Conseil constitutionnel, décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité

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Sur la décision

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 13 octobre 1999, par MM. José ROSSI, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, François d’AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Jacques BLANC, Roland BLUM, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Franck DHERSIN, Dominique DORD, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Philippe HOUILLON, Denis JACQUAT, Aimé KERGUÉRIS, Marc LAFFINEUR, Jean-Claude LENOIR, Pierre LEQUILLER, Alain MADELIN, Jean-François MATTEI, Michel MEYLAN, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, Jean RIGAUD, Jean ROATTA, Joël SARLOT, Guy TEISSIER, Philippe VASSEUR, Gérard VOISIN, Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Pierre AUBRY, Jean AUCLAIR, Mme Martine AURILLAC, MM. Edouard BALLADUR, Jean BARDET, François BAROIN, Jacques BAUMEL, Christian BERGELIN, André BERTHOL, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Michel BOUVARD, Victor BRIAL, Philipe BRIAND, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Jean-Paul CHARIÉ, Jean CHARROPPIN, Jean-Marc CHAVANNE, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Henri CUQ, Lucien DEGAUCHY, Arthur DEHAINE, Jean-Pierre DELALANDE, Patrick DELNATTE, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Eric DOLIGÉ, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Christian ESTROSI, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean FALALA, Jean-Michel FERRAND, François FILLON, Roland FRANCISCI, Pierre FROGIER, Yves FROMION, Robert GALLEY, René GALY-DEJEAN, Henri de GASTINES, Jean de GAULLE, Hervé GAYMARD, Jean-Pierre GIRAN, Michel GIRAUD, Jacques GODFRAIN, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Lucien GUICHON, François GUILLAUME, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Jean-Claude LEMOINE, Arnaud LEPERCQ, Jacques LIMOUZY, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Jean-Claude MIGNON, Charles MIOSSEC, Pierre MORANGE, Renaud MUSELIER, Jacques MYARD, Jean-Marc NUDANT, Patrick OLLIER, Mme Françoise de PANAFIEU, MM. Jacques PÉLISSARD, Dominique PERBEN, Etienne PINTE, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Jean-Luc REITZER, Nicolas SARKOZY, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Michel TERROT, Jean TIBÉRI, Georges TRON, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, Jean VALLEIX, François VANNSON, Roland VUILLAUME, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Jean-Pierre ABELIN, Pierre ALBERTINI, Pierre-Christophe BAGUET, Raymond BARRE, Jacques BARROT, François BAYROU, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mmes Marie-Thérèse BOISSEAU, Marie-Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Jean BRIANE, Yves BUR, Dominique CAILLAUD, Hervé de CHARRETTE, Jean-François CHOSSY, René COUANAU, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Claude DECAGNY, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Renaud DUTREIL, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Germain GENGENWIN, Hubert GRIMAULT, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Henry JEAN-BAPTISTE, Jean-Jacques JÉGOU, Christian KERT, Edouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, Jean LÉONETTI, François LÉOTARD, Maurice LEROY, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, François LOOS, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MICAUX, Mme Louise MOREAU, MM. Hervé MORIN, Jean-Marie MORISSET, Arthur PAECHT, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, Gilles de ROBIEN, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER et Pierre-André WILTZER, députés, et le 14 octobre 1999, par MM. Henri de RAINCOURT, Serge MATHIEU, Jean-Léonce DUPONT, Jean-Philippe LACHENAUD, Jean-Claude CARLE, Christian BONNET, Guy POIRIEUX, Jean PÉPIN, Michel PELCHAT, Mme Janine BARDOU, MM. Bernard PLASAIT , Jean-François HUMBERT, René GARREC, Nicolas ABOUT, Ladislas PONIATOWSKI, Mme Anne HEINIS, MM. Jean BOYER, Henri REVOL, James BORDAS, Charles REVET, Louis BOYER, Jean CLOUET, Roland du LUART, Charles-Henri de COSSÉ-BRISSAC, Jean-Paul AMOUDRY, Philippe ARNAUD, Jean ARTHUIS, Denis BADRÉ, Bernard BARRAUX, Jacques BAUDOT, Michel BÉCOT, Daniel BERNARDET, Maurice BLIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. André BOHL, André DILIGENT, Serge FRANCHIS, Yves FRÉVILLE, Francis GRIGNON, Pierre HÉRISSON, Rémi HERMENT, Jean HUCHON, Jean-Jacques HYEST, Alain LAMBERT, Henri LE BRETON, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Jacques MACHET, Kléber MALÉCOT, Louis MOINARD, Philippe NOGRIX, Michel SOUPLET, Xavier de VILLEPIN, Pierre ANDRÉ, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Gérard BRAUN, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Michel CALDAGUES, Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Jean-Paul DELEVOYE, Robert DEL PICCHIA, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Daniel ECKENSPIELLER, Bernard FOURNIER, Philippe FRANÇOIS, Philippe de GAULLE, Patrice GÉLARD, François GERBAUD, Francis GIRAUD, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Emmanuel HAMEL, Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, Lucien LANIER, Patrick LASSOURD, René-Georges LAURIN, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Philippe MARINI, Paul MASSON, Jean-Luc MIRAUX, Bernard MURAT, Paul NATALI, Paul d’ORNANO, Jacques OUDIN, Jacques PEYRAT, Alain PEYREFITTE, Henri de RICHEMONT, Josselin de ROHAN, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, Jacques VALADE, Serge VASSELLE, Serge VINÇON, François ABADIE, Jacques BIMBENET, Fernand DEMILLY, Jean-Pierre FOURCADE, Paul GIROD, Aymeri de MONTESQUIOU, Jean-Marie RAUSCH, Raymond SOUCARET et André VALLET, sénateurs, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution de la conformité à celle-ci de la loi relative au pacte civil de solidarité ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 25 octobre 1999 ;
Vu le mémoire présenté par M. GOASGUEN, député, enregistré le 4 novembre 1999 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés et les sénateurs auteurs respectivement de la première et de la seconde saisines, défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au pacte civil de solidarité ; qu’ils contestent la régularité de la procédure d’adoption de la loi et mettent en cause la conformité à la Constitution, en tout ou en partie, de ses articles 1er à 7 et 13 à 15 ;
- SUR LA RECEVABILITÉ DU MÉMOIRE ENREGISTRÉ AU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL LE 4 NOVEMBRE 1999 :
2. Considérant que le deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, s’il prévoit que les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par les membres du Parlement, réserve l’exercice de cette faculté à soixante députés ou soixante sénateurs ;
3. Considérant que, par lettre en date du 4 novembre 1999, M. Claude GOASGUEN, député signataire de la première saisine, a fait parvenir au Conseil constitutionnel, sous sa seule signature, un mémoire par lequel il soulève de nouveaux griefs à l’encontre de dispositions critiquées ; qu’il résulte des dispositions susrappelées du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution que ce mémoire doit être déclaré irrecevable ;
- SUR LA REGULARITE DE LA PROCÉDURE LEGISLATIVE :
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance du règlement de l’Assemblée nationale :
4. Considérant que les auteurs des deux recours soutiennent que la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été adoptée dans des conditions qui portent atteinte aux principes fondamentaux de la procédure législative ;
5. Considérant que les requérants exposent que l’Assemblée nationale a rejeté, le 9 octobre 1998, une première proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, par l’adoption d’une exception d’irrecevabilité dont l’objet, aux termes du quatrième alinéa de l’article 91 du règlement de l’Assemblée nationale, était de faire reconnaître que le texte proposé était contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ; qu’il appartiendrait dès lors au Conseil constitutionnel de tirer les conséquences nécessaires d’un tel vote quant à la constitutionnalité de la loi déférée, laquelle reprendrait, pour l’essentiel, les dispositions de la proposition rejetée le 9 octobre 1998 ;
6. Considérant que les requérants font valoir, en outre, que la proposition de loi dont est issu le texte définitivement adopté aurait été examinée par l’Assemblée nationale en violation du troisième alinéa de l’article 84 de son règlement qui énonce que « Les propositions repoussées par l’Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d’un an » ; que, cette nouvelle proposition de loi étant substantiellement la même que celle qui avait fait l’objet d’un rejet, son dépôt, puis son inscription à l’ordre du jour de la séance du 3 novembre 1998, devraient être regardés comme constitutifs d’un détournement de la procédure législative et d’une violation du premier alinéa de l’article 34 de la Constitution qui dispose que « La loi est votée par le Parlement » ;
7. Considérant, en premier lieu, que les règlements des assemblées parlementaires n’ayant pas en eux-mêmes valeur constitutionnelle, la seule méconnaissance des dispositions réglementaires invoquées ne saurait avoir pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que le vote par l’Assemblée nationale, le 9 octobre 1998, d’une exception d’irrecevabilité ne saurait lier le Conseil constitutionnel dans l’exercice de la compétence qu’il tient du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution ;
9. Considérant, enfin, que la proposition de loi dont est issue la loi déférée n’était pas identique à celle rejetée le 9 octobre 1998 ; qu’ainsi, le grief tiré de la violation du troisième alinéa de l’article 84 du règlement de l’Assemblée nationale, en l’espèce, est inopérant ;
10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’adoption par l’Assemblée nationale, le 9 octobre 1998, d’une exception d’irrecevabilité n’entache pas d’irrégularité la procédure suivie ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 40 de la Constitution :
11. Considérant que les requérants soutiennent que la loi aurait été adoptée en méconnaissance de l’article 40 de la Constitution, aux termes duquel : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique » ;
12. Considérant que le bureau de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, saisi par un député en application du deuxième alinéa de l’article 92 du règlement de l’Assemblée nationale, a considéré le 28 octobre 1998 que les dispositions de l’article 40 de la Constitution ne s’opposaient pas à la proposition de loi en cause ; qu’ainsi, la question de la recevabilité de la proposition de loi a été soulevée en l’espèce ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’examiner le grief ;
13. Considérant, en premier lieu, que les auteurs des deux recours soutiennent que la proposition de loi aurait dû être déclarée irrecevable comme entraînant une diminution des ressources publiques ; qu’ils font valoir, à cet égard, que la proposition dont est issue la loi déférée comportait des dispositions fiscales ayant pour conséquence une diminution des ressources de l’Etat ; que, si son article 12 prévoyait, afin d’en assurer la compensation, une majoration à due concurrence du droit de consommation sur les tabacs, une telle compensation n’était ni réelle ni suffisante, en raison de la disproportion flagrante entre l’assiette de cette majoration et la perte de ressources prévisible ; que les députés auteurs de la première saisine se prévalent également de l’impossibilité d’évaluer précisément cette perte de ressources ;
14. Considérant, d’une part, que, lorsque la recevabilité de la proposition de loi a été examinée, la ressource figurant à son article 12 pouvait être regardée comme une compensation réelle de la diminution des ressources publiques résultant de l’imposition commune à l’impôt sur le revenu et des modifications des droits de mutation à titre gratuit respectivement prévues par les articles 2 et 3 de la proposition de loi en faveur des personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ; que ladite majoration était immédiate et qu’elle bénéficiait à l’Etat, au même titre que les impôts dont le produit était diminué ;
15. Considérant, d’autre part, que l’article 12 précité relatif à la compensation de la diminution de ressources a été supprimé par adoption d’un amendement du Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale ;
16. Considérant, dès lors, que ne peut être accueilli le grief selon lequel la proposition de loi aurait dû être déclarée irrecevable en raison de ses effets sur les ressources publiques ;
17. Considérant, en second lieu, que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que la proposition de loi était également irrecevable en raison de ses effets sur les charges publiques ; qu’ils font valoir que l’exigence d’un enregistrement du pacte civil de solidarité faisait peser « sur les autorités chargées d’assurer à la fois cet enregistrement et la gestion des divers droits qui s’y rattachent » une aggravation de charges directe et certaine ;
18. Considérant que l’augmentation des dépenses pouvant résulter, pour les services compétents, des tâches de gestion imposées par la proposition de loi n’était ni directe, ni certaine ; qu’en conséquence, c’est à bon droit que la proposition de loi n’a pas été déclarée irrecevable en raison de son incidence sur les charges publiques ;
19. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la loi n’a pas été adoptée en méconnaissance de l’article 40 de la Constitution ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la violation de l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances :
20. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font grief à l’article 7 de la loi déférée, qui complète l’article L. 161-14 du code de la sécurité sociale, de méconnaître les dispositions du quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, aux termes duquel : « Lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n’ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance » ; qu’ils soutiennent, à cet égard, que l’article 7 de la loi déférée, qui résulte d’un amendement du Gouvernement, étend, sans condition de délai, la qualité d’ayant-droit pour l’assurance maladie aux personnes liées à un assuré par un pacte civil de solidarité et crée ainsi directement des charges publiques nouvelles ;
21. Considérant que les charges en cause n’incombent pas à l’Etat et, comme telles, ne sont pas soumises aux prescriptions de l’article 1er de l’ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances ; que, par suite, le grief ne peut être accueilli ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE PAR LE LÉGISLATEUR DE L’ÉTENDUE DE SA COMPÉTENCE :
22. Considérant que les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent qu’à plusieurs titres le législateur n’aurait pas exercé la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution en renvoyant à l’autorité réglementaire ou à l’autorité judiciaire « le soin de combler les lacunes et imprécisions » de la loi ; qu’ils font ainsi valoir que l’article 515-1 nouveau du code civil, introduit par l’article 1er de la loi déférée, ne précise pas le contenu de la notion de vie commune que le pacte civil de solidarité a vocation à organiser ; que n’est pas davantage précisé le statut civil des signataires d’un tel pacte ; que ne sont pas non plus déterminées « les règles applicables en matière de parentalité et notamment de paternité en cas d’enfants », ni celles régissant la procréation médicalement assistée ; qu’ils soutiennent que l’article 515-4 nouveau du code civil, introduit par le même article 1er, ne prévoit ni la nature ni l’étendue de l’aide mutuelle et matérielle que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité doivent s’apporter, le contenu de cette aide étant, selon eux, purement et simplement renvoyé au contrat conclu entre les partenaires, sans qu’aucun contrôle juridictionnel préalable dudit contrat ne soit prévu ; qu’en outre, les conditions de formation et d’extinction du pacte civil de solidarité ne garantiraient, à défaut de toute précision relative à sa publicité, ni les droits du partenaire auquel la rupture serait imposée, ni les droits des tiers ; que le législateur aurait également méconnu sa compétence en laissant subsister, faute de dispositions relatives au contenu du contrat, de nombreuses incertitudes, notamment quant aux types de clauses patrimoniales ou non patrimoniales qui pourraient y être incluses ; qu’ils font également valoir que la loi ne définit pas le type de clauses contractuelles susceptibles de régir la rupture du pacte ; qu’elle reste silencieuse sur « le caractère simple ou irréfragable de la présomption d’indivision ouverte par l’article 515-5 du code civil » introduit par l’article 1er de la loi ; qu’au surplus, le législateur n’aurait prévu « aucune réserve de protection d’un partenaire contre les éventuels excès de l’autre », alors qu’il a posé la règle de la solidarité des partenaires à l’égard des tiers pour certaines dettes ; qu’il est également soutenu qu’il incombait au législateur de fixer une limite au nombre de pactes civils de solidarité pouvant être successivement souscrits par une même personne, ainsi que le délai devant être respecté entre la fin d’un pacte et la conclusion du pacte suivant ; qu’enfin, l’article 1er de la loi déférée aurait dû préciser si les différentes dispositions qu’il introduit dans le code civil ont ou non un caractère d’ordre public ;
23. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution :
" La loi fixe les règles concernant : … la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ; …
" La loi détermine les principes fondamentaux : … du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;… » ;
24. Considérant que l’article 1er de la loi déférée insère dans le livre Ier du code civil, relatif aux personnes, un titre XII intitulé : « Du pacte civil de solidarité et du concubinage » ; que ce titre comprend deux chapitres dont le chapitre Ier relatif au pacte civil de solidarité, composé des articles 515-1 à 515-7 ;
25. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 515-1 nouveau du code civil : « Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune » ; que l’article 515-2 nouveau du code civil interdit, à peine de nullité, la conclusion de ce contrat entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus, entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage et entre deux personnes dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ; qu’en application du premier alinéa de l’article 515-3 nouveau du code civil, les personnes qui concluent un tel pacte en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune ; qu’en application du deuxième alinéa du même article, elles doivent joindre, à peine d’irrecevabilité, les pièces d’état civil permettant d’établir la validité de l’acte au regard de l’article 515-2 ; qu’en outre, les partenaires, en application de l’article 515-4 nouveau du code civil, s’apportent une aide mutuelle et matérielle et sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun ; qu’enfin, la loi déférée comporte des dispositions favorisant le rapprochement géographique de deux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ;
26. Considérant qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires à l’issue desquels elles ont été adoptées, que la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple, qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en conséquence, sans définir expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles ;
27. Considérant, en deuxième lieu, qu’eu égard à la nature des empêchements édictés par l’article 515-2 du code civil, justifiés notamment par les mêmes motifs que ceux qui font obstacle au mariage, la nullité prévue par cette disposition ne peut être qu’absolue ;
28. Considérant, en troisième lieu, que l’objet des articles 515-1 à 515-7 du code civil est la création d’un contrat spécifique conclu par deux personnes physiques majeures en vue d’organiser leur vie commune ; que le législateur s’est attaché à définir ce contrat, son objet, les conditions de sa conclusion et de sa rupture, ainsi que les obligations en résultant ; que, si les dispositions de l’article 515-5 du code civil instituant des présomptions d’indivision pour les biens acquis par les partenaires du pacte civil de solidarité pourront, aux termes mêmes de la loi, être écartées par la volonté des partenaires, les autres dispositions introduites par l’article 1er de la loi déférée revêtent un caractère obligatoire, les parties ne pouvant y déroger ; que tel est le cas de la condition relative à la vie commune, de l’aide mutuelle et matérielle que les partenaires doivent s’apporter, ainsi que des conditions de cessation du pacte ; que les dispositions générales du code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s’appliquer, sous le contrôle du juge, sauf en ce qu’elles ont de nécessairement contraire à la présente loi ; qu’en particulier, les articles 1109 et suivants du code civil, relatifs au consentement, sont applicables au pacte civil de solidarité ;
29. Considérant, en quatrième lieu, que, limitée à l’objet ainsi voulu et défini par le législateur, la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel est sans incidence sur les autres titres du livre Ier du code civil, notamment ceux relatifs aux actes d’état civil, à la filiation, à la filiation adoptive et à l’autorité parentale, ensemble de dispositions dont les conditions d’application ne sont pas modifiées par la loi déférée ; qu’en particulier, la conclusion d’un pacte civil de solidarité ne donne lieu à l’établissement d’aucun acte d’état civil, l’état civil des personnes qui le concluent ne subissant aucune modification ; que la loi n’a pas davantage d’effet sur la mise en oeuvre des dispositions législatives relatives à l’assistance médicale à la procréation, lesquelles demeurent en vigueur et ne sont applicables qu’aux couples formés d’un homme et d’une femme ; qu’enfin, en instaurant un contrat nouveau ayant pour finalité l’organisation de la vie commune des contractants, le législateur n’était pas tenu de modifier la législation régissant ces différentes matières ;
30. Considérant, en cinquième lieu, que, si la législation fiscale fait référence à la qualité de « célibataire », le régime fiscal applicable aux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité est régi par la loi déférée ; que les dispositions réglementaires, intervenues dans différents domaines, faisant référence à la qualité de « célibataire » devront être mises à jour pour tenir compte de la situation des personnes ayant conclu un tel pacte ; que, d’ici là, la question de l’applicabilité de ces réglementations à ces personnes devra être résolue en fonction de leur objet ; qu’il en est de même des dispositions évoquant une « vie maritale » ;
31. Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 515-4 nouveau du code civil : « Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’apportent une aide mutuelle et matérielle. Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte » ; qu’en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 515-3 nouveau du code civil, les parties doivent produire au greffier, à peine d’irrecevabilité, la convention passée entre elles, en double original ; que l’aide mutuelle et matérielle s’analyse en conséquence comme un devoir entre partenaires du pacte ; qu’il en résulte implicitement mais nécessairement que, si la libre volonté des partenaires peut s’exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ; que, par ailleurs, dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires ;
32. Considérant, en septième lieu, que le législateur a pu, sans méconnaître sa compétence, laisser la faculté aux parties d’écarter le régime de l’indivision pour les biens dont elles feraient l’acquisition postérieurement à la conclusion du pacte ; qu’il résulte des termes mêmes de l’article 515-5 nouveau du code civil que la présomption d’indivision par moitié des meubles meublants acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte ne peut céder que devant la production de la convention passée entre les partenaires décidant d’écarter un tel régime ; que, de même, la présomption d’indivision par moitié pour les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte ne peut céder que devant la production d’un acte d’acquisition ou de souscription qui en dispose autrement ; que, lorsque la présomption d’indivision ne peut être écartée, ont vocation à s’appliquer les dispositions des articles 815 et suivants du code civil relatives à l’indivision ; que les parties pourront toutefois décider, soit, pour les meubles meublants, dans la convention initiale ou dans un acte la modifiant, soit, pour les biens autres, dans l’acte d’acquisition ou de souscription, d’appliquer le régime conventionnel d’indivision prévu par les articles 1873-1 et suivants du même code ;
33. Considérant, en huitième lieu, que l’instauration d’une solidarité des partenaires à l’égard des tiers pour les dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun ne saurait faire obstacle, en cas d’excès commis par l’un des partenaires, à l’application des règles de droit commun relatives à la responsabilité civile ;
34. Considérant, en neuvième lieu, qu’en application des dispositions de l’article 515-3 nouveau du code civil, après production de l’ensemble des pièces mentionnées au deuxième alinéa du même article, parmi lesquelles la convention en double original, la déclaration conjointe des personnes qui concluent un pacte civil de solidarité est inscrite sur un registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu où elles fixent leur résidence commune ; que cette inscription confère date certaine au contrat et le rend opposable aux tiers ; que, par ailleurs, les deux exemplaires originaux de la convention, après avoir été visés et datés par le greffier, sont restitués aux partenaires ; que mention de la déclaration est également portée sur un registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l’étranger, au greffe du tribunal de grande instance de Paris ; qu’en outre, toute modification du pacte fait elle-même l’objet d’une déclaration conjointe inscrite au greffe du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial, à laquelle est joint, à peine d’irrecevabilité, l’acte portant modification de la convention ;
35. Considérant, par ailleurs, que l’article 515-7 nouveau du code civil prévoit, d’une part, en cas de cessation du pacte d’un commun accord, l’inscription de la déclaration conjointe des partenaires, par laquelle ils décident de mettre fin au pacte, sur un registre tenu au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel l’un d’entre eux au moins a sa résidence ; qu’en outre, le greffier qui reçoit la déclaration porte, ou fait porter, mention de la fin du pacte en marge de l’acte initial ; qu’il fait également procéder à l’inscription de la mention en marge du registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu de naissance de chaque partenaire ; que, d’autre part, lorsque l’un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il signifie à l’autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial ; qu’en cas de cessation du pacte par mariage de l’un des partenaires, celui-ci en informe l’autre par voie de signification, copies de la signification et de l’acte de naissance portant mention du mariage devant être adressées au greffier du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial ; qu’en cas de décès de l’un des partenaires, une copie de l’acte de décès est adressée à ce même greffier ; que, dans ces différentes hypothèses, le greffier qui reçoit les actes susmentionnés porte ou fait porter mention de la fin du pacte en marge de l’acte initial et en marge du registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu de naissance de chaque partenaire ;
36. Considérant, en conséquence, que le législateur, en instaurant par ces dispositions le principe d’une publicité de la conclusion, de la modification et de la fin du pacte, n’a pas méconnu l’étendue des compétences qu’il tient de l’article 34 de la Constitution ; qu’il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer les modalités d’application des dispositions susanalysées, d’aménager dans le décret prévu par l’article 15 de la loi déférée l’accès des tiers aux différents registres de manière à concilier la protection des droits des tiers et le respect de la vie privée des personnes liées par un pacte ;
37. Considérant, enfin, qu’il était loisible au législateur de ne fixer aucune limite au nombre de pactes civils de solidarité pouvant être souscrits successivement par une même personne et de ne prévoir aucune condition de délai entre la cessation d’un pacte civil de solidarité et la conclusion d’un nouveau pacte ;
38. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves ci-dessus énoncées, doivent être rejetés les griefs tirés de ce que le législateur serait resté en-deçà de sa compétence ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA VIOLATION DU PRINCIPE D’ÉGALITÉ :
. En ce qui concerne les violations alléguées du principe d’égalité devant les charges publiques :
39. Considérant que les requérants critiquent les articles 4, 5 et 6 de la loi déférée en tant qu’ils porteraient atteinte, sans motif d’intérêt général, au principe d’égalité devant les charges publiques ;
- Quant à l’article 4 :
40. Considérant que l’article 4 de la loi déférée, qui complète l’article 6 du code général des impôts, prévoit que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité font l’objet, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, d’une imposition commune à compter de l’imposition des revenus de l’année du troisième anniversaire de l’enregistrement du pacte ; que seuls les couples mariés font actuellement l’objet d’une imposition commune ;
41. Considérant que les auteurs des deux recours soutiennent que cet article « assimile donc fiscalement sur ce point » les partenaires d’un pacte civil de solidarité et les époux, alors que les avantages fiscaux de ces derniers résultent « de la reconnaissance du mariage à la fois comme élément fondateur de la famille et comme générateur de devoirs pour les époux » ; que les requérants font valoir également que les réductions d’impôt sont consenties au détriment des personnes vivant seules ou en concubinage, ces avantages n’étant, selon eux, « pas justifiés, comme ceux liés au mariage, par l’intérêt social que constitue la protection de la famille » ; qu’ils allèguent que la loi créerait ainsi, à un triple titre, « sans considération d’intérêt général, une rupture d’égalité devant les charges publiques » ;
42. Considérant, en premier lieu, que manque en fait le grief tiré de la rupture d’égalité devant les charges publiques à l’égard des personnes mariées, l’article 4 étendant aux partenaires le régime d’imposition commune applicable aux époux, sous réserve d’une condition de durée minimale du pacte civil de solidarité ;
43. Considérant, en deuxième lieu, que le législateur a entendu accorder des droits particuliers aux personnes qui ne peuvent ou ne veulent se marier, mais qui souhaitent se lier par un pacte de vie commune ; que, contrairement aux personnes vivant en concubinage, les partenaires d’un tel pacte sont assujettis à certaines obligations ; qu’ils se doivent, en particulier, « une aide mutuelle et matérielle » ; que cette différence de situation justifie, au regard de l’objet de la loi, la différence de traitement critiquée entre personnes vivant en concubinage et personnes liées par un pacte civil de solidarité ; qu’au demeurant, l’imposition commune n’est applicable à ces dernières qu’à compter de l’imposition des revenus de l’année du troisième anniversaire de l’enregistrement du pacte ;
44. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que, conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des contribuables ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;
45. Considérant que l’avantage susceptible d’être tiré de l’imposition commune par les signataires d’un pacte civil de solidarité, par rapport à la situation où ils seraient imposés séparément comme le sont les personnes vivant seules, serait de nature à constituer, s’il était excessif, une violation de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, alors surtout que la vie commune permet de dégager diverses économies à revenus inchangés ; que, toutefois, l’économie d’impôt pouvant résulter de l’attribution de deux parts pour l’application du quotient familial n’atteint sa valeur maximale que dans le cas où les revenus propres de l’un des membres du couple sont faibles ou nuls ; que l’avantage alors tiré par l’autre de l’imposition commune se justifie, au regard de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par la présence à son foyer d’une personne à sa charge ; que, dans les autres cas, l’application combinée du quotient familial et des autres règles de calcul de l’impôt sur le revenu ne fait pas apparaître au profit des partenaires d’un pacte, par rapport à la situation où ils seraient imposés séparément, un avantage tel qu’il entraînerait une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; qu’au surplus, cet avantage disparaît lorsque les revenus propres des deux partenaires sont faibles ou équivalents ; que, dans ces conditions, l’article 4 n’entraîne pas de rupture d’égalité entre les partenaires liés par un pacte civil de solidarité et les personnes vivant seules ;
46. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l’atteinte portée par l’article 4 à l’égalité devant les charges publiques doivent être écartés ;
- Quant à l’article 5 :
47. Considérant que cet article insère un article 777 bis dans le code général des impôts et complète les articles 779 et 780 du même code ; qu’il institue un barème et un abattement spécifiques des droits de mutation à titre gratuit entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ; qu’en cas de donation, ces dispositions ne s’appliquent que si, à la date du fait générateur, les partenaires sont liés par un pacte depuis au moins deux ans ;
48. Considérant que les requérants soutiennent que cet article accorde aux partenaires des réductions d’impôt sans comporter de garanties suffisantes pour éviter qu’ils ne se trouvent dans une situation plus favorable que les époux ; qu’en outre, ces avantages seraient consentis au détriment des personnes vivant seules ou en concubinage ; que, selon les auteurs des saisines, ces réductions d’impôts ne seraient pas justifiées, comme celles liées au mariage, par « l’intérêt social que constitue la protection de la famille » ; qu’ils allèguent que « la loi crée donc, sans considération d’intérêt général, une rupture d’égalité devant les charges publiques » ;
49. Considérant, en premier lieu, que manque en fait le grief tiré de la violation du principe d’égalité à l’égard des couples mariés ; qu’en effet, le barème et l’abattement institués par l’article 5 sont moins favorables que ceux prévus entre époux par les articles 777 et 779 du code général des impôts ;
50. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus à propos de l’article 4, l’article 5 n’entraîne pas de rupture de l’égalité entre personnes liées par un pacte civil de solidarité et concubins ;
51. Considérant, en troisième lieu, qu’il était loisible au législateur de prévoir, en faveur des personnes liées par un pacte de vie commune et se devant une aide mutuelle et matérielle, un régime fiscal plus favorable que celui qui régit les donations et successions entre personnes non parentes ;
52. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l’atteinte portée par l’article 5 à l’égalité devant les charges publiques doivent être écartés ;
- Quant à l’article 6 :
53. Considérant que l’article 6, qui complète les articles 885A, 885W et 1723ter-OOB du code général des impôts, assujettit les personnes liées par un pacte civil de solidarité à l’imposition commune au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune ; que les députés auteurs de la première saisine font valoir que cet article fait bénéficier ces personnes d'« avantages de même nature que ceux dont bénéficient des couples mariés » ; que ce grief manque en fait, dès lors que, s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’imposition commune ne peut qu’accroître la charge fiscale des personnes liées par un pacte civil de solidarité par rapport à la situation qui serait la leur en cas d’imposition séparée ;
. En ce qui concerne les autres violations alléguées du principe d’égalité :
54. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine dénoncent l’atteinte qui serait portée au principe d’égalité par l’interdiction faite à certaines personnes de conclure un pacte civil de solidarité ; qu’ils font valoir, à cet égard, que les prohibitions liées à la parenté ou à l’alliance « ne sont aucunement justifiées à partir du moment où il ressort clairement des débats parlementaires que le pacte n’a pas obligatoirement une connotation sexuelle » et ne répondent donc à aucune justification d’intérêt général ; qu’ils soutiennent, en outre, que portent également atteinte à l’égalité les interdictions de conclure un pacte civil de solidarité qui visent les mineurs émancipés et les majeurs sous tutelle ;
55. Considérant que, sans méconnaître les exigences du principe d’égalité, ni celles découlant de la liberté définie à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le législateur, afin de prendre en compte l’intérêt général tenant à la prohibition de l’inceste, a pu interdire la conclusion d’un pacte civil de solidarité, sous peine de nullité absolue, entre des personnes entre lesquelles existe l’un des liens de parenté ou d’alliance mentionnés par le 1° de l’article 515-2 nouveau du code civil ; qu’il a pu, par ailleurs, sans porter non plus atteinte au principe d’égalité, ne pas autoriser la conclusion d’un pacte par une personne mineure émancipée et par une personne majeure placée sous tutelle ;
56. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine critiquent également l’article 13 de la loi déférée, qui prévoit une priorité d’affectation au profit des fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de la personne à laquelle ils sont liés par un pacte civil de solidarité, en tant qu’il porterait atteinte au principe d’égalité sans motif d’intérêt général ;
57. Considérant que les obligations auxquelles sont assujettis les signataires d’un pacte civil de solidarité les placent dans une situation différente de celle des personnes vivant seules ou en concubinage au regard des règles d’affectation et de mutation dans la fonction publique ; que, dès lors, il était loisible au législateur, sans méconnaître le principe d’égalité, de leur attribuer la priorité d’affectation dont bénéficient les fonctionnaires mariés pour se rapprocher de leur conjoint ;
58. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité doivent être écartés ;
- SUR LE GRIEF TIRE D’UNE « ATTEINTE AU MARIAGE REPUBLICAIN » :
59. Considérant que, si les députés auteurs de la première saisine soutiennent que la loi méconnaîtrait les règles du « mariage civil et républicain » en « instituant une nouvelle communauté de vie », les dispositions relatives au pacte civil de solidarité ne mettent en cause aucune des règles relatives au mariage ; qu’en conséquence, le moyen tiré de la violation de ces règles manque en fait ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ D’UNE ATTEINTE AUX « PRINCIPES FONDAMENTAUX DU DROIT DES CONTRATS » :
60. Considérant que les députés et les sénateurs requérants font grief à l’article 515-7 nouveau du code civil de porter atteinte au « principe d’immutabilité des contrats » en permettant une rupture unilatérale du pacte civil de solidarité sans qu’aucune cause ne soit invoquée ;
61. Considérant que, si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ; qu’à cet égard, il appartient au législateur, en raison de la nécessité d’assurer pour certains contrats la protection de l’une des parties, de préciser les causes permettant une telle résiliation, ainsi que les modalités de celle-ci, notamment le respect d’un préavis ;
62. Considérant que ne sont pas contraires aux principes constitutionnels ci-dessus rappelés les dispositions de l’article 515-7 nouveau du code civil qui permettent la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité, la prise d’effet de celle-ci intervenant, en dehors de l’hypothèse du mariage, trois mois après l’accomplissement des formalités exigées par le législateur, et qui, dans tous les cas de rupture unilatérale, y compris le mariage, réservent le droit du partenaire à réparation ; que toute clause du pacte interdisant l’exercice de ce droit devra être réputée non écrite ; que la cessation du pacte à la date du mariage de l’un des partenaires met en oeuvre le principe de valeur constitutionnelle de la liberté du mariage ;
63. Considérant que, sous cette réserve, le grief tiré d’une atteinte aux principes fondamentaux du droit des contrats doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AU PRINCIPE DE LA SAUVEGARDE DE LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE :
64. Considérant que les requérants font valoir que l’article 515-7 du code civil prévoit une faculté de rupture unilatérale du pacte civil de solidarité qui s’apparenterait, compte tenu de l’absence de garanties qui, selon eux, la caractérise, à la répudiation ; que cette disposition méconnaîtrait, en conséquence, le principe du respect de la dignité de la personne humaine ; que les députés auteurs de la première saisine ajoutent que la rupture du pacte par mariage prévue par le troisième alinéa de l’article 515-7 nouveau du code civil serait « contraire au principe d’égalité entre les contractants », le pacte prenant fin, dans ce cas, immédiatement et les obligations qu’il a produites cessant sur le champ ;
65. Considérant qu’il résulte du deuxième alinéa de l’article 515-7 nouveau du code civil que l’un des partenaires peut décider de mettre fin au pacte civil de solidarité ; que, dans cette hypothèse, « il signifie à l’autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial » ; qu’en application des dispositions du neuvième alinéa du même article, le pacte prend fin trois mois après la signification délivrée en application de l’alinéa précité, sous réserve qu’une copie en ait été portée à la connaissance du greffier du tribunal d’instance ;
66. Considérant, par ailleurs, qu’en application du troisième alinéa de l’article 515-7 du code civil, l’un des partenaires met fin au pacte civil de solidarité en se mariant ; qu’il en informe l’autre par voie de signification, le pacte prenant fin, en application du dixième alinéa de cet article, à la date du mariage ;
67. Considérant, en premier lieu, que le pacte civil de solidarité est un contrat étranger au mariage ; qu’en conséquence, sa rupture unilatérale ne saurait être qualifiée de « répudiation » ;
68. Considérant, en deuxième lieu, comme il a été dit précédemment, que les contrats à durée indéterminée, catégorie à laquelle appartient le pacte civil de solidarité, peuvent toujours être résiliés par l’une ou l’autre des parties ;
69. Considérant, en troisième lieu, que la cessation immédiate du pacte en cas de mariage de l’un des partenaires répond, comme il a été ci-dessus indiqué, à la nécessité de respecter l’exigence constitutionnelle de la liberté du mariage ;
70. Considérant, enfin, comme cela résulte des dispositions du dernier alinéa de l’article 515-7 du code civil, que le partenaire auquel la rupture est imposée pourra demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture ; que, dans ce dernier cas, l’affirmation de la faculté d’agir en responsabilité met en oeuvre l’exigence constitutionnelle posée par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont il résulte que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ;
71. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions relatives à la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité ne sont contraires ni au principe de la dignité de la personne humaine, ni à aucun autre principe de valeur constitutionnelle ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE :
72. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que l’enregistrement du pacte civil de solidarité au greffe du tribunal d’instance et la possibilité ainsi offerte aux tiers de connaître son existence « portent atteinte à la vie sexuelle des individus, qui est au coeur du principe du respect de la vie privée » ; que les dispositions de l’article 515-3 du code civil seraient en conséquence contraires à la Constitution ;
73. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ;
74. Considérant que le texte critiqué prévoit des règles d’enregistrement des pactes civils de solidarité qui ont une double finalité ; que, d’une part, elles visent à assurer le respect des règles d’ordre public régissant le droit des personnes, au nombre desquelles figure, en particulier, la prohibition de l’inceste ; que, d’autre part, elles tendent à conférer date certaine au pacte civil de solidarité pour le rendre opposable aux tiers, dont il appartient au législateur, comme cela a été dit précédemment, de sauvegarder les droits ; que l’enregistrement n’a pas pour objet de révéler les préférences sexuelles des personnes liées par le pacte ;
75. Considérant, en outre, que les conditions dans lesquelles seront traitées, conservées et rendues accessibles aux tiers les informations relatives au pacte civil de solidarité seront fixées par un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; que s’appliqueront les garanties résultant de la législation relative à l’informatique et aux libertés ; que, sous ces réserves, le législateur n’a pas porté atteinte au principe du respect de la vie privée ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DU PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946 RELATIVES A LA PROTECTION DE L’ENFANT ET DE LA FAMILLE :
76. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent qu’en se limitant à appréhender la situation de deux personnes qui veulent organiser leur vie commune et en faisant silence sur la situation des enfants qu’elles pourraient avoir ou qui pourraient vivre auprès d’elles, le législateur a porté atteinte aux dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ;
77. Considérant qu’aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu’à ceux du onzième alinéa : « Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs… » ;
78. Considérant qu’il était loisible au législateur d’instaurer le pacte civil de solidarité sans pour autant réformer la législation relative au droit de la filiation, ni celle portant sur la condition juridique du mineur ; que les règles existantes du droit de la filiation et les dispositions assurant la protection des droits de l’enfant, au nombre desquelles figurent celles relatives aux droits et devoirs des parents au titre de l’autorité parentale, s’appliquent, comme il a été précédemment indiqué, aux enfants dont la filiation serait établie à l’égard de personnes liées par un pacte civil de solidarité ou de l’un seulement des partenaires d’un tel pacte ; qu’en cas de litige relatif à l’autorité parentale le juge aux affaires familiales conserve sa compétence ; que, dans ces conditions, le grief allégué manque en fait ;
79. Considérant que les députés font en outre valoir que la loi « institutionnaliserait des possibilités de bigamie » ; que ce grief manque également en fait ; qu’en effet, tant les dispositions de la loi déférée relatives au pacte civil de solidarité que celles relatives au concubinage n’ont ni pour objet ni pour effet de lever la prohibition qui résulte de l’article 147 du code civil de contracter un second mariage tant que le premier n’est pas dissous ; qu’il convient, au surplus, de relever que les dispositions de l’article 515-2 nouveau du code civil font obstacle à la conclusion d’un pacte civil de solidarité entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage ou dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ;
80. Considérant que les sénateurs soutiennent enfin que les avantages accordés aux partenaires d’un pacte civil de solidarité seraient plus importants que ceux attribués aux membres de la famille ;
81. Considérant que le législateur a pu, eu égard à l’objectif qu’il s’est fixé en prenant en compte la situation de deux personnes partageant une vie commune, tenues mutuellement à certaines obligations et liées par un pacte civil de solidarité, reconnaître à ces personnes un certain nombre d’avantages sans porter atteinte ni au principe d’égalité, ni à la nécessaire protection de la famille qui résulte du Préambule de la Constitution de 1946 ; que s’appliquent par ailleurs les règles du code civil protégeant les droits des héritiers réservataires, notamment les descendants ;
82. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la violation des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doivent être rejetés ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AUX DROITS DES CONCUBINS :
83. Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent que la définition du concubinage donnée par l’article 515-8 nouveau du code civil porterait atteinte aux droits des concubins dans la mesure où « l’appréciation du caractère stable et continu de la vie commune peut priver des personnes actuellement considérées comme concubins de la reconnaissance de cette qualité, les excluant, sans justification, du bénéfice de certains droits sociaux »;
84. Considérant que le chapitre II intitulé : « Du concubinage », introduit par l’article 3 de la loi déférée dans le titre XII du livre Ier du code civil, comprend un article 515-8 unique ainsi rédigé : « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple » ;
85. Considérant que cette définition a pour objet de préciser que la notion de concubinage peut s’appliquer indifféremment à un couple formé par des personnes de sexe différent ou de même sexe ; que, pour le surplus, la définition des éléments constitutifs du concubinage reprend celle donnée par la jurisprudence ; que le moyen manque donc en fait ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS D’ATTEINTES AU DROIT DE PROPRIÉTÉ :
86. Considérant que les sénateurs soutiennent, en premier lieu, que la loi obligerait les partenaires d’un pacte civil de solidarité à demeurer dans l’indivision, ce qui porterait atteinte au droit de propriété ; que la présomption d’indivision prévue par l’article 515-5 du code civil serait, en elle-même, de nature à « entamer le droit de propriété » des partenaires ; qu’ils affirment, en deuxième lieu, que cette même indivision méconnaîtrait les droits des créanciers ; qu’en troisième lieu, l’article 14 de la loi qui prévoit la continuation du bail, dans certaines hypothèses, au profit du partenaire lié au preneur par un pacte civil de solidarité, sans qu’aucune condition de durée du pacte ne soit fixée, ni aucune durée de cohabitation préalable exigée, mettrait en cause l’équilibre entre les droits des bailleurs et ceux des preneurs ;
87. Considérant, en premier lieu, que, lorsque les biens acquis à titre onéreux par les partenaires d’un pacte civil de solidarité postérieurement à la conclusion de ce pacte entrent dans l’indivision dans les conditions prévues par l’article 515-5 nouveau du code civil, chaque partenaire, qui a la qualité d’indivisaire, peut, à tout moment, provoquer le partage des biens indivis, nul ne pouvant être contraint, en application des dispositions de l’article 815 du code civil, à demeurer dans l’indivision ; qu’en second lieu, il résulte des dispositions de l’article 815-17 du même code que les créanciers qui, avant l’indivision, auraient pu agir sur les biens indivis, ainsi que ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion de ces biens, peuvent poursuivre leur saisie et leur vente ; qu’en application du même article, les créanciers personnels d’un indivisaire ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par celui-ci ;
88. Considérant que, sous réserve de cette interprétation, il n’est porté atteinte ni au droit de propriété des partenaires du pacte, ni à celui de leurs créanciers ; qu’en toute hypothèse, les partenaires, s’ils veulent éviter les effets juridiques attachés au régime de l’indivision et, en particulier, les difficultés de gestion auxquelles il peut conduire, pourront librement choisir, dans les conditions précédemment exposées, de soumettre à un autre régime l’ensemble des biens qu’ils viendraient à acquérir à titre onéreux après la conclusion du pacte ;
89. Considérant, enfin, que le législateur a pu, sans porter aux intérêts du bailleur une atteinte violant par sa gravité son droit de propriété, étendre au profit de la personne liée au locataire par un pacte civil de solidarité le bénéfice de la continuation du contrat de location en cas d’abandon du domicile par le locataire et celui du transfert du contrat en cas de décès ; qu’au demeurant, la continuation et le transfert du bail sont d’ores et déjà prévus par les articles 14 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée au profit du conjoint ou du concubin notoire ; que le partenaire lié au bailleur par un pacte civil de solidarité bénéficie, pour sa part, en application de l’article 14 de la loi déférée, d’un traitement identique à celui réservé au conjoint ou au concubin notoire en matière de congé donné au locataire par le bailleur ; que le dispositif critiqué par les requérants ne méconnaît aucun principe de valeur constitutionnelle ;
90. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, d’examiner d’office aucune question de conformité à la Constitution ;
91. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves et compte tenu des précisions ci-dessus énoncées, et qui portent notamment sur la condition de vie commune des personnes liées par un pacte civil de solidarité, sur la nullité absolue du pacte en cas de non respect des dispositions de l’article 515-2 du code civil, sur la nature de la preuve contraire permettant d’écarter les présomptions d’indivision instaurées par l’article 515-5 du code civil, sur le régime de l’indivision, sur l’interprétation des dispositions en vigueur comportant les mentions de « célibataire » et de « vie maritale », sur le caractère obligatoire de l’aide mutuelle et matérielle que se doivent les personnes liées par un pacte, sur l’accès des tiers aux différents registres d’inscription des pactes, sur le respect de la vie privée des cocontractants et sur le droit du partenaire à réparation en cas de faute tenant aux conditions de la rupture unilatérale du pacte, les articles 1er à 7 et 13 à 15 de la loi relative au pacte civil de solidarité doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Est déclaré irrecevable le mémoire de Monsieur Claude GOASGUEN, député.
Article 2 :
Sont déclarés conformes à la Constitution, sous les réserves et compte tenu des précisions ci-dessus énoncées, les articles 1er à 7 et 13 à 15 de la loi relative au pacte civil de solidarité.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 novembre 1999, présidée par M. Yves GUÉNA et où siégeaient : MM. Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

