Conseil constitutionnel, décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes

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Par théo Scherer, Maître De Conférences À L’université De Caen Normandie · Dalloz · 19 décembre 2023

Conseil Constitutionnel · Conseil constitutionnel · 10 novembre 2023

Commentaire Décision n° 2023-1067 QPC du 10 novembre 2023 M. Bechir C. (Conservation d'un échantillon des produits stupéfiants saisis avant leur destruction) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 septembre 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1106 du 6 septembre 2023) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Bechir C. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article 706-30-1 du code de procédure pénale (CPP), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 …

 

Conclusions du rapporteur public · 14 septembre 2023

N°s 472208-472220 QPC GIE TCN 10ème et 9ème chambres réunies Séance du 11 septembre 2023 Décision du 21 septembre 2023 CONCLUSIONS M. Laurent DOMINGO, Rapporteur public Le Groupement d'intérêt économique Transport en Commun de Nouméa exploite, depuis 1999, le service de transports publics urbains de voyageurs de la commune de Nouméa puis du Grand Nouméa. Le contrat arrivant à échéance le 31 décembre 2018 comportait une clause (article 30-1) octroyant au GIE une priorité pour la poursuite du contrat ou à défaut le rachat des autorisations d'exploitation et l'indemnisation des entreprises du …

 
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Sur la décision

Référence :
Cons. const., 20 janv. 1981, n° 80-127 DC
Décision n° 80-127 DC
Loi déférée : Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes
Publication : Journal officiel du 22 janvier 1981, page 308, Recueil, p. 15
Dispositif : Non conformité partielle
Identifiant Légifrance : CONSTEXT000017665953
Identifiant européen : ECLI:FR:CC:1981:80.127.DC
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel,
Saisi : Le 20 décembre 1980, par MM Raymond Forni, Alain Richard, René Gaillard, Pierre Forgues, Christian Nucci, Martin Malvy, Raoul Bayou, Jean-Yves Le Drian, Louis Mexandeau, Guy Bêche, Pierre Guidoni, Louis Darinot, Roland Haguet, Noël Ravassard, Michel Crépeau, René Souchon, Alain Bonnet, Pierre Garmendia, Pierre Lagorce, Georges Fillioud, François Autain, Jean Laborde, André Chandernagor, Jean-Pierre Chevènement, Charles Pistre, Maurice Brugnon, Claude Wilquin, Gérard Houteer, André Delelis, Lucien Pignion, Henri Emmanuelli, Joseph Franceschi, Mme Edwige Avice, MM Raymond Julien, Hubert Dubedout, Alain Chénard, Claude Evin, Michel Suchod, Jean-Pierre Cot, Edmond Vacant, Christian Laurissergues, André Billardon, Jean Laurain, André Laurent, Maurice Andrieu, Bernard Derosier, Christian Pierret, Pierre Mauroy, Roland Beix, Jean Auroux, Maurice Pourchon, Mme Marie Jacq, MM Louis Le Pensec, Charles Hernu, André Delehedde, Pierre Jagoret, Gaston Defferre, Jean-Pierre Pénicaut, Philippe Marchand, Robert Aumont, François Massot, André Cellard, Michel Rocard, députés.
Le 22 décembre 1980, par MM Maurice Andrieux, Gustave Ansart, Robert Ballanger, Paul Balmigère, Mme Myriam Barbera, MM Jean Bardol, Jean-Jacques Barthe, Alain Bocquet, Gérard Bordu, Daniel Boulay, Irénée Bourgois, Jacques Brunhes, Georges Bustin, Henry Canacos, Jacques Chaminade, Mmes Angèle Chavatte, Jacqueline Chonavel, M Roger Combrisson, Mme Hélène Constans, MM Michel Couillet, César Depietri, Bernard Deschamps, Guy Ducoloné, André Duroméa, Lucien Dutard, Charles Fiterman, Mmes Paulette Fost, Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM Dominique Frelaut, Edmond Garcin, Marceau Gauthier, Pierre Girardot, Mme Colette Goeuriot, MM Pierre Goldberg, Georges Gosnat, Roger Gouhier, Mme Marie-Thérèse Goutmann, MM Maxime Gremetz, Georges Hage, Guy Hermier, Mme Adrienne Horvath, MM Marcel Houël, Parfait Jans, Jean Jarosz, Emile Jourdan, Jacques Jouve, Pierre Juquin, Maxime Kalinsky, André Lajoinie, Paul Laurent, Georges Lazzarino, Mme Chantal Leblanc, MM Joseph Legrand, Alain Léger, François Leizour, Daniel Le Meur, Raymond Maillet, Louis Maisonnat, Georges Marchais, Fernand Marin, Albert Maton, Gilbert Millet, Robert Montdargent, Mme Gisèle Moreau, MM Maurice Nilès, Louis Odru, Antoine Porcu, Vincent Porelli, Mmes Jeanine Porte, Colette Privat, MM Roland Renard, René Rieubon, Marcel Rigout, Hubert Ruffe, André Soury, Marcel Tassy, André Tourné, Théo Vial-Massat, Lucien Villa, René Visse, Robert Vizet, Claude Wargnies, députés.
Le 24 décembre 1980, par M Antoine Andrieux, Mlle Irma Rapuzzi, MM Charles Bonifay, Fernand Tardy, Philippe Madrelle, Michel Manet, Jacques Bialsky, Marcel Vidal, Jean Peyrafitte, Raymond Courrière, Marc Boeuf, Albert Pen, Michel Dreyfus-Schmidt, Gérard Minvielle, Bernard Parmantier, Jean Geoffroy, Jacques Carat, Robert Laucournet, Mme Cécile Goldet, MM Raymond Tarcy, Robert Guillaume, Noël Berrier, Georges Dagonia, Lucien Delmas, Paul Mistral, Emile Durieux, Germain Authié, Léon Eeckhoutte, Jules Faigt, Pierre Noé, Roger Quilliot, André Barroux, Robert Pontillon, Tony Larue, Michel Moreigne, Robert Schwint, Franck Sérusclat, Jean Varlet, Claude Fuzier, Roland Grimaldi, Gérard Gaud, André Lejeune, Raymond Courteau, Pierre Matraja, Gérard Delfau, Guy Durbec, André Rouvière, Gérard Roujas, Henri Duffaut, René Regnault, Maurice Janetti, Maurice Pic, André Méric, Georges Spénale, Edgar Tailhades, Philippe Machefer, Louis Perrein, Marcel Mathy, Gilbert Belin, Félix Ciccolini, Roger Rinchet, Louis Longequeue, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, du texte de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, telle qu’elle a été adoptée par le Parlement.

Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur la conformité à la Constitution de la procédure législative :
1. Considérant qu’aux termes de l’article 45 de la Constitution : Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence, après une seule lecture par chacune d’entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion .
2. Considérant qu’il résulte des termes de cet article que la commission mixte paritaire ne peut proposer un texte que si celui-ci porte sur des dispositions restant en discussion, c’est-à-dire qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par l’une et l’autre assemblée sans qu’il soit nécessaire, au surplus, que ces dispositions aient été introduites avant la dernière lecture devant l’assemblée saisie en second ; qu’ainsi il ne saurait être reproché à la commission mixte paritaire d’avoir proposé des textes sur des dispositions ne figurant pas parmi celles discutées par l’Assemblée nationale saisie en premier du projet de loi déclaré d’urgence et dont le vote par le Sénat résultait de l’exercice normal de la fonction législative et du droit d’amendement.
3. Considérant que les dispositions des règlements des assemblées parlementaires n’ont pas valeur constitutionnelle ; que, dès lors, les auteurs des saisines ne sauraient utilement contester devant le Conseil constitutionnel l’interprétation donnée à certaines dispositions du règlement de l’Assemblée nationale au cours de la première séance du 18 décembre 1980, lors de la discussion des propositions de la commission mixte paritaire, alors qu’une telle interprétation n’est contraire à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ;
4. Considérant qu’ainsi la loi a été délibérée et votée selon une procédure conforme à la Constitution ;
Sur le titre Ier (art. 2 à 37) de la loi :
5. Considérant que le titre Ier de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel énonce diverses dispositions de droit pénal relatives aux atteintes à la sécurité des personnes et des biens ; que, s’il comporte certains adoucissements des peines prévues par les lois antérieures, il édicte principalement des dispositions tendant à une répression plus sévère des actes de violence les plus graves envers les personnes et les biens ; qu’à cette fin, s’agissant de telles atteintes, il modifie les conditions de la récidive, limite les effets des circonstances atténuantes ainsi que les conditions d’octroi du sursis, retient certaines causes d’aggravation des peines, modifie les définitions de certaines infractions et les peines encourues par leurs auteurs ainsi que certaines dispositions antérieures relatives à l’exécution des peines.
6. Considérant que, selon les auteurs des diverses saisines, l’ensemble de ces dispositions aggravant la répression des atteintes à la sécurité des personnes et des biens et, en tout cas, certaines d’entre elles, seraient contraires à des principes ou à des règles de valeur constitutionnelle, à savoir le principe de la légalité des délits et des peines, le principe selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, le principe de l’individualisation des peines, le droit de grève et le droit syndical ;
En ce qui concerne le principe de la légalité des délits et des peines :
7. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ; qu’il en résulte la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ;
8. Considérant que, si les articles 16 et 17 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel donnent de nouvelles définitions des délits de menaces, leurs dispositions ne sont ni obscures ni imprécises ; que le terme de menace , déjà employé par le code pénal, a une acception juridique certaine ; que les divers autres éléments constitutifs des infractions visées par ces textes sont énoncés sans ambiguïté, notamment en ce qui concerne l’objet des menaces, leur caractère conditionnel ou inconditionnel, les personnes à qui elles sont adressées ; que l’emploi du terme par quelque moyen que ce soit qui tend à viser tous les modes d’expression des menaces n’introduit aucun élément d’incertitude dans la définition des infractions.
9. Considérant que l’article 24 de la loi tend à remplacer les articles 434 à 437 du code pénal et à définir diverses infractions consistant dans la destruction ou la détérioration volontaire par des moyens divers d’objets mobiliers ou de biens immobiliers ; que les termes détruit , détérioré , objets mobiliers , biens immobiliers ne sont ni obscurs ni imprécis ; que les distinctions faites en ce qui concerne tant les circonstances ou les moyens de destruction ou de détérioration que les personnes au préjudice desquelles sont commises ces destructions ou détériorations ne présentent pas d’ambiguïté ; que si, dans le nouvel article 434 du code pénal, le législateur exclut de la répression les détériorations légères , cette disposition, établie en faveur des auteurs d’actes sans gravité et qu’il appartiendra aux juridictions compétentes d’interpréter, ne tient pas en échec la règle selon laquelle nul ne peut être puni qu’en vertu de la loi.
10. Considérant qu’aucune des autres dispositions du titre Ier de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel n’est critiquée au nom du principe de la légalité des délits et des peines et ne peut davantage être regardée comme le méconnaissant ;
En ce qui concerne le principe selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires :
11. Considérant que, selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ; que, selon les auteurs de deux des saisines, il appartiendrait au Conseil constitutionnel de censurer les dispositions du titre Ier de la loi soumise à son examen qui autorisent ou imposent une répression, à leurs yeux excessive, soit par l’effet des peines attachées aux infractions, soit par l’aggravation des conditions de la récidive, soit par la limitation des effets des circonstances atténuantes, soit par la restriction des conditions d’octroi du sursis, soit par la modification des conditions d’exécution des peines.
12. Considérant que l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen.
13. Considérant que, dans le cadre de cette mission, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines attachées aux infractions définies par celui-ci, alors qu’aucune disposition du titre Ier de la loi n’est manifestement contraire au principe posé par l’article 8 de la Déclaration de 1789 ;
En ce qui concerne le principe de l’individualisation des peines :
14. Considérant que, selon les auteurs des saisines, la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel méconnaîtrait le principe de l’individualisation des peines ; qu’en effet, certaines des dispositions votées obligeraient le juge, à l’égard de certains prévenus ou accusés, soit à prononcer des peines dont le minimum est déterminé, soit à refuser automatiquement l’octroi de tout sursis et interdiraient au surplus aux autorités compétentes de recourir, au moins pendant un certain temps, à des modalités adoucies d’exécution des peines ; qu’ainsi il serait interdit, dans certains cas, de tenir compte des facteurs de nature individuelle et concrète permettant d’appliquer la loi pénale dans des termes adaptés à la personnalité du délinquant et de préparer la réinsertion de celui-ci dans la société ; qu’en raison de cette méconnaissance du principe de l’individualisation des peines les dispositions critiquées devraient, selon les auteurs des saisines, être déclarées non conformes à la Constitution, le principe de l’individualisation des peines devant être regardé comme impliqué par l’article 8 de la Déclaration de 1789 et comme constituant d’ailleurs un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
15. Considérant, d’une part, que, si aux termes de l’article 8 précité de la Déclaration de 1789 la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires , cette disposition n’implique pas que la nécessité des peines doive être appréciée du seul point de vue de la personnalité du condamné et encore moins qu’à cette fin le juge doive être revêtu d’un pouvoir arbitraire que, précisément, l’article 8 de la Déclaration de 1789 a entendu proscrire et qui lui permettrait, à son gré, de faire échapper à la loi pénale, hors des cas d’irresponsabilité établis par celle-ci, des personnes convaincues de crimes ou de délits.
16. Considérant, d’autre part, que, si la législation française a fait une place importante à l’individualisation des peines, elle ne lui a jamais conféré le caractère d’un principe unique et absolu prévalant de façon nécessaire et dans tous les cas sur les autres fondements de la répression pénale ; qu’ainsi, à supposer même que le principe de l’individualisation des peines puisse, dans ces limites, être regardé comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, il ne saurait mettre obstacle à ce que le législateur, tout en laissant au juge ou aux autorités chargées de déterminer les modalités d’exécution des peines un large pouvoir d’appréciation, fixe des règles assurant une répression effective des infractions ;
En ce qui concerne le droit de grève et le droit syndical :
17. Considérant que, selon les auteurs des saisines, les dispositions des articles 16, 17 et 30 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel porteraient atteinte à l’exercice du droit de grève et du droit syndical reconnus par la Constitution ;
18. Considérant, d’une part, que les articles 16 et 17 de la loi, remplaçant diverses dispositions du code pénal, sont relatifs aux diverses infractions de menaces ; que, comme il a été dit plus haut, les délits prévus et réprimés sont définis en termes ne comportant ni obscurité ni imprécision ; qu’aucune des infractions établies par les articles 16 et 17 de la loi n’est constituée s’il n’y a menace de commettre un crime ou un délit. que, dans ces conditions, il est exclu que l’application de ces dispositions puisse, en quoi que ce soit, empêcher ou gêner l’exercice légal du droit de grève ou du droit syndical ;
19. Considérant, d’autre part, que l’article 30 de la loi a pour objet d’insérer dans la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer un article 18-1 ainsi conçu : « Quiconque, en vue d’entraver ou de gêner la circulation des véhicules, aura placé sur la voie un objet faisant obstacle à leur passage ou aura employé un moyen quelconque pour gêner ou entraver leur circulation sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 1.000 F à 30.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement » ;
20. Considérant que la répression des entraves ou des gênes à la circulation des chemins de fer résultant du dépôt d’un objet sur la voie n’est pas de nature à empêcher ou à gêner en quoi que ce soit l’exercice légal du droit de grève ou du droit syndical ;
21. Considérant que, si les peines prévues par le texte précité sont, en outre, applicables à quiconque, en vue d’entraver ou de gêner la circulation des véhicules … aura employé un moyen quelconque pour gêner ou entraver leur circulation … , ces dispositions, qui exigent une action positive de la part des auteurs des actes incriminés, ne sauraient viser les personnes exerçant légalement le droit de grève reconnu par la Constitution, même si la cessation de leur travail a pour effet de perturber ou de supprimer la circulation des véhicules ;
22. Considérant qu’ainsi, les dispositions des articles 2 à 37 formant le titre Ier de la loi soumise à l’examen du conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
Sur le titre II (art. 38 à 80) de la loi :
En ce qui concerne l’article 39 de la loi relatif à la prolongation de la garde à vue en cas de certaines atteintes à la liberté des personnes ou de certains vols aggravés ;
23. Considérant que les auteurs des saisines font valoir à l’encontre de la conformité à la Constitution de l’article 39 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel le fait que la décision de prolongation de vingt-quatre heures de la garde à vue en cas de certaines atteintes à la liberté des personnes ou de certains vols aggravés peut être prise par un magistrat du siège n’ayant pas la qualité de juge d’instruction ; que, dans une pareille hypothèse, ce magistrat, ou bien statuera sans examen réel du dossier et donc sans apporter de garanties sérieuses à l’intéressé, ou bien, ayant procédé à un tel examen, se trouvera avoir préjugé la culpabilité de l’intéressé dans l’affaire dont il peut avoir à connaître comme président ou comme membre de la juridiction de jugement ; qu’enfin, la possibilité de prolonger de vingt-quatre heures le délai normal de garde à vue est inutile, les dispositions antérieures étant suffisantes pour les besoins de la recherche de la vérité même dans les cas visés par l’article 39.
24. Considérant que le champ d’application des dispositions critiquées, concerne des enquêtes portant sur des infractions déterminées appelant des recherches particulières, telles que l’arrestation, la détention ou la séquestration de personnes, la prise d’otages, l’enlèvement de mineurs, le vol aggravé par un port d’armes et commis par deux ou plusieurs personnes ;
25. Considérant que, si l’intervention d’un magistrat du siège pour autoriser, dans ces cas, la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l’article 66 de la Constitution, aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’exige que ce magistrat ait la qualité de juge d’instruction ;
26. Considérant que le magistrat qui aura nécessairement dû examiner le dossier pour autoriser la prolongation de vingt-quatre heures de la garde à vue n’aura pas pour autant fait un acte d’instruction ni préjugé la culpabilité de l’intéressé.
27. Considérant, au surplus, que les dispositions des paragraphes II, III et V de l’article 39 de la loi relatives à la surveillance médicale de la personne gardée à vue, constituent des garanties supplémentaires au profit de celle-ci ;
28. Considérant, dès lors, que l’article 39 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel n’est pas contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 47 à 52 relatifs à la procédure correctionnelle :
29. Considérant que, selon les auteurs des saisines, les articles 47 à 52 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel devraient être déclarés non conformes à la Constitution ; qu’en effet, en matière correctionnelle, ils permettent au procureur de la République, par une décision discrétionnaire, de saisir directement le tribunal sans information préalable confiée à un juge d’instruction et, ce, même en l’absence de flagrant délit et alors même que le prévenu pourrait faire l’objet d’un mandat de dépôt ; que le choix ainsi discrétionnairement ouvert au procureur de la République entre une procédure comportant une information préalable par le juge d’instruction et une procédure ne comportant pas une telle information préalable serait contraire tout à la fois au principe selon lequel seule la loi peut fixer la procédure pénale, aux droits de la défense et à l’égalité des personnes devant la justice ; qu’au surplus, constituerait également une méconnaissance des droits de la défense l’absence, dans les textes critiqués, de toute disposition prévoyant que la personne concernée pourra être assistée d’un avocat lors de sa comparution devant le procureur de la République et avant que celui-ci n’opte entre les diverses procédures possibles.
