Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 janvier 2018, 16-23.591, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 31 janv. 2018, n° 16-23.591
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-23.591
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 6 juin 2016, N° 15/08630
Textes appliqués :
Article 455 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036584709
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C100113
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 31 janvier 2018

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 113 F-D

Pourvoi n° Y 16-23.591

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Catherine D…, veuve X…, domiciliée […] ,

contre l’arrêt rendu le 7 juin 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant à la société Puzzle productions, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 19 décembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Y…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Y…, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme D…, veuve X…, de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Puzzle productions, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme D…, veuve et légataire universelle d’Henri X…, auteur-compositeur et artiste-interprète, estimant que la société Puzzle productions (la société) commercialisait, sans autorisation, sous la forme de disques compacts illustrés de photos de l’artiste, et de fichiers numériques, des compilations, de médiocre qualité sonore, de chansons dont Henri X… était l’artiste-interprète et, pour certaines d’entre elles, l’auteur-compositeur, a assigné la société en réparation de son préjudice ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme D… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes relatives aux enregistrements sur supports numériques ;

Attendu, d’une part, que l’arrêt énonce à bon droit que l’exploitation d’interprétations d’un artiste, sous forme d’une compilation de ses enregistrements, n’est pas, en elle-même, de nature à caractériser une atteinte au respect dû à ses interprétations ;

Attendu, d’autre part, que, le bordereau de transmission des pièces litigieuses étant insuffisant à établir le contenu de celles-ci, la cour d’appel a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la portée des éléments de preuve fournis par les parties et hors toute dénaturation, que les enregistrements numériques incriminés n’avaient pas été versés aux débats et qu’elle n’était pas en mesure d’en apprécier la qualité sonore ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui critique un moyen surabondant, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que Mme D… fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes fondées sur le droit à l’image d’Henri X…, alors, selon le moyen, que le droit exclusif d’exploiter l’image d’une personne et d’en retirer un profit pécuniaire, qui revêt une valeur patrimoniale à la fois appropriable et cessible, constitue un bien qui, en l’absence de disposition contraire, est transmissible entre vifs et à cause de mort ; qu’en énonçant, pour déclarer irrecevables les demandes de Mme D… fondées sur l’exploitation commerciale non autorisée de l’image d’Henri X…, que le droit à l’image s’était éteint au décès de l’artiste, la cour d’appel a violé les articles 537, 711, 721 du code civil, ensemble l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l’arrêt énonce exactement que le droit à l’image, attribut de la personnalité, s’éteint au décès de son titulaire et n’est pas transmissible à ses héritiers ;

Que la cour d’appel en a déduit à bon droit que Mme D… était irrecevable en ses demandes fondées sur l’exploitation commerciale de l’image de l’artiste ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme D… fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes relatives aux droits patrimoniaux d’auteur-compositeur d’Henri X… ;

Attendu que, la cour d’appel ayant constaté que les droits d’Henri X… avaient été apportés à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, de sorte que, sauf carence de cette dernière, non invoquée en l’espèce, Mme D… n’avait pas qualité pour agir au soutien de la défense de ceux-ci, le moyen, qui critique un motif surabondant, est inopérant ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables, comme prescrites, les demandes de Mme D… relatives aux enregistrements sur supports physiques, l’arrêt retient qu’à défaut de date certaine quant à la dernière commercialisation de ceux-ci, il y a lieu de prendre pour point de départ du délai de prescription la date de fin des contrats régissant la commercialisation des albums ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme D… qui soutenait qu’elle n’avait eu connaissance des faits qu’elle incriminait qu’au cours du mois de mai 2012, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevables, comme prescrites, les demandes de Mme D… relatives aux enregistrements sur supports physiques, l’arrêt rendu le 7 juin 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Puzzle productions aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme D…, veuve X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme X… dirigées contre la société Puzzle Productions, relatives aux enregistrements sur supports physiques,