Issue de plusieurs initiatives parlementaires, la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité a été définitivement adoptée le 13 octobre 1999.

Ce texte tend à permettre à deux personnes qui vivent ensemble sans être mariées d’organiser leur vie commune. Compte tenu du développement de l’union libre dans notre société, les parlementaires ont, en effet, entendu donner aux couples, hétérosexuels ou homosexuels, ayant une certaine stabilité, la possibilité de définir dans un cadre contractuel les arrangements matériels qu’implique nécessairement une cohabitation durable.

Le cadre contractuel ainsi défini est d’une nature radicalement différente de l’institution du mariage. A la différence de celle-ci, le pacte civil de solidarité a essentiellement pour objet de définir des droits et obligations à caractère patrimonial. Il ne peut être assimilé à l’engagement moral que comporte le lien matrimonial et, à la différence de ce dernier, est dépourvu de tout effet en ce qui concerne tant la filiation des éventuels enfants des partenaires que la vocation héréditaire d’un des cocontractants vis-à-vis de l’autre.

Toutefois, et dès lors que la vie du couple se trouve ainsi inscrite dans un cadre juridique, le législateur a entendu y attacher des effets de droit pour l’application de certaines législations, notamment en matière fiscale.

Ce texte a été déféré au Conseil constitutionnel, d’une part, par plus de soixante députés, d’autre part, par plus de soixante sénateurs, qui l’estiment contraire à la Constitution sur plusieurs points. Les requérants adressent à la loi adoptée de nombreuses critiques, qu’il paraît possible de regrouper en distinguant la procédure d’élaboration de la loi, l’exercice par le législateur de sa compétence, les conditions de conclusion du pacte civil de solidarité, son régime juridique au regard du droit civil et du droit fiscal et enfin les conditions de sa dissolution.

En outre, le texte est également critiqué, en tant qu’il comporte une définition du concubinage.

Ces deux recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I – Sur le respect des règles encadrant l’initiative des lois

A/ Les requérants contestent à cet égard la procédure d’élaboration de la loi, à un double titre.

1) Ils mettent d’abord en cause sa conformité au règlement de l’Assemblée nationale.

L’examen du texte contesté, qui a commencé à l’Assemblée nationale le 3 novembre 1998, avait été précédé de débats sur un texte d’inspiration comparable, tendant également à conférer un statut légal aux couples non mariés. Ces débats avaient cependant pris fin avec l’adoption d’une exception d’irrecevabilité, laquelle avait entraîné le rejet de ce premier texte.

Estimant que la nouvelle proposition examinée par le Parlement n’était, en réalité, que la reproduction de la précédente, les requérants en déduisent que son examen, puis son adoption, n’ont pu avoir lieu qu’en violation des dispositions du 4 de l’article 91 du règlement de l’Assemblée nationale, d’où il résulte que l’adoption d’une exception d’irrecevabilité signifie que le texte est contraire à la Constitution, et de celles du 3 de l’article 84 du même règlement, aux termes duquel « les propositions repoussées par l’Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d’un an ». Ils y voient « un véritable détournement de procédure au regard du contrôle de constitutionnalité », ainsi qu’une violation de l’article 34 de la Constitution.

2) Les auteurs des saisines font par ailleurs valoir que la proposition de loi aurait dû être déclarée irrecevable, au regard des règles encadrant l’initiative des lois en matière financière.

Ils estiment, en effet, que l’adoption du texte entraînera, à travers les avantages fiscaux et sociaux qu’il a pour effet d’accorder, d’importantes diminutions de ressources publiques, sans que la compensation prévue soit réelle et suffisante. Les députés requérants considèrent également que les modalités d’enregistrement du pacte civil de solidarité sont de nature à aggraver les charges publiques.

Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent en outre que les dispositions de l’article 7 de la loi, qui accordent la qualité d’ayant droit à la personne liée à un assuré social par un pacte, ont été adoptées en méconnaissance des exigences du 4° alinéa de l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959, relatif au domaine des lois de finances.

B/ Pour sa part, le Gouvernement considère que la loi adoptée ne s’expose à aucune de ces critiques.

1) En premier lieu, l’argumentation tirée du règlement de l’Assemblée nationale est inopérante.

En effet, et ainsi que le reconnaissent les auteurs des saisines, les règlements des assemblées n’ont pas, par eux-mêmes, valeur constitutionnelle. Cette jurisprudence constante a notamment été rappelée, à propos des règles régissant la recevabilité des initiatives parlementaires, par la décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994.

Ce n’est que dans la mesure où la disposition invoquée ne ferait qu’exprimer une règle constitutionnelle que celle-ci pourrait être utilement invoquée. Or en l’espèce, le principe est, au contraire, celui exprimé par le 1er alinéa de l’article 39 de la Constitution, aux termes duquel « l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement ». Le pouvoir d’initiative des parlementaires n’étant pas soumis à d’autres limites que celles résultant des article 40 et 41 de la Constitution, le règlement de l’Assemblée nationale ne saurait recevoir une interprétation contraire à celle-ci, et on voit mal comment l’article 34, dont se prévalent les députés requérants, pourrait être utilement invoqué au soutien de leur moyen.

2) En second lieu, l’argumentation tirée des règles encadrant l’initiative des lois en matière financière n’est pas davantage fondée.

S’agissant des dispositions de l’article 40 de la Constitution, le bureau de la commission des finances de l’Assemblée nationale, saisi en application du 2° alinéa de l’article 92 du règlement de cette Assemblée, a estimé qu’elles n’étaient pas applicables à la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, ainsi qu’il ressort des indications fournies aux députés à l’ouverture de la séance du 3 novembre 1998.

a) On observera d’abord qu’il l’a fait à bon droit.

D’une part, la proposition comportait un article 12 prévoyant de compenser les diminutions de recettes fiscales et de cotisations sociales, respectivement, par une majoration des droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 A et 885 U. La rédaction ainsi adoptée l’a été en parfaite conformité avec les critères retenus en la matière, tels qu’ils ont été résumés, en dernier lieu, dans le rapport d’information présenté en 1994 par M. Jacques Barrot, alors président de la commission des finances de l’Assemblée nationale (rapport n° 1273 enregistré le 25 mai 1994, notamment p. 63 et s.).

D’autre part, le texte déposé ne comportait, contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, aucune incidence directe sur les charges publiques. L’on ne saurait, en effet, sérieusement soutenir – sauf à faire prévaloir une conception particulièrement restrictive du pouvoir d’initiative consacré par l’article 39 – que l’article 40 interdit aux parlementaires de proposer des mesures susceptibles d’avoir des incidences indirectes en termes de coût de fonctionnement pour les administrations ou les juridictions.

b) Cela étant, on peut s’interroger sur le caractère opérant d’un tel moyen à l’égard du texte, tel qu’il a été finalement adopté. Si les mesures de compensation figurant à l’article 12 de la proposition n’avaient pas été suffisantes, l’irrecevabilité qui en aurait résulté n’aurait affecté que les articles ayant une incidence financière, et non pas la proposition dans son ensemble, dans la mesure où ces articles sont dissociables du reste du texte (n° 77-91 DC du 18 janvier 1978). La proposition de loi serait donc restée recevable pour le surplus, et aurait régulièrement été enregistrée et mise en discussion.

Dès lors que l’appréciation portée par les autorités parlementaires au regard de l’article 40 ne pouvait ainsi, en tout état de cause, faire obstacle à l’examen de la proposition, on peut se demander si la contestation des articles en cause, théoriquement opérante au moment où s’engage la discussion du texte, conserve encore un objet, à partir du moment où le Gouvernement accepte la suppression de ces gages. Il importe, en effet, de ne pas perdre de vue la portée exacte de l’article 40, qui a essentiellement pour objet d’encadrer l’initiative des parlementaires en matière financière en les plaçant en face de leurs responsabilités, et qui ne saurait avoir pour effet de limiter celle du Gouvernement. Les interdictions que comporte cet article ne s’adressant pas au Gouvernement, celui-ci peut toujours faire connaître son assentiment à l’initiative ainsi prise en supprimant les gages, c’est-à-dire en reprenant à son compte les articles ayant une incidence financière. L’adoption d’un tel amendement peut donc être regardé comme levant tout obstacle au regard de l’article 40.

La faculté ainsi reconnue au Gouvernement a été, en l’espèce, utilisée par lui le 8 décembre 1998, lors de l’examen et de la suppression de l’article 12. Il est donc permis de penser qu’à les supposer même fondées au départ, les critiques dirigées contre cet article, et tenant au caractère réel et suffisant des compensations qu’il avait auparavant prévues, se trouveraient ainsi privées de portée utile, dès lors qu’il ne figure plus dans la loi.

S’agissant enfin de l’invocation, par les sénateurs requérants, de l’article 1er de l’ordonnance organique relative aux lois de finances, elle est, en tout état de cause, inopérante, dans la mesure où l’article 7 qu’ils critiquent ne concerne pas les charges de l’Etat.

II – Sur l’exercice de sa compétence par le législateur

A/ La loi relative au pacte civil de solidarité introduit neuf nouveaux articles dans le code civil, dont huit tendant à définir précisément les conditions de conclusion et de rupture du pacte et le régime juridique qui lui est applicable. Elle comporte, en outre, des dispositions s’insérant dans d’autres codes, notamment le code général des impôts et celui de la sécurité sociale, afin de préciser les conséquences de la conclusion de ce nouveau type de contrat sur l’application de ces différentes législations.

Les parlementaires requérants estiment cependant que le législateur est demeuré en deçà de sa compétence, s’en remettant ainsi, selon eux de manière excessive, au pouvoir réglementaire ou au juge.

Selon les députés, auteurs de la première saisine, la loi aurait dû préciser si les dispositions qui déterminent le régime du pacte civil de solidarité et du concubinage ont un caractère impératif ou facultatif et si certaines d’entre elles sont d’ordre public. Ils estiment que ni la nature, ni l’objet du pacte civil de solidarité, ni la nature des liens pouvant unir les partenaires, ni le statut de ceux-ci, n’ont été déterminés. Ils font grief au nouvel article 515-4 de ne pas prévoir la nature ni l’étendue de l’aide mutuelle, de ne pas en préciser le caractère d’ordre public, et de n’avoir prévu aucun contrôle juridictionnel préalable. Ils reprochent également à l’article 515-4 qui institue une solidarité pour certaines dettes de ne comporter aucune réserve de protection d’un partenaire contre les éventuels excès de l’autre. Ils ajoutent que les conditions d’extinction du pacte civil de solidarité ne garantissent pas les droits des partenaires. Enfin, les députés requérants soutiennent que la loi aurait dû fixer des limites au nombre de pactes pouvant être souscrits successivement par une même personne et comporter des conditions de délai et de durée.

Le recours des sénateurs fait en outre grief au texte de ne prévoir ni garanties contre les atteintes à la vie privée, ni précisions sur la filiation, l’autorité parentale, l’adoption et la procréation médicalement assistée.

B/ Cette argumentation procède d’une conception erronée des pouvoirs du législateur en la matière.

1) On soulignera, en premier lieu, que la compétence du législateur est définie en l’espèce par les dispositions de l’article 34 de la Constitution relatives aux principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales et que le principe, en la matière, est celui de la liberté contractuelle.

En effet, et ainsi que l’indique l’article 515-1 nouveau du code civil, le pacte civil de solidarité est un contrat.