30. Considérant qu’en vertu de l’article 393 nouveau du code de procédure pénale, tel qu’il résulte de l’article 51 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, le procureur de la République peut, s’il estime qu’une information n’est pas nécessaire, procéder soit par voie de convocation du prévenu devant le tribunal par procès-verbal, soit par voie de saisine immédiate du tribunal, soit par voie de saisine préalable du président du tribunal ou d’un juge délégué par lui ;
31. Considérant que, si en vertu de l’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l’article 34 de la Constitution, les règles de la procédure pénale sont fixées par la loi, il est loisible au législateur de prévoir des règles de procédure pénale différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, pourvu que les différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées des garanties égales aux justiciables ;
32. Considérant que l’institution de la convocation par procès-verbal, celle de la saisine immédiate du tribunal et celle de la saisine préalable du président du tribunal ou du juge délégué par lui ont pour objet de permettre de saisir sans retard inutile la juridiction de jugement dans des affaires pour lesquelles une information n’est pas nécessaire ; que cet objet est conforme à la bonne marche de la justice et à la liberté des personnes susceptibles d’être provisoirement détenues.
33. Considérant que, si le pouvoir d’apprécier dans quelle mesure le recours à la procédure d’information confiée au juge d’instruction n’est pas nécessaire et d’user alors de l’une des procédures de saisine directe est attribué au procureur de la République, c’est en raison du fait que la charge de la poursuite et de la preuve lui incombe ; qu’un recours non pertinent du procureur de la République à l’une des procédures de saisine directe aurait nécessairement pour conséquence, en raison de la présomption d’innocence dont bénéficie le prévenu, soit la relaxe de celui-ci, soit la décision de la juridiction de jugement de procéder à un supplément d’information prévu par l’article 396, alinéa 2, du code de procédure pénale tel qu’il résulte de l’article 51 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ;
34. Considérant que, si l’article 393 nouveau précité du code de procédure pénale, tel qu’il résulte de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, ne prévoit pas que la personne déférée au procureur de la République puisse être assistée d’un avocat, c’est parce que ce magistrat qui ne dispose que du droit de décider par quelle voie il exerce sa poursuite est privé par la loi nouvelle du pouvoir de décerner un mandat de dépôt, même en cas de flagrant délit, un tel mandat ne pouvant être décerné que par un juge du siège.
35. Considérant que les dispositions des articles 397, 397-1, 397-2, 397-3, 397-4, 397-5 du code de procédure pénale tels qu’ils résultent de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel procurent au justiciable, en ce qui concerne sa liberté individuelle, les mêmes garanties que celles dont il bénéficierait devant le juge d’instruction ; qu’en effet, aucun mandat de dépôt ou mesure restreignant sa liberté ne peut émaner que d’un magistrat du siège ; que les voies de recours contre de telles décisions sont les mêmes que si celles-ci émanaient du juge d’instruction ; que les conditions auxquelles est subordonnée la possibilité de mandats de dépôt ou de mesures de contrôle judiciaire ne sont pas liées au choix par le procureur de la République de l’une des procédures de saisine directe.
36. Considérant qu’aux termes de l’article 397-6 du code de procédure pénale, tel qu’il résulte des dispositions de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, Dans tous les cas l’affaire doit être jugée au fond par le tribunal dans les deux mois. A défaut de jugement dans ce délai, les mesures de détention provisoire ou de contrôle judiciaire cessent de plein droit de produire effet, et le prévenu détenu, s’il ne l’est pour une autre cause, est mis d’office en liberté ;
37. Considérant que, quelle que soit l’option faite par le procureur de la République entre les diverses procédures de poursuites et sans égard au fait qu’il y a eu ou non une information préalable confiée à un juge d’instruction, le jugement de l’affaire au fond appartient à la même juridiction ; que celle-ci, éclairée au besoin par le supplément d’information qu’elle aura pu ordonner en toute hypothèse, doit statuer sur la culpabilité du prévenu, toujours présumé innocent, selon des règles de forme et de fond identiques ; qu’ainsi les dispositions dont il s’agit ne sont contraires ni aux droits de la défense ni à l’égalité devant la justice.
38. Considérant, enfin, qu’aux termes des dispositions de l’article 397-7 du code de procédure pénale, tel qu’il résulte de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, les dispositions des articles 393 à 397-6 ne sont applicables ni aux mineurs, ni en matière de délits de presse, de délits politiques ou d’infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale ;
39. Considérant, dès lors, que les articles 47 à 52 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 55 et 56 de la loi relatifs à la procédure criminelle :
40. Considérant que l’article 55 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel est critiqué en tant que, soumettant le juge d’instruction à un contrôle général de la part du président de la chambre d’accusation, il serait contraire au principe de l’indépendance des juges du siège consacré par l’article 64 de la Constitution ;
41. Considérant que l’article 220 du code de procédure pénale charge le président de la chambre d’accusation de s’assurer du bon fonctionnement des cabinets d’instruction du ressort de la Cour d’appel, de vérifier, notamment, les conditions d’application des dispositions qui permettent au juge d’instruction, lorsqu’il est dans l’impossibilité de procéder lui-même aux actes de l’instruction autres que les interrogatoires et les confrontations de l’inculpé, de les faire exécuter par les officiers de police judiciaire ainsi que de celles qui lui imposent de vérifier les éléments d’information ainsi recueillis et, enfin, d’une façon générale, de veiller à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié ; que l’article 55 de la loi ajoute à cet article 220 un second alinéa ainsi rédigé : Il peut à cet effet contrôler le cours des informations, demander des rapports sur l’état des affaires, convoquer les juges d’instruction, visiter leur cabinet et prendre connaissance des dossiers .
42. Considérant que les pouvoirs ainsi attribués au président de la chambre d’accusation pour l’application du premier alinéa de l’article 220 du code de procédure pénale sont simplement destinés à lui permettre de vérifier la mise en état des dossiers de façon à éviter tout retard injustifié dans l’information ;
43. Considérant que ce texte ne permet pas au président de la chambre d’accusation de guider le choix des décisions du juge d’instruction ni de les réformer et que, dès lors, les pouvoirs donnés à ce magistrat de la cour d’appel dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice par l’article 220 du code de procédure pénale tel qu’il est complété ne portent pas atteinte à l’indépendance du juge d’instruction ;
44. Considérant que, selon les auteurs des saisines, l’article 56 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, en instituant un contrôle de la nature hiérarchique du président de la chambre d’accusation ou de la chambre d’accusation elle-même sur le juge d’instruction, porterait également atteinte à l’indépendance de ce magistrat, garantie par l’article 64 de la Constitution ; qu’il priverait l’inculpé du bénéfice du double degré l’instruction qui est, en matière pénale, une application essentielle du principe du double degré de juridiction ; qu’il porterait gravement atteinte aux droits de la défense ; qu’ainsi, il devrait être déclaré non conforme à la Constitution.
45. Considérant que l’article 56 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ajoute au code de procédure pénale des articles nouveaux 196-1 à 196-6 ; que l’article 196-1 est ainsi conçu : En matière criminelle, six mois au plus tôt après la première inculpation, le président de la chambre d’accusation peut, sur les réquisitions du ministère public, à la demande de l’inculpé ou de la partie civile ou d’office, déférer la procédure à ladite chambre. Si l’information n’est pas terminée à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la première inculpation, le dossier lui est obligatoirement transmis et il peut soit prescrire la continuation de l’instruction préparatoire, soit déférer la procédure à la chambre d’accusation. Dans tous les cas, il prend sa décision par une ordonnance non motivée et non susceptible de recours .
46. Considérant que les pouvoirs donnés au président de la chambre d’accusation par le nouvel article 196-1 du code de procédure pénale lui permettent de saisir cette chambre de la cour d’appel s’il estime qu’il y a lieu de prendre une mesure nécessaire pour éviter des retards non justifiés dans l’instruction d’un dossier, mais ne lui donnent en rien le moyen de guider le choix des décisions qu’il appartient au seul juge chargé de l’instruction de prendre ni celui de réformer ces décisions ; que la chambre d’accusation, lorsque la procédure lui a été déférée dans les cas prévus par l’article 196-1, peut, par décision motivée et après débat contradictoire, soit, sous le contrôle de la Cour de cassation, se déclarer incompétente ou dire qu’il n’y a pas lieu à poursuite, soit, sans que cet arrêt soit soumis à des voies de recours, ou bien décider que l’instruction sera poursuivie par le juge d’instruction précédemment saisi ou par un autre juge d’instruction, ou bien se saisir elle-même de la procédure ; que, dans le cas où l’arrêt désigne l’autorité compétente pour mener l’information, il n’est relatif qu’à une mesure d’administration judiciaire qui ne met en cause aucune des décisions prises par le juge d’instruction ; qu’ainsi l’indépendance de ce magistrat ne subit aucune atteinte du fait de la procédure qui permet seulement de garantir la diligence nécessaire dans l’instruction du dossier.
47. Considérant que le juge charge de l’instruction à la suite de la mise en oeuvre de la procédure prévue par les articles 196-1 et 196-2 du code de procédure pénale, qu’il s’agisse du juge d’instruction qui continue son information, de celui qui aura été désigné par la chambre d’accusation ou du membre de cette chambre qui aura été chargé par elle de mettre l’affaire en état, statue dans les mêmes conditions et sous le contrôle des mêmes voies de recours que lors de l’instruction préparatoire ; que cette règle résulte spécialement de l’article 196-3 en ce qui concerne le cas où la chambre d’accusation se saisit de la procédure, le dernier alinéa de cet article précisant notamment que l’inculpé, la partie civile et leurs conseils jouissent de tous les droits et garanties prévus par les dispositions relatives à l’instruction préparatoire ; qu’ainsi la procédure critiquée ne permet aucune atteinte aux droits de la défense et notamment ne modifie en rien les conditions dans lesquelles s’exerce le contrôle de l’instruction en matière criminelle par la règle du double degré applicable aux décisions juridictionnelles ; que, dès lors, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’éventuelle valeur constitutionnelle de ce dernier principe, il convient de déclarer que ladite procédure n’est pas contraire à la Constitution.
En ce qui concerne l’article 66 de la loi relatif à la discipline des avocats et à la police de l’audience :
48. Considérant que, selon les auteurs de l’une des saisines, l’article 66 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel serait contraire aux droits de la défense ; qu’en effet, il permettrait au président de toute juridiction de l’ordre judiciaire d’écarter discrétionnairement de la barre, pendant deux jours, au nom de la sérénité des débats , un avocat ; que, s’il est permis au bâtonnier de désigner d’office un avocat pour remplacer l’avocat écarté de l’audience, cette garantie ne saurait être regardée comme suffisante, un tel système pouvant avoir pour effet de confier la défense à un avocat ignorant tout du procès ; qu’en outre et surtout, en ne précisant pas si les débats sont suspendus, en n’indiquant pas les conditions de leur poursuite, le premier alinéa de l’article 25-1 nouveau de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques tel qu’il résulte de l’article 66 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel permettrait que le procès se déroule au moins pendant deux jours sans que le prévenu soit assisté de son conseil, la désignation d’un remplaçant commis d’office par le bâtonnier n’intervenant qu’en cas de prorogation.
49. Considérant que l’article 66 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a pour premier objet d’abroger les anciennes dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ainsi que celles de la loi du 15 janvier 1963 relative à la Cour de sûreté de l’État et celles du code de justice militaire qui confiaient à la juridiction devant laquelle un avocat manquait à ses obligations la répression de ces manquements par des peines disciplinaires pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’exercer sa profession et de les remplacer par un nouvel article 25 de la loi du 31 décembre 1971 prévoyant, à l’initiative de la juridiction, une poursuite disciplinaire devant le conseil de l’Ordre ; que ces dispositions nouvelles ne sont pas, en elles-mêmes, contraires à la Constitution.
50. Considérant que l’article 66, paragraphe II, compte tenu de la suppression du pouvoir disciplinaire de la juridiction sur l’avocat, insère, d’autre part, dans la loi du 31 décembre 1971 sus-mentionnée un article 25-1 ainsi conçu : Lorsque l’attitude d’un avocat compromet la sérénité des débats, le président peut, en vertu de ses pouvoirs de police de l’audience, le bâtonnier du conseil de l’Ordre du barreau du tribunal ou son représentant entendu, décider d’écarter cet avocat de la salle d’audience pour une durée qui ne peut excéder deux jours. Il appartient au bâtonnier du conseil de l’Ordre du barreau du tribunal ou à son représentant de décider, s’il y a lieu, de la prorogation de cette mesure jusqu’à ce que le conseil de l’Ordre compétent ait statué sur l’instance disciplinaire et de désigner d’office un autre avocat pour l’audience pendant la durée qu’il détermine ;
51. Considérant qu’il résulte tant des termes que des travaux préparatoires de cette disposition qu’elle permet au président d’une juridiction d’écarter un avocat de la salle d’audience en vertu de ses pouvoirs de police de l’audience et pour préserver la sérénité des débats sans même que, pour autant, l’avocat ait nécessairement manqué aux obligations que lui impose son serment et tombe sous le coup des poursuites disciplinaires visées par l’article 25 de la loi du 31 décembre 1971 tel qu’il résulte du paragraphe 1 de l’article 66 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel.