AUX MOTIFS QUE, sur la prescription des demandes relatives aux compilations commercialisées sur supports « physiques », selon contrat « de licence » n° 10384 signé le 2 mai 2002 entre la société Puzzle Productions et la société Warner Music France (ci-après Warner Music), cette dernière a concédé à la société intimée, à titre non exclusif, le droit de reproduire divers enregistrements destinés à être exploités dans une collection d’albums de compilation intitulée « Prix câlins » devant être éditée exclusivement sous la forme de compacts disques (CD), en vue de la vente dans le réseau traditionnel de distribution et dans le réseau clubs ; que les enregistrements visés par ce contrat ne sont pas mentionnés sur l’annexe 1 audit contrat qui concerne la liste des albums composant la collection « Prix câlins » (Afrika Bambaataa, Chants corses, Edith Z…, Tino A……) ; que Mme X… affirme qu’aucun des CD litigieux n’est concerné par ce contrat à l’exception d'« Henri X… Des chansons plein la fête » (2003) ; que, cependant, cet album est mentionné dans un document intitulé « Annexe n° 1 au contrat de licence n° 11949 en date du 12 septembre 2003 », par conséquent distinct du contrat n° 10384 signé le 2 mai 2002 ; qu’au vu des jaquettes des CD produits aux débats par l’appelante, il apparaît qu’en réalité la société Puzzle Productions, comme elle l’affirme, a commercialisé, en vertu du contrat du 2 mai 2002, les quatre compilations « physiques » suivantes : « Henri X… Chansons Douces » (2002), « Henri X… Vol. 2 : X… s’amuse » (2003), « Henri X… Des chansons plein la fête » (2003) et « Henri X… Inoubliable !!! », ce dernier album ayant été commercialisé à compter de 2008 ; que, par courrier du 13 mars 2008, la société Warner Music France a informé la société Puzzle Productions qu’elle ne souhaitait pas renouveler la durée des droits d’exploitation sur les enregistrements concernés et que ces droits cesseraient le 17 juin 2008, sans préjudice d’une période de liquidation du stock (« sell-off ») de six mois prévue au contrat ; que, par ailleurs, en 2003, la société Puzzle Productions a donné en licence à la société NextMusic l’exploitation du coffret de CD « Henri X… Legend » (2003) ; que la société NextMusic a été placée en redressement judiciaire le 24 mars 2005, puis en liquidation judiciaire le 25 avril 2005 ; qu’il est constant que, parmi les compilations contestées, seuls ces cinq albums ont été commercialisés sur supports « physiques » ; qu’en application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que l’alinéa 2 de l’article 2222 du même code prévoit, à titre de mesure transitoire, qu’en cas de réduction du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que ces dispositions, issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, sont entrées en vigueur le 19 juin 2008 ; que Mme X… soutient que les faits de commercialisation délictueux se sont poursuivis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle réduisant le délai de prescription à cinq ans, dès lors que le contrat entre la société Puzzle Productions et la société Warner Music a produit ses effets jusqu’au 17 décembre 2008 en tenant compte du délai de liquidation des stocks et qu’en tout état de cause les CD commercialisés par la société Warner Music étaient toujours commercialisés en août 2012 et que le coffret distribué par la société NextMusic était encore en vente en septembre 2012, voire en décembre 2015, soit bien après la liquidation judiciaire de cette dernière société ; qu’elle en déduit qu’il convient de faire application de l’article 2224 précité ; qu’elle indique qu’elle n’a eu connaissance des faits litigieux qu’en mai 2012, date de sa mise en demeure à la société Puzzle Productions, de sorte que ses demandes ne sont pas prescrites ; que, cependant, si Mme X… fait valoir à juste raison que la contrefaçon de droit d’auteur est un délit civil continu se renouvelant à chaque instant tant que le comportement en cause se poursuit, force est de constater qu’elle ne verse aux débats aucun constat d’huissier ni aucune facture d’achat établissant de façon certaine que les albums en cause ont été vendus par la société Puzzle Productions postérieurement au 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi fixant le nouveau délai de prescription à 5 ans ; que les albums que l’appelante verse au dossier sont impropres à faire cette démonstration ; que les pages du site internet « amazon.fr » de septembre 2012 qu’elle produit également révèlent que les albums sont en rupture de stock ou mis en circulation, sur le marché du neuf ou de l’occasion, par des particuliers ou des revendeurs professionnels, ce qui ne permet pas d’établir la responsabilité de la société Puzzle dans ces reventes ; qu’il en est de même de la facture émise par la société britannique Small World Design Limited du 4 décembre 2015 portant sur l’achat sur le site Amazon d’un album « Chansons douces » ; que la circonstance qu’un délai de six mois ait été convenu entre la société Puzzle Productions et la société Warner Music après la fin de leurs relations contractuelles le 17 juin 2008 pour permettre l’écoulement du stock de CD ne démontre pas, en soi, que des albums ont été effectivement vendus par la société Puzzle Productions postérieurement au 17 juin 2008 et jusqu’en décembre 2008 ; qu’il convient, par conséquent, à défaut de date certaine quant à la dernière commercialisation des CD litigieux, de prendre en compte comme point de départ du délai de prescription la date de fin des contrats régissant la commercialisation des albums, liant la société Puzzle Productions respectivement à la société Warner Music et NextMusic ; que, comme il a été dit, le contrat entre la société Puzzle Productions et la société Warner Music a pris fin le 17 juin 2008 et il n’est pas démontré que des CD en stock aient été vendus par cette dernière postérieurement à cette date ; que la société NextMusic a été mise en liquidation judiciaire en avril 2005, ce qui a nécessairement entraîné la cessation des ventes à cette date au plus tard ; qu’il s’en déduit que les faits litigieux concernant les albums « Henri X… Chansons douces » (2002), « Henri X… vol. 2 : X… s’amuse » (2003), « Henri X… Des chansons plein la fête » (2003), « Henri X… Inoubliable !!! » et « Henri X… Legend » sont antérieurs à l’entrée en vigueur (19 juin 2008) de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; qu’en application de l’article 2222 précité du code civil, les demandes de Mme X… relatives à ces albums, en ce compris les demandes visant à ordonner à la société Puzzle Productions, sous astreinte, de cesser la commercialisation des CD, de justifier de la destruction des stocks et de faire retirer les exemplaires encore en vente, sont donc prescrites depuis le 19 juin 2013, antérieurement à son assignation du 12 août 2013, et par conséquent irrecevables ; qu’il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré sur ce point, par substitution de motifs ;