La loi a pour objet essentiel de définir cette catégorie particulière de conventions, comme elle l’a déjà fait dans de très nombreux domaines (contrat d’association, contrat de société, contrat de travail, contrat de bail…). Pour ce faire, elle précise l’objet du contrat. Elle fixe les modalités de formation et de dissolution du lien contractuel. Elle attache enfin au contrat légalement formé un certain nombre de conséquences juridiques, tant dans les relations entre cocontractants que dans les rapports de ceux-ci avec des tiers.

L’objet du contrat est d’organiser les relations entre deux personnes qui ont une communauté de vie et qui entendent s’apporter mutuellement un soutien matériel (article 515-4 nouveau du code civil).

La communauté de vie implique une résidence commune, ainsi que l’affirme l’article 515-3 nouveau du code civil.

La conclusion d’un pacte civil de solidarité par deux personnes suppose qu’il existe entre elles des liens étroits. La loi n’oblige pas les pactisants à avoir entre eux des relations sexuelles, contrairement au mariage qui impose une communauté de vie impliquant une relation charnelle. A fortiori, elle ne pose pas d’obligation de fidélité mutuelle.

Pour autant, le législateur n’a pas ignoré que, dans la grande majorité des cas, la vie commune de deux personnes liées par un pacte civil de solidarité comporterait un élément sexuel. C’est en raison de la forte probabilité de tels liens que le législateur a interdit la conclusion d’un pacte civil de solidarité entre certaines catégories de personnes.

Dans tous les domaines où le législateur n’a pas fixé de règles impératives, les personnes liées par un pacte pourront déterminer librement le contenu de celui-ci, conformément au principe de liberté contractuelle découlant de l’article 1134 du code civil, et sous réserve de respecter l’ordre public (article 6 du code civil).

Au regard de l’objet du texte et de la norme de référence que constitue la notion de principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, la Constitution n’imposait pas au législateur d’en dire davantage.

2) En deuxième lieu, l’étendue de cette compétence ne saurait être affectée par l’analogie, à laquelle les requérants tentent de se livrer, avec l’institution du mariage. Celle-ci concernant l’état des personnes, l’article 34 assigne au Parlement une compétence spécifique lorsqu’il entend régir cette matière. Mais tel n’est nullement le cas du pacte civil de solidarité qui a, comme on l’a déjà souligné, une nature exclusivement contractuelle. Il se différencie fortement en cela du mariage. A cet égard, la conclusion d’un pacte civil de solidarité n’a, en particulier, aucun effet sur le statut des personnes concernées au regard de l’état civil. Contrairement au mariage et au divorce, le pacte ne donne pas lieu à une mention en marge de l’acte de naissance.

Il est clair, à cet égard, que des personnes liées par un pacte civil de solidarité ne peuvent pas, dans le silence de la loi, être assimilées à des personnes mariées. Une telle assimilation ne sera possible, au regard d’autres législations, que si le législateur l’a expressément prévu.

C’est ainsi que le III de l’article 4 de la loi dispose qu’en matière d’impôt sur le revenu et d’impôts directs locaux, les dispositions concernant les personnes mariées seront applicables aux personnes ayant conclu un pacte si celles-ci font l’objet d’une imposition commune, c’est-à-dire si elles remplissent la condition de trois ans fixée au I du même article.

Quant aux personnes liées par un pacte enregistré depuis moins de trois ans, elles entreront nécessairement dans la catégorie des « personnes célibataires, veuves ou divorcées », pour l’application des textes fiscaux qui n’envisagent que ces différentes catégories, à côté de celle des couples mariés.

3) En troisième lieu, la loi déférée ne peut davantage être utilement critiquée au motif qu’elle ne précise pas comment seront considérés les partenaires d’un pacte au regard des diverses législations dont l’application conduit à qualifier des personnes de concubins ou de célibataires. Ces diverses législations leur seront ou non applicables en fonction de leur objet et des critères qu’elles retiennent.

A cet égard, il convient de souligner que, lorsque des textes ne font pas référence exclusivement au mariage mais prennent en compte la situation de fait que constitue le concubinage (ou, comme cela est parfois écrit, le fait de « vivre maritalement »), il y a lieu, en principe, d’assimiler la situation des personnes liées par un pacte civil de solidarité à celle des personnes vivant en concubinage, sans que l’on puisse utilement reprocher à la loi déférée de n’avoir pas expressément pris parti sur ce point.

En effet, le concubinage est défini par l’article 515-8 nouveau du code civil, issu de l’article 3 de la loi, comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Dans la mesure où le pacte civil de solidarité a pour objet d’organiser la vie commune de deux personnes qui résident en un même lieu et se doivent une aide mutuelle et matérielle, la situation de fait qui existe entre ces deux personnes correspond normalement à la définition du concubinage, à cette différence près que le pacte vient inscrire cette situation de fait dans des rapports de droit.

Par conséquent, lorsqu’un texte législatif ne fait pas expressément référence aux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité mais qu’il opère, en revanche, une distinction entre les personnes célibataires ou isolées, d’une part, et les personnes vivant « en couple », d’autre part (quelle que soit l’expression employée : « concubins », « personnes vivant maritalement »), les partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité se trouveront nécessairement dans la seconde catégorie puisque le pacte comporte un engagement de vie commune.

Ainsi, par exemple, l’article L 339 du code de la santé publique donne qualité à la personne vivant en concubinage avec un malade mental pour requérir la levée de l’hospitalisation effectuée à la demande d’un tiers. Les personnes liées par un pacte civil de solidarité se trouveront, au regard de ces dispositions, dans une situation de fait correspondant au concubinage.

Il n’est donc pas nécessaire que la loi vienne préciser comment doivent être considérées les personnes liées par un pacte civil de solidarité au regard des diverses dispositions législatives qui emploient le mot « célibataire », lequel ne figure d’ailleurs pas dans le code civil et n’a pas d’acception juridique univoque (signifiant tantôt « personne non mariée », tantôt « personne ne vivant pas en couple »). Il suffit d’appliquer les règles d’interprétation qui découlent nécessairement de la loi définissant le pacte civil de solidarité :

— les personnes liées par un pacte civil de solidarité ne sont pas des personnes mariées et elles ne peuvent, par conséquent, bénéficier des droits ouverts aux couples mariés que si le texte définissant ces droits le prévoit expressément ;

— les personnes liées par un pacte civil de solidarité se trouvent en principe dans une situation correspondant à celle des personnes « vivant maritalement » ou « en situation de concubinage » ; par conséquent, à chaque fois qu’un texte établit une différence entre « ceux qui vivent en couple » et ceux « qui vivent seuls » (que ces derniers soient définis comme des « personnes isolées » ou des « célibataires »), il y a lieu de les assimiler à la première catégorie.

En d’autres termes, ces différentes questions trouveront normalement leur solution en application des règles régissant l’interprétation des lois, et le législateur n’est pas, en l’espèce, resté en deçà de la compétence que lui assigne l’article 34 de la Constitution en ne fournissant pas, dans la présente loi, une grille exhaustive d’interprétation pour d’autres textes.

4) Enfin, les autres griefs tenant au fait que le législateur serait resté en deçà de sa compétence n’appellent que de brèves observations :

a) C’est à tort que les requérants invoquent un défaut de précision de la loi quant au caractère impératif ou non des nouvelles dispositions du chapitre 1er du titre XII nouveau du code civil relatives au pacte civil de solidarité. La loi ne comporte, en effet, aucune ambiguïté : il résulte des termes mêmes de son article 1er, qui édicte ces dispositions, qu’elles ont un caractère impératif, à l’exception de celles relatives à l’indivision.

Ainsi, par exemple, les partenaires liés par un pacte sont tenus, aux termes du premier alinéa de l’article 515-4 nouveau du code civil, de s’apporter une aide mutuelle et matérielle. Ils ne peuvent échapper à cette obligation. Toute clause figurant dans un pacte par laquelle ils tenteraient de s’en exonérer serait sans effet devant les juridictions en cas de contentieux les opposant l’un à l’autre. De même, si un pacte conclu entre deux personnes ne comporte, contrairement à la loi, aucune clause fixant les modalités de l’aide mutuelle, il appartiendra au juge, en cas de conflit, d’en délimiter les contours, comme il l’a fait en ce qui concerne le devoir de secours prévu par l’article 212 du code civil.

A l’inverse, il ressort de la lettre même de l’article 515-5 nouveau du code civil que les dispositions concernant le régime d’indivision des biens acquis par des personnes liées par un pacte présentent un caractère supplétif. Les partenaires sont libres de s’en écarter dans le pacte qu’ils souscrivent. Ce n’est qu’à défaut de stipulations contraires qu’il trouve à s’appliquer.

b) La loi n’exige pas que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité aient un domicile commun mais elle leur impose une résidence commune.

Le domicile est une notion juridique, définie aux articles 102 à 111 du code civil. Il s’agit du lieu du principal établissement d’une personne. C’est là qu’elle fixe le centre de ses intérêts et peut être régulièrement jointe dans les actes de la vie civile et professionnelle. Une personne ne peut avoir simultanément plusieurs domiciles. Enfin, le domicile n’est pas forcément le lieu où la personne habite.

La résidence est, à l’inverse, une notion de fait. C’est l’endroit où une personne vit habituellement. Une même personne peut avoir plusieurs résidences en même temps.

Le code civil oblige les époux à disposer d’une résidence commune (article 215 du code civil). Il leur permet, en revanche, d’avoir des domiciles, notamment professionnels, distincts.

Les personnes liées par un pacte civil de solidarité se trouveront dans une situation identique. Elles devront disposer d’une résidence commune mais pourront avoir des domiciles séparés.

c) Si la loi ne « détermine pas les règles applicables en matière de parentalité et notamment de paternité en cas d’enfant » (saisine des députés), c’est précisément que la conclusion d’un pacte civil de solidarité est dépourvue d’effet en ce domaine.

d) La disposition selon laquelle « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun » se suffit à elle-même et n’appelait pas de précisions complémentaires de la part du législateur.

La notion de « besoins de la vie courante » figure d’ores et déjà à l’article 220 du code civil. La jurisprudence en a clairement défini les contours. Cette notion couvre les dettes, contractuelles ou non contractuelles, liées aux actes habituels de la vie (achat de nourriture et de vêtements, dépenses de transport, acquisition et entretien d’une automobile). En sont exclues les dépenses manifestement excessives eu égard au train de vie de personnes concernées.

Quant à la notion de « dépenses relatives au logement commun », elle ne présente aucune difficulté d’interprétation.

e) Enfin, on ne voit pas pour quelle raison la loi aurait dû fixer une limite au nombre de pactes pouvant être successivement souscrits par une même personne. A cet égard, on remarquera que, même pour une institution comme le mariage, le code civil ne fixe aucune limite quant au nombre de mariages pouvant être successivement contractés par une même personne. On ne voit pas, non plus, pourquoi le législateur aurait dû prévoir un délai entre la dissolution d’un pacte et la conclusion d’un nouveau.

Rappelons à cet égard, que si un délai de 300 jours entre la dissolution d’un mariage et le remariage est imposé à la femme, c’est en vue d’éviter des difficultés quant à la détermination de la paternité en cas d’accouchement durant cette période.

III – Sur les conditions de conclusion du pacte civil de solidarité

A/ Le pacte civil de solidarité est un contrat qui a pour objet, comme le précise le nouvel article 515-1 introduit dans le code civil par l’article 1er de la loi déférée, d’organiser la vie commune de deux personnes qui ont choisi de contracter à cette fin.

L’article 515-2 énonce un certain nombre d’empêchements, tendant à interdire la conclusion d’un pacte civil de solidarité entre certains types de personnes. Par ailleurs, l’article 515-3 définit les modalités d’enregistrement de la déclaration conjointe qui doit être faite au greffe du tribunal d’instance ou, le cas échéant, auprès des agents diplomatiques et consulaires.

Cet article 515-3 prévoit que les personnes ayant conclu entre elles une convention à laquelle elles souhaitent faire produire les effets d’un pacte civil de solidarité doivent transmettre au greffe du tribunal d’instance les deux originaux de cette convention destinés, conformément à l’article 1325 du code civil à chacun des deux signataires. Elles doivent aussi produire les pièces d’état civil permettant de vérifier qu’aucun signataire n’est engagé dans les liens du mariage et qu’il n’existe pas entre eux des liens de famille empêchant la conclusion d’un pacte. Chaque signataire doit également produire un certificat, délivré par le greffe du tribunal d’instance de son lieu de naissance, pour attester qu’il n’est pas partie à un pacte civil de solidarité en cours de validité.

Pour contester ces dispositions, les sénateurs requérants invoquent la méconnaissance du principe d’égalité par les dispositions relatives aux empêchements qui ne reposent, selon eux, sur aucune justification, qu’il s’agisse des prohibitions liées à la parenté ou à l’alliance, ou de celles frappant les mineurs émancipés. Ces dispositions méconnaîtraient également la liberté contractuelle, qu’ils déduisent des dispositions de l’article 1123 du code civil.

Par ailleurs, la saisine des sénateurs conteste, tout comme celle des députés, les modalités d’enregistrement et de publicité prévues par la loi, en soutenant notamment qu’elles portent atteinte au respect de la vie privée.

B/ Ces moyens ne sont pas fondés.

1) S’agissant d’abord des empêchements édictés par le législateur, ils sont justifiés par des motifs d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi.

a) En premier lieu, les mineurs ne pourront pas conclure de pacte civil de solidarité. Il est en effet normal que les personnes n’ayant pas la libre disposition de leurs biens ne puissent souscrire un engagement dont l’objet principal est d’organiser les relations patrimoniales entre deux individus.

A cet égard, les sénateurs font grief à la loi de ne pas autoriser les mineurs émancipés à souscrire un tel engagement.

Il est vrai que l’article 481 du code civil prévoit qu’un mineur émancipé a la même capacité juridique qu’un majeur. Toutefois, cette règle connaît des exceptions :

— le mineur émancipé ne peut se marier, ni consentir à se faire adopter, sans l’autorisation de ses parents (article 481 du code civil) ;

— il ne peut être commerçant (article 487 du code civil).

Ces exceptions sont fondées sur un souci de protection de l’intéressé. C’est un motif de même nature qui a conduit le législateur à écarter la possibilité pour les mineurs émancipés de souscrire un pacte civil de solidarité, compte tenu de la grande liberté laissée aux cocontractants pour déterminer l’organisation matérielle de leur vie commune et des conséquences patrimoniales importantes pouvant en résulter.

b) En second lieu, et ainsi qu’il a été dit plus haut, le pacte civil de solidarité a pour objet d’organiser, sur un plan matériel, les rapports entre deux personnes qui vivent en commun. La loi n’attache donc pas à la conclusion d’un pacte des conséquences autres que matérielles. En particulier, elle n’implique pas nécessairement des relations sexuelles entre les partenaires.