52. Considérant que, même si la mesure que le président, aux termes de l’article 25-1 précité, pourrait prendre à l’égard d’un avocat dont l’attitude compromettrait la sérénité des débats , avait le caractère d’une simple mesure de police de l’audience et ne revêtait pas celui d’une sanction disciplinaire, il ne demeure pas moins que cette mesure, qui pourrait intervenir alors que l’avocat n’a manqué à aucune des obligations que lui impose son serment et alors qu’il a donc rempli son rôle de défenseur, serait contraire, tant dans la personne de l’avocat que dans celle du justiciable, aux droits de la défense qui résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ; que, dès lors, le paragraphe II de l’article 66 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel est contraire à la Constitution ;
53. Considérant que les autres dispositions de l’article 66 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel sont inséparables des dispositions du paragraphe II contraires à la Constitution ; que, dans ces conditions, l’article 66 de la loi ne peut qu’être déclaré, dans sa totalité, contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 76 à 78 de la loi relatifs aux vérifications d’identité :
54. Considérant que, selon les auteurs des saisines, les dispositions des articles 76, 77 et 78 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel porteraient gravement atteinte, par leur principe même et par les modalités de sa mise en oeuvre, à la liberté d’aller et de venir et à la liberté individuelle ; qu’elles seraient, d’autre part, contraires à la séparation des pouvoirs en ce qu’elles confient à la police judiciaire, avec les prérogatives dont dispose celle-ci, des opérations de prévention d’atteintes à l’ordre public relevant normalement de la police administrative qui ne saurait disposer de tels pouvoirs, notamment en ce qui concerne la détention des personnes ; qu’enfin, la nature même des opérations autorisées par les dispositions critiquées, ainsi que l’insuffisance des garanties données aux personnes qui en seraient l’objet, permettraient d’inévitables abus à l’encontre des droits et des libertés des individus.
55. Considérant que l’alinéa 1er de l’article 76 de la loi est ainsi conçu : Les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints visés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale, peuvent en cas de recherches judiciaires ou pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment une atteinte à la sécurité des personnes et des biens, inviter toute personne à justifier de son identité. Nul ne peut refuser de déférer à cette invitation. L’identité peut être justifiée par tout moyen.
56. Considérant que la recherche des auteurs d’infractions et la prévention d’atteintes à l’ordre public, notamment d’atteintes à la sécurité des personnes et des biens, sont nécessaires à la mise en oeuvre de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle ; que la gêne que l’application des dispositions de l’alinéa 1er précité peut apporter à la liberté d’aller et de venir n’est pas excessive, dès lors que les personnes interpellées peuvent justifier de leur identité par tout moyen et que, comme le texte l’exige, les conditions relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons motivant l’opération sont, en fait, réunies ;
57. Considérant que les alinéas 2 à 5 de l’article 76 sont ainsi conçus : Lorsqu’une personne ne justifie pas sur place de son identité, les officiers et agents visés à l’alinéa précédent peuvent, en cas de nécessité, la conduire dans un local de police afin de lui permettre d’apporter tout élément justifiant de cette identité. Dès son arrivée au local de police, cette personne est présentée sans délai à un officier de police judiciaire et mise de plein droit en mesure de prévenir aussitôt sa famille ou toute personne susceptible de confirmer son identité ou de lui permettre de le faire. Ces opérations doivent être effectuées avec courtoisie. Lorsqu’une personne ne veut ou ne peut apporter aucun élément permettant de justifier de son identité, l’officier de police judiciaire devant qui elle aura été présentée pourra procéder aux opérations nécessaires à l’établissement de son identité. Toute personne ainsi conduite dans un local de police ne pourra être retenue que pour la durée strictement nécessaire à la vérification de son identité, sans que cette durée puisse excéder six heures. Ce délai court à compter de l’invitation mentionnée au premier alinéa ci-dessus. L’intéressé peut demander à tout moment que le procureur de la République soit averti aussitôt de la mesure dont il fait l’objet. Ce magistrat peut décider qu’il y sera mis fin. La personne concernée est avisée de ses droits dès son arrivée au local de police .
58. Considérant que l’application des dispositions précitées reste limitée par la règle selon laquelle les personnes invitées à justifier de leur identité peuvent satisfaire sur place à cette invitation par un moyen approprié de leur choix et qu’elles ne doivent être conduites dans un local de police qu’en cas de nécessité : que l’exact respect de ces prescriptions en ce qui concerne la présentation immédiate à un officier de police judiciaire de la personne conduite au local de police, la possibilité pour elle de faire prévenir sa famille ou toute personne susceptible de confirmer son identité ou de lui permettre de le faire, le droit pour elle de saisir le procureur de la République, l’obligation de ne la retenir que pour la durée nécessaire à la vérification de son identité, la limitation à six heures, à partir de l’invitation initiale à justifier de son identité, du laps de temps pendant lequel elle pourra être retenue, limitent les contraintes imposées à la personne qui n’a pas pu ou n’a pas voulu justifier sur place de son identité à ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d’intérêt général ayant valeur constitutionnelle et dont la poursuite motive la vérification d’identité ;
59. Considérant que les quatre premiers alinéas de l’article 77 édictent une série de dispositions prévoyant l’établissement d’un procès-verbal soumis à la signature de l’intéressé et assorti de mentions détaillées, telles que celle des raisons pour lesquelles il a été procédé à un contrôle d’identité, du jour et de l’heure à partir de laquelle la personne concernée à été conduite au local de police, des conditions dans lesquelles elle aura pu prévenir sa famille ou toute personne susceptible de confirmer son identité ou de lui permettre de le faire, la durée de la vérification d’identité, les motifs de cette mesure, ainsi que le jour et l’heure à partir desquelles il y a été mis fin et dans quelles conditions. Que les indications de ce procès-verbal doivent également être mentionnées sur un registre spécial soumis périodiquement au contrôle du procureur de la République qui peut, d’autre part, contrôler à tout moment la régularité des opérations de vérification ; que l’ensemble de ces dispositions est de nature à assurer la possibilité pour les autorités et les juridictions compétentes de vérifier la régularité des opérations conduites en application de l’article 76.
60. Considérant que le dernier alinéa de l’article 77 dispose : En aucun cas, les opérations mentionnées à l’article 76 ne peuvent donner lieu à des prises d’empreintes digitales ou de photographies. Les indications résultant de ces opérations ainsi que celles mentionnées sur le procès-verbal et le registre prévus au présent article ne peuvent non plus en aucun cas faire l’objet d’une mise en mémoire sur fichier manuel ou automatisé ; que ces interdictions ont pour objet d’éviter que les contrôles d’identité ne soient employés à des fins autres que celles que leur assigne le premier alinéa de l’article 76 ;
61. Considérant que, si l’article 78 punit de peines correctionnelles d’emprisonnement et d’amende toute personne qui aura refusé de se prêter aux opérations de vérification d’identité ou qui aura empêché les agents compétents d’accomplir leur mission de contrôle ou de vérification d’identité, ces dispositions ne visent pas les personnes qui n’auront pas été à même, sur place ou dans le local de police, de justifier de leur identité ;
62. Considérant, dès lors, que les dispositions des articles 76, 77 et 78 de la loi déférée à l’examen du Conseil constitutionnel ne sont pas, sous les conditions de forme et de fond énoncées par ces articles, contraires à la conciliation qui doit être opérée entre l’exercice des libertés constitutionnellement reconnues et les besoins de la recherche des auteurs d’infractions et de la prévention d’atteintes à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, nécessaires, l’une et l’autre, à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle.
63. Considérant que, si les articles 76 et 77 précités réservent en certains cas à la police judiciaire des missions de prévention des atteintes à l’ordre public qui ressortissent normalement à la police administrative, ces dispositions n’ont pour conséquence que de donner des garanties assurant le respect de la liberté individuelle ; qu’en effet, dès lors que, comme il a été dit, de telles procédures sont établies par la loi dans le respect des règles constitutionnelles, aucune atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ne résulte de leur soumission à un régime comportant, pour les personnes qui en font l’objet, des garanties que ne leur assurerait pas le régime de droit commun de la police administrative ;
64. Considérant, enfin, que le législateur, en vue d’empêcher les abus, a entouré de nombreuses précautions la procédure de contrôle et de vérification de l’identité qu’il institue ; qu’il appartiendra aux autorités judiciaires et administratives de veiller à leur respect intégral ainsi qu’aux tribunaux compétents de censurer et de réprimer, le cas échéant, les illégalités qui seraient commises et de pourvoir éventuellement à la réparation de leurs conséquences dommageables ;
65. Considérant, dès lors, que les articles 76, 77 et 78 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
Sur le titre III (art. 81 à 100) de la loi :
En ce qui concerne les articles 87 à 89 relatifs aux constitutions de partie civile par lettre recommandée :
66. Considérant que, selon les auteurs d’une des saisines, la possibilité pour la partie civile de se constituer dans certains cas par lettre recommandée, prévue et réglementée en matière correctionnelle par les articles 87 et 89 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, sans que ces textes aient prescrit la communication à la défense des pièces sur lesquelles est fondée la demande de la partie civile, créerait une situation contraire aux droits de la défense ;
67. Considérant que, selon les dispositions de l’article 421 du code de procédure pénale, non modifié par la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, la déclaration de partie civile peut être faite pendant l’audience et est recevable dès lors qu’elle intervient avant les réquisitions du ministère public ; que les dispositions nouvelles ont pour objet de permettre à la victime qui entend se constituer partie civile de le faire par lettre recommandée sans se présenter à l’audience ; que ces dispositions, destinées à faciliter l’exercice des droits de la victime, ne placent pas l’inculpé dans une situation différente de celle où il se trouverait par l’application de l’article 421 et ne méconnaissent pas les droits de la défense ;
68. Considérant, d’ailleurs, qu’en vertu de l’article 460-1, tel qu’il résulte de l’article 89 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, le tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, ordonner la comparution de la partie civile et, en ce cas, renvoyer à une prochaine audience les débats sur l’ensemble de l’affaire ou uniquement sur les intérêts civils ; qu’ainsi toutes précautions sont prises par les textes critiqués pour préserver les droits de la défense ;
69. Considérant, dès lors, que les articles 87 et 89 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 92 et 94 de la loi, relatifs aux demandes nouvelles de la partie civile en cause d’appel et à la constitution de partie civile en cause d’appel :
70. Considérant que, selon les auteurs de l’une des saisines, l’article 92 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, en permettant à la partie civile de présenter des demandes nouvelles en cause d’appel et l’article 94, en permettant à la partie civile de se constituer pour la première fois en cause d’appel, méconnaîtraient tant à l’égard du prévenu que de la partie civile, le principe du double degré de juridiction, lequel aurait valeur constitutionnelle.
71. Considérant que, si la faculté pour la victime s’étant constituée partie civile en première instance de présenter des demandes nouvelles en cause d’appel et celle pour la personne lésée de se constituer partie civile pour la première fois en appel ne sont ouvertes qu’autant que des motifs sérieux peuvent être invoqués par les intéressés, leur exercice pourtant serait nécessairement générateur d’inégalités devant la justice, puisque, selon l’attitude de la personne qui demande réparation, les prévenus bénéficieraient ou ne bénéficieraient pas d’un double degré de juridiction en ce qui concerne les intérêts civils.
72. Considérant, il est vrai, que le grief d’inconstitutionnalité ne saurait s’étendre à la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 515 du code de procédure pénale tel qu’il résulterait de l’article 92 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, phrase ainsi conçue : Elle (la partie civile) peut toujours demander une augmentation des dommages-intérêts pour le préjudice souffert depuis la décision de première instance ; que cette disposition qui figure déjà dans l’article 515 du code de procédure pénale s’y trouvera maintenue du fait que, en vertu de la présente décision, l’article 92 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel qui avait pour objet de donner une rédaction nouvelle au quatrième alinéa de l’article 515 du code de procédure pénale n’entrera pas en vigueur ;
73. Considérant, dès lors, que les articles 92 et 94 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel sont contraires à la Constitution :
En ce qui concerne le deuxième alinéa de l’article 100 :
74. Considérant que le deuxième alinéa de l’article 100 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel est ainsi conçu :
Les dispositions des articles 265 à 268, 305, 306, 309 à 312, 381 à 385, 400 (alinéas 1er et 2°), 434 à 437 nouveaux du code pénal, et l’article 16 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer ne sont pas applicables aux infractions ayant donné lieu à un jugement sur le fond en dernier ressort avant l’entrée en vigueur de la présente loi .
75. Considérant que ces dispositions tendent à limiter les effets de la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit, lorsqu’elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s’appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que, dès lors, elles doivent être regardées comme contraires au principe formulé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel : La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires . Qu’en effet, le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l’empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l’appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires ; que, dès lors, le deuxième alinéa de l’article 100 de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel est contraire à la Constitution ;
76. Considérant que les autres dispositions de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution,

