Cour d'appel de Versailles, 19 septembre 2017, 16/038051

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Arrêt rendu le 19 septembre 2017 par la 12e chambre de la cour d’appel de Versailles, RG n° 16/03805

BAIL COMMERCIAL.- Prix.- Fixation du loyer du bail renouvelé.- Prix fixé en fonction du chiffre d’affaires.- Exclusion du statut des baux commerciaux.- Nullité de la clause prévoyant la saisine du juge des loyers commerciaux et l’application des articles L.145-33 et R.145-2.

La fixation du loyer renouvelé d’un bail commercial stipulant un loyer correspondant à un pourcentage des recettes ne pouvant être inférieur à un montant minimum échappe aux dispositions du statut des baux commerciaux.

Est en conséquence nulle et de nul effet la clause qui attribue au juge des loyers commerciaux une compétence qu’il ne tire que de la loi, et qui de plus lui impose d’appliquer l’article L.145-33 pour fixer un loyer plancher et non un loyer plafond.

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 19 sept. 2017, n° 16/03805
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 16/03805
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 11 mai 2016, N° 15/01625
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000035689436
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

FL

Code nac : 30C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 SEPTEMBRE 2017

R.G. N° 16/03805

AFFAIRE :

SCI ESQ

C/

SA ANDRE dont les lieux loués sont situés [Adresse 1]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 15/01625

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Corinne ROUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SCI ESQ

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 14716

Représentant : Me Gina MARUANI de la SCP JACQUIN – MARUANI ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0428 -

APPELANTE

****************

SA ANDRE dont les lieux loués sont situés [Adresse 1]

N° SIRET : 413 156 969

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Corinne ROUX de l’ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 419

Représentant : Me Jehan BARBIER, Plaidant, avocat au barreau de

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Juin 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 3 mars 1999, la société anonyme Hammerson Saint Quentin Ville a donné à bail à la société par actions simplifiée André différents locaux à usage commerciaux situés [Adresse 4] (78), à savoir le local n°62 pour une durée de 12 années entières et consécutives à compter du 16 juillet 1999 jusqu’au 15 juillet 2011.

Par avenant du 1er décembre 2008, les sociétés Hammerson Saint Quentin Ville et André ont convenu de substituer l’indice national du coût de la construction à l’indice national des loyers commerciaux et de fixer le loyer minimum garanti à la somme de 158.995,78 euros, convenant que cette fixation [n’avait] pas d’incidence sur les dispositions du bail relatives à l’application du loyer variable qui de ce fait [demeuraient] applicables.

Par actes extrajudiciaires des 13 et 15 septembre 2011, la société civile immobilière Espace Saint Quentin, ci-après dénommée la SCI ESQ, dont il n’est pas discuté qu’elle vient aux droits de la société Hammerson Saint Quentin Ville, a fait délivrer un congé avec offre de renouvellement pour le 31 mars 2012 à compter du 1er avril 2012, pour une durée de 12 années, moyennant un loyer hors taxes hors charges comprenant un montant minimum garanti établi sur la base de 186.975 euros et un loyer variable dont le taux et les modalités sont ceux juridiquement en vigueur en fin de location.

La SCI ESQ a notifié un mémoire préalable le 10 juillet 2013 sollicitant qu’il soit dit que le bail s’est renouvelé pour une durée de 12 années à compter du 1er avril 2012 et de voir fixer le loyer annuel à la somme de 200.800 euros HT/HC.

Elle a fait assigner la société André devant le tribunal de grande instance de Versailles, par acte d’huissier du 12 février 2015, aux fins qu’il soit statué sur la durée du bail renouvelé et sur le loyer en renouvellement.

Par dernières conclusions signifiées le 26 octobre 2015, la société ESQ demandait au tribunal de :

— dire que le bail s’était renouvelé pour une durée de 12 années entières et consécutives à compter du 1er avril 2012,

— fixer le loyer de base annuel de renouvellement à la somme de 200.800 euros HT et HC à compter du 1er avril 2012,

— dire que les arriérés de loyer porteraient intérêt au taux légal de plein droit à compter de la date d’effet du bail par application des dispositions de l’article 1155 du code Civil,

— dire que par application des dispositions de l’article 1154 du code civil, les intérêts de loyer porteraient eux-mêmes intérêt au taux légal de plein droit.

— condamner la société preneuse aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement

— désigner un expert qu’il plairait à l’effet de déterminer la valeur locative des locaux au 1er avril 2012, dans ce cas, fixer le loyer de renouvellement provisionnel à la somme de 190.000 euros HT et HC par an et réserver les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 28 juillet 2015, la société André demandait au tribunal de :

Sur la nullité de l’alinéa trois de la clause IV. 1. b) du bail

Vu les articles 33 du code de procédure civile et R.145-23 du code de commerce,

— Dire et juger nul et de nul effet l’alinéa trois de la clause IV, 1, b), figurant page 8 du bail.