Le législateur a cependant bien été conscient que, dans la plupart des cas, cette nouvelle catégorie de contrat sera conclue entre deux adultes partageant un même lit. Il a donc entendu éviter qu’elle soit utilisée pour tourner les règles et, en particulier, les interdictions, applicables au mariage. C’est pourquoi il a prévu qu’un pacte ne pourra pas être passé, notamment :

— entre ascendants et descendants en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus ;

— entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage ;

La première prohibition a pour objet d’éviter que le pacte civil de solidarité ne permette d’institutionnaliser l’inceste et, plus généralement, de tourner les empêchement existant en matière de mariage.

La seconde tient compte de l’existence, dans le régime du mariage, du devoir de fidélité, de secours et d’assistance que se doivent les époux. Le législateur a voulu que le pacte civil de solidarité ne puisse pas être utilisé pour couvrir juridiquement des relations adultérines.

Lors de l’enregistrement d’un pacte au greffe du tribunal d’instance, les partenaires devront produire les pièces permettant au greffier de vérifier que ces différentes interdictions sont respectées. A défaut de production de ces pièces, l’enregistrement ne pourra avoir lieu.

Par ailleurs, si, malgré la procédure de vérification préalable au moment de l’enregistrement, un pacte violant les interdictions énoncées à l’article 515-12 du nouveau code civil venait à être enregistré, notamment en raison d’une fraude des déclarants, il serait frappé de nullité absolue.

En effet, ces interdictions intéressent l’ordre public. Dans de tels cas, le ministère public pourra toujours demander au juge compétent de prononcer l’annulation du pacte, conformément à la règle posée par l’article 423 du nouveau code de procédure civile.

2) Les requérants ne sont pas davantage fondés à critiquer les modalités retenues pour l’enregistrement du pacte.

Au vu des pièces d’état civil et des certificats des tribunaux d’instance, le greffier s’assurera que les déclarants sont tous deux majeurs et que les conditions posées par l’article 515-2 nouveau du code civil sont bien respectées.

Le greffier vérifiera en outre l’existence d’une convention mais sans en contrôler le contenu.

A cet égard, le fait que la convention contienne des clauses violant des dispositions impératives de la loi (par exemple, une clause déliant chacun des partenaires de tout devoir d’aide matérielle à l’égard de l’autre) ne constituera pas une cause de refus d’enregistrement. Simplement, les clauses en question seront frappées de nullité relative, c’est-à-dire qu’un partenaire ne pourra pas les invoquer utilement devant un juge pour s’exonérer des obligations mises à sa charge par la loi.

Une fois les vérifications effectuées, le greffier apposera son visa et datera les deux exemplaires originaux de la convention. Il restituera ces exemplaires aux signataires et n’en conservera pas de copie. En revanche, il mentionnera l’existence du pacte sur un registre ad hoc, tenu au greffe du tribunal d’instance, et transmettra les informations au tribunal d’instance du lieu de naissance de chacun des intéressés afin que les registres ad hoc de ces deux juridictions soient mis à jour.

L’enregistrement du pacte conférera à celui-ci date certaine et le rendra opposable aux tiers. Sur ce point, la formulation figurant au 6e alinéa du nouvel article 515-3 du code civil se borne à faire application du principe général énoncé à l’article 1328 du même code.

Toute modification du contenu de la convention devra, pour être opposable aux tiers, faire l’objet d’une déclaration auprès du tribunal d’instance ayant initialement enregistré le pacte civil de solidarité.

Pour autant, l’on ne peut sérieusement soutenir que les modalités ainsi retenues porteraient atteinte à la vie privée des partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Deux personnes qui vivent ensemble peuvent naturellement choisir de ne pas faire produire à leur union d’effets juridiques à l’égard des tiers. S’ils décident en revanche de le faire, il est normal que la loi institue un minimum de formalités permettant de tenir compte des droits des tiers. Ce faisant, le législateur se borne à concilier les diverses exigences qui s’imposent à lui.

IV – Sur les règles applicables aux obligations des partenaires liés par un pacte civil de solidarité et au régime de leurs biens.

A/ L’objet du pacte civil de solidarité étant, comme le précise le nouvel article 515-1, de permettre à deux personnes de conclure un contrat en vue d’organiser leur vie commune dans un esprit de solidarité, la loi précise, dans les articles suivants, les modalités de cette solidarité.

C’est ainsi que l’article 515-4 pose le principe d’une aide mutuelle et matérielle, tout en chargeant les contractants d’en préciser les modalités. Le même article institue également une solidarité des partenaires à l’égard des tiers pour les dettes contractées par l’un deux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun.

Par ailleurs, l’article 515-5 précise le régime des biens acquis par les partenaires d’un pacte civil de solidarité : le contrat devra préciser s’ils entendent soumettre les meubles meublants acquis par les partenaires au régime de l’indivision ; à défaut ils seront présumés indivis par moitié. Les autres biens seront également indivis par moitié si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose pas autrement.

Pour contester ces dispositions, les sénateurs invoquent une méconnaissance du droit de propriété. Ce droit serait méconnu par l’obligation, que la loi ferait aux partenaires, de demeurer dans l’indivision. En outre, la présomption d’indivision pesant sur les meubles dont la date d’acquisition ne peut être déterminée porterait atteinte au droit de propriété d’un des partenaires. Il en irait de même pour les autres biens, en l’absence de clause dans l’acte d’acquisition. Les requérants soutiennent également que la loi porte atteinte aux droits des créanciers en les empêchant de poursuivre une créance sur l’un des partenaires sans se heurter au régime prévu par la loi.

B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra faire droit à cette argumentation.

1) En premier lieu, il convient de souligner qu’au regard du régime de l’indivision, le nouvel article 515-5 du code civil présente un caractère supplétif.

Les signataires d’un pacte civil de solidarité pourront librement organiser leurs relations patrimoniales dans le cadre de la convention conclue entre eux avant l’enregistrement du pacte, sous réserve de respecter l’ordre public. Ils pourront, en particulier, choisir le régime conventionnel d’indivision régi par les articles 1873-2 et suivants du code civil, en respectant notamment les formalités de publicité foncière prescrites par cet article si leur convention porte sur des biens immobiliers indivis.

Ce n’est que lorsque la convention sera muette sur l’organisation patrimoniale des partenaires, que leurs biens seront soumis au régime résumé plus haut, fixé par l’article 515-5 nouveau du code civil.

C’est ainsi que, pour les biens immobiliers situés en France, le contenu de l’acte d’acquisition, qui, pour la publicité foncière, doit donner lieu à un acte notarié, permettra de déterminer dans tous les cas le régime de propriété du bien ainsi que, le cas échéant, la quote-part attribuée à chacun. En revanche, en ce qui concerne les biens immobiliers situés à l’étranger, la présomption d’indivision par moitié pourra jouer lorsque l’acte d’acquisition ne comportera pas d’énonciation permettant de déterminer le régime du bien.

Les présomptions définies par la loi sont des présomptions simples. Elles peuvent être écartées dès lors qu’existe une preuve contraire. Elles peuvent également être écartées par voie conventionnelle.

Contrairement à ce qui est soutenu dans la saisine des sénateurs, il n’est nullement dérogé à la règle posée par l’article 815 du code civil, selon laquelle « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision » cette règle n’ayant d’ailleurs pas valeur constitutionnelle.

Il est donc clair que les partenaires d’un pacte civil de solidarité pourront, à tout moment, décider de sortir de l’indivision d’un commun accord.

D’une part, ils pourront, en modifiant le contenu de leur convention initiale, changer pour l’avenir le régime des biens acquis en commun.

D’autre part, ils pourront décider le partage des biens acquis par le passé sous le régime de l’indivision légale, conformément aux règles de droit commun en la matière. Lorsque ce partage ne pourra pas s’effectuer d’un commun accord, les partenaires devront s’adresser au juge.

2) S’agissant, en second lieu, des droits des créanciers, le régime d’indivision ainsi prévu n’y portera nullement atteinte, pas plus que ne le fait, de manière générale, le droit commun auquel il est renvoyé.

On rappellera, à titre liminaire que, pour les dépenses liées à la vie courante et à l’entretien du logement, chacun des partenaires sera solidairement responsable des dettes contractées par l’autre.

On rappellera également qu’il n’existe actuellement, en droit français, aucun mécanisme général de publicité permettant aux créanciers de se renseigner sur la teneur et les modalités d’organisation du patrimoine de leur débiteur. La loi ou les règlements ont seulement organisé des mesures sectorielles, par exemple la publicité foncière en ce qui concerne les biens immobiliers, les mesures spécifiques sur les changements de régime matrimonial ou encore l’obligation faite aux commerçants d’assurer la publicité de leur régime matrimonial dans le registre du commerce et des sociétés (décret n° 84-406 du 30 mai 1984 modifié, articles 8, 12 et 27).

Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs, le législateur n’était nullement tenu de prévoir « une information des créanciers quant aux conclusions et ruptures du pacte civil de solidarité ». Une telle information n’existe d’ailleurs pas, actuellement, lorsque des personnes décident de passer une convention relative à l’exercice de droits indivis en application des articles 1873-1 et suivants du code civil, la seule formalité requise étant l’accomplissement des démarches de publicité foncière lorsque la convention porte sur des biens immobiliers (article 1873-2). Il n’existe pas non plus de procédure d’information spécifique des créanciers lorsqu’un homme et une femme se marient ou bien divorcent.

Quant aux modalités d’exercice des droits des créanciers à l’égard de deux personnes liées par un pacte civil de solidarité et possédant des biens en indivision, elles sont réglées par l’article 815-17 du code civil, qui s’applique au régime d’indivision légal comme au régime conventionnel (article 1873-15 du code civil).

V – Sur le régime fiscal applicable aux personnes liées par un pacte civil de solidarité

A/ Ce régime est précisé par trois articles de la loi déférée.

L’article 4 insère, dans l’article 6 du code général des impôts, des dispositions tendant à permettre, sous certaines conditions, l’imposition commune, à l’impôt sur le revenu, des personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité depuis trois ans.

L’article 5 est relatif aux droits de mutation à titre gratuit. Il crée, dans le même code, un article 777 bis précisant les taux d’imposition applicables à la part nette revenant au partenaire lié au donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité, sous réserve, s’agissant des donations, que le pacte ait été conclu depuis au moins deux ans. Le même article 5 ajoute, à l’article 779 du code général des impôts, des dispositions relatives à l’abattement appliqué à chaque part.

Enfin, l’article 6 modifie les dispositions relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune, afin d’assimiler les partenaires d’un pacte civil de solidarité à des époux, au regard des règles régissant cet impôt, et notamment de celles permettant d’apprécier le seuil d’imposition.

Selon les parlementaires requérants, ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant les charges publiques. Ils estiment, en effet, que les dispositions en cause introduisent une rupture d’égalité entre les partenaires d’un pacte civil de solidarité et les couples mariés, compte tenu des charges familiales et des devoirs spécifiques de ces derniers, ainsi qu’entre les premiers et les concubins, dans la mesure où les uns et les autres sont dans la même situation, et devraient, dès lors, bénéficier des mêmes avantages.

Les auteurs des saisines considèrent que le coût des avantages accordés aux partenaires d’un pacte civil de solidarité pèsera sur les autres contribuables, notamment les célibataires, sans qu’aucun intérêt général puisse le justifier.

B/ Pour sa part, le Gouvernement considère que les dispositions contestées sont conformes au principe d’égalité devant l’impôt.

Les choix retenus en l’espèce s’inscrivent, en effet, dans le cadre des orientations dégagées en la matière par la jurisprudence, notamment par la décision n° 81-133 DC du 30 décembre 1981 pour la définition du foyer fiscal, et par la décision n° 96-385 DC du 30 décembre 1996 pour les règles régissant le quotient familial : il en résulte que le législateur dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer les règles d’assiette et de calcul des impôts, sous réserve de fonder son appréciation, et notamment les distinctions qu’il établit, sur des critères objectifs et rationnels, et de ne pas introduire de rupture caractérisée dans l’égalité entre les contribuables.

Pour apprécier la pertinence des critères retenus, il importe de considérer l’objet de chacune des législations en cause.

1) S’agissant, en premier lieu, de l’imposition des revenus, le principe est, depuis la loi de finances pour 1946, celui de la prise en compte du foyer fiscal, lequel repose largement sur une approche socio-économique : comme le souligne le rapport présenté en 1996 par MM. Ducamin, Baconnier et Briet sur les prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages, « le quotient familial repose dans son principe sur le nombre d’unités de consommation, lui-même dépendant du nombre de personnes vivant au foyer ». A cet égard, le 11e rapport présenté en 1990 par le Conseil des impôts met bien en évidence le double aspect du mécanisme du quotient familial : d’une part, la prise en compte de la vie conjointe de deux personnes qui mettent en commun leurs ressources et leurs dépenses, d’autre part la modulation du quotient sous forme de demi-parts supplémentaires – avec un effet d’atténuation sur la progressivité de l’impôt – en fonction des charges de famille.

C’est essentiellement ce second aspect, qui constitue l’un des instruments de la politique familiale, comme le Conseil constitutionnel l’a relevé dans sa décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, qui est conçu objectivement comme un avantage. C’est bien pourquoi des mécanismes de plafonnement on été institués, et ne l’ont été que dans ce seul cas des demi-parts supplémentaires, afin d’éviter que cet avantage s’élève de manière excessive avec le niveau des revenus du foyer. En revanche le premier aspect -c’est-à-dire le principe d’une imposition commune des revenus du couple, assorti en contrepartie de l’attribution de deux parts – n’a pas pour objet d’accorder des avantages, mais essentiellement d’appréhender « l’unité socio-économique de base où les ressources sont mises en commun, où se décident la consommation et l’épargne » (rapport précité du Conseil des impôts p.230).

En d’autres termes, l’imposition commune du couple avec attribution de deux parts tend essentiellement à établir une unité d’imposition en fonction du niveau de vie, en parfaite conformité avec les exigences déduites de l’article 13 de la Déclaration de 1789, qui invite le législateur à tenir compte des facultés contributives. A cet égard, il convient de souligner que l’importance et même l’existence de l’avantage qui résulterait de ce mécanisme ne vont pas de soi. Elles dépendent, en réalité, de plusieurs facteurs : situation d’origine de deux personnes qui décident d’unir leurs vies suivant qu’auparavant chacune vivait seule ou dans sa famille, niveau et répartition des revenus respectifs. Même s’il est exact que, dans certains cas, l’application du régime prévu par l’article 4 de la loi à deux personnes qui vivaient déjà ensemble peut leur être favorable, il en ira différemment dans bien des cas, au regard des mécanismes de décote et de réduction mentionnés à l’article 197 du code général des impôts, et notamment dans tous ceux où les deux partenaires perçoivent des revenus similaires.

Il est donc inexact de prétendre, comme le font les requérants, que le quotient « conjugal » ne pourrait trouver sa justification que dans des impératifs tirés de la politique familiale, entendue comme ne pouvant concerner que les couples mariés qui, à défaut d’avoir des enfants, ont au moins vocation à en avoir. Et c’est, par suite, en vain que les requérants se fondent sur le caractère selon eux injustifié de cette mesure pour critiquer le principe de l’imposition commune des partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Quant au caractère objectif et rationnel des critères mis en oeuvre pour assimiler à cet égard ces derniers aux couples mariés, mais non les concubins, il ne peut être sérieusement contesté : pour appréhender la consistance de l’unité d’imposition que constitue le couple, il est légitime de distinguer entre la situation de fait qu’est le concubinage et l’existence de liens juridiques comme ceux qui se nouent, d’une part entre deux époux, d’autre part, à un degré évidemment moindre, entre deux partenaires d’un pacte civil de solidarité. Et l’on peut d’autant moins reprocher au législateur d’avoir assimilé ces deux catégories qu’il a précisément tenu compte de la différence entre le mariage et le pacte en exigeant, pour le second, un délai d’épreuve de trois ans qui n’est nullement prévu pour le premier.

On relèvera enfin qu’à ces éléments tirés d’une différence objective de situation, s’ajoutent, en tout état de cause, des considérations d’intérêt général : du point de vue social, il existe un intérêt peu discutable à faire en sorte que la vie commune et la solidarité entre deux personnes puissent s’organiser et se stabiliser, et à en tirer toutes les conséquences, y compris en matière fiscale.

2) En deuxième lieu, les requérants ne sont pas davantage fondés à critiquer le choix du Parlement quant au régime des droits de mutation à titre gratuit.

A cet égard, il convient de souligner que la loi ne modifie en rien les règles applicables en matière successorale. Elle n’affecte, en particulier, nullement les droits des enfants et plus généralement des héritiers réservataires. Elle se borne à prendre en compte, en ce qui concerne la détermination des abattements et des taux permettant de calculer l’impôt, le lien de droit qui caractérise la communauté de vie existant, ou ayant existé, entre le bénéficiaire et le donateur ou testateur avec lequel il a conclu un pacte civil de solidarité.

Là aussi, le législateur a pris en compte la spécificité de ce contrat en subordonnant en principe à un délai de deux ans l’application de ces taux en matière de donations.

3) En troisième lieu, et enfin, c’est en fonction d’une logique tout aussi conforme aux exigences constitutionnelles que le législateur a décidé de prendre en compte le patrimoine des deux partenaires pour apprécier le seuil et le taux d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune, tout comme il avait déjà assimilé à bon droit, au regard de l’objet spécifique de cet impôt, les concubins et les couples mariés (n° 81-133 DC du 30 décembre 1981).

VI – Sur les conditions de rupture du pacte civil de solidarité

A/ Ces conditions sont définies par les articles 515-6 et 515-7 nouveaux, introduits dans le code civil par l’article 1er de la loi déférée.

Il en résulte que, outre le cas du décès de l’un des partenaires, cette rupture peut intervenir :

— d’un commun accord ; elle prend alors effet à la date où les deux partenaires font enregistrer une déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance ;

— unilatéralement, soit que l’un des partenaires se marie, soit qu’il fasse part à l’autre de sa volonté de mettre fin au pacte. Dans le premier cas, la date d’effet de la rupture du pacte se situe le jour du mariage, dans le second cas, elle intervient trois mois après que la décision de rompre a été notifiée au partenaire. Dans tous les cas, le partenaire qui se marie ou qui veut rompre doit informer l’autre par signification d’huissier, selon les formes prescrites aux articles 653 et suivants du nouveau code de procédure civile.

Le dernier alinéa du nouvel article 515-7 du code civil prévoit que les partenaires devront normalement régler d’un commun accord les modalités de liquidation des droits et obligations résultant du pacte dissous. A défaut d’accord, le juge sera appelé à statuer sur les conséquences patrimoniales de la rupture.

Pour contester ces dispositions, les requérants font valoir qu’elles instituent une forme de répudiation contraire à la dignité de la personne humaine. Ils soutiennent également que cette faculté de rupture unilatérale méconnaît les principes régissant les contrats et ignore le sort des enfants. Ils font en outre grief à la loi de ne pas mettre en place un mécanisme de compensation.

Les sénateurs auteurs de la seconde saisine prétendent enfin qu’en cas de dissolution du pacte civil de solidarité, l’attribution préférentielle pourrait jouer en faveur des partenaires dans des conditions plus favorables que pour les époux divorcés et qu’elle pourrait, en cas de décès de l’un des partenaires, léser les ayants droit de celui-ci et avantager indûment le partenaire survivant.

B/ Aucun de ces moyens ne peut être accueilli.

1) S’agissant, en premier lieu, du raisonnement par l’analogie avec le mariage, il est inopérant.

On rappellera, en effet, que le pacte civil de solidarité n’est nullement une forme de mariage mais un contrat par lequel deux personnes vivant en commun organisent leurs relations matérielles. Sa rupture ne saurait être assimilée à un divorce, et encore moins à une répudiation. C’est d’ailleurs précisément parce qu’il n’a pas voulu introduire une assimilation entre l’institution du mariage et le pacte civil de solidarité que le législateur n’a pas subordonné à une décision judiciaire la dissolution de ce dernier. Il s’est donc borné à faire application de la règle générale selon lequel il peut être mis fin à tout moment aux conventions conclues pour une durée indéterminée.

Cette règle, qui peut se rattacher au principe de la liberté contractuelle, a été énoncée dans de nombreux arrêts de la Cour de cassation (cf., par exemple, 1re chambre civile, 5 février 1985, bull. I n° 54).

Contrairement à ce que soutiennent les députés saisissants, le fait que les dispositions relatives au pacte civil de solidarité aient été insérées dans le livre Ier du code civil est sans incidence sur l’application de cette règle.

2) En deuxième lieu, on soulignera que le législateur a encadré les modalités de rupture du pacte civil de solidarité comme pour beaucoup d’autres conventions à durée indéterminée, en précisant et en distinguant, comme il a été indiqué plus haut, les conditions de la rupture, suivant qu’elle intervient d’un commun accord ou à l’initiative d’un seul des partenaires.

3) En troisième lieu, lorsqu’il sera mis fin à un pacte civil de solidarité liant des personnes ayant des enfants en commun, les parents se trouveront dans la même situation juridique que des concubins qui mettent fin à leur vie commune. En effet, et ainsi qu’il a déjà été souligné l’existence d’un pacte civil de solidarité est totalement dépourvue d’effet en ce qui concerne les enfants que les partenaires peuvent avoir en commun ou chacun de leur côté.

Conformément au droit commun, d’éventuels litiges entre les anciens partenaires concernant la situation de leurs enfants communs devront être portés devant le juge aux affaires familiales.

4) En outre, le juge pourra allouer, le cas échéant, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi non pas du fait de la rupture elle-même, mais des conditions dans lesquelles celle-ci sera intervenue. En ce domaine, la jurisprudence bâtie par les juridictions de l’ordre judiciaire à propos du concubinage, aux termes de laquelle « si la rupture d’une union libre ne peut en principe justifier l’allocation de dommages-intérêts, il en est autrement lorsqu’il existe des circonstances de nature à établir une faute de son auteur » (Cour de cassation – 1re chambre civile – 29 novembre 1997, bull. I n° 449 ; 31 janvier 1978, bull. I n° 39 ; 30 juin 1992, bull. I n° 204), sera entièrement transposable.

5) Enfin, le moyen relatif à l’attribution préférentielle manque en fait. La loi se borne en effet à prévoir que le mécanisme d’attribution préférentielle, qui existe déjà dans le code civil pour le conjoint et les héritiers copropriétaires (c’est-à-dire en premier lieu les enfants), sera applicable en cas de dissolution du pacte civil de solidarité.

VII – Sur la définition du concubinage

A/ L’article 3 de la loi déférée introduit dans le code civil un nouvel article 518-8 ayant pour objet de donner une définition du concubinage, entendu comme étant « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

Pour contester cette disposition, les sénateurs, auteurs du second recours, font valoir qu’elle porte atteinte aux droits des concubins en exigeant une condition de stabilité et de continuité de la vie commune, dont l’appréciation pourrait priver des personnes actuellement considérées comme concubins du bénéfice des droits sociaux qui leur sont reconnus par certains textes législatifs ou réglementaires.

B/ Cette critique repose sur une interprétation inexacte de l’état du droit.

Jusqu’à l’intervention de la présente loi, la définition du concubinage ne relevait que de la jurisprudence, faute pour les textes qui utilisent cette notion d’en avoir précisé le contenu. Cette définition jurisprudentielle retenait, d’ores et déjà, le critère de stabilité et de continuité que contestent les requérants, comme le montre, par exemple, un arrêt de la 3° chambre civile de la Cour de Cassation du 17 décembre 1997 (Bull. III n° 225). Cette haute juridiction s’en tenait cependant dans cet arrêt, comme dans ceux qu’avait auparavant rendus sa chambre sociale le 11 juillet 1989 (Bull V n° 514), à une condition tenant à la différence de sexe entre les deux partenaires.

C’est seulement sur ce dernier point que le législateur a entendu intervenir, pour prendre également en compte la situation de deux personnes du même sexe, dans tous les cas où les textes tirent certaines conséquences juridiques de cette union de fait. La loi n’apportant aucune modification à l’état du droit sur le point critiqué par les requérants, leur moyen manque donc en fait.

En définitive, le Gouvernement considère qu’aucun des moyens invoqués n’est de nature à justifier la censure de la loi déférée. Aussi le Conseil constitutionnel ne pourra-t-il que rejeter les recours dont il est saisi.

Les sénateurs soussignés ont l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative au pacte civil de solidarité, définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 13 octobre 1999, afin qu’il plaise au Conseil de décider que cette loi n’est pas conforme à la Constitution pour les motifs de forme et de fond développés ci-dessous.

I. SUR LA FORME

A. Sur la violation de l’article 84 alinéa 3 du Règlement de l’Assemblée nationale

L’article 84, alinéa 3 du Règlement de l’Assemblée nationale énonce que « les propositions repoussées par l’Assemblée nationale ne peuvent être reproduites avant un délai d’un an ».

Or, le 9 octobre 1999, l’Assemblée nationale a repoussé une première proposition de loi relative au pacte civil de solidarité à la suite de l’adoption d’une exception d’irrecevabilité. Dès le 14 octobre suivant, la commission des lois a adopté sur le même objet la proposition de loi à l’origine de la présente loi. Cette nouvelle proposition, ne différait de la première que par quelques détails de présentation formelle, plusieurs articles étant regroupés, par l’adjonction ou la suppression de divers délais et par l’ajout d’un article permettant aux fratries de bénéficier de certains avantages du pacs, lequel article a d’ailleurs été supprimé par la suite.

Le rapporteur de la commission des Lois ne s’est pas caché de soumettre à l’Assemblée nationale la même proposition, en commençant ainsi son rapport (n° 1138, 11e législature) : « Votre commission des Lois vous propose, pour la deuxième fois en un mois, de donner un statut légal aux couples non mariés » et en poursuivant que l’adoption de la motion de procédure avait été due « à un rapport numérique momentanément défavorable à l’opposition plutôt qu’à la démonstration du caractère inconstitutionnel du texte issu des travaux en commission ».

L’opposition de l’Assemblée nationale n’a pas manqué, mais sans succès, de relever cette violation de l’article 84 alinéa 3 du Règlement.

Votre Conseil a certes considéré que les Règlements des assemblées parlementaires n’avaient pas, en eux-mêmes, valeur constitutionnelle et que la seule méconnaissance de leurs dispositions ne saurait avoir pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution.

Mais en l’espèce, la reproduction par l’Assemblée nationale, en violation de l’article 84, alinéa 3 du Règlement, d’une proposition qu’elle avait elle-même déclarée inconstitutionnelle quelques jours auparavant ne peut être considérée comme la méconnaissance d’un simple élément de procédure sans incidence sur la constitutionnalité de la loi. Elle devrait au contraire conduire votre Conseil à censurer celle-ci.

B. Sur la violation de l’article 40 de la Constitution

L’article 40 de la Constitution prévoit l’irrecevabilité des propositions de loi qui auraient pour conséquence « soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique».

Le bureau de la commission des finances de l’Assemblée nationale, saisi en application de l’article 92, alinéa 2, du Règlement, a constaté la recevabilité financière de la proposition de loi.

Or, celle-ci comportait dès l’origine plusieurs dispositions entraînant des diminutions de recettes, que ce soit en matière d’impôt sur le revenu (article 4 de la loi) ou de droits des successions (article 5 de la loi). Ces diminutions étaient gagées par l’augmentation des droits sur les tabacs prévue à l’article 12 de la proposition, supprimé avec l’accord du gouvernement lors de la discussion en première lecture.

Il apparaît cependant qu’un tel gage ne pouvait raisonnablement compenser des pertes de recettes de l’ampleur de celles résultant du texte. La compensation prévue ne pouvant de ce fait être considérée comme effective, la proposition de loi aurait dû être déclarée irrecevable comme générant une diminution des ressources publiques.

La loi doit donc être déclarée non-conforme à la Constitution en ce qu’elle a été adoptée en violation de l’article 40 de la Constitution.

C. Sur la violation de l’ordonnance relative aux lois de finances

Le quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances énonce :

« Lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n’ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. »

Or, la loi crée directement de nouvelles charges. L’article 7, introduit sur amendement gouvernemental, permet ainsi à une personne ayant signé un Pacs d’être, sans délai, ayant droit de son partenaire pour l’assurance maladie.

Le quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance ne concerne certes formellement que les projets de loi mais, dans l’esprit, il ne peut manquer, sous peine de permettre des détournements du droit d’amendement, de s’appliquer à un amendement gouvernemental adopté lors de la discussion d’une proposition de loi.

La loi est donc inconstitutionnelle en ce qu’elle a été adoptée au mépris de l’esprit du quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959.

II. SUR LE FOND

A. Sur les atteintes a la protection de l’enfant et de la famille

Le texte porte atteinte aux dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 protégeant l’enfant et la famille.

a) Le Pacs concerne le couple indépendamment de la famille

Le dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 énonce que « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Le onzième alinéa du même préambule vise la garantie des droits sociaux de l’enfant. Le couple n’est donc pas constitutionnellement protégé en tant que tel, à l’opposé de l’individu, de l’enfant et de la famille.

Or, la loi donne un statut au couple en faisant totalement abstraction des enfants qui peuvent en être issus. Contrairement au mariage, le Pacs n’emporte aucune présomption de paternité et, facilitant la rupture, il ne peut que favoriser une instabilité préjudiciable à l’enfant.

b) Les avantages accordés aux signataires d’un Pacs sont plus importants que ceux attribués aux membres de la famille…

La loi accorde aux signataires d’un Pacs, qui n’est qu’un simple contrat, des avantages plus importants que ceux réservés aux enfants, à travers trois dispositions :

— l’abattement successoral dont bénéficieront les signataires d’un Pacs en application de l’article 5 de la loi est plus élevé que celui dont bénéficient les membres de la famille (à partir du 1er janvier 2 000, 375 000 F pour les premiers contre 300 000 F pour les enfants et ascendants).

— le bénéfice du capital décès est attribué par l’article 9 de la loi au partenaire lié par un Pacs avec le défunt, en priorité sur les enfants, même si ce partenaire n’était pas à la charge effective, totale et permanente de l’assuré.

— l’attribution préférentielle pourra, sauf en matière d’exploitations agricoles, bénéficier, en application de l’article 515-6 du code civil résultant de l’article premier, au signataire d’un Pacs dissous. Cette attribution peut se faire au détriment des enfants. Or, elle peut même être prononcée dans des conditions plus favorables que ne le prévoit le code civil pour un époux divorcé. Les articles 1476 et 1542 du code civil précisent en effet explicitement que l’attribution préférentielle n’est jamais de droit de droit en matière de divorce ou de séparation de corps et qu’il peut être décidé que la soulte due sera payable au comptant.

c) … et seront accordés au détriment de la politique familiale

Votre Conseil a reconnu, dans sa décision du 18 décembre 1997, l’obligation pour l’Etat de mettre en ?uvre une politique de solidarité nationale en faveur de la famille. Or, les avantages fiscaux accordés aux familles diminuaient dans le temps même où étaient proposées des mesures au profit des signataires d’un Pacs.

La loi de finances pour 1999 a en effet abaissé de 16 380F à 11 000 F l’avantage fiscal résultant de chaque demi-part pour enfant à charge. Les avantages fiscaux en faveur des familles ont ainsi été réduits de 4,5 milliards de francs. Les partenaires liés par un Pacs pourront, quant à eux, bénéficier, en application de l’article 4 de la loi, du quotient conjugal en matière d’impôts sur le revenu, sans que l’avantage en soit plafonné.

La loi méconnaît donc l’exigence constitutionnelle de protection de la famille en donnant un statut au couple indépendamment des enfants qui peuvent en être issus et en avantageant les partenaires signataires d’un Pacs au détriment des enfants et de la politique familiale.

B. SUR LES ATTEINTES AU PRINCIPE D’EGALITE

La loi porte atteinte au principe d’égalité à plusieurs titres.

1. Du fait des empêchements à contracter

La loi porte atteinte au principe d’égalité en privant certaines personnes, sans motif tiré de l’intérêt général, de la possibilité de conclure un Pacs, les empêchant ainsi de bénéficier des avantages fiscaux et sociaux résultant du Pacs.

a) les prohibitions liées à la parenté ou à l’alliance

L’article 515-2 du code civil résultant de l’article 1er de la loi prévoit des empêchements directement calqués sur le mariage : un Pacs ne pourra pas être conclu « entre ascendants et descendants en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus ».

Ces exceptions ne sont aucunement justifiées à partir du moment où il ressort clairement des débats parlementaires que le Pacs n’a pas obligatoirement une connotation sexuelle et où les promoteurs du texte, ainsi que le garde des Sceaux, ont nettement indiqué qu’il ne concernait pas la filiation.

Ces empêchements ne répondent donc à aucune justification tirée de l’intérêt général.

b) les mineurs émancipés et les majeurs sous tutelle

L’article 515-1 du code civil résultant de l’article 1er de la loi réserve la possibilité de conclure un Pacs aux personnes majeures, excluant de ce fait les mineurs émancipés. L’article 506-1 du code civil, résultant de l’article 2 de la loi interdit aux majeurs sous tutelle de conclure un Pacs.

Si, compte tenu de la situation particulière des majeurs sous tutelle, il était envisageable de prévoir, pour assurer leur protection, certaines règles spécifiques quant aux modalités de conclusion du Pacs, comme il en existe pour le mariage, aucune raison d’intérêt général ne justifie d’exclure totalement les mineurs émancipés ou les majeurs sous tutelle des avantages procurés par le Pacs.

2. Du fait de l’octroi sans réelles contreparties d’avantages réservés aux personnes mariées

L’article 4 de la loi accorde aux signataires d’un Pacs le bénéfice du quotient conjugal en matière d’impôt sur le revenu. Il assimile donc fiscalement sur ce point le Pacs et le mariage.

Or, l’attribution d’avantages fiscaux aux couples mariés résulte de la reconnaissance du mariage à la fois comme élément fondateur de la famille et comme générateur de devoirs pour les époux.

De fait, lors des débats parlementaires, le garde des Sceaux et le rapporteur de l’Assemblée nationale ont maintes fois affirmé que le Pacs n’était en rien lié à la famille. En outre, les devoirs incombant aux signataires d’un Pacs sont minimes par rapport à ceux incombant aux époux. Ils se limitent en effet à l’aide mutuelle et matérielle et à la solidarité pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante et les dépenses relatives au logement (art. 1er, art. 515-4 du code civil). Les époux, quant à eux, sont notamment soumis par l’article 212 du code civil à une obligation de fidélité de secours et d’assistance et ne peuvent se séparer librement.

La loi crée donc une rupture d’égalité devant les charges publiques en ce qu’elle accorde aux partenaires liés par un Pacs, sans réelle contrepartie et sans justification tirée de l’intérêt général, des avantages fiscaux bénéficiant aux époux.

3. Du fait de l’octroi d’avantages injustifiés socialement au détriment des personnes seules ou des concubins

La proposition de loi accorde aux partenaires d’un Pacs des avantages fiscaux par rapport aux célibataires (article 4 pour l’imposition commune à l’impôt sur le revenu, article 5 en matière de droits de succession). L’article 13 prévoit, pour les fonctionnaires, une priorité de mutation pour permettre le rapprochement de partenaires signataires d’un Pacs, séparés pour des raisons professionnelles.

Ces avantages ne sont pas justifiés, comme ceux liés au mariage, par l’intérêt social que constitue la protection de la famille puisqu’il ressort des débats parlementaires que le Pacs n’est en rien lié à la famille. Or, les réductions d’impôts accordées aux partenaires ayant conclu un Pacs seront en définitive financées par les personnes célibataires non signataires d’un Pacs, qu’il s’agisse de personnes seules ou de personnes vivant en concubinage. De même, les priorités dont bénéficieront les partenaires pour les mutations rendront d’autant plus difficile la satisfaction de la demande des autres fonctionnaires.

La loi crée donc, sans considération d’intérêt général, une rupture d’égalité devant les charges publiques au détriment des personnes célibataires non liées par un Pacs, qu’il s’agisse de personnes seules ou de personnes vivant en concubinage.

C. SUR LES ATTEINTES AU DROIT DE PROPRIETE

Votre Conseil a reconnu valeur constitutionnelle au droit de propriété (décision du 16 janvier 1982). La présente loi porte atteinte à ce droit à divers titres.

1. Les atteintes aux droits des partenaires

L’indivision est conçue comme un état provisoire dans lequel, aux termes de l’article 815 du code civil, « nul ne peut être contraint à demeurer ». Or, la présente loi oblige les partenaires à y demeurer.

En outre, la présomption d’indivision, prévue par l’article 515-5 du code civil résultant de l’article premier de la loi, pour les meubles dont la date d’acquisition ne peut être déterminée, peut entamer le droit de propriété d’un partenaire d’un Pacs qui ne se serait pas exonéré de l’indivision. Il en est de même pour d’autre biens, en cas d’absence de clause figurant dans l’acte d’acquisition.

2. Les atteintes aux droits des créanciers

Un créancier ne pourra poursuivre sa créance sur l’un des partenaires sans porter atteinte au régime prévu par la loi. Il n’est d’ailleurs pas précisé si le partage de l’indivision peut être demandé pour recouvrir une créance.

En outre, la loi ne prévoit aucune information des créanciers quant aux conclusions et ruptures de Pacs. Leur droit de propriété n’est donc pas législativement garanti.

3. Les atteintes aux droits des bailleurs

L’article 14 de la loi porte atteinte à l’équilibre entre les droits des bailleurs et celui des preneurs en prévoyant la continuation du bail, en cas de décès ou d’abandon de domicile par le preneur, au profit de son partenaire lié par un Pacs ou des ses ascendants ou descendants, sans qu’aucune condition de durée de Pacs ne soit fixée ni aucune durée de cohabitation préalable exigée.

D. SUR LES ATTEINTES AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE

Votre Conseil a reconnu valeur constitutionnelle au respect de la vie privée (décision du 12 janvier 1997).

Or, l’enregistrement du Pacs au greffe du tribunal de grande instance et la constitution de registres entraîne un risque grave d’atteinte à ce principe, dans la mesure où aucune garantie n’est prévue directement dans la loi. L’article 15 se contente de renvoyer les conditions dans lesquelles sont traitées et conservées les informations à un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale informatique et liberté.

E. SUR LES ATTEINTES A LA DIGNITE DE LA PERSONNE

Votre Conseil a reconnu valeur constitutionnelle au principe du respect de la dignité de la personne (décision du 27 juillet 1994).

Or, l’article 1er de la loi (art. 515-7 du code civil) prévoit une faculté de rupture unilatérale du Pacs, sous réserve du respect d’un délai de préavis de trois mois et de la possibilité pour le juge de statuer sur les conséquences patrimoniales de la rupture.

Du fait du peu de garanties accordées au partenaire abandonné et de l’absence d’un véritable devoir de secours, cette faculté s’apparente à une répudiation, procédure que les tribunaux français ont toujours déclarée contraire à l’ordre public (Cour de cassation, Civ. 1, 16 juillet 1992).

En permettant la rupture unilatérale sans réelles garanties pour le partenaire abandonné, la loi porte atteinte au principe du respect de la personne humaine.

F. SUR LES ATTEINTES AUX PRINCIPES GENERAUX DU DROIT DES CONTRATS

1. Les atteintes à la liberté contractuelle

Il a été rappelé ci-dessus que la loi interdisait, sans motif tiré de l’intérêt général, à plusieurs personnes juridiquement capables (parents ou alliés et mineurs émancipés) de conclure un Pacs, portant ainsi atteinte au principe d’égalité. Dans la mesure où le Pacs est défini comme un contrat par l’article 515-1 du code civil résultant de l’article premier de la loi, ces exclusions portent également atteinte au principe de la liberté contractuelle défini à l’article 1123 du code civil énonçant que « toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi ».

Or, ce principe, auquel il n’a jamais été porté atteinte et qui figure depuis l’origine dans le code civil, est un principe à valeur constitutionnelle auquel le législateur ne pouvait déroger. Dans sa décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997, votre Conseil a en effet considéré que la méconnaissance de la liberté contractuelle pouvait être invoquée à l’encontre d’une disposition législative.

2. L’immutabilité des conventions sans le consentement des parties

L’article 1134 du code civil dispose en effet que les conventions ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties « ou pour les causes que la loi autorise ». On se trouve là encore devant un principe à valeur constitutionnelle ayant figuré dès l’origine dans le code civil.

Or, l’article 515-7 du code civil, résultant de l’article premier de la loi, prévoit que le Pacs peut être rompu unilatéralement sans donner aucune « cause » à cette rupture. Il porte donc atteinte à ce principe d’immutabilité des contrats.

G. SUR LES ATTEINTES AUX DROITS DES CONCUBINS

La définition du concubinage donnée à l’article 515-8 du code civil résultant de l’article 3 de la loi comporte la notion de « stabilité et de continuité » de la vie commune.

De nombreux textes législatifs ou réglementaires accordent des avantages aux concubins. Les certificats de concubinage délivrés en mairie n’ont pas de valeur légale mais permettent néanmoins aux concubins de faire valoir leurs droits. L’appréciation du caractère stable et continue de la vie commune peut priver des personnes actuellement considérées comme concubins de la reconnaissance de cette qualité, les excluant, sans justification, du bénéfice de certains droits sociaux.

H. SUR LE NON-EXERCICE PAR LE LEGISLATEUR DE LA PLENITUDE DE SES COMPETENCES

La loi précise que le Pacs est un contrat conclu par deux personnes pour organiser leur vie commune. Mais elle ne précise pas le contenu de ce contrat. Elle laisse ainsi subsister de nombreuses incertitudes, notamment quant aux types de clauses patrimoniales ou extra-patrimoniales qui pourraient y être incluses, en particulier celles susceptibles de régir la rupture du couple, sur la réalité de l’obligation d’aide prévue par l’article 515-4 du code civil et sur le caractère simple ou irréfragable de la présomption d’indivision ouverte par l’article 515-5 du code civil.

Lors des débats parlementaires, les promoteurs du texte se sont contentés de renvoyer à la jurisprudence quant à ces questions. L’article 15 de la loi prévoit par ailleurs que les conditions d’application de la loi sont fixées par décrets en Conseil d’Etat.

On a vu plus haut que la loi est également silencieuse sur la garantie contre les risques d’atteintes à la vie privée résultant de l’enregistrement du Pacs ou sur la protection des droits des créanciers.

En outre, elle ignore totalement la situation des enfants du couple, ne comportant aucune disposition sur la filiation, l’autorité parentale, l’adoption ou la procréation médicalement assistée, questions qui ont pourtant été largement abordées lors des débats parlementaires.

Or, il apparaît que le législateur ne peut, sans méconnaître l’étendue de ses compétences, abandonner au juge ou au pouvoir réglementaire le soin de décider d’éléments aussi essentiels. La loi doit donc être déclarée non-conforme à la Constitution.

Pour tous ces motifs, et pour tout autre qu’il plairait à votre Conseil de soulever, les sénateurs signataires de la présente saisine, considérant que les dispositions critiquées sont inséparables de l’ensemble du texte, demandent que la loi relative au pacte civil de solidarité soit déclarée non-conforme à la Constitution.

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Conseil constitutionnel, décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité