Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 8 janvier 2021, n° 20/00175

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 12, 8 janv. 2021, n° 20/00175
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/00175
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, 16 décembre 2018, N° 17-03411
Dispositif : Réouverture des débats

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 08 Janvier 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/00175 – 20/02467 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYA6

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17-03411

APPELANT

Monsieur X, A Y

né le […] à […]

[…]

[…]

comparant en personne

INTIMEES

[…]

9 rue Jean-Philippe RAMEAU

[…]

représentée par Me Thomas HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF

[…]

[…]

représentée par Me Cécile POITVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A48

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pascal PEDRON, président de chambre

Madame Laurence LE QUELLEC , présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, présidente de chambre

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre, et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. X Y a interjeté appel du jugement rendu, le 17 décembre 2018, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, dans un litige l’opposant à la société SNCF voyageurs, venant aux droits de la société SNCF Mobilités et à la CPRPSNVF-Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF- (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

M. Y a été recruté par la SNCF en 1997 ; le 26 mai 2009, il a été victime d’un accident du travail à l’occasion de violences subies dans le cadre de son travail ; M. Y a en conséquence été placé en arrêt de travail à compter du 26 mai 2009 ; il n’a jamais réintégré ses fonctions ; la médecine du travail a délivré le 27 février 2015 l’avis suivant : « inapte au poste d’agent commercial train. Apte à un poste respectant les préconisations du 1034 établi ce jour ».

Par courrier du 14 septembre 2015, M. Z a sollicité sa « mise à la réforme » (dispositif de rupture du contrat de travail avec bénéfice d’une pension de réforme), sollicitant dans ce cadre le bénéfice de « la pension minimum garantie prévue au dernier alinéa de l’article 2 du règlement » du régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

L’employeur l’informait le 27 octobre 2015 de l’engagement de la procédure de mise à la réforme, puis par courrier du 03 février 2016 lui précisait : « Cependant, dans votre courrier de demande de mise à la réforme, vous avez fait référence au dernier alinéa de l’article 2 (') Au regard des éléments communiqués, il apparaît que votre situation ne vous permet pas de bénéficier du texte susvisé et que votre demande de mise à la réforme ne pourra pas prospérer à ce titre. En conséquence, je vous prie de me faire savoir, si vous souhaitez maintenir votre demande de mise à la réforme. Le cas échéant, je vous prie de bien vouloir m’adresser une nouvelle demande, sans référence au dernier alinéa de l’article 2 ('). Si vous renoncez à votre demande de mise à la réforme, vous voudrez bien me faire parvenir un courrier d’annulation de votre demande initiale (…) »

Par courrier du 15 février 2016, M. Z demandait « sa mise à la réforme ».

Par courrier du 18 novembre 2016, l’employeur notifiait à M. Z sa mise à la réforme dans les termes suivants : « Conformément à l’article 15 du Statut des relations collectives entre SNCF, SNCF RESEAU, SNCF MOBILITES constituant le Groupe Public Ferroviaire et leurs personnels, et après avis de la Commission de Réforme lors de sa séance du 15 novembre 2016, j’ai décidé de prononcer votre mise à la réforme.

Je vous précise que cette réforme est imputable partiellement à un accident du travail qui n’en est pas l’élément déterminant.

Conformément à l’article 2 du Règlement du régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, cette décision présentera un caractère définitif si le Directeur de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, informé par courrier séparé, ne s’y oppose pas dans un délai de quinze jours.

Dans ce cas, votre mise à la réforme prendra effet dans un délai de 2 mois à compter de la date de 1re présentation de la présente notification. Vous bénéficierez alors d’une pension de réforme dont les modalités de liquidation vous seront, dans les meilleurs délais, précisées par la Caisse.

