Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 18 mai 2022, n° 21/06969

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1re ch. soc., 18 mai 2022, n° 21/06969
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 21/06969
Importance : Inédit
Décision précédente : Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Montpellier, 20 août 2017
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 18 MAI 2022

N° RG 21/06969 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PHJI

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour : Décision du 21 AOUT 2017 du BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER

DEMANDEUR À LA REQUÊTE :

Maître [F] [N]

[Adresse 8]

[Localité 3]

comparant assisté de Me Jean-Marc FOUILLAND de la SELARL AVOCATS LYONNAIS, avocat au barreau de LYON

DEFENDEURS À LA REQUÊTE :

Monsieur [P] [B]

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représenté par Me DEBERNARD-JULIEN avocat de la SCP PALIES – DEBERNARD-JULIEN – MARTIN-VELEINE – CLAISE – PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER

MONSIEUR LE BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représenté par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [A] [O]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me André BRUNEL, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

Maître [R] [M]

[Adresse 6]

Représenté par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me André BRUNEL, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

Maître [U] [S]

[Adresse 6]

Représentée par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me André BRUNEL, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

Monsieur [K] [J]

L’ATRIUM [Adresse 5]

[Localité 3]

Ayant pour avocats Me Ahmed-Cherif HAMDI de la SELAS FAURE – HAMDI GOMEZ & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE – et Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Maître [X] [Z]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Ayant pour avocats Me Ahmed-Cherif HAMDI de la SELAS FAURE – HAMDI GOMEZ & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE – et Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Maître [I] [T]

[Adresse 5]

Ayant pour avocats Me Ahmed-Cherif HAMDI de la SELAS FAURE – HAMDI GOMEZ & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE – et Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Maître [E] [Y]

[Adresse 5]

Ayant pour avocats Me Ahmed-Cherif HAMDI de la SELAS FAURE – HAMDI GOMEZ & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE – et Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Maître [L] [D]

[Adresse 10]

Représenté par Me DEBERNARD-JULIEN avocat de la SCP PALIES – DEBERNARD-JULIEN – MARTIN-VELEINE – CLAISE – PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [V] [W]

[Adresse 5]

Ayant pour avocats Me Ahmed-Cherif HAMDI de la SELAS FAURE – HAMDI GOMEZ & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE – et Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER

BARREAU DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.C.P. [H] – [Z] ET ASSOCIES AVOCATS AU BARREAU DE MONTPELLIER

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine GARDIER de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.C.P. TRIAS [O] [M] [S]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE – Représentant : Me André BRUNEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

EN PRESENCE DE :

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

Cour d’appel

[Adresse 1]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

L’affaire a été débattue le 16 MARS 2022, en audience publique, Monsieur Georges LEROUX, président de chambre,Président de chambre, ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Marie BRUNEL

Ministère public :

L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

— Réputé contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

**

*

EXPOSE DU LITIGE :

Ayant prêté le serment d’avocat au mois de décembre 2008 et étant inscrit depuis lors au barreau de Montpellier, Maître [F] [N] a conclu le 15 décembre 2011 un contrat de collaboration libérale à temps complet avec la SCP d’avocats [H] – [Z] à laquelle a succédé la SCP [H] – [Z] et associés en 2012 suite au départ en retraite de Maître [G] [H] – fondateur du cabinet – et à l’association de trois collaborateurs, à savoir Maîtres [K] [J], [E] [Y] et [I] [T].

La rétrocession mensuelle d’honoraires de Maître [N] qui avait initialement été fixée à 2 800 € hors taxes a été augmentée pour atteindre 3 700 € HT lorsqu’il a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie du 18 avril au 3 mai 2017.

Parallèlement, par un courrier daté du 18 avril 2017 et posté le 19, la SCP [H] – [Z] et associés lui a notifié la fin de son contrat de collaboration.

C’est dans ce contexte que, par une requête du 5 mai 2017, Maître [N] a saisi le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Montpellier afin de :

— Obtenir la nullité de la rupture du contrat de travail passé avec la SCP [H] – [Z] et associés,

— Voir constater que cette rupture est intervenue du fait du comportement de la SCP employeur,

— Obtenir en réparation une somme de 50 000 € du fait de la rupture abusive du contrat de collaboration,

— Entendre dire que le préavis sera payé par la SCP en sus de la réparation découlant de la rupture elle-même.

