Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 26 juin 2019, n° 17/04080

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 26 juin 2019, n° 17/04080
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/04080
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 21 décembre 2016, N° 13/00578
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 26 JUIN 2019

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/04080 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2XHZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2016 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 13/00578

APPELANT

Monsieur Z I

né le […] à […]

Kaiser-Fridrich strasse 104

[…]

représenté et plaidant par Me Thierry DAOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1618

INTIMES

Monsieur A B

né le […] à […]

[…]

[…]

Monsieur P B

né le […] à […]

[…]

3963 CRANS-MONTANA (SUISSE)

représentés par Me Mauricia COURREGE de l’AARPI COURREGE FOREMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2616

ayant pour avocat plaidant Me Aurélie GIRAULT de l’AARPI COURREGE FOREMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2616

Madame Q B épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

r e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Kouider BOUABDELLI substituant Me François KLEIN, avocats au barreau de PARIS, toque : K110

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dorothée DARD, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme R S, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme R S dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

Le […], A AB B est décédé à Paris 7e, à l’âge de 91 ans, laissant pour héritiers ses trois enfants :

— M. A B, né le […],

— M. P B, né le […],

— Mme Q B épouse X, née le […].

Par acte en date du 21 juin 2012, Maître T L, notaire à Paris 8e, ayant connaissance du décès de A AB B, a procédé à la description du testament olographe qui lui a été déposé en son étude par Maître Daou, avocat à la cour, indiquant que ce testament est écrit à l’encre bleue sur une feuille de couleur blanche, de format A4 contenant 22 lignes d’écritures, le tout suivi de la signature et a rapporté littéralement sa teneur comme suit :

« Je soussinge Monsieur A B, retraité, demeurant […]

Sain de corps et d’esprit, lègue à mon ami

proche depuis toujours Monsieur Z

I, demeurant chez moi depuis 22

années en reconnaissance de son dévouement,

de son attention qu’il m’a prodigué durant

toutes ces années, partie de mes actifs de mon

patrimoine afin de lui permettre d’acquérir dans le 7e

arrondissement de Paris un appartement

d’environ 150 m² de son choix net de tous frais

et de tous droits ainsi qu’une rente de 5.000 €

Par mois indexé sur le coût de la vie toute

sa vie durante

Cette disposition ne modifie en rien les droits d’héritiers

de mes enfants que le jour d’ouverture de ma succession.

fait et écrit en entier de ma main et signé

Par moi

à Paris le 7/09/2010

A remettre à mon notaire Maître Serge

Pascault et copie à Z ».

Par rapport en date du 27 juillet 2012, Mme U M, graphologue et expert en écritures et documents près la cour d’appel de céans, mandatée par MM. A B et P B, a examiné le testament olographe du 7 septembre 2010 et l’a comparé aux écrits et signatures de A B sur des documents datés de 1994, 2006, 2009 et 2010 avant de conclure que ce testament n’est pas de la main de A AB B.

MM. A B et P B ont ensuite saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris par assignation du 24 octobre 2012 aux fins notamment de voir ordonner une mesure d’expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, instance à laquelle Mme Q B est intervenue volontairement demandant en outre une expertise judiciaire visant à déterminer quels étaient les facultés et le discernement de A AB B au moment où le testament litigieux a été rédigé.

Par acte du 21 décembre 2012, M. Z I a fait assigner devant le tribunal de grande

instance de Paris MM. A et P B et Mme Q X née B aux fins de se voir, à titre principal, délivrer le bien immobilier et la rente dans les termes et conditions fixés par le testament du 7 septembre 2010.