Si le Directeur de la Caisse s’y oppose, votre mise à la réforme ne pourra alors être prononcée et je ne manquerai pas de vous en informer immédiatement.(…) »

M. Z a cessé de faire partie des effectifs de l’entreprise le 26 janvier 2017.

Le 12 avril 2017, M. Z a saisi en vain la commission de recours amiable de la caisse d’un recours contre « la décision » de « mise à la réforme », sollicitant qu’il soit « dit que l’élément déterminant de la réforme (') ne saurait être que l’accident du travail du 26 mai 2009 » et également qu’il pouvait « prétendre au bénéfice des dispositions du dernier alinéa de l’article 2 (…) »

Le 10 juillet 2017, M. Z a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d’un recours dirigé à l’égard de la société SNCF contre la « décision » de « mise à la réforme » dont « il contestait les modalités », sollicitant principalement qu’il soit « dit que l’élément déterminant de la réforme (') ne saurait être que l’accident du travail du 26 mai 2009 » et également qu’il pouvait « prétendre au bénéfice des dispositions du dernier alinéa de l’article 2 (…) » .

Le 15 mars 2018, M. Z a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d’un recours dirigé contre la caisse, sollicitant principalement qu’il soit « dit que l’élément déterminant de la réforme (') ne saurait être que l’accident du travail du 26 mai 2009 » et également que lui soit accordé le « bénéfice des dispositions du dernier alinéa de l’article 2 (…) »

Par jugement du17 décembre 2018, le tribunal:

— a ordonné la jonction des deux recours ;

— a mis hors de cause la SNCF et écarté des débats les conclusions et pièces produites par la SNCF;

— a débouté la caisse de sa demande d’irrecevabilité au titre de la forclusion des recours formés par M. Z ;

— s’est déclaré matériellement incompétent au profit du Conseil de Prud’homme de Paris;

— a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

et ce au motif essentiel que la contestation ne porte pas, comme le prétend M. Z, sur la

reconnaissance d’un accident du travail, mais qu’elle consiste à critiquer le motif de la mise à la réforme, en d’autres termes le motif de la rupture du contrat de travail, en ce qu’il ne trouve pas son fondement dans l’existence d’un attentat subi par M. Z à l’occasion de ses fonctions.

M. Z a le 27 mars 2019 interjeté appel motivé de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 mars 2019, sollicitant par ailleurs par requête du 27 mars 2019 la fixation prioritaire de l’affaire.

Par ses conclusions écrites « n°2 » qu’il a soutenues oralement et déposées à l’audience, M. Z, comparant en personne, demande à la cour de :

« In limine litis :

— Écarter des débats l’ensemble des prétentions, moyens et pièces des intimées;

Vu les articles 2,3, 7, 15, 135,446-2,446-4, 749 et 939 du code de procédure civile, Vu l’ordonnance du 27 mai 2020,

À titre principal:

Vu les articles 55 et 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958,

Vu l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Vu les articles 34, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu les articles L. 211-16 et D. 211-10-3 du code de l’organisation judiciaire,

Vu les articles 4,5, 7, 12, 16, 76, 86,455 et 458 du code de procédure civile,

Vu les articles 12 et 114 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016,

— Annuler, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris;

— Remettre, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoyer devant le tribunal judiciaire de Paris spécialement désigné au titre de l’article L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire;

À titre subsidiaire:

Vu les articles L. 211-16 et D. 211-10-3 du code de l’organisation judiciaire, Vu les articles 4,5, 7, 12, 15, 16, 76 et 86 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 142-1, L. 711-1, R. 711-1, R. 711-17 et R. 711-20 du code de la sécurité sociale, Vu les articles 12 et 114 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016,

Vu le chapitre 12 du statut mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports, Vu le décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 modifié, notamment son article 2,

Vu le chapitre V du règlement d’assurance maladie, longue maladie, maternité, réforme et décès des agents du cadre permanent de la SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités,

Vu la « fiche d’information destinée à l’agent» sur la procédure de réforme,

— Infirmer le jugement déféré, mais seulement en ce qu’il a déclaré le tribunal des affaires de sécurité

sociale de Paris « matériellement incompétent au profit du Conseil de Prud’homme de Paris» et a débouté l’appelant de sa demande d’indemnité de procédure;

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

— Dire le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître du litige;

Remettre, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement entrepris et, pour être fait droit, les renvoyer devant le tribunal judiciaire de Paris spécialement désigné au titre de l’article L. 211-16 susvisé;