Par une décision rendue le 21 août 2017, M. le Bâtonnier [R] [C] :

— A dit que M. [N] n’avait pas connu d’une rupture de contrat de collaboration vexatoire et discriminatoire,

— L’a débouté, en conséquence, de ses demandes indemnitaires en lien avec cette rupture,

— A dit que ce collaborateur bénéficiait de la protection de l’article 14.4.2 du R.I.N. et ce jusqu’au 19 octobre 2017 et que son contrat de collaboration en l’état s’achèverait le 19 mars 2018,

— S’est déclaré incompétent pour dispenser Maître [N] d’effectuer son préavis,

— A condamné la SCP [H] – [Z] et associés à payer à son collaborateur les sommes suivantes :

—  137,80 € HT, soit 165,36 € TTC, pour les frais de déplacement du mois d’avril 2017,

—  1 079,50 € HT, soit 1 295,40 € TTC, pour les frais d’octobre 2014 à juillet 2015,

—  300 € de dommages et intérêts pour la résistance abusive à régler lesdits frais,

— A débouté Maître [N] de toutes ses autres demandes;

— A donné acte à la SCP [H] – [Z] et associés de son accord pour transmettre les documents relatifs aux dossiers auxquels Maître [N] avait collaboré ces cinq dernières années,

— A dit que Maître [N] transmettra une liste précise des dossiers et documents sollicités et reviendra vers le Bâtonnier en cas de difficultés plus amples,

— A débouté MM. [X] [Z] et [K] [J] de leurs demandes de dommages et intérêts,

— A dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile de part et d’autre.

La cour a été saisie d’un recours de la part de M. [N] à l’encontre de cette décision le 8 septembre 2017 (RG 17/04870).

Parallèlement, par un acte délivré le 15 novembre 2018 et divers actes séparés, le requérant a fait assigner la SCP Trias [M] [O] et [S], chacun des avocats de cette SCP séparément, ainsi que chacun des membres de la SCP [H] – [Z] et associés, Maître [L] [D], l’Ordre des avocats de Montpellier, Maître [R] [C], M. [P] [B] en qualité de Maire d'[Localité 4], et Mme [V] [W] en sa qualité d’assistante juridique au sein de la SCP [H] – [Z] et associés, en demandant la jonction de l’appel en cause avec la procédure pendante devant la cour et une délocalisation de l’affaire à la cour d’appel de Toulouse ou à défaut, celle de Lyon ou de Paris.

L’affaire a été radiée le 12 décembre 2018 pour défaut de diligence, la cour ayant constaté à l’audience du 5 décembre 2018 que le requérant avait conclu pour la première fois le 18 novembre 2018 et qu’il demandait le renvoi à une audience ultérieure.

Le 30 novembre 2018, Maître [N] a été omis du barreau à sa demande, pour raison de santé.

L’affaire a été réinscrite au rôle après réception le 2 mars 2020 au greffe de la cour de conclusions in limine litis aux fins de jonction et de renvoi à une juridiction limitrophe (art. 47 et 82 CPC).

Par arrêt rendu le 30 juin 2021 la cour a, avant dire droit, :

Reçu l’intervention volontaire du Barreau de Montpellier aux côtés de M. Le Bâtonnier [C] qui a rendu la décision du 21 août 2017 déférée ;

Rejeté la demande de M. [N] tendant au renvoi de la procédure devant la cour d’appel de Riom ou d’Agen ;

Dit n’y avoir lieu à disjonction de la procédure ;

Sursis à statuer sur toute autre demande ;

Renvoyé la cause et les parties à l’audience du mercredi 8 décembre 2021 à 14h ;

Réservé les dépens.

**

Le 1er décembre 2021 Maître [F] [N] a déposé des conclusions aux fins de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Il demande à la cour de :

Prendre acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 7 alinéa 7 et 21 alinéas 2 et 3 de la loi numéro 71-1130 du 31 décembre 1971 non conformes à la constitution en ce qu’ils ne respectent pas les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice et du droit à un procès équitable ;

Constater que les dispositions contestées sont applicables au litige et à la procédure dont est saisie la cour d’appel de Montpellier ;

Constater que la question soulevée porte sur une disposition qui n’a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du conseil constitutionnel ;

Constater que la question soulevée n’est pas dépourvue de caractère sérieux ;

Transmettre à la Cour de cassation sans délai la question prioritaire de constitutionnalité soulevée afin que celle-ci procède à l’examen qui lui incombe en vue de sa transmission au conseil constitutionnel pour qu’il relève l’inconstitutionnalité des dispositions contestées, prononce leur abrogation et fasse procéder à la publication qui en résulte.

**

A l’audience du 8 décembre 2021 l’examen du dossier a été renvoyé contradictoirement à l’audience du 16 mars 2022 afin que les parties puissent répondre à la question prioritaire de constitutionnalité.

**

Par conclusions déposées au greffe le 4 mars 2022, M. le bâtonnier [R] [C] demande à la cour :

De constater que la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux en ce que le pouvoir juridictionnel et le cumul des fonctions de conciliateur et d’arbitre du bâtonnier n’est pas attentatoire au principe d’indépendance, d’impartialité de la justice et au droit au procès équitable ;

De débouter Maître [F] [N] de sa demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation sur les dispositions des articles 7 alinéa 7 et 21 alinéas 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Condamner Maître [F] [N] à payer aux concluants 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

**

Par conclusions déposées au greffe le 4 mars 2022, la SCP Trias-[M]-[O]-[S], Maîtres [O], [M] et [S] demandent à la cour :

De juger que les dispositions de l’article 21 alinéa 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1971 ne s’appliquent pas au litige ou à la procédure ;

Juger en toute hypothèse que les questions soulevées sont dépourvues de caractère sérieux ;

Rejeter la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité énoncée par Maître [F] [N] en ce que les articles 7 alinéa 7 et 21 alinéas 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1971 ne seraient pas conformes à la constitution et ne respecteraient pas les principes d’indépendance, d’impartialité de la justice et du droit à un procès équitable ;

Condamner Maître [F] [N] à leur verser une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

**

Par conclusions déposées à l’audience du 16 mars 2022 la SCP Sanguinede-Di Frenna et Associés demande à la cour :

De débouter Maître [F] [N] de sa demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 7 alinéa 7 et 21 alinéas 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1971, en ce qu’ils ne seraient pas conforme à la constitution et ne respecteraient pas les principes d’indépendance, d’impartialité de la justice et du droit à un procès équitable ;

De statuer ce que de droit sur les dépens.

**

Monsieur le procureur général a émis le 15 décembre 2021 un avis de non transmission dès lors que le litige n’en est plus au stade de l’arbitrage mais pendant devant la cour d’appel dont l’impartialité n’est pas critiquée.

MOTIFS :

Maître [F] [N] soutient que l’article 7 alinéa 7 et l’article 21 alinéas 2 et 3 de la loi numéro 71-1130 du 31 décembre 1971 ne sont pas conformes à la constitution en ce qu’ils ne respectent pas les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice et du droit à un procès équitable.

L’article 7 alinéa 7 prévoit que :

« Les litiges nés à l’occasion d’un contrat de travail, de la convention de rupture, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention ainsi que ceux nés à l’occasion d’un contrat de collaboration libérale, en l’absence de conciliation, sont soumis à l’arbitrage du bâtonnier, à charge d’appel devant la cour d’appel. En ces matières, le bâtonnier peut, dans des conditions fixées par décret en conseil d’État, déléguer ses pouvoirs aux anciens bâtonniers ainsi qu’à tous membres ou anciens membres du conseil de l’ordre. »

L’article 21 alinéas 2 et 3 prévoit que :

« Le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile. Il prévient ou concilie les différends d’ordre professionnel entre les membres du barreau et instruit toute réclamation formulée par les tiers.

Tout différend entre avocats à l’occasion de leur exercice professionnel est, en l’absence de conciliation, soumis à l’arbitrage du bâtonnier qui, le cas échéant, procède à la désignation d’un expert pour l’évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d’avocats. En cette matière, le bâtonnier peut déléguer ses pouvoirs aux anciens bâtonniers ainsi qu’à tous les membres ou anciens membres du conseil de l’ordre. »

L’article 23 de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la constitution prévoit notamment que : « la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ;

3° la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux. »

Sur l’applicabilité au litige :

Maître [F] [N] affirme que les dispositions contestées sont applicables au litige qui concerne la rupture abusive et discriminatoire d’un contrat de collaboration, qui après échec de la conciliation devant le bâtonnier, a été soumis à son arbitrage.

La SCP Trias-[M]-[O]-[S] soutient que les dispositions de l’article 21 alinéas 2 et 3 s’appliquent aux différends entre avocats à l’occasion de leur exercice professionnel et non aux litiges nés à l’occasion de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail ou de collaboration libérale conclu entre avocats qui sont soumis, en l’absence de conciliation, à l’arbitrage obligatoire du bâtonnier tel qu’énoncé par l’article 7 alinéa 7.

Toutefois s’il est exact que l’article 7 alinéa 7 prévoit précisément l’intervention du bâtonnier dans le cadre de litiges nés à l’occasion d’un contrat de collaboration libérale, les dispositions de l’article 21 alinéas 2 et 3 qui prévoient l’intervention du bâtonnier pour les différends d’ordre professionnel entre les membres du barreau, sont de même applicables au litige en cours qui concerne bien un différend d’ordre professionnel entre plusieurs membres du même barreau.

Sur l’absence de décision antérieure du conseil constitutionnel :

Maître [F] [N] fait justement valoir que les dispositions contestées n’ont jamais été soumises au contrôle du conseil constitutionnel les déclarant conformes à la constitution, qu’en effet l’article 21 n’a jamais fait l’objet d’un contrôle de conformité, et qu’en ce qui concerne l’article 7, une seule décision a été rendue le 5 août 2015 (2015-715), mais que le contrôle a porté sur les dispositions relatives aux conditions d’installation des avocats au conseil d’État et à la cour de cassation, aux formes juridiques selon lesquelles sont exercées les professions notamment d’avocats au conseil d’État et à la Cour de cassation ainsi qu’à la création de sociétés ayant pour objet l’exercice commun de plusieurs professions juridiques ou encore la composition du capital des sociétés d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières.

La deuxième condition de recevabilité est donc satisfaite.

Sur le caractère sérieux de la question posée :

Maître [F] [N] soutient que le pouvoir juridictionnel qualifié « d’arbitrage du bâtonnier » est inconstitutionnel en ce que le rôle central et le statut d’employeur ou de potentiel employeur de l’avocat porte incontestablement atteinte au principe d’impartialité et d’indépendance de toute juridiction, qu’en outre le cumul du pouvoir de conciliation et du pouvoir juridictionnel du bâtonnier est inconstitutionnel.

Sur l’inconstitutionnalité du pouvoir juridictionnel qualifié « d’arbitrage du bâtonnier » :

Maître [F] [N] fait valoir que le conseil constitutionnel juge depuis longtemps que le principe d’indépendance et d’impartialité est indissociable de l’exercice des fonctions judiciaires ou juridictionnelles se fondant sur l’article 16 de la déclaration de 1789, sur l’article 64 de la constitution, et sur l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme, que les bâtonniers dans leur grande majorité sont employeurs avant et/ou pendant leur mandat, que cette qualité n’est pas indifférente lorsqu’ils sont amenés à statuer sur un litige opposant un collaborateur à un autre employeur, qu’il existe donc un doute quant à leur impartialité réelle dans l’exercice de leur pouvoir juridictionnel qu’ils exercent seuls.

Le conseil constitutionnel considère que l’institution du juge unique n’est pas contraire au principe constitutionnel de collégialité des juridictions et ne porte pas atteinte au principe de l’égalité devant la justice.

Le bâtonnier est élu par ses pairs et est tenu dans l’exercice de l’ensemble des attributions attachées à son mandat électif au respect des dispositions réglementaires relatives aux règles de déontologie de la profession d’avocat, ses décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle ultérieur par un magistrat de l’ordre judiciaire présentant les garanties d’indépendance et d’impartialité.

L’article 9 du décret du 27 novembre 1991 dispose que pour être élu bâtonnier, il faut disposer du droit de vote et avoir prêté serment depuis plus de quatre ans au 1er janvier de l’année au cours de laquelle a lieu l’élection. La fonction de bâtonnier n’est donc pas conditionnée aux modalités d’exercice de la profession et un avocat collaborateur peut être élu bâtonnier.