Par ordonnance rendue le 14 février 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une mesure d’expertise et a désigné :

— en qualité d’expert spécialisé en graphologie, Mme C, ensuite remplacée par ordonnance du 22 février 2013 par Mme D, avec mission de 'recueillir et prendre connaissance du testament olographe du 7 septembre 2010 et de réaliser une expertise graphologique dudit document afin de déterminer s’il est de la main de A AB B, décédé le […]',

— en qualité d’expert spécialisé en neuropsychiatrie, M. E avec mission de 'prendre connaissance du compte-rendu d’examen du Dr F en date du 29 mars 2011, des certificats médicaux du Dr G en date du 21 novembre 2011 et du Dr AC-AD en date du 02 décembre 2011, et de la lettre du Dr H en date du 16 décembre 2012,

- entrer en contact avec les Dr F, G, AC-AD et H ou tout médecin de l’hôpital Broca ayant pris en charge A AB B lors de ses hospitalisations et obtenir de leur part toute information utile à l’accomplissement de sa mission,

- prendre connaissance et se faire remettre une copie du dossier médical de A AB B auprès des différents praticiens et auprès de l’hôpital Broca,

- compte-tenu des données actuelles de la science, indiquer à partir de quelle date ou de quelle période, les facultés mentales et intellectuelles de A AB B ont été altérées, au point de ne plus avoir été en mesure de prendre lui-même des décisions éclairées concernant sa vie personnelle et son patrimoine,

- faire toutes observations utiles à la manifestation de la vérité'.

A la suite de l’appel interjeté le 19 février 2013 par M. Z I à l’encontre de cette ordonnance, la cour d’appel de céans a, par arrêt du 13 février 2014, notamment :

— confirmé l’ordonnance entreprise,

— remplacé d’office le troisième paragraphe de la page 6 de l’ordonnance du 14 février 2013 par le chef de mission suivant : « Rechercher si A AB B se trouvait, aux alentours de la date de rédaction de l’acte du 7 septembre 2010, atteint d’une altération de son état de santé susceptible de le priver de ses facultés de discernement et de l’empêcher de manifester sa volonté de manière autonome; dans l’affirmative, rechercher si l’insanité d’esprit découlant de telles affections pouvait être entrecoupée d’intervalles de lucidité et notamment s’il était scientifiquement possible que A AB B ait bénéficié d’un tel instant de lucidité le 7 septembre 2010 »,

— débouté M. Z I de sa demande en désignation d’un nouvel expert graphologue et de sa demande de complément de la mission de l’expert médical.

Par rapport en date du 31 juillet 2013, Mme D a examiné le testament olographe du 7 septembre 2010 et l’a comparé aux écritures et signatures de A AB B sur des documents datés de 1994, 1999, 2001, 2003, 2006, 2009 et 2010 avant de conclure que A AB B n’est pas l’auteur du testament rédigé le 7 septembre 2010.

Par rapport en date du 7 octobre 2015, le docteur E a conclu que 'selon toute vraisemblance, Monsieur A AB B, alors âgé de 89 ans, souffrait, le 7 septembre 2010, d’une affection cérébrale dégénérative associée à des lésions ischémiques cérébrales multiples, pathologies susceptibles d’altérer son discernement, et le rendant incapable de prendre des décisions éclairées concernant sa vie personnelle et son patrimoine.

Cette opinion repose sur l’analyse des documents présentés et sur la reconstitution, a posteriori, d’une courbe d’évolution descendante des capacités intellectuelles dans ce type d’affections.

L’expert remarque que, même si la nature exacte de l’affection dont souffrait M. B ne peut être affirmée avec certitude (maladie d’Alzheimer associée à une maladie de Parkinson, démence mixte, démence artériopathique, maladie des corps de Léwy…), on peut conclure à l’incapacité du patient à faire preuve d’un jugement sain à la date en question.

Si, au cours des maladies citées plus haut, on observe des fluctuations touchant les capacités cognitives, on peut affirmer que, même dans les moments les plus favorables, les patients qui en sont atteints restent incapables de prendre des décisions adaptées'.

Par rapport en date du 17 novembre 2015, Mme K-AE, expert en écritures et documents près la cour d’appel de Paris, mandatée par M. Z I pour étudier les signatures et la mention 'lu et approuvé' d’un testament daté du 5 juin 2011, dactylographié à l’exception des mentions du jour, de 'lu et approuvé' et 'bon pour accord' et des signatures du testateur et de témoins, conclut que ce testament est signé de la main réputée être celle de M. A B et que la mention 'lu et approuvé' est écrite de la main réputée également de A B.