— Confirmer le jugement dont appel pour le surplus;

À titre infiniment subsidiaire:

Vu les articles 88, 378 et 444 du code de procédure civile,

Si par extraordinaire la cour estimait de bonne justice d’évoquer l’affaire au fond,

— Ordonner la réouverture des débats à une audience ultérieure;

— Surseoir à statuer sur toutes les demandes jusqu’à ladite audience;

En toute hypothèse:

— Déclarer M. Z recevable et bien fondé en son recours;

Vu l’article 1367 du code civil,

Vu l’article R. 421-5 du code de justice administrative,

Vu les articles 112 à 121, 528, 640, 651, 680, 693, 694 et 749 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 100-1 à L. 100-3, L. 112-3, R. 112-5, L. 112-6, L. 211-2, L. 211-3, L. 211-5, L. 211-7 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration,

— Déclarer les intimées irrecevables et mal fondées en leurs demandes;

Vu les articles R. 142-1 à R. 142-18 du code de la sécurité sociale,

— Débouter les intimées de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions;

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu les articles 32-1 et 749 du code de procédure civile, Vu l’article L. 2101-1 du code des transports,

Vu l’article L. 1411-4 du code du travail,

Vu la « fiche d’information destinée à l’agent» sur la procédure de réforme , Vu les conclusions du groupe public ferroviaire en première instance,

— Condamner in solidum la société SNCF VOYAGEURS et la société nationale SNCF au paiement à M. Z de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner in solidum la société SNCF VOYAGEURS et la CAISSE DE PRÉVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF au versement à M. Z d’une indemnité de 4 000 euros au titre de la procédure de première instance et d’appel ;

Vu l’article 696 du code de procédure civile,

— Condamner in solidum les intimées aux dépens de première instance et d’appel ».

Par ses conclusions écrites « d’intimée » soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la société SNCF Voyageurs demande à la cour de :

— constater que les demandes de M. Z concernent la rupture d’un contrat de travail;

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il s’est déclaré matériellement incompétent au profit du Conseil de prud’hommes de Paris ;

— constater la forclusion des demandes de M. Z ;

Au fond,

— juger que la procédure de mise à la réforme de M. Z est parfaitement régulière;

— juger que M. Z ne peut prétendre aux dispositions de l’article 2 du décret 2008-639 du 30 juin 2008 ;

— débouter en conséquence M. Z de toutes ses demandes ;

En tout état de cause:

— condamner M. Z, outre aux dépens, à lui payer la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, la caisse demande à la cour , au visa du décret n°2008-639 du 30 Juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, des articles R.142-6 et R.142-18 du code de la sécurité sociale, 412-1 du code pénal, de :

— infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal s’est déclaré matériellement incompétent au profit du conseil de prud’hommes de Paris, et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’irrecevabilité au titre de la forclusion du recours formé par M. Z à son encontre,

— déclarer la forclusion du recours formé par M. Z le 5 mars 2018,

— confirmer le jugement dont appel pour le surplus,

— déclarer qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur la décision et sur le fondement et les motifs de la décision de mise à la réforme d’un agent SNCF, SNCF Réseau ou SNCF Mobilités,

— déclarer qu’elle a été attraite à tort devant la présente juridiction,

— prononcer sa mise hors de cause,

— déclarer que les évènements du 26 mai 2009 dont M. Z déclare avoir été victime n’ont pas été retenus par l’employeur comme étant à l’origine de sa mise à la réforme,

— déclarer que les évènements du 26 mai 2009 dont M. Z déclare avoir été victime n’ont à aucun moment de la procédure reçu la qualification d’attentat,

— déclarer que les évènements du 26 mai 2009 dont M. Z déclare avoir été victime ne peuvent en tout état de cause recevoir la qualification d’attentat,

— déclarer que les dispositions du dernier alinéa de l’article 2 du Décret n°2008-639 du 30 juin 2008 ne sont pas applicables à M. Z,

En conséquence,

— déclarer M. Z irrecevable et mal fondé en ses demandes,

— débouter M. Z de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. Z à lui verser une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 13 novembre 2020 qu’elles ont respectivement soutenus oralement.