Décide :
Article premier :
Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions des articles 66, 92, 94 et 100 (2° alinéa) de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.
Article 2 :
Les autres dispositions de cette loi ne sont pas contraires à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

SAISINE SENATEURS Monsieur le Président, Messieurs les Conseillers, Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, nous avons l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, tel qu’il a été définitivement adopté par le Parlement le 19 décembre 1980.

Nous estimons, en effet, que cette loi est contraire à la Constitution pour les motifs suivants.

I : LA LOI REMET EN CAUSE PLUSIEURS LIBERTES INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES.

1° La Liberté d’aller et venir Comme l’a souligné votre décision 79-107 DC du 12 juillet 1979, la liberté d’aller et venir est un principe de valeur constitutionnelle. Aussi, toute disposition portant atteinte à cette liberté fondamentale doit être déclarée non conforme à la Constitution.

Or, l’article 47 ter de la loi soumise au Conseil constitutionnel impose à toute personne de justifier son identité à tout moment et en tous lieux, sous peine d’être retenue plusieurs heures dans un local de police.

A l’évidence, cette disposition porte atteinte à la liberté d’aller et venir, notamment en raison de son caractère général et imprécis ainsi que par la confusion qu’elle opère entre la police administrative et la police judiciaire. En outre, les citoyens ne disposent pratiquement d’aucune garantie sérieuse face à la mise en oeuvre de ces contrôles d’identité.

A : Afin de prévenir une « atteinte à l’ordre public », l’article 47 ter généralise les contrôles d’identité, qui avaient jusqu’à présent un caractère exceptionnel.

Toutefois, conscient des entraves que ces contrôles pourraient apporter aux libertés, le législateur a tenté d’en limiter l’exercice en faisant référence expressément à l’hypothèse de « recherches judiciaires » ou « d’atteintes à l’ordre public ».

Mais le texte n’aboutit qu’à des limitations purement formelles qui ne sauraient sauvegarder la liberté individuelle.

En effet, des milliers de recherches judiciaires sont en cours, d’une manière permanente, sur l’ensemble du territoire national.

Ainsi la loi permet-elle un contrôle d’identité à Dunkerque ou à Nice au nom d’une recherche judiciaire afférente à un délit ou un crime commis à Paris. Les autorités de police judiciaire pourront donc exercer sans restrictions alors même qu’aucune infraction n’aura été commise et qu’il n’existera aucun lien manifeste entre les contrôles d’identité et les recherches judiciaires sur lesquelles ils seront fondés.

La même observation peut être faite en ce qui concerne la prévention des atteintes à l’ordre public. Car rien n’interdit, dans le texte, de prévenir une atteinte à l’ordre public en contrôlant les identités à Biarritz ou à Strasbourg au nom du maintien de l’ordre à Paris.

Ainsi, les limites que le législateur a prétendu apporter aux contrôles d’identité ne sont, en réalité, que des alibis qui couvriront les officiers de police judiciaire en toutes circonstances et qui les autoriseront à procéder en permanence à des opérations de police limitant ou suspendant la liberté d’aller et venir.