Le fait que les bâtonniers dans leur grande majorité sont, ou ont été, avant leur mandat employeurs d’un collaborateur, n’est pas un élément suffisant de nature à faire naître un doute légitime sur leur impartialité, tenant compte de l’autorité morale dont ils disposent étant élu par leurs pairs et étant tenus d’appliquer le règlement intérieur national et les règles déontologiques de la profession.

Il n’est donc pas justifié d’une apparence de partialité des bâtonniers, pas plus qu’il n’est justifié en l’espèce d’un manque d’impartialité subjective de M. le bâtonnier [R] [C].

Sur l’inconstitutionnalité du cumul du pouvoir de conciliation et du pouvoir juridictionnel du bâtonnier :

Maître [F] [N] soutient que le cumul des fonctions du bâtonnier savoir un pouvoir de prévention, de conciliation puis un pouvoir juridictionnel, constitue une violation du droit à un procès équitable tel que défini par l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme.

Il cite, à l’appui de sa demande un arrêt de la cour d’appel de Montpellier en date du 11 décembre 2019. Toutefois le paragraphe auquel il se réfère correspond à l’un des moyens de la partie ayant interjeté appel et non pas aux motifs de la cour, cour qui a considéré que le cumul des fonctions de conciliateur et d’arbitre par le bâtonnier ne constitue pas une atteinte au principe d’indépendance de l’arbitre dans sa fonction juridictionnelle.

Il cite la jurisprudence de la cour de cassation, première chambre civile du 5 octobre 1999, qui a cassé un arrêt de cour d’appel confirmant la décision du conseil de l’ordre aux motifs d’une part que l’avocat désigné par le bâtonnier en qualité de rapporteur pour procéder à une enquête sur le comportement de l’avocat mis en cause ne pouvait plus participer au délibéré du conseil de l’ordre appelé à se prononcer sur les poursuites disciplinaires engagées, et d’autre part que le bâtonnier personnellement visé par les actes pour lesquels un avocat est poursuivi disciplinairement, ne peut être membre du conseil de l’ordre statuant sur ces poursuites.

Toutefois cette jurisprudence ne peut être transposée au présent litige qui ne concerne pas des mesures disciplinaires.

Il est au contraire constant que dès lors que la loi prévoit de confier à une même juridiction plusieurs phases d’une procédure, les magistrats de cette juridiction ont compétence pour statuer sur ses différentes phases, sans que les parties puissent demander leur récusation au motif qu’ils ont déjà connu du litige dans une phase précédente.

Il n’est pas justifié en l’espèce que M. le bâtonnier [R] [C], à qui les articles 7 alinéa 7 et 21 alinéas 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1971 ont donné compétence réglementaire pour exercer

une mission de conciliation et une mission du jugement, a dans la phase préalable émis un avis mettant en cause son impartialité.

Le seul fait que M. le bâtonnier [R] [C] ait eu connaissance du litige à travers sa tentative de conciliation, ne suffit pas à remettre en cause son impartialité et ne porte pas atteinte à l’exigence requise par l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme.

Enfin il n’est pas contesté que la cour européenne des droits de l’homme considère que le respect des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme résulte soit de ce que les juridictions remplissent elles-mêmes les exigences du présent article, soit subissent le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction présentant lui les garanties de cet article.

Il en résulte que la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, susceptible du seul recours prévu par l’article 126-7 du code de procédure civile :

Prend acte de la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 7 alinéa 7 et 21 alinéas 2 et 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, non conformes à la constitution en ce qu’ils ne respectent pas les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice et du droit à un procès équitable.

Constate que les dispositions contestées sont applicables au litige et à la procédure dont est saisie la cour d’appel de Montpellier ;

Constate que la question soulevée porte sur une disposition qui n’a pas été déjà déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du conseil constitutionnel ;

Constate que la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux ;

Déboute Maître [F] [N] de sa demande de transmission de question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;

Renvoie l’affaire pour être plaidée au fond à l’audience collégiale du mardi 25 octobre 2022 à 9 heures, la notification du présent arrêt valant convocation à l’audience.

Joint les dépens au fond.

Le greffierLe président

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Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 18 mai 2022, n° 21/06969