SUR CE, LA COUR

Les instances enrôlées sous les numéros 20/00175 et 20/02467 étant relatives à l’appel d’un même jugement, il y a lieu d’en ordonner la jonction.

Sur le rejet des écritures et pièces des intimées

L’appelant sollicite le rejet des écritures et pièces des intimées au motif qu’elles sont tardives comme intervenues postérieurement au 30 octobre 2020, date indiquée à l’ordonnance de fixation d’audience rendue suite à requête en fixation prioritaire.

Cependant, en l’espèce, dans le cadre d’une procédure orale, l’appelant a été mis à même de pouvoir apprécier les écritures et pièces des intimés, ou de répliquer à celles-ci, et n’a d’ailleurs sollicité à l’audience aucun renvoi de l’affaire à cet effet.

M. Z sera en conséquence débouté de sa demande de rejet des écritures et pièces des intimées.

Sur la compétence de la juridiction de sécurité sociale

Au soutien de la compétence de la juridiction de sécurité sociale, M. Z fait valoir pour l’essentiel que :

— la pension de réforme des agents du cadre permanent de SNCF Mobilités est une prestation de sécurité sociale comme l’indique bien l’employeur dans sa fiche d’information sur la procédure de réforme destinée à l’agent ; cette prestation de sécurité sociale est versée par la caisse, organisme de sécurité sociale, et n’a pas le caractère de la rémunération d’un travail. Le différend porte donc sur l’application d’une réglementation de sécurité sociale au sens de l’article L 142-1 du code de la sécurité sociale visant les droits, calcul et montant des prestations.

— la fiche d’information sur la procédure de réforme destinée à l’agent indique d’ailleurs bien que la contestation des modalités de la réforme relève de la compétence des juridictions de sécurité sociale.

— la réforme est l’opération qui, dans la fonction publique et les régimes spéciaux de sécurité sociale, constate dans la personne des intéressés l’existence d’inaptitudes physiques à l’emploi suite à maladie ou blessures ; d’une part, il s’en déduit que la pension de réforme se substitue à la pension d’invalidité du régime général ; d’autre part, il est prévu au statut collectif du personnel que les contestations relatives à la procédure de réforme ou sur l’opposition de la caisse à la mise à la réforme relèvent de la juridiction compétente.

La société SNCF Voyages réplique en substance que :

— en application de l’article 2 du décret du 30 juin 2008 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, SNCF Réseau ou SNCF Mobilités, la décision de mise en réforme est prise par la SNCF, SNCF Réseau ou SNCF Mobilités, après consultation d’une commission de réforme ; l’actuelle contestation ne porte pas sur la reconnaissance d’un sinistre professionnel, ni sur une décision prise par la caisse, mais relève de la rupture du contrat de travail consécutive d’une mise à la réforme ;

— la mise à la réforme de M. Z est intervenue conformément aux dispositions du statut de la SNCF qui a le caractère d’acte réglementaire, après consultation de la commission de réforme qui a considéré que M. Z était bien dans l’incapacité de reprendre un emploi au sein de la société et que la réforme, partiellement consécutive à un accident du travail, était bien fondée.

La caisse fait valoir pour l’essentiel que :

— le tribunal était compétent pour connaître du litige opposant M. Z à la SNCF et à la caisse, le recours en contestation de la décision de mise à la réforme prise par l’employeur relevant du tribunal des affaires de sécurité sociale comme le précise bien la fiche d’information de la SNCF destinée à l’agent ; cependant, les contestations liées au fondement et aux motifs de la réforme doivent être dirigées contre l’employeur, et non contre la caisse , organisme de sécurité sociale distinct, qui ne fait que liquider la pension de réforme en application de la décision prise par l’employeur, et donc au regard des informations et motifs transmis par celui-ci, lesquels ne relèvent pas de la compétence de la caisse.

— elle ne pouvait donc pas retenir de son propre chef, dans le cadre de la liquidation, l’existence d’un accident du travail et/ou d’un attentat à l’origine de la mise à la réforme, éléments explicitement écartés par l’employeur.