Dans ces conditions, il est évident que l’article 47 ter laisse à la seule discrétion de la police judiciaire le soin d’apprécier l’opportunité des contrôles d’identité, dont la régularité pourra être ensuite démontrée en fondant ces contrôles sur n’importe quelle recherche judiciaire en cours dans les services ou n’importe quelle prévention d’atteinte à l’ordre public, même illusoire ou fantaisiste.

Aussi, en raison de « l’étendue des pouvoirs () conférés aux officiers de police judiciaire et à leurs agents, du caractère très général des cas dans lesquels ces pouvoirs pourraient s’exercer et de l’imprécision de la portée des contrôles auxquels ils seraient susceptibles de donner lieu », l’article 47 ter porte atteinte aux principes essentiels sur lesquels repose la protection de la liberté individuelle, comme avait précédemment tenté de le faire, pour des contrôles en tous points analogues, le texte de la loi autorisant la fouille des véhicules dont le Conseil constitutionnel a déclaré qu’il n’était pas conforme à la Constitution pour des motifs pratiquement identiques (Cf décision 76-75 DC du 12 janvier 1977).

B : En second lieu, l’article 47 ter confie à la police judiciaire le pouvoir de participer à la prévention d’une atteinte à l’ordre public.

Or, le principe de la séparation des pouvoirs, ainsi que le Titre VIII de la Constitution, s’opposent à ce qu’une autorité judiciaire intervienne en matière de prévention de crimes ou de délits.

Cette règle ne résulte pas seulement de la tradition républicaine.

Elle trouve aussi sa justification dans la garantie des libertés.

En effet, la police judiciaire dispose de très larges pouvoirs.

Ainsi, et contrairement à la police administrative, elle peut retenir un individu.

Sans doute, un individu soumis à la police judiciaire alors même qu’aucune infraction n’a été commise a l’avantage de lui donner le bénéfice des garanties de la procédure pénale. Mais ceci a pour conséquence de l’assujettir aux pouvoirs de la police judiciaire.

En d’autres termes, aucun citoyen ne peut actuellement être détenu ou retenu dans des locaux de police dans le cadre des compétences et des pouvoirs de la police administrative, c’est à dire hors les cas d’infraction. Mais il n’en irait plus de même avec l’article 47 ter puisque chaque citoyen pourra désormais faire l’objet d’une mesure de rétention alors que seuls peuvent intervenir, en cas de prévention d’une atteinte à l’ordre public, des officiers de police administrative dont les pouvoirs ne permettent pas de porter atteinte à la liberté individuelle puisque ces pouvoirs ne sont pas soumis aux garanties de la procédure pénale.

C : Enfin, les garanties dont l’article 47 ter a prétendu assortir la rétention sont manifestement insuffisantes au regard de l’ampleur des atteintes qu’elle porte à la liberté individuelle.

En effet, l’intéressé ne dispose ni du droit à ce que le procureur de la République soit aussitôt averti de la mesure qui le frappe, ni du droit d’exiger que ce magistrat y mette un terme.

C’est ainsi que le dernier alinéa de l’article 47 ter prévoit seulement la faculté de demander à ce que le procureur de la République soit averti. Mais on notera que cette demande ne doit pas être satisfaite de plein droit contrairement à ce qui est prévu par d’autres dispositions de procédure pénale. Aussi, aucune sanction ne pourra être prise contre la police judiciaire si, par mauvaise volonté ou sous le prétexte de l’encombrement des lignes téléphoniques, de la multiplicité des demandes à satisfaire, de l’impossibilité de joindre rapidement, notamment un jour férié ou un dimanche, le procureur ou le magistrat de permanence qui le remplace, la demande de l’intéressé retenu dans les locaux de police n’aboutit pas avant le terme du délai de six heures prévu par la loi.

Dans le cas de citoyens qui, de surcroît, ne se seront rendus coupables d’aucune infraction, des pouvoirs aussi vastes, assortis de conditions aussi vagues et générales et de garanties aussi faibles ne sauraient être considérés comme respectueux de la liberté individuelle.

C’est pourquoi nous vous demandons de déclarer non conforme à la Constitution l’ensemble des dispositions de l’article 47 ter.

2° La loi autorise des détentions arbitraires En matière de privation de liberté, même si celle-ci n’est que temporaire, la question qui se pose est moins de savoir quelles sont les garanties qui rendent cette détention légale que de déterminer si la détention est en elle-même possible.

A l’évidence, ce n’est pas le cas en ce qui concerne la détention prévue par l’article 47 ter, pour les raisons précédemment exposées.

Aussi, à ce titre, l’article 47 ter méconnaît les dispositions de l’article 66 de la Constitution.

Mais, d’autre part, et pour échapper au grief d’arbitraire, la détention doit être autorisée par le magistrat compétent.

Or, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 9 janvier 1980, on sait que seul un magistrat du siège peut autoriser une détention au-delà de quarante huit heures.

Toutefois, cette décision n’entre pas dans les compétences de tous les magistrats du siège, chacun ne pouvant que prendre les décisions qui lui incombent en vertu des principes fondamentaux de la procédure pénale. Ainsi, les magistrats chargés de l’instruction peuvent-ils seulement statuer en matière de détention provisoire, cette détention ne levant pas la présomption d’innocence dont bénéficie le prévenu jusqu’à sa condamnation définitive. Quant aux magistrats des juridictions de jugement, il leur appartient de prononcer des détentions qui constituent la peine prononcée alors que la culpabilité a été prouvée et qu’elle est sanctionnée.

Or, selon l’article 21 B de la loi soumise au Conseil constitutionnel, la prolongation de la garde à vue au delà de quarante huit heures sera autorisée, dans certains cas, par le président du tribunal.

Mais la qualité de ce magistrat est susceptible de l’amener, ultérieurement, à faire partie de la juridiction de jugement qui aura éventuellement à statuer sur le cas de l’individu faisant l’objet de la garde à vue.

Ainsi, ce magistrat pourra prolonger la garde à vue sans avoir examiné le dossier, qu’il ne connaîtra d’ailleurs pas puisqu’il ne participera pas, du fait de sa qualité et de ses compétences, à l’enquête préalable et à l’instruction et une prolongation décidée dans ces conditions s’effectuera à l’évidence sans aucune garantie sérieuse et sans que l’autorité judiciaire puisse exercer sa mission de gardienne des libertés individuelles au sens de l’article 66 de la Constitution.

En outre, ce magistrat pourra exiger de prendre connaissance du dossier avant de rendre sa décision. Mais il sera alors amené à prendre position sur le fond d’une affaire qu’il aura ultérieurement à juger et un tel comportement sera de nature à remettre en cause la présomption d’innocence, sans même parler de la remise en cause de la séparation entre l’instruction et le jugement.

C’est pourquoi ces principes constitutionnels interdisent qu’un magistrat membre d’une formation de jugement soit choisi pour statuer sur une demande de prolongation de garde à vue présentée dans le cadre d’une enquête préalable ou d’une instruction.

Aussi, nous estimons que l’ensemble des dispositions de l’article 21 B, qui sont à l’évidence inséparables et indivisibles, doit être déclaré non conforme à la Constitution.

3° La loi remet en cause les libertés sociales consacrées par le Préambule de la Constitution.

La loi soumise au Conseil constitutionnel contient au moins une disposition qui porte atteinte au droit syndical et au droit de grève constitutionnellement garantis par le Préambule de la Constitution de 1946.

En effet, l’article 17 (art 18-1 nouveau de la loi du 15 juillet 1845) punit comme délit l’emploi d’un « moyen quelconque » pour gêner ou entraver la circulation des chemins de fer. Cette très large incrimination peut viser aussi bien l’occupation momentanée d’une gare à l’occasion d’une action revendicative que, purement et simplement, toute grève des cheminots.

Dans ces conditions, le tribunal sera tenu d’appliquer sans discernement certaines sanctions sans pouvoir prononcer d’autres peines ou recourir à une mesure de sûreté que la juridiction de jugement estimerait plus appropriée à la personnalité du délinquant.

L’individualisation des peines s’incline donc dans les cas visés aux articles 3, 5 et 5 bis devant l’automaticité.

Ainsi, il sera possible à l’autorité administrative ou judiciaire de poursuivre et de punir d’une manière discrétionnaire des salariés dont la grève suppose, par définition, qu’elle constitue un « moyen quelconque pour gêner ou entraver » la circulation des trains.

Or, il n’apparaît pas que cette disposition soit conforme aux conditions posées par la Constitution pour « réglementer l’exercice du droit de grève », ainsi que ces conditions ont été définies et rappelées par vos décisions n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 et 80-117 DC du 22 juillet 1980.

C’est pourquoi nous vous demandons de déclarer l’article 17 non conforme à la Constitution.

II : LA LOI REMET EN CAUSE LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE NOTRE DROIT PENAL.

1° Le principe d’individualisation des peines.

Le principe de l’individualisation des peines est au centre de l’évolution du système pénal et pénitentiaire français.

Introduit dans une loi du 22 juillet 1912 concernant les mineurs délinquants, il a connu un développement considérable après la seconde guerre mondiale, inspirant sur de nombreux points les réformateurs du Code de Procédure pénale en 1958.

Désormais, la règle selon laquelle tout délinquant doit être réadapté socialement par un traitement approprié constitue l’axe majeur de notre philosophie pénale autour duquel s’organise le système des peines en Droit français.

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision 78-98 DC du 22 novembre 1978, a d’ailleurs implicitement consacré la valeur constitutionnelle du principe d’individualisation des peines en reconnaissant qu’il fait partie « de ceux des principes fondamentaux reconnus par les Lois de la République qui régissent les condamnations ». Ce principe est pourtant méconnu par plusieurs dispositions de la Loi soumise au Conseil Constitutionnel.

