Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 7 mai 2021, n° 20/15159

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 8, 7 mai 2021, n° 20/15159
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/15159
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 9 septembre 2020, N° 20/52730
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 07 MAI 2021

(n° 161 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/15159 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQ63

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Septembre 2020 -Président du TJ de Paris – RG n° 20/52730

APPELANTE

S.A.S. DENTAL INVEST agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Nicolas BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B1025

INTIMEE

S.C.I. DE L’IMMEUBLE […] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Antoine CHRISTIN de la SELARL SALMON ET CHRISTIN ASSOCIES, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 720

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 mars 2021, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Laure ALDEBERT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier.

Par acte sous signature privée du 2 février 2018, la SCI de l’immeuble situé […] et […] (la SCI) a donné à bail commercial à la société Dental invest des locaux au rez-de-chaussée, au premier étage et au sous-sol d’un immeuble situé à Paris (9e) […] et […], afin qu’elle y exploite un cabinet de soins dentaires, moyennant un loyer annuel variable, de 75.600 euros du 1er février 2018 au 31 janvier 2019, 79.920 euros du 1er février 2019 au 31 janvier 2020 et de 84.249 euros à partir du 1er février 2020, hors charges et taxes, payable par mois, d’avance.

Aux termes du contrat, le bailleur a consenti une franchisse de six mois de loyer principal du 1er février 2018 au 31 juillet 2018 et le preneur s’est engagé à réaliser des travaux d’aménagement pour un montant de 168.913 euros.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 13 décembre 2019 par le bailleur pour un montant en principal de 115.193,41 euros.

Par acte du 3 mars 2020, la SCI a assigné la société Dental invest devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail, expulsion et condamnation au paiement d’une provision de 124.453,58 euros au titre de l’arriéré locatif, ainsi que d’une provision de 24.890,72 euros au titre des pénalités contractuelles.

Par ordonnance du 10 septembre 2020, le juge des référés a :

• rejeté les exceptions de litispendance et la demande de jonction ;

• constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

• suspendu ses effets ;

• condamné la société Dental invest à payer à la société SCI la somme provisionnelle de 183.567,40 euros au titre de l’arriéré locatif au 15 juin 2020 ;

• autorisé la société Dental invest à se libérer de sa dette en 12 mensualités ;

• dit qu’en cas de respect de l’échéancier et du règlement des loyers courants, la condition résolutoire serait réputée n’avoir jamais joué mais que dans le cas inverse, la clause résolutoire serait acquise et il serait procédé à l’expulsion immédiate de la société Dental invest et de tous occupant de son chef des locaux loués, au besoin avec le concours de la force publique ;

• condamné la société Dental invest aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• rejeté les autres demandes des parties.

Par déclaration du 23 octobre 2020, la société Dental invest a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2021, elle demande à la cour de :

A titre principal,

• infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté l’exception de litispendance relative à l’acquisition de la clause résolutoire et en ce qu’elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire ;

• statuant à nouveau,

• faire droit à l’exception de litispendance ;

• se dessaisir de la demande d’acquisition de la clause résolutoire et d’expulsion au profit de la 18e chambre 1re section du tribunal judiciaire de Paris (RG 20/00962) ;

• débouter la SCI de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

• infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté l’exception de litispendance relative à la condamnation au paiement des loyers et charges ;

• statuant à nouveau,

• constater que la SCI a déjà sollicité devant le juge des référés, le 17 juin 2020, la condamnation au paiement de loyers prétendument impayés ;

• en conséquence, faire droit à l’exception de litispendance ;

• se dessaisir de la demande de condamnation au paiement des loyers et charges ;

• dire n’y avoir lieu à référé sur le paiement des sommes réclamées et la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire ;

A titre plus subsidiaire,

• infirmer l’ordonnance en ce qu’elle lui a octroyé des délais de paiement de 12 mois ;

• l’autoriser à se libérer de sa dette locative en 24 mensualités ;

• dire qu’en cas de respect de cet échéancier, la clause résolutoire ne jouera pas ;

• confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a suspendu le jeu de la clause résolutoire ;

• confirmer que le bailleur devra émettre une mise en demeure pour que la clause résolutoire reprenne son plein effet ;

En toute hypothèse,

• infirmer l’ordonnance en ce qu’elle l’a condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• et statuant à nouveau,

• condamner la SCI à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et celle de 3.000 euros au titre de la première instance ;

• condamner la SCI aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés directement par Me Bouttier conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2021, la SCI demande à la cour de :

• débouter la société Dental invest de toutes ses prétentions ;

• confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 10 septembre 2020 ;

• condamner la société Dental invest à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2021.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Sur les exceptions de litispendance

Plusieurs instances ont été engagées parallèlement à la présente instance : d’une part, une action au fond devant le tribunal judiciaire de Paris sur une assignation de la société Dental invest du 23 janvier 2020, aux termes de laquelle elle demande, notamment, l’annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire, d’autre part, une action en référé-expertise sur une assignation de la même société du 17 janvier 2020 destinée à examiner les désordres allégués dans les lieux loués.

La société Dental invest soulève une première exception de litispendance au motif que la présente instance a le même objet, le même fondement et implique les mêmes parties que l’instance au fond, de sorte que la cour, statuant en référé, devrait se dessaisir au profit du juge du fond, par application de l’article 100 du code de procédure civile.

Cependant, il ne peut y avoir litispendance entre une instance au fond et une demande portée devant le juge des référés.

L’appelante soulève une seconde exception de litispendance relativement à la demande de provision, qui été formée le 17 juin 2020 devant le tribunal judiciaire de Paris dans le cadre de la procédure d’expertise.

Mais la cour apprécie l’existence d’une situation de litispendance au jour où elle statue (2e Civ., 23 février 2017, pourvoi n° 15-24.059, Bull. 2017, II, n° 40). Or, il n’existe plus de litige pendant devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris puisque celui-ci a rendu sa décision le 26 août 2020 en ordonnant une expertise.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire

Selon l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Selon l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire et il est constant que les causes du commandement de payer du 13 décembre 2019 n’ont pas été apurées dans le délai d’un mois, aucune somme n’ayant été réglée dans ce délai.

L’appelante fait valoir que la demande du bailleur se heurte à une contestation sérieuse tenant à

l’existence d’une action aux fins d’annulation du commandement de payer devant le tribunal judiciaire de Paris statuant au fond et aux fins d’indemnisation au titre du défaut de délivrance et du défaut de jouissance paisible des lieux loués, les sommes allouées à ce titre devant venir en compensation de sa dette locative. Elle expose que, depuis le début du bail, le premier étage du bien donné en location est inexploitable en raison d’un dégât des eaux et d’un défaut de structure du plancher et que, dans ces conditions, le commandement de payer a été délivré de mauvaise foi par le bailleur.

L’intimée soutient que l’appelante est irrecevable en sa demande tendant à ce qu’il soit « dit n’y avoir lieu à référé », par application des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, cette demande n’ayant été soulevée ni devant le premier juge, ni dans les premières conclusions d’appel.

Cependant, le moyen pris de l’existence d’une contestation sérieuse, soulevé par la société Dental invest, qui n’est pas une prétention, est recevable en cause appel. En tout état de cause, il incombe à la cour, statuant en référé, de vérifier les conditions d’application des textes précités, qui déterminent les pouvoirs du juge des référés.

Or, si le juge des référés n’a pas le pouvoir d’annuler un commandement de payer, il peut écarter la contestation relative à sa validité lorsqu’elle n’est pas sérieuse.

L’existence d’une action au fond en annulation du commandement de payer ne caractérise pas, en elle-même, une contestation sérieuse.

Le trouble de jouissance invoqué par la société Dental invest n’est pas de nature à rendre les lieux loués impropres à leur usage dès lors qu’il est constant qu’elle exploite son cabinet dentaire dans les locaux, l’absence d’utilisation du premier étage, à ce jour, n’empêchant pas l’exercice de son activité au rez-de-chaussée. En outre, il résulte de la première note de l’expert du 25 janvier 2021 produite par la SCI (pièce n° 5) que, selon celui-ci, aucun désordre structurel des lieux n’est de nature à rendre impossible l’exploitation du premier étage.

La contestation n’apparaît donc pas sérieuse et le bailleur, qui a adressé de multiples relances amiables et accepté des échéanciers de paiement avant la délivance du commandement de payer, n’a pas fait preuve de mauvaise foi au regard de l’importance de la dette accumulée, soit la somme de 115.000 euros au jour du commandement.

La décision sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et condamné la société Dental Invest au paiement d’une provision au titre de l’arriéré locatif.

Sur la demande de délais

La société Dental invest, qui a bénéficié de douze mois pour apurer sa dette, demande un délai plus large de vingt-quatre mois en invoquant les contraintes liées à la crise sanitaire, le dégât des eaux et sa bonne foi.

Il convient cependant de relever qu’elle ne produit aucune pièce attestant de difficultés financières et qu’elle expose au contraire bénéficier d’une situation financière pérenne.

En outre, elle respecte l’échéancier fixé par l’ordonnance, ce qui atteste de sa bonne foi mais également de sa capacité à faire face aux échéances arrêtées en première instance.

La décision sera en conséquence confirmée de ce chef.

Il convient simplement de préciser que, contrairement à ce que soutient l’intimée, l’ordonnance a bien prévu que faute pour la société Dental invest de payer à bonne date une seule des mensualités, le tout deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire sera acquise « huit jours après l’envoi d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».

L’appelante est donc recevable à solliciter la confirmation de ce chef de dispositif.

Sur les demandes accessoires

L’issue du litige commande de condamner l’appelante aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette les exceptions de litispendance ;

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Rejette toute autre demande formée par les parties ;

Condamne la société Dental invest aux dépens d’appel ;

La condamne à payer à la SCI de l’immeuble situé […] et […] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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