Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 13 janvier 2017, n° 16/05193

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 16/05193

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 07 juin 2016

RG : 16/03200

ch n°

Fédération SUD PTT-LA FEDERATION SUD DES ACTIVITES POSTALES E T DES TELECOMMUNICATIONS

C/

SAS MEDIAPOST

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 13 Janvier 2017

APPELANTE :

Fédération SUD des Activités Postales et des Télécommunications -SUD PTT-

prise en la personne de Monsieur [R] [U], membre du bureau fédéral

[Adresse 1]

[Adresse 1],

Représentée par Me Anne LACONDEMINE, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS MEDIAPOST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Christophe FROUIN, avocat au Barreau de PARIS

******

Date de clôture de l’instruction : 04 Novembre 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Novembre 2016

Date de mise à disposition : 13 Janvier 2017

Audience tenue par Chantal THEUREY-PARISOT et Marie-Christine DE LA SALLE, conseillères, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, greffier

A l’audience, Marie-Christine DE LA SALLE a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Michel SORNAY, président

— Chantal THEUREY-PARISOT, conseiller

— Marie-Christine DE LA SALLE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel SORNAY, président, et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS ET PROCEDURE

La société MEDIAPOST est une filiale du groupe LA POSTE, spécialisée dans la distribution d’imprimés publicitaires et de journaux gratuits, comptant environ 10 000 distributeurs.

Le distributeur perçoit une rémunération assise sur la base d’une grille pour le volume et le secteur de distribution confié. Le calcul du temps de travail procède d’une quantification au préalable de l’ensemble des missions à accomplir (consignes de distribution, prélèvement et chargement des documents, assemblage des documents, déplacements et distribution), en fonction de critères associés à un référencement horaire du temps de travail et selon des modalités établies par la convention collective nationale de la distribution directe.

A la requête du syndicat fédération SUD des activités postales et des télécommunications, le conseil d’état, par décision du 28 mars 2012, a annulé le décret du 8 juillet 2010 instituant une dérogation au contrôle quotidien et hebdomadaire de la durée du travail prévu à l’article D 3171-8 du code du travail pour les salariés exerçant une activité de distribution de portage de documents, le temps de travail de ces salariés, pouvant faire l’objet d’une quantification préalable, selon des modalités établies par convention ou accord collectif de branche.

Le 22 novembre 2013, le ministère du travail informait MEDIAPOST de la transmission d’un procès verbal au procureur de la république de DIEPPE, relatif à l’infraction d’emploi de salarié à horaire variable sans établir de document nécessaire au contrôle du temps de travail, en application des articles L 3171-2 et D 3171-8 du code du travail.

Le 21 janvier 2014, la société MEDIAPOST, lors d’une réunion avec les organisations syndicales, a indiqué avoir retenu le boitier DISTRIO pour répondre à l’obligation de l’article D 3171-8 du code du travail, qui enregistre par géolocalisation toutes les 10 secondes, le temps de travail de distribution du courrier au moyen d’un boîtier mobile que les distributeurs portent sur eux lors de leur tournée et qu’ils activent eux-mêmes, étant précisé que les autres temps de travail des distributeurs (activités de préparation de distribution et de déplacement entre leur domicile et la plate-forme) restent sous la forme de pré-quantification.

Une expertise a été mise en 'uvre en application des articles L 2323 ' 13 et L 4614-12 du code du travail et confiée au cabinet TECHNOLOGIA avec pour mission de :

— dans le domaine organisationnel : vérifier que l’enregistrement mobile permet de contrôler le temps de travail et les temps de repos, vérifier que l’utilisation des données est conforme à l’objet recherché et qu’il n’y a pas d’atteinte à la vie privée des salariés, vérifier que la conservation des données est conforme aux principes posés par la CNIL, vérifier que la gestion des écarts de temps entre le temps pré-quantifié et le temps quantifié est conforme aux normes édictées dans le cadre du projet d’accord, veiller au bon enregistrement des différents temps de travail des distributeurs

— dans le domaine technique : vérifier la fiabilité du dispositif et du boitier, les modalités de maintenance du boitier et les modalités d’utilisation de celui-ci par les distributeurs,

— dans le domaine social, étudier le degré d’acceptation sociale du dispositif par les distributeurs, étudier l’impact sur la charge de travail sur la plate-forme notamment les responsables plates-formes du chef d’équipe pour l’exploitation des données, étudier les impacts organismes situationnelles et sur l’emploi.

Lors des réunions des 15 mai 2014 et 2 juin 2014, les membres élus des CHSCT régionaux et du siège de MEDIAPOST après la présentation par le cabinet TECHNOLOGIA du rapport d’expertise et discussions sur les propositions et observations de L’IC- CHSCT ont donné un avis favorable (10 voix pour et 4 voix contre) pour la mise en oeuvre de DISTRIO.

Après 14 réunions de négociations, l’accord dit 'DISTRIO’ portant sur le calcul et l’enregistrement du temps de travail des distributeurs n’a pu voir le jour, les syndicats majoritaires CGT, FO et SUD ayant refusé de le signer.

C’est donc par mesure unilatérale en date du 17 février 2015, que la société MEDIAPOST, a mis en place ce dispositif de géolocalisation DISTRIO de contrôle du temps de travail de distribution des distributeurs.

La fédération Sud des activités postales et des télécommunications ' Sud PTT soutenant que la mise en place et l’exploitation du système de géolocalisation DISTRIO était illicite, a assigné à jour fixe la société MEDIAPOST devant la chambre des urgences du tribunal de grande instance de Lyon, qui, par jugement du 7 juin 2016 a :

' débouté la fédération Sud des activités postales et des télécommunications ' Sud PTT de ses demandes

' débouté la société MEDIAPOST de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le 28 juin 2016, la fédération Sud des activités postales et des télécommunications ' Sud PTT a interjeté appel de la décision.

Par conclusions écrites régulièrement visées et communiquées, la fédération Sud des activités postales et des télécommunications sud PTT sollicite l’infirmation de la décision déférée.

Elle demande à la cour de :

— dire que le dispositif de géolocalisation DISTRIO est illicite en ce qu’il a pour conséquence une perte d’autonomie des distributeurs, qu’il présente un défaut de proportionnalité au but recherché, que sa fonction SOS est fausse, qu’il ne restitue pas les données aux distributeurs, qu’il n’a pas été déclaré à la CNIL pour la période dite’ à blanc’ et en ce qu’il provoque des dommages tant sur la santé mentale que sur la santé physique des salariés, et en conséquence,

— faire interdiction à la société MEDIAPOST de poursuivre la mise en place et l’exploitation de son système de géolocalisation DISTRIO mis à la disposition des salariés, sous astreinte de 1000 € par infraction constatée, c’est-à-dire par salarié, par jour, en raison de l’utilisation de ce système de géolocalisation,

— condamner la société MEDIAPOST au paiement de la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, elle rappelle que la société MEDIAPOST a souhaité mettre en place par une mesure unilatérale, après l’absence d’accord majoritaire des syndicats, un système de géolocalisation baptisé DISTRIO, qui se présente sous la forme d’un boîtier mobile que doivent actionner les distributeurs lors de la phase de distribution. Ce dispositif les localise toutes les 10 secondes.

Elle rappelle que le temps de travail des distributeurs fait l’objet de trois mesures particulières :

' une durée du temps de travail modulé à temps plein, mais le plus souvent à temps partiel,

' une pré-quantification du temps de travail qui ne peut plus valoir comptage a posteriori du temps de travail,

' une surveillance permanente du temps de distribution par géolocalisation.

Elle précise qu’en conséquence, la géolocalisation a pour objet principal de s’assurer que le salarié exécute sa prestation de travail dans le cadre du temps pré-quantifié et non pas de mesurer le temps de travail du salarié.

La fédération sud des activités postales et des télécommuniations SUD PTT soutient que système DISTRIO est illicite en ce qu’il contrevient à l’autonomie d’organisation du salarié, en ce qu’il n’est pas proportionné au but recherché, en ce que la fonction SOS est fausse, en ce qu’il peut avoir un impact néfaste sur la santé morale et physique des distributeurs, en ce qu’il ne restitue pas les données à l’utilisateur, en ce que la période dite 'période à blanc’ n’a pas été déclarée à la CNIL.

* * *

Par conclusions en réponse régulièrement visées et communiquées, la société MEDIAPOST demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et le rejet des demandes du syndicat SUD. Elle sollicite la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Elle fait valoir que le système DISTRIO comporte deux volets principaux à savoir d’une part une remise à plat des règles de pré-quantification du temps de travail des distributeurs et d’autre part la validation de la pertinence du nouveau modèle de pré-quantification tout en autorisant des ajustements lorsque la distribution prend plus de temps que prévu et donc garantit aux distributeurs une rémunération au moins équivalente au temps réellement travaillé et qui peut être supérieure au temps prévu.

Elle ajoute que la phase du travail couvrant le chargement-picking des documents et la confection des paquets de documents à distribuer ne nécessitent pas l’utilisation de DISTRIO.

Elle soutient que le système DISTRIO est licite, en répondant point par point aux moyens soulevés par le syndicat Sud sur l’illicéité du système de contrôle des heures de distribution mis en place.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, aux conclusions écrites des parties.

En application de l’article 905 du Code de procédure civile , une ordonnance en date du 19 août 2016 a fixé les plaidoiries à l’audience du 4 novembre 2016, date à laquelle, l’affaire a été plaidée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article L 1121 '1 du code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Aux termes de l’article L3171 ' 4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accompli, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'

Aux termes de l’article D 3178 ' 8 du code du travail : « lorsque les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :

1°quotidiennement, par l’enregistrement, selon tout moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail par le relevé du nombre d’heures de travail accompli,

2° chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d’heures de travail accompli par chaque salarié ».

Aux termes de l’article L 4121 ' 1 du code du travail :

« l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité, protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels ;

2° des actions d’information et de formation ;

3° la mise en place d’une organisation et des moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes »

Aux termes de l’article L4121 ' 2 du code du travail : « l’employeur met en 'uvre les mesures prévues à l’article L41 21 ' 1 sur le fondement des principes généraux de gestion de prévention suivants :

1° éviter les risques ;

2° évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3°combattre les risques à la source ;

4° adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des temps de travail et des méthodes de travail et de production en vue notamment de limiter le travail monotone de travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° planifier la prévention en y intégrant dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral tel qu’il est défini à l’article L 11 52 '1 ;

8° prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° donner des instructions appropriées aux travailleurs ».

Le conseil d’état, par décision du 28 mars 2012, a annulé le décret du 8 juillet 2010 instituant une dérogation au contrôle quotidien et hebdomadaire de la durée du travail prévu à l’article D 3171-8 du code du travail pour les salariés exerçant une activité de distribution de portage de documents, le temps de travail de ses salariés pouvant faire l’objet d’une quantification préalable selon des modalités établies par convention ou accord collectif de branche.

En l’espèce, la société MEDIAPOST affirme qu’elle a mis en place le système DISTRIO pour répondre à l’obligation de l’article D 3171-8 du code du travail et à la jurisprudence constante de la cour de cassation qui juge que la quantification préalable de l’ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur dans le cadre de l’exécution de son métier en fonction des critères associés en référencement horaire du temps de travail prévu par l’article 2. 2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule, satisfaire aux exigences de l’article L 3171 ' 4 du code du travail et qu’en cas de litige relatif à l’existence ou nombre d’heures de travail accompli, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Le syndicat Sud répond qu’il y a une incompatibilité juridique entre la pré-quantification et le comptage à postériori du temps de travail de distribution tel que prévu par le système DISTRIO qui est illicite :

— en ce qu’il contrevient à l’autonomie d’organisation du salarié,

— en ce qu’il n’est pas proportionné au but recherché,

— en ce que la fonction SOS est fausse,

— en ce qu’il peut avoir un impact néfaste sur la santé morale et physique des distributeurs,

— en ce qu’il ne restitue pas les données à l’utilisateur,

— en ce que la période dite 'période à blanc’ n’a pas été déclarée à la CNIL.

Sur la perte d’autonomie d’organisation des distributeurs

Le syndicat SUD soutient que le système DISTRIO qui géolocalise les salariés toutes les 10 secondes est incompatible avec l’autonomie du salarié ainsi que la cour de cassation l’a décidé dans un arrêt du 3 novembre 2011 (cass soc, 3 novembre 2011 n° 10-18.036) et peu importe que cette autonomie ne soit pas totale, puisque avec DISTRIO, les salariés ne sont plus libres d’organiser leurs journées comme ils le souhaitent et que cela entraîne une dégradation significative du climat social.

La société MEDIAPOST répond que le système DISTRIO préserve au contraire l’autonomie relative du distributeur ainsi que cela a été acté par le ministère du travail, par la CNIL et par le rapport de TECHNOLOGIA puisqu’il permet au salarié de réaliser sa distribution dans les conditions qui lui paraissent les plus optimales en fonction de ses contraintes et qu’il a la garantie d’obtenir le paiement de toutes ses heures de travail, de prendre ses temps de pose et de repos et de ne pas dépasser ses durées maximales de travail.

***

A titre liminaire, la cour relève que les distributeurs n’ont qu’une autonomie d’organisation relative, relevant des chefs de secteur, avec des phases de préparation de distribution qui sont pré quantifiées, avec une feuille de route, des poignées d’imprimés prédéterminées qui doivent être remises dans toutes les boites aux lettres du parcours avec un délai maximal de distribution fixé par le client pour éviter la péremption.

Or le salarié ne déclenche le boitier que par une action volontaire uniquement pendant ses phases de distribution, qu’il peut l’éteindre à tout moment, qu’une fois désactivé, le boitier ne capte ni n’émet aucun signal et que l’exploitation des données de DISTRIO est systématiquement différée et transmise à MEDIAPOST au plus tôt le lendemain du jour de distribution et d’enregistrement,

Ainsi l’exemple de perte d’autonomie, cité par le rapport TECHNOLOGIA page 65 et repris par le syndicat Sud, concerne les salariés qui ne respectaient pas pour des raisons qui leur sont propres, l’interdiction du travail de nuit ;

Au vu de ces éléments, force est de constater que le salarié, avec le système DISTRIO, reste toujours libre d’organiser ses heures de travail comme il le souhaite dans le respect des règles légales et des délais de distribution, et que le système de géolocalisation utilisé uniquement pour la phase de distribution, n’est pas incompatible avec l’autonomie relative du distributeur et ne contrevient pas à la libre organisation de son temps de travail.

Sur le défaut de proportionnalité au but recherché

Le syndicat SUD soutient que le suivi du temps de travail ne peut être qu’une finalité accessoire, qu’il y a d’autres moyens d’y parvenir, notamment par l’utilisation d’auto-déclaration ou de badge pointeuse mobile comme l’a fait le principal concurrent ADREXO, que l’utilisation de DISTRIO est ciblée uniquement sur une phase de l’activité du distributeur, ce qui permet de contrôler la qualité de la prestation commerciale en ne constituant pas une finalité autorisée par la CNIL et que l’inspection du travail a souligné que l’employeur n’apporte pas la preuve qu’un autre système de contrôle et de gestion du temps de travail des distributeurs est impossible.

La société MEDIAPOST répond que DISTRIO est un outil proportionné au regard du but recherché et des intérêts légitimes de l’entreprise, puisqu’il recouvre trois finalités, toutes déclarées à la CNIL, à savoir l’enregistrement et le contrôle du temps de travail du distributeur, le renforcement de la sécurité du distributeur via le dispositif SOS et la mesure du taux de distribution effective afin d’évaluer la qualité de service.

Elle rappelle que selon les dispositions de l’article L 3171 ' 4 et D 3171 ' 8 du code du travail, la durée du travail des distributeurs doit être décomptée selon tout moyens, ce qui implique un système d’enregistrement mobile du temps de travail et qu’à défaut elle encourt une amende.

***

La cour relève que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, c’est aussi à la condition que le dispositif de contrôle soit justifié par rapport à la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.

Or la société MEDIAPOST a déclaré à la CNIL les trois finalités de DISTRIO, à savoir :

* enregistrer et contrôler le temps de travail du distributeur,

* renforcer la sécurité des distributeurs via le dispositif SOS

* mesurer le taux de distribution effective afin d’évaluer la qualité de service.

Ainsi la norme simplifiée numéro 51 de la CNIL, bien que relative à la géolocalisation des véhicules constitue une référence 'en miroir’ pour la géolocalisation des personnes à savoir, notamment : accomplissement des formalités déclaratives préalables de toutes les finalités du système, durée de conservation limitée dans le temps, confidentialité des données accessibles aux seules personnes habilitées, information des personnes concernées des catégories de données de localisation traitées, de l’existence d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition,

DISTRIO ne donne des données personnelles que sur l’identification du porteur et le trajet strictement professionnel et n’entre donc pas dans le champ de l’interdiction de l’article 8 de la loi de 1978, puisqu’il est déclenché par le salarié lui-même, ce qui permet de satisfaire la preuve de la réalisation du trajet professionnel convenu .

Par ailleurs avec DISTRIO si le temps pré-quantifié est plus important que le temps qui a été réellement travaillé par le distributeur, ce dernier est rémunéré sur la base du temps pré-quantifié, mais à l’inverse, si le temps réellement travaillé dépasse le temps pré-quantifié, le distributeur est alors rémunéré sur la base du temps réellement travaillé, enregistré par DISTRIO et qu’en conséquence, le syndicat SUD est mal fondé à soutenir que le système DISTRIO consiste à s’assurer que le salarié exécute sa prestation de travail dans le cadre du temps pré-quantifié et non pas de mesurer le temps de travail du salarié.

En outre, la 'pointeuse mobile', préconisée par le syndicat sud, consiste en un dispositif qui enregistre non seulement le temps de distribution mais également les éventuelles immobilités du distributeur et apparaît insuffisant pour vérifier le temps réellement travaillé.

Il en est de même pour le système auto-déclaratif, également préconisé par le syndicat SUD ou pour le contrôle par un responsable ou par enquêtes des destinataires qui n’apparaissent pas mieux adaptés aux spécificités de la distribution directe.

Le syndicat SUD n’établit donc pas que le suivi du temps de travail de la distribution pourrait se faire par un autre moyen plus proportionné.

Eu égard à tous ces éléments, la société MEDIAPOST établit que le système DISTRIO est justifié par rapport à la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché par l’employeur.

Sur la fonction SOS inopérante

Le syndicat SUD soutient que la fonction SOS de DISTRIO est fausse, puisque lorsqu’un distributeur appuie sur la touche SOS, un mail est seulement adressé aux responsables de la plate-forme et au chef d’équipe ainsi qu’aux cadres de productions régionaux, sans que les secours soient avisés directement et que cette fonction n’est opérationnelle que sur des plages horaires réduites.

La société MEDIAPOST réplique que le système DISTRIO constitue un outil de prévention efficace, comprenant une touche SOS qui permet d’alerter l’entreprise par un message qui est envoyé sur le Smartphone du responsable de plate-forme du chef d’équipe sur messagerie.

***

La cour ne peut que constater que la fonction SOS de DISTRIO, même si elle est limitée dans le temps et dans ses modalités et reste perfectible, a pour finalité la mise en place d’une prévention des risques au profit du distributeur, qui était inexistante auparavant

Il ne saurait en être inféré une illégalité du dispositif.

Sur l’impact néfaste sur la santé morale et physique des distributeurs

Le syndicat sud soutient que le boitier électronique que le salarié doit porter sur lui et qui émet des signaux toutes les 10 secondes provoque des dommages tant sur la santé mentale que sur la santé physique des salariés, que c’est un véritable outil de « flicage » avec le stress que cela engendre et que cela pose un problème sanitaire relatif aux ondes électromagnétiques.

La société MEDIAPOST réplique que le système DISTRIO ne nuit ni à la santé ni à la sécurité des distributeurs puisqu’il respecte les normes relatives aux limites d’exposition fixées par la directive européenne 2013/35 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, que le port de DISTRIO peut être placé dans une poche, dans la sacoche ou sur le chariot, qu’il a le même champ d’émission qu’un téléphone portable et que c’est un facteur d’amélioration des conditions de travail, ainsi que l’a conclu le rapport de TECHNOLOGIA.

***

La cour constate que le système DISTRIO respecte les normes relatives aux limites d’exposition fixées par la directive européenne 2013/35 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, qu’il n’est pas démontré qu’il a un champ d’émission autre que le téléphone portable ni que le dispositif puisse avoir un impact néfaste sur la santé mentale des salariés et sur leur santé physique.

Le cabinet TECHNOLOGIA a également confirmé le caractère inoffensif de DISTRIO qui peut être placé dans la sacoche ou le chariot sans être à proximité de la tête

Le seul certificat médical du 17 mars 2015, versé au débat concernant madame [B], ne permet pas de caractériser un risque particulier de danger physique lié à l’utilisation du boitier DISTRIO et les références relatives aux risques des téléphones portables ne le caractérisent pas plus.

Le syndicat SUD ne démontre pas l’illicéité du système DISTRIO à ce titre.

Sur le non respect de la restitution des données à l’utilisateur

Le syndicat SUD soutient que le système DISTRIO ne restitue pas les données aux distributeurs alors que les salariés ont un droit d’information sur leurs données personnelles en application de l’article 6 de la norme simplifiée numéro 51 de la CNIL.

La société MEDIAPOST fait valoir en réponse que le système prend en compte l’information des distributeurs et le respect de leurs droits d’accès à leurs données personnelles.

***

Selon l’article 39 alinéa 3 de la loi 78 ' 17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés : une copie du dossier à caractère personnel est délivrée à l’intéressé à sa demande. Le responsable du traitement peut subordonner la délivrance de cette copie au paiement d’une somme qui ne peut excéder le coût de la reproduction.

Or en l’espèce, la notice d’information remise aux distributeurs avec le boîtier DISTRIO qui l’informe de son droit d’accès, et la notice d’information remise à chaque distributeur qui formule une demande d’accès à ses données personnelles, selon un prix coûtant respectent les prescriptions de l’article 39 susvisé.

Il n’est pas démontré que le coût réclamé par clé (3,50 euros en ce qui concerne Monsieur [J]) ne répondent pas à cette dernière exigence.

Le droit d’information des distributeurs sur leurs données personnelles est ainsi respecté.

Sur l’absence de déclaration de la période de test dite 'période à blanc'

Le syndicat SUD soutient que l’absence de déclaration de la période test dite 'période à blanc’ à la CNIL, rend l’entier dispositif illicite

La société MEDIAPOST fait valoir que suite au contrôle de la CNIL elle a entamé les démarches nécessaires à l’ajustement de sa déclaration de la période 'à blanc’ et qu’en tout état de cause cette irrégularité n’est pas de nature à remettre en cause la validité intrinsèque de DISTRIO.

***

La cour relève qu’une délégation de la CNIL a effectué les 8 avril et 27 mai 2015 un contrôle du dispositif DISTRIO sur place et n’a retenu aucune objection majeure contre l’application de cet outil, que l’absence de déclaration de la période de test dite « période à blanc », est régularisable et que le contrôle opéré par la CNIL ne fait pas apparaître d’illicéité du dispositif de géolocalisation DISTRIO au regard des prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’information, aux fichiers et aux libertés.

***

Au vu de tous ces éléments, la cour estime que c’est par de justes et de pertinents motifs que le premier juge a rejeté l’intégralité des moyens du syndicat SUD tendant à voir déclarer l’illicéité du dispositif de géolocalisation DISTRIO et à voir interdire l’exploitation de ce dispositif sous astreinte.

Il convient donc de confirmer sa décision en toutes ses dispositions.

Aucune considération d’équité ne commande d’allouer une indemnité au titre de l’article 700 à la société MEDIAPOST.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Déboute la société MEDIAPOST de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne La fédération Sud des activités postales et des télécommunications ' Sud PTT aux dépens de l’instance.

LA GREFFIÈRELe PRESIDENT

Christine SENTISMichel SORNAY

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