Par l’application, combinée ou isolée, des articles 3, 5 et 5 bis de la Loi, la juridiction de jugement se verra contrainte de prononcer des « peines-plancher », limitant les effets d’une éventuelle reconnaissance de circonstances atténuantes, alors même que l’extension des cas légaux de récidive restreint déjà les pouvoirs d’appréciation du juge.

2° Les principes d’organisation judiciaire Plusieurs dispositions de la Loi qui vous est déférée méconnaissent le double degré de juridiction, principe fondamental de notre procédure destiné à éviter les erreurs judiciaires et à obtenir plus sûrement une décision conforme à la vérité. C’est une clef de voûte de l’organisation judiciaire française, une garantie essentielle des droits de la Défense qui ne peut être remise en cause, même partiellement, sans bouleverser les fondements de notre droit et toute l’économie du procès pénal.

Pourtant l’article 55 de la Loi permet à la partie civile en cause d’appel de former une demande nouvelle si elle explique qu’elle a un motif sérieux pour ne pas avoir présenté sa demande en première instance. Cette disposition prive non seulement le prévenu mais la partie civile elle-même du double degré de juridiction. Il ne suffit pas d’objecter qu’en matière pénale les intérêts civils sont secondaires pour justifier cette atteinte à un principe fondamental de notre procédure. Dans un procès civil, les justiciables bénéficient des deux degrés de juridiction et il n’y a pas de raison sérieuse d’en priver le prévenu au motif que l’instance se déroule dans le cadre pénal.

Ensuite et pour des raisons identiques, doit être déclaré inconstitutionnel l’article 56 de la Loi qui autorise la victime d’une infraction à se constituer partie civile pour la première fois en cause d’appel.

L’hypothèse visée ici est plus grave encore que la précédente puisque la victime n’est même pas partie civile en première instance et que c’est seulement à l’occasion d’un appel formé par une autre partie civile, le prévenu ou le Procureur, qu’elle pourra faire valoir ses prétentions pour la première fois devant la Cour. Cette disposition, en ne respectant pas le double degré de juridiction, néglige à la fois la protection de la victime contre elle-même et les droits du prévenu Enfin, les dispositions de procédure criminelle prévues à l’article 36 de la loi méconnaissent gravement le principe du double degré d’instruction qui est, en matière pénale, l’application essentielle du principe du double degré de juridiction. En effet, les modifications introduites notamment à l’article 196-1 du Code de procédure pénale permettent au président de la Chambre d’Accusation de dessaisir le juge d’instruction dans un délai de six mois à compter de la première inculpation, sur réquisition du ministère public, à la demande de l’inculpé ou de la partie civile ou même d’office. A l’expiration d’un délai d’un an, le dossier lui sera obligatoirement transmis. Dans tous ces cas, la règle du double degré d’instruction sera violée puisque, par hypothèse, le juge d’instruction n’aura pas rendu son ordonnance qui constitue le premier degré de l’instruction et que, d’autre part, la décision du Président de la Chambre d’Accusation est sans recours.

3° La stricte et évidente nécessité des peines établies par la loi En énonçant que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 fait obstacle à ce que le législateur puisse établir des peines automatiques dont il n’aura pas été vérifié qu’elles sont strictement et évidemment nécessaires. Instituer des peines planchers comme le fait l’article 5 de la loi méconnaît donc cette exigence fondamentale.

4° Les droits de la défense Il ne fait de doute pour personne que le respect des droits de la défense fait partie intégrante des principes fondamentaux reconnus par les Lois de la République. C’est d’ailleurs ce que le Conseil Constitutionnel n’a pas manqué de rappeler à plusieurs reprises, notamment dans ses décisions 76-70 DC du 2 Décembre 1976, 77-83 DC du 20 Juillet 1977, et 77-92 DC du 18 Janvier 1978.

Or, il apparaît que diverses dispositions de la loi méconnaissent gravement ce principe.

A : Les articles 51 et 52 du Texte instituent une procédure de constitution de partie civile par lettre recommandée. Or cette procédure ne prévoit pas la communication à la défense des pièces sur lesquelles se fonde la demande de la Partie civile. Ainsi, aux termes de l’article 52 (article 460-1 du Code pénal) suffira-t-il au Président du tribunal de donner lecture de la lettre par laquelle la partie civile s’est constituée. Le ministère public pourra alors prendre ses réquisitions et la défense présenter ses observations. Lesdites observations, formulées sans qu’aucune pièce n’ait été préalablement communiquée ne pourront être que purement formelles et privées de toute portée par l’ignorance dans laquelle le prévenu ou le civilement responsable sera maintenu quant au contenu des documents produits par la partie civile à l’appui de sa demande.

B : L’article 41 A II autorise le Président du tribunal en vertu de ses pouvoirs de police à écarter un avocat de la salle d’audience pour une durée maximale de deux jours lorsque son attitude « compromet la sérénité des débats ». Ce pouvoir exorbitant, qui excède notablement les facultés reconnues au Président par l’article 401 du Code de procédure pénale porte une atteinte grave aux droits de la défense.

En effet, le bâtonnier du Conseil de l’Ordre n’est qu’entendu et la décision est prise discrétionnairement et sans recours par le Président.

En outre, s’il est permis au bâtonnier de désigner d’office un avocat, cette garantie ne saurait être considérée comme suffisante.

Le système ainsi institué peut avoir pour moindre effet de confier la défense à un conseil ignorant tout du dossier. Une telle hypothèse suffit à caractériser l’atteinte aux droits de la défense. Mais il y a plus grave et de loin.

En ne précisant pas si les débats sont suspendus, en n’indiquant pas les conditions de leur poursuite, le premier alinéa de l’article incriminé permet que le procès se déroule au moins pendant deux jours sans que le prévenu soit assisté de son conseil, la désignation d’un remplaçant commis d’office par le bâtonnier n’intervenant qu’en cas de prorogation.

C : L’article 32 de la loi, qui concerne notamment la procédure de saisine directe du tribunal correctionnel ne permet pas que la cause de la personne poursuivie soit entendue équitablement.

En effet, l’article 393 du Code de procédure pénale tel qu’il a été modifié, ne prévoit pas que la personne déférée devant le procureur puisse être assistée d’un avocat comme l’autorise la procédure actuelle des flagrants délits. Cette disposition est extrêmement grave compte tenu du pouvoir décisif confié au procureur dans le choix des modalités de poursuite pénale : convocation par procès-verbal, saisine directe du tribunal, ouverture d’une instruction. Les conséquences de ce choix ne sont en effet absolument pas indifférentes au sort du prévenu puisque selon qu’il s’agira du juge d’instruction ou du tribunal correctionnel, le mandat de dépôt ne pourra être délivré que si la peine est supérieure ou égale à deux ans dans le premier cas, et quelle que soit la durée de la peine encourue dans l’autre hypothèse.

Dans ces conditions, il est indispensable, sauf à méconnaître les Droits de la Défense, qu’un avocat soit présent devant le Procureur de la République au moment où ce dernier se prononce sur une option qui a des conséquences, immédiates sur la liberté du prévenu, futures sur la procédure à laquelle il sera soumis.

III : LA LOI MECONNAIT LE PRINCIPE D’EGALITE DES CITOYENS DEVANT LA JUSTICE.

« Alors surtout qu’il s’agit d’une loi pénale, le principe d’égalité devant la justice qui est inclus dans le principe d’égalité devant la loi proclamé dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution » s’oppose absolument à ce que « des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés » selon des règles différentes.

Tels sont les principes que le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision 75-56 DC du 23 Juillet 1975 et que l’article 32 de la loi méconnaît manifestement. En effet, la rupture d’égalité qui est introduite est double.

A : Ainsi qu’il a été précédemment relevé, deux personnes ayant commis la même infraction passible d’une peine supérieure à deux années d’emprisonnement pourront selon qu’est ouverte une instruction ou directement saisie la formation de jugement, être soumises à des régimes tout à fait différents puisque, dans le premier cas, le mandat de dépôt ne pourra être délivré tandis que, dans le second cas, l’intéressé pourra être aussitôt privé de sa liberté.

On pourrait peut-être admettre une telle distinction si l’application de l’un ou l’autre régime résultait de la mise en oeuvre de critères objectifs légalement déterminés. Mais il n’en va nullement ainsi et la décision est prise sans appel à la seule discrétion du Procureur de la République. Le pouvoir qui lui est ainsi reconnu a donc pour effet non seulement d’attenter aux Droits de la Défense mais aussi d’introduire une très grave inégalité des citoyens devant la justice pénale.

B : En second lieu, quelle que soit la durée de la peine encourue, l’article 32 a pour conséquence de permettre au Parquet d’opter dans des affaires de même nature entre trois procédures distinctes une fois les poursuites ouvertes. Ainsi lui sera-t-il loisible soit de saisir un juge d’instruction, soit d’inviter la personne en cause à comparaître devant le tribunal, soit encore de saisir le jour même le tribunal correctionnel.

La pluralité des procédures pourrait, là encore, se justifier si elle correspondait à des situations juridiques distinctes.

Mais, faute pour le législateur d’avoir prévu et déterminé de telles différences de situations juridiques, la décision est laissée une nouvelle fois et toujours sans appel à la discrétion du Procureur de la République. Intrinsèquement inacceptable, ce système l’est d’autant plus que le choix opéré par le Parquet est assorti de conséquences importantes en ce qui concerne tant la liberté immédiate du prévenu que le bénéfice des garanties de l’instruction et l’effectivité du respect des Droits de la Défense.