ALORS QUE Mme X… faisait valoir, en cause d’appel, qu’elle avait « eu connaissance des activités litigieuses de Puzzle Productions au mois de mai 2012 » et l’avait « mise en demeure de cesser toute commercialisation le 22 mai 2012 », avant de lui faire délivrer une assignation le 12 août 2013 ; qu’elle soutenait encore que la société Puzzle Productions ne rapportait pas « la preuve de la connaissance de la commercialisation des CD litigieux par Henri X… ou son ayant-cause avant la mise en demeure du 22 mai 2012 », en sorte que la prescription n’avait pu commencer à courir avant cette date (conclusions récapitulatives d’appel de Mme X…, p. 10 et 11) ; qu’en énonçant, pour déclarer les demandes de Mme X… dirigées contre la société Puzzle Productions, relatives aux enregistrements sur supports physiques, irrecevables comme prescrites, qu’à défaut de date certaine quant à la dernière commercialisation des CD litigieux, il convenait de prendre en compte comme point de départ du délai de prescription la date de fin des contrats régissant la commercialisation des albums, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mme X… de ses demandes dirigées contre la société Puzzle Productions, relatives aux enregistrements sur supports numériques,

AUX MOTIFS QUE Mme X… soutient que les compilations réalisées sur supports numériques portent atteinte au droit moral d’Henri X…, artiste-interprète et auteur, en dénaturant ses oeuvres, du fait de la médiocrité des enregistrements, du principe même de la compilation des chansons sans aucune réflexion artistique et de la vente à prix dérisoire sur internet ; que la société Puzzle Productions oppose que la cessation de commercialisation demandée serait attentatoire aux droits des auteurs de 58 chansons et donc disproportionnée ; qu’elle réfute les critiques de Mme X… en faisant notamment valoir que l’appelante ne communique pas les enregistrements numériques litigieux, que les éléments qu’elle verse aux débats ne sont pas de nature à établir la médiocrité des enregistrements alléguée, qu’une compilation « mono-artiste », comme celles en cause, ne constitue pas en soi une atteinte au droit moral d’un artiste et que les albums n’ont pas été vendus à un prix dérisoire ; que, le 17 mai 2011, la société Puzzle Productions a conclu un contrat de distribution avec la société Believe Digital, en vertu duquel cette dernière a commercialisé, en 2011, sur diverses plateformes internet, en format numérique, les six albums de compilations suivants : « Henri X… – Chansons douces », « Henri X… vol. 2 », « The very best of Henri X… », « Les grands succès : Henri X… », « Best of Henri X… (16 succès) » et « Henri X… – Classiques » ; que l’article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle dispose : « L’artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. Ce droit inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne. Il est transmissible à ses héritiers pour la protection de l’interprétation et de la mémoire du défunt » ; que l’article L. 121-1 du même code prévoit : « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur » ; que Mme X… produit aux débats, en appel (sa pièce 29) : une facture émise par la société Amazon du 7 décembre 2015 portant sur l’achat sur le site de cette société de cinq albums : « Gold – The Classics : Henri X… », « Greatest hits : Henri X… », « Single best of 4 hits », « Best of Henri X… (Les classiques) » et « 1+1 Henri X… – Boris B… » ; que des pages du site internet « amazon.fr » concernant ces 5 albums mentionnant les titres des chansons figurant sur les albums, 5 CD gravés ; que cependant, comme le souligne l’intimée, ces cinq compilations ne correspondent pas aux six albums numérisés commercialisés par la société Believe Digital énumérés ci-dessus et les CD gravés par les soins de Mme X… ne présentent aucune valeur probante dès lors qu’il ne peut être vérifié qu’ils reproduisent les enregistrements numériques litigieux ; que Mme X… produit, par ailleurs, pour la première fois en appel, une expertise amiable en date du 2 avril 2015, réalisée par M. C…, ingénieur du son, responsable du studio de mastering Parelies, qui conclut : « Les compilations Puzzle ont été copiées en presque quasi-totalité sur des compilations originales d’Universal et Emi, – les disparités de niveaux d’un titre à l’autre laissent apparaître l’absence de tout travail de mastering (égalisation /amélioration du son), – ces simples copies – reflets approximatifs des documents mixés en studio avec précision (en l’accord avec le propos de l’artiste