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Le contentieux et les différends auxquels donne lieu l’application des législations et réglementations de sécurité sociale sont examinés par le tribunal des affaires de sécurité sociale en vertu des articles L.142-1 et L.142-2 du code de la sécurité sociale; ces dispositions s’appliquent aux régimes spéciaux de sécurité sociale et ce par application des prescriptions de l’article R.711-20.

Les règles prévues par l’article R.711-1 du code de la sécurité sociale édictent que les salariés de la Société Nationale des Chemins de Fer Français sont soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale ; ce régime spécial d’ »assurances maladie, maternité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, réforme » des agents de la SNCF est précisé dans le chapitre 12 du statut collectif du personnel ; son article 13.5 prévoit que « l’agent qui estime être dans l’impossibilité, par suite de l’accident du travail (') de tenir un emploi au sein d’un des EPICs constituant le GPF, peut demander sa mise à la réforme », laquelle « est prononcée par L’EPIC employeur après avis de la commission de réforme (') L’agent est informé de la saisine de la commission et du déroulement de la procédure,

y compris les recours possibles. » -article 15 du statut- ; « Si la mise à la réforme est prononcée, le taux et le groupe d’invalidité définitifs sont communiqués à l’agent directement par la Caisse avec les voies de recours correspondantes, lors de la liquidation de la pension de réforme ». -article 17 du statut- .

L’article 2 du décret 2008-639 du 30 juin 2008, relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF, SNCF RESEAU et SNCF MOBILITES, dans sa version applicable au litige, dispose :

« Tout agent affilié qu’une maladie, une blessure ou une infirmité met dans l’impossibilité d’occuper un emploi dans l’établissement public industriel et commercial qui l’emploie peut demander sa mise en réforme. Son admission en réforme peut également être prononcée d’office par la SNCF, SNCF RESEAU ou SNCF MOBILITES.

La décision de mise en réforme est prise par la SNCF, SNCF RESEAU ou SNCF MOBILITES après consultation de la commission de réforme mentionnée au statut des relations collectives entre SNCF, SNCF RESEAU et SNCF MOBILITES constituant le groupe public ferroviaire et leurs personnels, au sein de laquelle siège au moins un médecin-conseil de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF. Cette décision prend effet sauf opposition motivée du directeur de la caisse formulée auprès de la SNCF, SNCF RESEAU ou SNCF MOBILITES dans un délai de quinze jours. Il est procédé à la liquidation d’une pension de réforme quelle que soit la durée de services accomplis par l’agent au moment de la cessation des fonctions.

Tout agent reconnu inapte dans les conditions visées au 1er alinéa du présent article et dont l’inaptitude résulte, soit d’une lutte soutenue ou d’un attentat subi à l’occasion de ses fonctions, soit d’un acte de dévouement accompli dans les emprises du chemin de fer en vue de sauver la vie d’une ou de plusieurs personnes peut, exceptionnellement, obtenir une pension qui, ajoutée à la rente qu’il recueille éventuellement en application du livre IV du code de la sécurité sociale, porte le montant de l’annuité servie par la caisse aux trois quarts des éléments de rémunération tels qu’ils sont définis à l’article 14. Pour les agents dont le droit à la retraite normale s’ouvre à l’âge mentionné au 1° du I de l’article 1er le montant de l’annuité totale servie par la caisse est égal aux trois quarts du dernier traitement fixe, augmenté des autres éléments de rémunération soumis à retenue au cours des douze mois précédant la cessation des fonctions, ou si cela leur est plus favorable, aux trois quarts de la rémunération moyenne soumise à retenue des trois années les plus productives ».

Dans le cadre de son obligation d’information, la SNCF a transmis à M. Z « une fiche d’information destinée à l’agent » sur la « procédure de réforme », (pièce n°1 de l 'appelant et 6 de la caisse) précisant notamment :

— « La Commission de réforme est chargée:

d’apprécier la réalité des infirmités invoquées, leur imputabilité au service et le bien-fondé de la réforme,

de donner un avis à votre EPIC, qui prendra la décision vous concernant. »

« -Pour votre information: La pension de réforme est une prestation spécifique du régime spécial de sécurité sociale des agents du cadre permanent, sans équivalence dans le régime général. Elle permet à un agent que son état de santé rend prématurément incapable d’occuper un emploi au sein d’un des Epics du Groupe Public Ferroviaire de cesser ses fonctions avec le bénéfice d’une pension immédiate acquise à titre définitif. »

— « A l’issue de la Commission:

L’avis écrit et motivé de la Commission sera transmis à l’Autorité habilitée de votre Epic, qui prendra

la décision concernant votre mise à la réforme (réforme effective ou abandon de la procédure) et vous la notifiera par écrit.

En cas de décision de mise à la réforme, cette notification comportera:

la date d’effet de la réforme (…)

la mention éventuelle du rattachement de la réforme à l’exercice de vos fonctions dans l’un des Epics du Groupe Public Ferroviaire,

des réserves sur l’effectivité de la mise à la réforme, la décision prenant effet sauf opposition motivée du Directeur de la CPR formulée auprès de l’Epic employeur dans un délai de 15 Jours.

Dans le cas où votre mise à la réforme serait décidée, Votre Epic employeur vous informera immédiatement si le Directeur de la CPR s’y oppose.

Dès lors que votre mise à la réforme aura un caractère définitif, la Caisse de prévoyance et de retraite d u personnel de la SNCF:

— vous notifiera le montant de votre pension de réforme telle que prévue par le Règlement du régime spécial de retraite du personnel de la SNCF,

— vous précisera votre situation au regard de l’assurance invalidité.

Voies de recours:

1.Si la contestation porte sur la décision de réforme, vous pouvez saisir le Conseil des Prud’hommes de votre domicile.

2.Si la contestation porte sur la décision du Directeur de la CPR de s’opposer à votre mise à la réforme, vous pouvez saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de votre domicile.

3. Si la contestation porte sur le rattachement de la réforme à l’exercice des fonctions, à un accident ou une maladie Professionnelle, vous pouvez saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de votre domicile.

4. Si la contestation porte sur la décision de la Caisse au regard de l’assurance invalidité, vous pouvez saisir le Tribunal du Contentieux de l’Incapacité (TCI) de votre domicile. »

Il ressort de ces éléments que la pension de réforme est une prestation de sécurité sociale délivrée par une caisse de sécurité sociale chargée d’en assurer la liquidation et le service.

Dans le dernier état des demandes portées devant le tribunal, M. Z sollicitait en définitive à l’égard de son employeur et de la caisse, la prise en compte de son accident du travail du 26 mai 2009 et le bénéfice des dispositions du « dernier alinéa de l’article 2 », ne contestant pas en réalité devant la juridiction de sécurité sociale la légitimité de la rupture du contrat de travail par « mise à la réforme ».

Le litige porte donc sur l’étendue et la consistance des prestations ouvertes à l’assuré suite à sa mise à la réforme au regard du bénéfice des dispositions de l’article 2 du décret de 2008, pris principalement en son dernier alinéa, élément concourant à la détermination et au calcul desdites prestations. Dès lors, le litige portant sur ces prestations ne relève pas de la compétence du conseil de prud’hommes mais de celle du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Les éléments fournis par la société SNCF Voyages et ses arguments ne permettent pas de retenir la compétence du conseil de prud’hommes au titre de l’article L. 1411-1 du Code du travail, et ce d’autant plus que la décision du 18 novembre 2016 de « notification de mise à la réforme » (pièce n°6 de la société SNCF Voyages), tout comme d’ailleurs l’avis de la commission de réforme du 15 novembre 2016 (pièce n°5 de la société SNCF Voyages) ne comportent aucune mention relative au bénéfice des dispositions du « dernier alinéa de l’article 2 »du Décret n°2008-639 du 30 juin 2008. »

Le jugement déféré sera donc infirmé

Sur l’évocation du fond de l’affaire

Il apparaît de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive ; il y a donc lieu d’évoquer le fond de l’affaire dans le respect des dispositions des articles 88 et 568 du code de procédure civile.

Sur la forclusion du recours formé par M. Z devant la caisse

La caisse et l’employeur font valoir que M. Z est forclos en son recours pour avoir saisi le tribunal en mars 2018, soit bien après l’expiration du délai de 3 mois suivant la saisine le 13 avril 2017 de la commission de recours amiable qui l’avait ensuite informé le 27 avril 2017 qu’elle ne se prononcerait pas sur sa contestation.

M. Z réplique qu’aucune forclusion ne peut lui être opposée dès lors qu’aucune décision de la commission ne lui a été notifiée et qu’en tout état de cause, aucune voie et délai de recours ne lui a été indiquée par la caisse.

Le 12 avril 2017, M. Z a saisi la commission de recours amiable de la caisse d’un recours (pièce n°3 de la caisse) contre « la décision » de « mise à la réforme », sollicitant qu’il soit « dit que l’élément déterminant de la réforme (') ne saurait être que l’accident du travail du 26 mai 2009 » et également qu’il pouvait « prétendre au bénéfice des dispositions du dernier alinéa de l’article 2 (…) » ; par courrier du 27 avril 2017 , la caisse (sa pièce n°4) l’a informé qu’elle ne se prononcerait pas sur sa contestation aux motifs que la décision contestée n’émanait pas d’elle et que la pension avait été calculée conformément aux indications relatives à la mise à la réforme.

Force est de constater que la caisse qui se prévaut du délai de forclusion tiré des articles R 142-6 et R142-18 du code de la sécurité sociale alors applicables ne justifie pas, ni même n’allègue, avoir informé M. Z des voie et délais de recours prévus par ses textes en conséquence du recours porté devant elle.

M. Z n’est donc pas forclos à solliciter de la caisse, dans le cadre de la liquidation de sa pension, le bénéfice des dispositions de l’article 2 du décret de 2008, pris principalement en son dernier alinéa, quand bien même celle-ci ne pourrait pas retenir de son propre chef l’existence des éléments visés à ces dispositions pour procéder à la liquidation et au calcul de la pension de réforme.

Par ailleurs, la caisse, chargée de procéder à la liquidation et au service de la pension de réforme due à M. Z, et dont ce dernier discute la consistance au regard des dispositions de l’article 2 du décret de 2008, pris principalement en son dernier alinéa, ne saurait être mise hors de cause.

Sur le bénéfice des dispositions de l’article 2 du Décret n°2008-639 du 30 juin 2008, pris principalement en son dernier alinéa,

Il y a lieu, dans le respect du principe du contradictoire, d’ordonner la réouverture des débats dans les conditions fixées comme suit au dispositif à l’effet de permettre à M. Z de conclure et produire toutes pièces utiles en la matière, et aux intimées d’y répliquer.

Sur les autres demandes

Il sera, dans l’attente, sursis à statuer sur la demandes de dommages-intérêts présentée par l’appelant , ainsi que sur les frais irrépétibles et les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

ORDONNE la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 20/00175 et 20/02467.

DIT n’y avoir lieu à écarter des débats l’ensemble des conclusions et pièces des intimées.

DECLARE l’appel recevable.

INFIRME le jugement déféré.

ET statuant à nouveau :

Déclare la juridiction de sécurité sociale compétente pour connaître du litige ;

Vu les articles 88 et 568 du code de procédure civile, évoque le fond de l’affaire et les points non jugés ;

Rejette la fin de non recevoir tirée de la forclusion du recours soulevée par les intimées;

Déboute la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF de sa demande de mise hors de cause ;

Ordonne la réouverture des débats à l’effet de permettre à M. Z de conclure sur le bénéfice des dispositions de l’article 2 du Décret n°2008-639 du 30 juin 2008, pris principalement en son dernier alinéa.

Renvoie à cet effet l’affaire à l’audience de la chambre 6-12 en date du :

Mardi 15 juin 2021 à 13h30

Salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage

pour plaider et dit que la notification du présent arrêt vaut convocation d’avoir à comparaître ou s’y faire représenter.

DIT que M. Z devra conclure sur ce point avant le 15 mars 2021.

DIT que les intimés pourront conclure en réplique avant le 30 mai 2021.

Sursoit à statuer sur les autres demandes.

La greffière Le président

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 8 janvier 2021, n° 20/00175