IV : La loi remet en cause l’indépendance des magistrats du siège L’article 64 de la Constitution consacre l’indépendance de l’autorité judiciaire et l’inamovibilité des magistrats du siège. Il résulte de la combinaison de ces deux principes que dans l’exercice de leurs fonctions et à l’occasion de l’examen de chacun des dossiers dont ils sont saisis, les magistrats du siège, à l’inverse de leurs collègues du Parquet, ne sont soumis à aucun pouvoir hiérarchique ou de tutelle. Ainsi l’exigent d’ailleurs les impératifs d’une saine administration de la Justice puisqu’on ne saurait admettre que les magistrats du siège puissent être soumis à des pressions quelles qu’en soient l’origine et la nature.

Pourtant, les articles 36 C et 36 du texte violent ces exigences élémentaires en soumettant les juges d’instruction non seulement à un contrôle général dans le cas de l’article 36 C, mais encore à une tutelle particulière dans le cadre de l’article 36. Aux termes de ce dernier, le président de la Chambre d’accusation peut décider discrétionnairement, d’office ou à la demande de l’une des parties, de dessaisir le juge d’instruction, non plus, comme cela existe actuellement à l’article 84 du code de procédure pénale, pour confier le dossier à un autre juge d’instruction « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice », mais purement et simplement pour déférer la procédure à la Chambre d’accusation. Ainsi le président de cette dernière est-il investi d’un pouvoir qui n’est nullement juridictionnel mais présente toute les caractéristiques d’un pouvoir hiérarchique d’évocation.

Une telle faculté, même reconnue à un magistrat, est en contradiction formelle avec les exigences du principe d’indépendance. Cela est d’autant plus inquiétant que l’ordonnance dessaisissant le juge d’instruction n’est ni motivée ni susceptible de recours.

V : La loi méconnaît les pouvoirs du parlement et la procédure législative A : S’agissant tout d’abord de l’article 32 déjà évoqué, il appelle les mêmes remarques que celles faites par le Conseil constitutionnel dans sa décision 75-56 DC du 23 juillet 1975.

En effet, « l’article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s’oppose à ce que le législateur, s’agissant d’une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l’exercice, dans les conditions ci-dessus rappelées, des attributions définies par les dispositions en cause de » l’article 32 « de la loi déférée au Conseil constitutionnel ».

B : En énonçant que la commission mixte paritaire est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, l’article 45 de la Constitution suppose que lesdites dispositions aient préalablement fait l’objet d’un débat dans l’une et l’autre assemblées. Or le Sénat a, en l’espèce, introduit des articles additionnels dont les députés n’ont pu à aucun moment débattre et dont ils n’ont eu à connaître qu’au sein de la commission mixte paritaire (pour ceux qui en étaient membres) d’abord, puis lors du vote du texte élaboré par celle-ci.

Il en résulte que l’Assemblée Nationale dans son ensemble et chacun de ses membres en particulier ont été privés du droit d’amendement qu’ils tiennent de l’article 44 de la Constitution puisqu’ils se sont vus contraints d’adopter ou rejeter l’ensemble du texte, sans avoir pu discuter ni amender les dispositions ayant fait l’objet d’articles additionnels.

Mais surtout, outre l’atteinte ainsi portée au droit d’amendement, admettre la possibilité pour la commission mixte paritaire de délibérer d’articles additionnels dont n’a pas connu l’une des deux assemblées, revient à violer les termes du deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution. Ne peuvent être considérées comme « restant en discussion » des dispositions qui dans l’une ou l’autre Chambre n’ont jamais fait l’objet de discussion.

C’est le cas de tout article additionnel introduit lors de la dernière lecture dans l’assemblée saisie en dernier lieu précédant immédiatement la réunion d’une commission mixte paritaire. La déclaration d’urgence à cet égard a pour seul effet d’accélérer la mise en oeuvre de cette règle mais non de la faire disparaître.

Devront donc à ce titre être déclarés non conformes à la Constitution tous les articles additionnels introduits par le Sénat dans le texte qui vous est soumis.

Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions en cause.

2EME SAISINE DEPUTES


Monsieur le Président,

Messieurs les Conseillers, En application de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution, nous avons l’honneur de vous déférer la loi « renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes » qui vient d’être adoptée par le Parlement.

Nous estimons que certaines dispositions de ce texte ont été votées en violation des principes généraux de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, reprise et confirmée par le préambule de la Constitution, et en violation de la Constitution elle-même et notamment de ses articles 2, 34 et 66.

Nous remarquons en effet que :  : les dispositions contenues dans l’article 5, I relatif à l’institution de peines « plancher », et dans la section 3 du titre 1er relative au sursis, vont à l’encontre du principe fondamental que représente l’individualisation des peines.

 : la rédaction de l’article 7, relatif à la répression des menaces d’atteinte aux personnes et aux biens, est rédigée d’une manière imprécise ce qui constitue une atteinte grave au principe de légalité permettant ainsi des abus.

Il en est de même des dispositions prévues par l’article 13 du texte.

 : les peines prévues à l’article 17 du texte pourront s’appliquer à certaines catégories de travailleurs qui auront cessé le travail, comme le préambule de la Constitution leur en reconnaît le droit expressément.

 : les mesures contenues dans l’article 21 B relatif à la prolongation de la garde à vue sont inutiles puisque d’ores et déjà, toute mesure appropriée peut être prise à l’encontre d’un gardé à vue à l’issue de la durée légale actuellement en vigueur qui est déjà de 24 heures renouvelable une fois et de 96 heures pour les affaires de trafic de drogue.

 : les dispositions relatives à la procédure correctionnelle (article 32 du texte) en permettant au Procureur de la République de saisir directement le Tribunal le jour même (article 395 nouveau du Code pénal) contreviennent au principe de la séparation des pouvoirs, à l’article 34 de la Constitution qui réserve au seul législateur le soin de définir la procédure pénale. Enfin, elles vont à l’encontre des droits de la défense et de l’égalité des citoyens devant la loi, puisque aux termes du projet celle-ci ne définit pas sur quels critères les charges retenues par le Procureur de la République pourront être considérée comme « suffisantes ».

 : les dispositions relatives à la procédure criminelle (article 36 du texte) qui visent à dessaisir automatiquement la juridiction d’instruction du premier degré au profit de la Chambre d’accusation au-delà de la durée d’un an de l’information, vont à l’encontre des droits de la défense.

 : les dispositions contenues dans l’article 47 ter légalisant les contrôles d’identité préventifs, faisant obligation à toute personne de justifier de son identité en toute circonstance, et autorisant une détention de 6 heures au local de police aux fins de vérification d’identité, constituent une atteinte à la liberté d’aller et de venir, et vont à l’encontre de l’article 66 de la Constitution, comme le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de le rappeler, notamment dans sa décision du 12 janvier 1977.

Nous nous réservons de développer ces motifs dans un mémoire ampliatif, et vous prions, Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Messieurs les Conseillers, de croire à l’assurance de notre haute considération.

1ERE SAISINE DEPUTES


Monsieur le Président,

Messieurs les Conseillers, Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, nous avons l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, tel qu’il vient d’être définitivement adopté par le Parlement.

Nous estimons, en effet, que cette loi est de nature à porter de nombreuses atteintes aux libertés individuelles et collectives des citoyens.

C’est pourquoi nous demandons au Conseil constitutionnel, en raison de l’extrême gravité du contenu de cette loi, de bien vouloir se prononcer sur la conformité de chacune de ses dispositions.

Cet examen de conformité doit, à notre avis, s’effectuer non seulement au regard des dispositions de la Constitution proprement dite, mais aussi au regard de son Préambule et des textes auxquels il fait référence, savoir la Déclaration de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 et les Principes fondamentaux reconnus par les Lois de la République, éclairés notamment par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Nous demandons en outre au Conseil constitutionnel d’apprécier plus particulièrement la conformité à la Constitution des dispositions de la loi qui lui est soumise notamment au regard  : des modalités selon lesquelles l’autorité judiciaire exercera désormais sa mission constitutionnelle de « gardienne des libertés individuelles » au sens de l’article 66 de la Constitution  : du principe d’égalité des citoyens devant la loi et la justice  : du principe de la séparation des pouvoirs  : du principe selon lequel « nul ne peut être arbitrairement détenu »  : du principe posé par l’article 8 de la Déclaration de 1789 selon lequel les peines doivent être « strictement et évidemment nécessaires »  : du principe de l’indépendance des magistrats du siège  : du principe du droit à la défense Dans cet esprit, le Conseil constitutionnel voudra bien également examiner la conformité des dispositions qui visent à restreindre la liberté d’aller et de venir en contraignant les citoyens à se soumettre à des vérifications d’identité à défaut de détenir une pièce d’identité. Ces dispositions sont incompatibles avec la liberté individuelle, l’obligation de détenir une pièce d’identité pour pouvoir circuler librement n’étant pas conforme à la tradition républicaine de notre pays et donc aux principes fondamentaux reconnus par les Lois de la République.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel voudra bien examiner si la loi qui lui est déférée a bien été discutée et votée par le Parlement selon des procédures conformes à la Constitution.

Il lui appartiendra de dire, en particulier, si la commission mixte paritaire prévue par l’article 45 de la Constitution peut être réunie pour rapprocher les points de vue exprimés dans chacune des deux assemblées alors que, sur des articles additionnels introduits par la seconde assemblée saisie du texte aucun point de vue n’a pu s’exprimer en première lecture devant la première assemblée.

Il lui appartiendra également de se prononcer sur la conformité de la procédure qui interdit aux députés d’intervenir, en séance publique, sur chacun des articles du texte de la commission mixte paritaire.

Ces divers points de procédure sont essentiels. Aussi, devons-nous avoir l’assurance qu’ils ont bien été employés conformément à la Constitution notamment en ce qui concerne les modifications que la loi apporte au régime de la garde à vue, sans préjudice des appréciations que le Conseil constitutionnel voudra bien porter sur le fond de cette disposition.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, Messieurs les Conseillers, les assurances de notre haute considération.

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Conseil constitutionnel, décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes