, M. C X demeurant et domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me C DALMAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. GIROT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. F-G, président

P. POIREL, conseiller

F. GIROT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : M. D

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. F-G, président, et par M. D, greffier de chambre

Par une déclaration du 14 octobre 2020, la société anonyme Caroll international a interjeté appel, dans des conditions de régularité formelle non critiquées, d’une ordonnance rendue le 17 septembre 2020 par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse qui, saisi par la société Etablissement À L’IDÉAL et M. X d’une demande en paiement de redevances de location

gérance dues en vertu d’un contrat du 23 septembre 1998, a :

— condamné à titre provisionnel la société Caroll international à régler à M. X la somme de 49 912,56 euros et à la société Etablissement À L’IDÉAL la somme de 82 152,08 euros,

— condamné la société Caroll international au paiement provisionnel d’une indemnité forfaitaire de 40 euros pour chacune des factures impayées au bénéfice de M. X et de la société Etablissement À L’IDÉAL,

— condamné la société Caroll international à payer un taux d’intérêt égal à trois fois le taux légal à compter du 5 avril 2020 sur les sommes dues,

— débouté la société Etablissement À L’IDÉAL et M. X de leur demande relative au paiement des frais d’exécution forcée,

— condamné la société Caroll international à payer à la société Etablissement À L’IDÉAL et à M. X la somme de 1500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La procédure a été suivie selon les modalités prévues par les articles 905 et suivants du code de procédure civile et l’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2021.

Par dernières conclusions notifiées le 12 mai 2021, la société Caroll international demande à la cour, au visa des arrêtés des 14 et 15 mars 2020, des décrets 2020-293 du 23 mars 2020 (article 8) et 2020-423 du 14 avril 2020, des articles 1218 et 1219 du code civil, des articles 699,700 et 873 du code de procédure civile, de:

— confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a débouté M. X et la société Etablissement À L’IDÉAL de leur demande de condamnation au paiement des frais d’exécution forcée,

— réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

— condamner M. X et la société Etablissement A L’IDÉAL à lui payer la somme de 126 504,54 euros à titre de remboursement des redevances et charges indues pour les périodes du 15 mars au 11 mai 2020 puis du 30 octobre au 27 novembre 2020,

— débouter M. X et la société Etablissement A L’IDÉAL de toutes leurs demandes fins et conclusions,

— condamner M. X et la société Etablissement A L’IDÉAL à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et autoriser Maître Sophie Crepin, avocate au barreau de Toulouse, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Caroll rappelle qu’en vertu des dispositions réglementaires prises en 2020 et 2021 et en raison de la pandémie liée au virus covid-19, les magasins qu’elle exploite ont été fermés.

Elle fait valoir essentiellement qu’il existe une contestation sérieuse sur l’exigibilité des redevances pendant les périodes de fermeture administrative du local qu’elle exploite à Toulouse, que les redevances ne sont pas dues pendant les périodes de fermeture et ce sur trois fondements juridiques convergents :

*le locataire gérant est fondé à se prévaloir de la suspension du contrat, les mesures d’interdiction d’accueil du public en empêchant l’exécution en sorte que les obligations réciproques des parties sont supprimées, le bailleur de fonds étant dispensé de l’obligation de délivrance d’un local conforme à sa destination et le locataire gérant étant dispensé du paiement des redevances et charges,

* le locataire gérant est fondé à se prévaloir de l’exception d’inexécution, dès lors qu’en raison de la règlementation liée à la pandémie le bailleur de fonds a été dans l’impossibilité de remplir son

obligation de délivrance. L’obligation de délivrance est une obligation de résultat continue qui ne cède que devant la force majeure et les mesures de fermeture des boutiques ont frappé les bâtiments et locaux au sens de l’article R 123-2 du code de la construction et de l’habitation et ont empêché le bailleur de remplir son obligation, l’absence de faute de celui-ci étant inopérante,

* le locataire gérant est encore fondé à se prévaloir des dispositions de l’article 1722 du code civil qui envisage les cas où la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit ou n’est détruite qu’en partie, la perte économique, la perte partielle ou la perte de jouissance temporaire étant assimilées à la destruction de la chose louée.

En réponse aux conclusions des intimés, la société Caroll fait observer que les bailleurs de fonds ne peuvent ignorer que les mesures gouvernementales prises lors de la première période de confinement ont rendu obligatoire la fermeture des établissements non essentiels pour la vie de la nation, et que le fait que la procédure ait trait à un contrat de location gérance et non à un contrat de bail est sans incidence, le bailleur de fonds d’un contrat de location gérance ayant, comme le bailleur d’un bail commercial, l’obligation de délivrer des locaux en état de servir à l’usage auquel ils étaient contractuellement destinés.

Enfin, elle dénie la mauvaise foi que lui imputent les intimés.

Par dernières conclusions notifiées le 12 mai 2021 M. X et la société Etablissement A L’IDÉAL demandent à la cour, au visa des articles L114-1 du code de commerce, 1218,1219,1719 du code civil, 873 alinéa 2 et 873-1 du code de procédure civile, de:

— confirmer en tous points l’ordonnance déférée,

— débouter la société Caroll international de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

— compte tenu de l’évolution du litige en appel condamner la société Caroll à payer à titre provisionnel au titre des redevances dues pour le deuxième trimestre 2021:

* la somme de 50 533,73 euros à M. X,

* la somme de 83 217,64 euros à la société Etablissement A L’IDÉAL,

— condamner la société Caroll international à verser à chacun des intimés la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Caroll international aux dépens dont distraction au profit de Maître Dalmayrac.

Les intimés observent à titre liminaire que l’argumentation de la société Caroll International évolue en cause d’appel puisqu’elle renonce à considérer que l’intégralité de la redevance du deuxième trimestre serait indue, que la doctrine et la jurisprudence citées par l’appelante concernent les baux commerciaux et non les contrats de location-gérance, le locataire gérant exploitant le fonds à ses risques et périls, qu’enfin ils ont eux-même réglé les échéances de loyers et provisions sur charges afférents aux locaux dans lesquels le fonds est exploité.

Ils font valoir que la société appelante n’est pas fondée à se prévaloir d’une exception d’inexécution, aucun manquement à leur obligation de délivrance n’étant établi à leur encontre, qu’ils n’ont souscrit aucune garantie de chiffre d’affaire ni de fréquentation du fonds, que l’interruption de l’exploitation pour des raisons extérieures aux parties est sans lien avec leur obligation de délivrer le fonds loué et de laisser la locataire en jouir à ses risques et périls, en application des dispositions de l’article L 144-1 du code de commerce.

Ils ajoutent sur ce point que le moyen tiré de l’exception d’inexécution doit être apprécié à la lumière de l’obligation des parties de négocier de bonne foi et qu’en l’espèce la société Caroll international ne leur a jamais directement écrit, son associée principal, la société Vivarte, ayant seulement envoyé deux courriers types en imposant plusieurs restrictions au paiement des redevances.

Ils font encore valoir que la société appelante n’est pas fondée à invoquer les dispositions de l’article 1722 du code civil ainsi que l’a jugé le tribunal judiciaire de Paris par un jugement du 25 février 2021 qui a retenu que le bailleur n’avait pas à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité.

Ils font observer que lorsqu’elle le souhaite, la société Caroll international exploite ses fonds de commerce même pendant le confinement en recourant à un système de commande en ligne avec retrait et paiement des articles en boutique, ce qui n’a pas été fait dans les locaux de Toulouse.

SUR CE :

Selon les dispositions de l’article 873 du code de procédure civile dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, les parties sont liées par un contrat de location gérance d’un fonds de commerce de vêtements exploité dans des locaux situés 31 et […] à Toulouse.

Il est constant que dans le cadre des mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie provoquée par le virus covid 19, le commerce exploité par la société Caroll international a dû fermer :

— du 16 mars au 11 mai 2020 en vertu d’un arrêté du 16 mars 2020 et des décrets n°2020-293 du 23 mars 2020 et 2020-423 du 14 avril 2020,

— du 30 octobre au 27 novembre 2020 en vertu du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020,

— du 20 mars au 18 mai 2021 en application du décret n° 2021-296 du 19 mars 2021.

Il s’ensuit que pendant les périodes concernées la société Caroll international n’a pas été en mesure d’exploiter le fonds loué en raison, d’une part de la fermeture des locaux dont elle a la jouissance aux termes du contrat, et d’autre part de la perte de la clientèle au regard des restrictions de déplacements des personnes, étant observé que si pendant les deuxième et troisième périodes de fermeture les commerces qualifiés de 'non essentiels’ pouvaient mettre en place un système de commande en ligne avec retrait en magasin, cette possibilité n’existait pas lors de la première fermeture et qu’en toute hypothèse compte tenu de la nature de l’activité commerciale de la société Caroll une telle pratique ne pouvait compenser la venue de la clientèle dans le magasin.

Dès lors que par le fait de circonstances étrangères aux deux parties et sans faute de l’une ou de l’autre le bailleur n’a pas été en mesure de respecter son obligation de délivrance les questions de savoir si le contrat peut, en raison de la force majeure, être considéré comme suspendu et les parties dispensées temporairement de leurs obligations principales ou encore si le locataire peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour justifier le non respect de sa propre obligation au paiement de la redevance, caractérisent des contestations sérieuses que seul le juge du fond peut trancher.

De plus, aux termes de l’article 1722 du code civil si, pendant la durée du bail la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

Il est constant que la destruction de la chose louée peut s’entendre d’une perte matérielle mais également d’une perte juridique, notamment en raison d’une décision administrative, et que la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle s’entendant de toute circonstance diminuant sensiblement l’usage du bien loué.

Ainsi que cela a été rappelé ci-dessus en raison de l’impossibilité de recevoir du public, la société Caroll a subi une perte partielle du fonds donné en location gérance dont elle n’a pas pu jouir conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative, l’absence de toute faute du bailleur étant indifférente.

La société Caroll est par conséquent également fondée à invoquer une contestation sérieuse tenant à la perte au moins partielle de la chose louée.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’obligation de la société Caroll au paiement des redevances de location gérance afférentes aux périodes du 15 mars au 11 mai 2020, du 30 octobre au 27 novembre 2020 et du 20 mars au 18 mai 2021 fait l’objet de contestations sérieuses ressortant de la compétence du juge du fond, en sorte que l’ordonnance déférée doit être infirmée et M. X et la société Etablissement A L’IDÉAL déboutés de leur demande de provisions, y compris celle qui porte sur la redevance due pour la période du 20 mars au 18 mai 2021, la société Caroll devant également être déboutée de sa demande de remboursement des sommes qu’elle a payées au titre des deuxième et troisième trimestres 2020.

SUR LES FRAIS ET DÉPENS :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Caroll la totalité des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel. M. X et la société Etablissement A L’IDÉAL seront condamnés à lui payer la somme totale de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimés dont les prétentions sont rejetées seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour:

Infirme l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse le 17 septembre 2020.

Statuant à nouveau, déboute M. X et la société Etablissement A L’IDÉAL de leur demande de provision.

Déboute la société Caroll international de sa demande de remboursement des sommes versées.

Condamne la société Etablissement A L’IDÉAL et M. X à payer à la société Caroll international la somme de 1500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Etablissement A L’IDÉAL et M. X aux dépens de première instance et d’appel et autorise Maître Crépin, avocate, à faire application, pour les dépens d’appel, des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. D C. F-G

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