qui contrôle le mixage en cabine) – dénaturent inévitablement l’oeuvre publiée par les éditeurs historiques » ; que cependant, il résulte de cette expertise amiable qu’elle a été réalisée à partir de l’examen du coffret Puzzle (distrib. Warner Special Marketing) « Henri X… Inoubliables 75 tubes », des CD « Henri X… Chansons douces » et « Henri X… s’amuse vol. 2 » (collection « Prix Câlin ») ; que force est de constater qu’il ne s’agit pas des albums numérisés, seuls en cause ; qu’en définitive, les enregistrements numériques concernés n’étant pas produits aux débats, la cour n’est pas mise en mesure de vérifier si les oeuvres d’Henri X… subissent la dénaturation alléguée du fait de la médiocrité des enregistrements ; qu’il n’est en particulier pas plus démontré qu’en première instance que la société Puzzle Productions n’a pas procédé à la remasterisation des enregistrements à partir des disques vinyles, ce qu’elle conteste ; que, par ailleurs, Mme X… ne peut être suivie quand elle affirme que la dénaturation des oeuvres pourrait résulter de leur seule compilation, dès lors qu’il s’agit, en l’occurrence, de compilations « mono-artiste » de chansons interprétées par Henri X… personnellement et qu’aucune modification des textes ou utilisation à des fins autres qu’artistiques n’est démontrée ni même prétendue, et ce, alors qu’il résulte du dossier que l’oeuvre d’Henri X… a donné lieu à de nombreuses compilations non contestées ; qu’enfin, comme le tribunal l’a retenu, les compilations numériques litigieuses sont vendues entre 4,90 euros (pour 10 titres) et 49 euros (pour 100 titres), ce qui correspond au prix du marché (l’album « Chambre avec vue », non tombé dans le domaine public, étant vendu 5,99 euros par Emi Music en format numérique) et non à un prix dérisoire ; que, dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme X… de toutes ses demandes, en ce compris la demande visant à ordonner à la société Puzzle Productions, sous astreinte, de cesser la commercialisation des enregistrements numériques, relatives à l’atteinte au droit moral de M. Henri X… du fait des enregistrements réalisés sur supports numériques ;

1°/ ALORS QUE le respect dû à l’interprétation de l’artiste en interdit toute altération ou dénaturation ; qu’il s’en déduit que l’exploitation d’une interprétation sous la forme d’une compilation, qui est par principe de nature à en altérer le sens, requiert une autorisation spéciale de l’artiste ou de ses ayants-droit ; qu’en énonçant, pour rejeter les demandes de Mme X… dirigées contre la société Puzzle Productions relatives aux enregistrements sur supports numériques, que la dénaturation des interprétations d’Henri X… ne pourrait résulter d’une compilation « mono-artiste », en l’absence de modification des textes ou d’utilisation à une fin autre qu’artistique, la cour d’appel a violé l’article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ ALORS QUE la renonciation à l’exercice du droit moral ne peut être que spéciale ; qu’elle doit en outre résulter d’actes manifestant sans équivoque la volonté du titulaire d’y renoncer ; qu’en énonçant, pour rejeter les demandes de Mme X… relatives aux supports numériques, qu’il résultait du dossier que l’oeuvre d’Henri X… avait donné lieu à de nombreuses compilations non contestées, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à caractériser la volonté de l’artiste-interprète ou de ses ayants-droit de renoncer à s’opposer aux compilations mono-artiste, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ ALORS QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; que, devant la cour d’appel, Mme X… a versé aux débats, en pièces n° 3, 7, 9, 10, 11, 12 et 13, les compilations numériques « Henri X… Chansons douces », « Henri X…, vol. 2 », « The very best of Henri X… Les 100 plus grands titres », « Henri X… Les grands succès », « Best of Henri X… (16 succès) », « Classiques Henri X… » et « Henri X… Chanson Douce » ; que chaque pièce était constituée d’une impression d’écran de la plate-forme de téléchargement décrivant le contenu de la compilation numérique et d’un CD reproduisant les enregistrements numériques téléchargés ; qu’en affirmant, pour rejeter les demandes de Mme X… dirigées contre la société Puzzle Productions relatives aux enregistrements sur supports numériques, que les enregistrements numériques concernés n’étaient pas produits aux débats, en sorte qu’elle n’était pas en mesure d’en vérifier la qualité, la cour d’appel a dénaturé par omission les pièces précitées, en violation du principe précité ;

4°/ ALORS QU’en statuant de la sorte, la cour d’appel a en outre dénaturé par omission le bordereau de communication de pièces annexé aux dernières conclusions de Mme X…, qui mentionnait les pièces n° 3, 7, 9, 10, 11, 12 et 13, en violation de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

5°/ ALORS QUE les juges du fond sont tenus d’examiner même sommairement, les pièces fournies par les parties à l’appui de leurs prétention ; qu’en affirmant qu’aucun fichier numérique n’avait été versé aux débats, la cour d’appel, qui n’a pas examiné les pièces n° 3, 7, 9, 10, 11, 12 et 13 de Mme X…, qui reproduisaient sur CD les enregistrements numériques critiqués, a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevables les demandes de Mme X… envers la société Puzzle Productions fondées sur le droit à l’image d’Henri X…,

AUX MOTIFS QUE c’est à juste raison que le tribunal a jugé que le droit à l’image est un attribut de la personnalité qui s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit, et qui n’est pas transmissible à ses héritiers et qu’il a, par conséquent, déclaré irrecevables les demandes de Mme X… fondées sur le droit à l’image d’Henri X… ;

ALORS QUE le droit exclusif d’exploiter l’image d’une personne et d’en retirer un profit pécuniaire, qui revêt une valeur patrimoniale à la fois appropriable et cessible, constitue un bien qui, en l’absence de disposition contraire, est transmissible entre vifs et à cause de mort ; qu’en énonçant, pour déclarer irrecevables les demandes de Mme X… fondées sur l’exploitation commerciale non autorisée de l’image d’Henri X…, que le droit à l’image s’était éteint au décès de l’artiste, la cour d’appel a violé les articles 537, 711, 721 du code civil, ensemble l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré Mme X… irrecevable en ses demandes relatives aux droits patrimoniaux d’Henri X…,

AUX MOTIFS QU’il est constant qu’Henri X… était adhérent de la Sacem ; qu’en application des statuts de la Sacem, notamment de l’article 17, Henri X…, par son adhésion, a fait apport exclusif de l’exercice de ses droits patrimoniaux à cette société et l’a mandatée pour agir en ses lieu et place sur le fondement de ses droits ; qu’en tant qu’ayant-droit d’Henri X…, Mme X…, sauf carence de la Sacem qui n’est pas invoquée en l’espèce, n’a donc pas qualité à agir personnellement en défense de ces droits, en paiement de droits d’auteur ou de dommages et intérêts, comme en communication de pièces ; que, comme le tribunal l’a relevé, en sa qualité d’ayant-droit d’Henri X…, Mme X… est encore en possession des relevés Sacem permettant de vérifier le montant des droits perçus au titre de l’exploitation des oeuvre objet du présent litige ; qu’il y a lieu, par conséquent, de dire Mme X… irrecevable, à défaut de qualité à agir, en ses demandes relatives aux droits patrimoniaux d’auteur d’Henri X…, en ce compris la demande de communication d’éléments permettant de calculer les sommes revenant à Mme X… ;

ALORS QU’il incombe à celui qui se prétend libéré d’une obligation de justifier du paiement ou du fait qui a produit son extinction ; qu’en énonçant, pour déclarer Mme X… irrecevable en ses demandes relatives aux droits patrimoniaux d’Henri X…, qu’en sa qualité ayant-droit d’Henri X…, elle était encore en possession des relevés Sacem permettant de vérifier le montant des droits perçus au titre de l’exploitation des oeuvres en litige, la cour d’appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, devenu l’article 1353 du code civil.

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Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 janvier 2018, 16-23.591, Inédit