Ce testament dispose :

'Je soussigné Monsieur A B, retraité, demeurant […] à Paris 7e, sain de corps et d’esprit, lègue à mon ami proche depuis toujours Monsieur Z I, demeurant chez moi depuis 22 années en reconnaissance de son dévouement, de sa fidélité et de l’attention qu’il m’a prodigué durant toutes ces années, partie des actifs de mon patrimoine afin de lui permettre d’acquérir dans le 7e arrondissement de Paris un appartement d’environ 150 m² de son choix net de tous frais et de tous droits ainsi qu’une rente de 5.000 euros par mois indexée sur le coût de la vie toute sa vie durant.

Cette disposition ne modifie en rien les droits d’héritiers de mes enfants sur tout le reste de mon patrimoine.

Cette disposition ne devra être portée à la connaissance de mes enfants que le jour de l’ouverture de ma succession.

Fait et écrit en entier de ma main et signé par moi.

A Paris le 5 juin 2011.'

A la suite de l’assignation délivrée par M. Z I à l’encontre de MM. A et P B et de Mme Q B épouse X, le tribunal de grande instance de Paris a par jugement rendu le 22 décembre 2016 :

— dit n’y avoir lieu à annuler l’expertise graphologique judiciaire ordonnée par décision du 14 février 2013,

— déclaré nul le testament du 7 septembre 2010,

— condamné M. I à verser à Mme B une indemnité de 3.000 euros et à MM. A, J et P B une indemnité de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné M. I aux dépens,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire dudit jugement.

Par déclaration en date du 23 février 2017, M. Z I a interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions signifiées le 14 avril 2017, M. Z I demande à la cour de :

— le déclarer recevable et faisant droit à ses demandes,

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Vu les articles 15, 16, 114, 145, 146 et 647 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 901, 978, 1348. 901, 1004, 1023 du code civil,

Vu les articles 1014 à 1024 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les dispositions testamentaires prises par le de cujus le 7 septembre 2010 lui attribuant

un legs particulier,

Vu la réitération des mêmes dispositions prises par le défunt et datée du 5 juin

2011 par testament dactylographié en présence de témoins et par film vidéo,

Vu le «pouvoir médical’ du 25 juillet 2011 à lui exclusivement consenti par le défunt,

Vu les circonstances de l’ouverture du coffre privé du défunt au chalumeau après

son décès, par M. A-J B fils seul et en l’absence du notaire en charge de la succession et la disparition de l’original du testament du 7 septembre 2010,

Vu les termes du courrier adressé par lui à M. A-J B 10 février 2012 qui n’a fait l’objet d’aucune réponse, ni de la moindre contestation de sa part,

Vu les comportements excessifs et abusifs de M. A-J B à l’égard de l’ensemble des invités et amis de son père dès son décès comme à son égard afin de les mettre tous en dehors de l’appartement du défunt,

Vu l’exécution d’un tel comportement par le changement des serrures ainsi que le relatent les plaintes déposées auprès du commissariat de police au mépris des dernières volontés de son père exprimées également à la mi novembre 2011 devant sa fille et les policiers requis par celle-ci,

Vu les tenues de l’ensemble des attestations de tiers ayant connu et/ou vécu chez le défunt,

Vu le rapport d’expertise graphologique de Mme K, expert graphologue près la cour d’appel en date du 17 novembre 2015, concluant : 'le document de question est signé de la main réputée être celle de Monsieur A B' et 'la mention 'Lu et approuvé' est écrite de la main réputée être celle

de Monsieur A B',

Vu les contestations des services de police recueillies par procès-verbal en novembre 2011 transmises au Parquet de Paris démontrant à cette période malgré la dégradation récente de son état de santé qu’il était '… en mesure de prendre lui-même des décisions éclairées concernant sa vie personnelle' et notamment à l’encontre des initiatives téméraires et abusives de sa propre fille,

Vu la relation professionnelle suivie entre le défunt et M. A-J B son fils aîné dans la gestion de ses affaires et l’administration de sa vie en présence de M. I n’ayant nécessité aucune mesure de protection du père jusqu’à son décès,

Vu le retour de sa fille en fin de vie,

Vu l’absence totale de son autre fils P B jusqu’à son dernier souffle,

Vu l’impossibilité par l’expert médecin d’établir une prétendue perte des capacités de discernement et de décision du défunt avant la mi-novembre 2011, postérieurement aux manifestations de volonté du défunt à son égard,

Vu l’absence de certificats médicaux sur le défunt obtenu par l’expert médecin, comme versés aux débats par ses enfants avant l’été 2011,

Vu les termes des seuls certificats médicaux de médecins versés par les consorts B et par lui à partir du deuxième semestre 2011, qui évoquent qu’il était certes fatigué mais aussi qu’il était en mesure d’exprimer sa volonté jusqu’a ses derniers moments de vie,

Vu les difficultés pour le de cujus de pouvoir en 2010 puis en 2011 écrire un texte en raison de son état de fatigue confirmé par son fils M. A-J B et déclaré a l’officier de police judiciaire fin 2011 ayant nécessité de faire dactylographier le second testament de juin-juillet 2011,

Vu la disparition surprenante de l’entier dossier médical du défunt auprès de son médecin traitant depuis 30 années le docteur G,

Vu l’impossibilité pour l’expert médecin E de ce fait de reconstituer le dossier médical du défunt avant l’été 2011 expliquant la durée de sa mission de 32 mois et l’exécution partielle de celle-ci en ne répondant pas aux questions essentielles posées par les juges,

Vu les conclusions du rapport du Dr E post mortem évoquant des maladies non constatées par ses confrères du vivant du de cujus en 2011,

Vu le mode de vie du défunt après son divorce avec la mère de ses enfants aux cotés de ses amis vivant à son domicile excluant ses enfants qu’il ne voyait plus que rarement,

Vu le rapport d’expertise judiciaire graphologique démontrant que pour la copie du testament remise à M. I à Noël 2011 par le défunt, il s’est vraisemblablement fait assister par un tiers pour recopier l’exemplaire original en sa possession et à son coffre, coffre qui a été ouvert au chalumeau par M. A B seul, hors la présence du notaire de la succession,

Vu le film vidéo montrant le de cujus à l’occasion de la réitération de ses dernières volontés testamentaires à son profit en juin-juillet 2011,

Vu la jurisprudence,

— dire et juger que les dispositions prises par le testateur sont cohérentes avec les relations

personnelles et « filiales’ entretenues avec lui au cours de cette longue période ainsi que les sept témoignages, versés aux debats le confirment,

— dire et juger que les expertises judiciaires ne permettent pas d’éclairer la cour et/ou ne répondent pas avec précision et exactitude aux missions d’expertises confiées par la cour d’appel,

— dire et juger que tant l’expert médecin, que les intimés n’apportent pas la preuve certaine d’un affaiblissement des facultés intellectuelles du défunt qui l’aurait privé de ses facultés de discernement le 10 septembre 2010 et en juillet 2011,

— dire et juger qu’il n’est versé aux débats aucune pièce médicale avant les hospitalisations de M. B fin juillet et fin août 201l et que ces hospitalisations n’indiquent pas qu’il aurait perdu ses facultés de discernement et/ou serait frappé d’insanité d’esprit le 7 septembre 2010 comme en juin-juillet 2011,

— dire et juger que du vivant de M. A B les docteurs consultés comme les services de police vont constater au contraire tant à l’hôpital en juillet puis août 2011 qu’en novembre et même décembre 2011 alors qu’il était très affaibli, qu’il disposait encore de ses facultés de discernernent et qu’il était en mesure d’exprimer sa volonté en contestant les mesures prises par sa fille,

— dire et juger que la signature du 2e testament de juin-Juillet 2011 en des termes identiques est bien celle de M. A AB B ainsi que l’atteste l’expert judiciaire près la cour d’appel Mme K, précédée des mentions manuscrites 'lu et approuvé' est bien la manifestation de sa volonté réitérée de prendre des dispositions testamentaires au profil de M. I,

— dire et juger que le film vidéo versé aux débats par lui est un mode de preuve recevable et démontre également sans équivoque la volonté du défunt de réitérer ses dispositions testamentaires de manière indiscutable à son profit, lui ayant par ailleurs confié et à lui seul, un mandat de prendre toutes décisions médicales utiles pour sa vie,

En conséquence,

— ordonner la délivrance du legs à son profit d’un bien immobilier et d’une rente dans les termes et conditions qui ont été fixés par le défunt selon ses dernières volontés par testament du 7 septembre 2010 réitéré en juin-juillet 2011,

A titre subsidiaire au cas où les héritiers invoqueraient l’impossibilité de pouvoir exécuter tout ou partie du legs :

— désigner tel expert qui plaira à la cour, à frais avancés par l’indivision avec pour mission de définir :

* la consistance du patrimoine au jour du décès de M. A B,

* la valeur du patrimoine à partager entre les héritiers réservataires et celle disponible pour le légataire, à charge pour lui d’indiquer dans son rapport si les biens peuvent être commodément partagés en nature,

* fixer après calculs la charge financière incombant à la succession afin d’exécuter les dispositions prises par le défunt au profit du légataire,

* et s’adjoindre éventuellement tout sachant afin de s’assurer de l’exécution des dispositions testamentaires prises par le défunt,

— condamner les intimés pour un tiers chacun et solidairement au paiement de la somme de 60.000

euros à titre de dommages et intérêts pour refus de délivrance d’un legs et au titre de procédures abusives par la multiplication des incidents afin de retarder l’évocation du litige le temps des expertises ayant eu pour conséquence d’empêcher le bénéficiaire de disposer de son legs au cours de ces six dernières années,

— condamner enfin chaque intimé au paiement de la somme de 9.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Thierry Daou, son avocat.

Par leurs dernières conclusions signifiées le 25 juillet 2017, MM. A et P B demandent à la cour de :

Vu les articles 970, 1014 à 1024 et 1382 du code civil,

Vu les pièces communiquées,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à annuler l’expertise graphologique judiciaire ordonnée par décision du 14 février 2013, en ce qu’il a déclaré nul le testament du 7 septembre 2010 et en ce qu’il a débouté M. Z I de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et en ce qu’il a condamné ce dernier aux dépens ;

— le réformer pour le surplus et :

— condamner M. Z I à leur payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamner M. Z I à leur verser la somme de 10.000 euros au titre des frais exposés en première instance et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. Z I à leur verser la somme de 10.000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions signifiées le 16 août 2017, Mme Q B épouse X demande à la cour de :

Vu les articles 414-1, 901, 970, 1024 et 1382 du code civil,

Vu le rapport d’expertise graphologique du 31 juillet 2013,

Vu le pré-rapport d’expertise médical du 31 juillet 2015,

— dire et juger nul le testament olographe du 7 septembre 2010, comme n’étant pas rédigé par A AB B,

En conséquence :

— confirmer le jugement du 22 décembre 2016,

Y ajoutant :

— dire et juger nul le testament dactylographié de juillet 2011,

— dire et juger infondée la demande de délivrance de legs formée par M. Z I,

— condamner M. Z I à lui payer la somme de 30 000 euros pour procédure abusive,

— condamner M. Z I à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR :

1°) Sur la demande tendant au prononcé de la nullité du testament olographe du 7 septembre 2010 :

Mme Q B soutient que le testament du 7 septembre 2010 est nul comme n’étant pas rédigé par A AB B, soulignant que Mme D, chargée de réaliser l’expertise graphologique du testament, a conclu de manière formelle que A AB B n’est pas l’auteur de ce testament et qu’il s’agit manifestement d’un faux.

MM. A et P B font valoir qu’il est manifeste que le testament produit n’est pas de la main de A AB B, précisant que cela est établi par l’expertise réalisée par Mme U V le 27 juillet 2012 et par l’expertise réalisée par Mme W D désignée par ordonnance du 14 février 2013. Ils ajoutent que la preuve de l’existence d’un testament original en date du 7 septembre 2010 n’est pas rapportée par M. Z I, pas plus qu’il ne démontre l’allégation selon laquelle le testament aurait été conservé par le de cujus dans son coffre personnel et aurait 'vraisemblablement' disparu à la suite d’une prétendue ouverture du coffre au chalumeau par M. A J B. Ils affirment qu’en réalité un tel document n’a tout simplement jamais existé et que la production d’un faux ne peut pallier un testament inexistant. Enfin, ils indiquent que les deux expertises précitées établissant que le document produit n’est pas de la main de A AB B, son contenu ne saurait lui être imputé.

M. Z I fait valoir que le testament original du 7 septembre 2010 a disparu mais que le document qu’il prétend être la copie de cet original est pour autant valable, estimant que ce document permet, en application des dispositions de l’article 1348 du code civil, d’apporter la preuve du testament olographe du 7 septembre 2010. Il ajoute que la jurisprudence tempère le formalisme de l’article 978 du code civil pour autant que les conditions de validité tenant à l’expression de la volonté du testateur et à l’identification de l’écriture soient remplies, et que la preuve d’une prétendue absence de discernement, notamment le 7 septembre 2010, incombe aux héritiers dans les termes de l’article 901 du code civil.

Aux termes des dispositions de l’article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable, s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme.

Le testament olographe du 10 septembre 2010 objet du litige ne serait pas, selon M. Z I, l’acte testamentaire original mais une copie manuscrite par main assistée recopiée par le défunt de l’exemplaire original qui aurait disparu de son coffre.

Si le recours au droit commun de la preuve invoqué par M. Z I a déjà été admis en cas de perte ou de disparition d’un testament contesté, c’est à charge pour le légataire de prouver par tous moyens l’existence et le contenu du testament, une fois établie la perte de celui-ci, indépendamment de la volonté du testateur.

Au cas présent, M. Z I ne démontre pas que le testament olographe original du 10 septembre 2010 aurait disparu, les conditions de la disparition qu’il expose ne reposant sur aucun élément probant. Il n’a d’ailleurs lui-même aucune certitude de la destruction de ce document puisqu’il indique à son sujet qu’il 'a été vraisemblablement frauduleusement détruit à l’occasion de l’ouverture du coffre' (page 28 conclusions appelant). Il n’est pas davantage démontré que le testament olographe du 7 septembre 2010, objet du litige, ne serait qu’une copie d’un testament original, M. Z I confirmant lui-même dans son bordereau de communication de pièces du 14 avril 2017, en se contredisant ainsi avec ses écritures, que le testament déposé en l’étude de Maître L est bien l’original du testament olographe du 7 septembre 2010 (pièce n°11 dudit bordereau : 'Dépôt de l’exemplaire original du testament après le décès de Monsieur A AB B le 21/06/2012 à l’Etude VIE&L notaires à Paris').

Par ailleurs, aux termes des dispositions de l’article 1348, alinéa 2, du code civil qu’il invoque, seule la partie à l’acte ayant perdu l’original, ou le dépositaire, est en droit de pallier l’absence du titre original par une copie qui en soit la reproduction fidèle et durable. Or, il n’est pas établi que M. Z I ait été dépositaire du testament à la disparition duquel il prétend qu’il serait suppléé par la production d’une copie, puisqu’il indique lui-même que 'le premier original du testament du 7 septembre 2010 n’était pas en [sa] possession […]' (page 16 des conclusions appelant).

Le testament déposé entre les mains de Maître L a fait l’objet de deux expertises, l’une non contradictoire et l’autre judiciaire établie conformément à la mission confiée à l’expert par ordonnance de référé du 14 février 2013 confirmée sur ce point par l’arrêt rendu le 13 février 2014. Selon les rapports établis respectivement les 27 juillet 2012 et 31 juillet 2013, les experts ont analysé ledit testament et procédé à sa comparaison avec les écritures et signatures de plusieurs documents antérieurs à la date du testament de question ainsi que de la même année, soit de 2010, étant précisé que l’expert judiciaire a été destinataire d’un nombre de documents de comparaison supérieur à celui transmis au premier expert et, qu’invitées par l’expert judiciaire à lui adresser leurs éventuels dires et observations avant le dépôt de son rapport définitif, les parties ne lui en n’ont formulé aucuns.

Il s’ensuit que ces éléments suffisant à établir que le testament du 7 septembre 2010 n’est pas de la main de A AB B et ne répond donc pas aux exigences de forme résultant de l’article 970 précité, le jugement entrepris a justement déclaré nul le testament du 7 septembre 2010.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’analyser la capacité intellectuelle de A AB B à tester à cette date, celle-ci tout comme la réitération éventuelle des dispositions du défunt postérieurement au testament du 10 septembre 2010 ne pouvant suppléer au défaut des conditions de forme de ce dernier, lequel n’est contredit par aucun élément.

M. Z I qui se fonde également sur les dispositions de l’article 978 du code civil, selon lesquelles ceux qui ne savent ou ne peuvent lire, ne pourront faire de dispositions dans la forme du testament mystique, ne démontre pas en quoi elles seraient applicables au cas d’espèce.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré nul le testament du 7 septembre 2010.

2°) Sur la demande tendant à la nullité du testament dactylographié daté du 5 juin 2011 prétendument signé en juillet 2011 :

Mme Q B soutient que la sincérité de ce second testament est 'hautement douteuse', soulignant que le moyen tiré de l’existence de ce testament a été soulevé par M. Z I après avoir pris connaissance des conclusions de l’expertise judiciaire démontrant que le testament du 7septembre 2010 n’avait pas été rédigé par la main du défunt. Elle ajoute qu’à la date de la prétendue rédaction de ce second testament, A AB B était hospitalisé à l’hôpital Broca où 'des troubles cognitifs non explorés' ont été constatés et qu’il ressort d’autres éléments médicaux qu’il avait d’importantes difficultés cognitives et qu’il souffrait de troubles moteurs, rendant ainsi très probable une insanité d’esprit viciant son consentement. Elle estime également que la transcription dactylographiée de ce second testament renvoyant à un testament olographe nul ne constitue pas la

preuve des dernières volontés du testateur.

MM. A et P B soutiennent qu’à défaut de respecter les conditions de validité de l’article 970 du code civil, ce second testament est entaché de nullité et ne saurait permettre de régulariser le faux testament du 7 septembre 2010.

M. Z I fait valoir que ce testament dactylographié atteste de la volonté du testateur de réitérer les dispositions testamentaires précédentes à son profit. Il soutient que la preuve d’une prétendue absence de discernement en juin-juillet 2011 qui incombe aux héritiers n’est pas rapportée par eux et que le défunt a manifesté une volonté réelle de tester en sa faveur à l’occasion d’un ensemble d’événements.

Aux termes des dispositions de l’article 969 du code civil, un testament pourra être olographe, ou fait par acte public ou dans la forme mystique.

Le testament daté du 5 juin 2011 qui est dactylographié, à l’exception de la mention 'lu et approuvé' et de la signature, ne répond à aucune des conditions de forme résultant de l’article 969 précité. Le fait qu’il reprenne en partie les termes du testament du 7 septembre 2010, déclaré nul plus avant, et qu’il ait été signé par le testateur en présence de trois témoins comme l’indique M. Z I dans ses écritures, tout comme la production de témoignages et d’un enregistrement vidéo ne peuvent suppléer au défaut des conditions de forme précitées, peu important dès lors la capacité à tester du défunt.

En conséquence, il convient de déclarer nul le testament dactylographié date du 5 juin 2011 prétendument signé en juillet 2011.

3°) Sur la demande tendant à la délivrance du legs au profit de M. Z I d’un bien immobilier et d’une rente dans les termes et conditions fixés par le défunt par testament du 7 septembre 2010 :

Le testament olographe du 7 septembre 2010 et le testament dactylographié de juillet 2011 étant déclarés nuls, il n’y a pas lieu d’ordonner la délivrance du legs au profit de M. Z AA.

4°) Sur les demandes de dommages et intérêts :

M. Z I sollicite la condamnation des intimés pour un tiers chacun et solidairement au paiement de la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts pour refus de délivrance d’un legs et au titre de procédures abusives, soutenant qu’ils ont multiplié les incidents pour l’empêcher de disposer de son legs pendant les six dernières années.

Mme Q B sollicite la condamnation de M. Z I à lui payer la somme de 30.000 euros pour procédure abusive soutenant que le caractère totalement artificiel de la prétention de M. Z I qui invoque un second testament qui aurait été filmé en juillet 2011, est amplement démontré par les différentes constatations des personnels médicaux qui ont traité A AB B durant cette même période, notamment le personnel de l’hôpital Broca, qui a été témoin d’une activité anormale de l’entourage de A AB B à l’occasion de son hospitalisation. Elle ajoute que les éléments factuels rapportés par divers témoignages tendent à démontrer, avec une très forte vraisemblance, que l’état physique et mental de A AB B a facilité des man’uvres et pressions de tiers intéressés afin de tester en faveur de M. Z I. Elle considère comme manifeste que l’action de ce dernier a été engagée avec une légèreté blâmable et que les arguments invoqués en traduisent le caractère artificiel, et que l’appelant ne pouvait dès lors légitimement croire au bien-fondé de ses prétentions.

MM. A et P B sollicitent la condamnation de M. Z I à la somme de

15.000 euros à titre des dommages-intérêts pour procédure abusive, soutenant que les 19 et 20 novembre 2013, soit à la date des secondes assignations délivrées à leur encontre, M. Z I qui avait connaissance du rapport d’expertise de Mme M et du rapport définitif de l’expert judiciaire, Mme D, ne pouvait ignorer que le testament du 7 septembre 2010 sur lequel il fonde sa demande est un faux qui n’a pas été rédigé par le de cujus. Ils estiment donc qu’il est manifeste que M. Z I a initié cette procédure en pleine connaissance du caractère parfaitement infondé de ses prétentions et avec la plus grande légèreté et que, ce faisant, il a indéniablement commis un abus du droit d’agir en justice à leur préjudice, une procédure étant pendante à leur encontre depuis maintenant plus de trois ans.

L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol dont la preuve n’est pas rapportée en l’espèce par M. Z I qui succombe à la présente instance et dont le caractère abusif du comportement est établi.

En effet, si le seul exercice du droit d’appel qui constitue un droit fondamental, ne peut constituer une faute au seul motif que les prétentions de M. Z I sont rejetées, il s’avère que le tribunal a fait une exacte application des règles relatives à la validité des testaments invoqués à l’appui de la demande de délivrance de legs au profit de l’appelant. M. Z I qui avait interjeté appel de l’ordonnance du juge des référés a par ailleurs été débouté par la cour d’appel de ses demandes relatives aux expertises en écriture et médicale ordonnées par ladite ordonnance. Alors qu’il avait également connaissance des conclusions concordantes des deux expertises concluant que A AB B n’est pas l’auteur du testament du 7 septembre 2010 et qu’il n’a adressé aucun dire ou observation à l’expert judiciaire en écriture, il n’a pas justifié en particulier de ses allégations sur la prétendue disparition de ce testament déjà invoquée en première instance, de sorte qu’il ne pouvait légitimement espérer voir infirmer la décision du tribunal.

En conséquence, M. Z I sera condamné à payer à Mme Q B, et à MM. A B et P B la somme de 5.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, le jugement entrepris étant réformé en ce sens.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

— débouté M. Z I, Mme Q B, et MM. A B et P B de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et, y ajoutant,

Déclare nul le testament dactylographié daté du 5 juin 2011 prétendument signé en juillet 2011 ;

Condamne M. Z I à payer à Mme Q B épouse X, et à MM. A B et P B la somme de 5.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z I qui succombe dans ses prétentions à payer à Mme Q B épouse X la somme de 2.000 euros et à MM. A B et P B la somme de 4.000 euros ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. Z I aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 26 juin 2019, n° 17/04080