Sur la fixation du loyer

A titre principal

Vu les articles L. 145-1 et R. 145-1 et suivants du code de commerce,

— Dire et juger qu’une clause de loyer variable échappe aux dispositions du statut des baux commerciaux et qu’il n’y a pas lieu à fixation du loyer.

— Débouter la société SCI ESQ de toutes ses demandes fin et conclusions. Subsidiairement

Vu l’article 1131 du code civil,

— Dire et juger que la clause de loyer variable était nulle et de nul effet.

Vu les articles L.145-33 et R.145-2 à R.145-8 du code de commerce, fixer à la somme de 133.840 euros par an le loyer du bail renouvelé à effet du 1er avril 2012,

— En cas d’expertise, dire que l’expert devrait obtenir la production de toutes les références du Centre commercial et s’attacher plus précisément à celles pour lesquelles il n’y a pas eu de changement de locataire depuis trois ans et qu’il devrait vérifier les prix couramment pratiques dans le voisinage à la date de conclusion des contrats ou à la date de leur renouvellement sans les actualiser avec l’indice du coût de la construction.

Sur la durée du bail

— Dire et juger que le bail était renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2012, conformément à l’article L.145-12 du Code de commerce qui est d’ordre public et à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Sur les frais de la procédure

— Condamner la société SCI ESQ à lui payer une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

— La condamner aux entiers dépens et autoriser Madame [G] [L] (BVK Avocats Associés) à les recouvrer directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par jugement entrepris du 12 mai 2016 le tribunal de grande instance de Versailles a :

Dit que l’alinéa trois de la clause IV, 1, b) du bail conclu entre la société ESQ et la société André était privée d’effet,

Débouté la société ESQ de sa demande de fixation judiciaire du loyer minimum garanti,

Dit que le bail était renouvelé pour une durée de neuf années à compter 1er avril 2012,

Rejeté les demandes plus amples et contraires,

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l’exécution provisoire du jugement,

Condamné la société ESQ aux entiers dépens dont distraction de droit au profit de Maître [G] [L] (BVK Avocats Associés), avocat aux offres de droit en application de l’article 699 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 20 mai 2016 par la SCI ESQ ;

Vu les dernières écritures signifiées le 30 mai 2017 par lesquelles la SCI ESQ demande à la cour de :

Vu le jugement en date du 12 mai 2016,

Vu le bail en date du 3 mars 1999,

Vu les articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce,

Vu l’article 1134 du code civil applicable en l’espèce,

Vu l’article 4 du code de procédure civile,

INFIRMER le jugement rendu le 12 mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles en ce qu’il a :

Dit que l’alinéa trois de la clause IV, 1, b) du bail conclu entre la société ESQ et la société André était privée d’effet,

Débouté la société ESQ de sa demande de fixation judiciaire du loyer minimum garanti,

Dit que le bail était renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2012,

Rejeté les demandes plus amples et contraires,

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l’exécution provisoire du jugement,

Condamné la société ESQ aux entiers dépens dont distraction de droit au profit de Maître [G] [L] (BVK Avocats Associés), avocat aux offres de droit en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

DIRE recevable et bien fondée la société ESQ en toutes ses demandes, fins et conclusions.

En conséquence,

L’y accueillir et dès lors,

DIRE que le bail s’est renouvelé pour une durée de 12 années entières et consécutives à compter du 1er avril 2012

FIXER le loyer de base annuel de renouvellement à la somme de 200.800 euros HT et HC à compter du 1er avril 2012,

DIRE que les arriérés de loyer porteront intérêt au taux légal de plein droit à compter de la date d’effet du Bail par application des dispositions de l’article 1155 du code civil,

DIRE que par application des dispositions de l’article 1154 du code civil, les intérêts de loyer porteront eux-mêmes intérêt au taux légal de plein droit.

CONDAMNER la société preneuse aux dépens qui seront recouvrés par Maître Buquet-roussel, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement

VOIR désigner tel Expert qu’il plaira à l’effet de déterminer la valeur locative des locaux au 1er avril 2012,

Dans ce cas, fixer le loyer de renouvellement provisionnel à la somme de 190.000 euros HT et HC par an.

RÉSERVER dans ce cas les dépens.

Vu les dernières écritures signifiées le 9 mai 2017 au terme desquelles la société André demande à la cour de :

Dire la société SCI Esq mal fondée en son appel et la débouter.

Confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions, sous réserve des frais de la procédure.

1° – Sur la nullité de l’alinéa trois de la clause IV, 1, b) du bail

Vu les articles 33 du code de procédure civile et R.145-23 du code de commerce,

Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que l’alinéa trois de la clause IV, 1, b) du bail conclu entre la SCI Esq et la société André est privée d’effet.

Y ajoutant, dire et juger ladite clause non écrite, nulle et de nul effet.

2° – Sur la fixation du loyer

A titre principal

Vu les articles L. 145-1 et R. 145-1 et suivants du code de commerce,

Dire et juger qu’une clause de loyer variable échappe aux dispositions du statut des baux commerciaux et qu’il n’y a lieu à fixation d’un plancher.

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société SCI Esq de sa demande de fixation judiciaire d’un « loyer de base » non prévu par la convention des parties et de sa demande de fixation judiciaire d’un plancher.

Subsidiairement

Vu l’article 1131 du code civil,

Dire et juger que la clause de loyer variable est nulle et de nul effet.

Vu les articles L.145-33 et R.145-2 à R.145-8 du code de commerce, fixer à 120.456 euros par an le loyer du bail renouvelé à effet du 1er avril 2012.

En cas d’expertise, dire que l’expert devra obtenir la production de toutes les références du Centre commercial et s’attacher plus précisément à celles pour lesquelles il n’y a pas eu de changement de locataire depuis trois ans et qu’il devra vérifier les prix couramment pratiqués dans le voisinage à la date de conclusion des contrats ou à la date de leur renouvellement sans les actualiser avec l’indice du coût de la construction.

3° – Sur la durée du bail

Vu l’article L.145-12 du code de commerce.

Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le bail est renouvelé pour une durée de neuf années à compter 1er avril 2012.

4°- Sur les frais de la procédure

Infirmer le jugement sur les frais et dépens.

Condamner la société SCI Esq à payer à la société André une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel et autoriser Madame Corinne Roux (Association Roux Piquot – Joly) à les recouvrer directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fixation du loyer de renouvellement :

Selon l’article IV du bail, signé le 3 mars 1999, à effet au 16 juillet 1999, entre la société anonyme Hammerson Saint Quentin Ville, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la SCI ESQ, et la société André , intitulé Loyer : 1- Fixation du loyer – Le loyer est dû à compter de la date de prise d’effet du présent bail prévue à l’article II ci-dessus.

a/ Pourcentage sur le chiffre d’affaires

Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer annuel hors taxes dont le montant sera égal à 7% du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé par le Preneur dans les lieux loués, la TVA qui incombera au Preneur étant facturé en sus.

b/ Loyer minimum garanti

Le loyer annuel déterminé dans les conditions prévues ci-dessus ne pourra cependant en aucun cas être inférieur à 740.450 francs H.T, la TVA qui incombera au Preneur étant facturé en sus. Ce montant s’entend en valeur du deuxième trimestre 1998 (indice INSEE : 1058).

Il est expressément convenu qu’à l’occasion de chacun des renouvellements successifs du présent bail, le loyer minimum garanti sera fixé à la valeur locative, appréciée au jour d’effet du bail renouvelé.

Les parties déclarent soumettre volontairement la procédure et les modalités de fixation de cette valeur locative aux dispositions des articles 23 à 23-9 et 29 à 31 du décret du 30 septembre 1953 et attribuer compétence au Juge des Loyers du Tribunal de Grande Instance du lieu de situation de l’immeuble. (…)

Le bail prévoit également dans cet article les modalités d’indexation du loyer minimum garanti.

Le tribunal ayant jugé privé d’effet l’alinéa trois de la clause IV, 1, b/ du bail, la SCI ESQ estime que le juge a statué ultra petita puisque la demande de la société André visait à voir déclarer cet alinéa nul et de nul effet. En outre pointe-t-elle le défaut de motivation de la décision, les clauses de loyer binaire étant parfaitement licites et ne pouvant donc être privées d’effet, dès lors que les parties ont librement fait le choix d’attribuer compétence au juge des loyers commerciaux, du fait de la force obligatoire du contrat entre elles.

Elle fait valoir que, dans ce cadre contractuel, la fixation du loyer minimum garanti en renouvellement, qui, n’est pas d’ordre public, s’impose au juge dans les conditions fixées par les parties, peu important l’existence d’un loyer supplémentaire découlant de la clause-recettes.

Elle fait encore grief au premier juge d’avoir dénaturé le contrat en ses claires stipulations relatives tant à la fixation du loyer minimum garanti en renouvellement du bail, qu’à la durée du bail renouvelé.

La société André soutient quant à elle que le loyer est défini par la clause-recettes à l’article IV 1 a/ et fixé à 7% du chiffre d’affaires annuel hors taxes et constitue bien le loyer et non un loyer additionnel, le b/ du même article se contentant de fixer un plancher à ce loyer. Elle réfute ainsi le fait que le loyer défini au bail comporte une double composante.

Dans ce contexte, elle expose que l’alinéa 3 de l’article IV 1 b/ prévoit de donner compétence au juge des loyers commerciaux non pas pour fixer le loyer, mais le plancher du loyer, ce qui est contraire aux règles d’ordre public concernant l’organisation et la compétence des juridictions, telles que définies à l’article 33 du code de procédure civile, qui prévoit que : La compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l’organisation judiciaire et par des dispositions particulières, lesquelles échappent à la matière contractuelle.

Elle rappelle que les clauses de loyer variable sont des modes de fixation étrangers au statut des baux commerciaux ; qu’il existe une incompatibilité fondamentale entre le loyer binaire et le loyer statutaire ; que le loyer est indivisible, tout comme le statut légal qui fixe un plafond de loyer à la valeur locative.

La société André reproche aux bailleurs des centres commerciaux d’abuser de leur position dominante en utilisant des clauses qui leur permettent d’échapper au statut des baux commerciaux, tout en tentant d’y revenir pour voir fixer un loyer minimum garanti et en imposant au juge un office qu’il ne tire que de la loi.

Il ne saurait être contesté que les règles fixant le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés, telles que définies par l’article L.145-33 du code de commerce, ne figurent pas aux dispositions d’ordre public du statut des baux commerciaux visées à l’article L.145-15 du même code.

Ceci implique que les parties au bail ont la libre disposition du droit de fixer des règles différentes de celle de cet article.

En l’espèce, le bail prévoit un loyer annuel hors taxes égal à 7% du chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués, sans que ce loyer puisse être inférieur à un plancher, initialement fixé à 112.880,87 euros (740.450 francs), qualifié de loyer minimum garanti, que les parties ont décidé de fixer à la valeur locative lors des renouvellements successifs, clause qui s’écarte donc du statut des baux commerciaux, mais dont la licéité ne saurait être contestée.

En revanche, le troisième alinéa de l’article IV 1 du bail stipule que : Les parties déclarent soumettre volontairement la procédure et les modalités de fixation de cette valeur locative aux dispositions des articles 23 à 23-9 et 29 à 31 du décret du 30 septembre 1953 et attribuer compétence au Juge des Loyers du Tribunal de Grande Instance du lieu de situation de l’immeuble.

Ce faisant, cette clause tente ainsi de réintroduire la procédure et les modalités de fixation du montant du loyer, telles que prévues au statut des baux commerciaux, pour une partie seulement de ce loyer.

A bon droit la société André oppose à la SCI ESQ, que si les parties ont la libre disposition de définir les règles de fixation du loyer de renouvellement, elles n’ont pas celle d’attribuer au juge une compétence qu’il ne tire que de la loi et de lui imposer, qui plus est, d’appliquer la loi dans les conditions qu’elles-mêmes définissent.

Or, le renvoi contenu dans l’alinéa litigieux aux articles 23 à 23-9 et 29 à 31 du décret du 30 septembre 1953, depuis lors codifiés aux articles L.145-33 et suivants et R.145-2 et suivants du code de commerce, confie au juge des loyers commerciaux l’office de fixer le plancher du loyer à la valeur locative, laquelle, selon l’article L.145-33 du code de commerce ne peut s’envisager que comme étant un plafond de loyer et ainsi mission de s’opposer à l’application de la loi, opposition dans laquelle la liberté contractuelle trouve sa limite.

Dans ces conditions, la cour ne pourra que constater l’illicéité d’une telle clause, la déclarer nulle et de nul effet, confirmant ainsi le jugement entrepris, sauf à le préciser, et déboutant subséquemment, comme l’a jugé le tribunal, la SCI ESQ de ses demandes en fixation du loyer minimum garanti et en paiement des arriérés de loyers.

Sur la durée du bail renouvelé :

Le bail conclu le 3 mars 199 stipule que : Le bail est consenti pour une durée de douze années à compter du 16 juillet 1999. / (…) / Il est expressément convenu qu’à l’expiration du présent bail, en cas de renouvellement, celui-ci interviendra pour une durée de douze années. Il en sera de même pour les renouvellements éventuels.

Selon l’article L.145-12 du code de commerce : La durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue. (…)

En l’espèce, la société André revendique un renouvellement pour une durée de neuf ans, faisant état du caractère d’ordre public de ce texte.

Ce texte n’a aucun caractère d’ordre public, fixant une durée minimum de neuf ans, qui elle est d’ordre public selon les articles L.145-4 et L.145-15 du code de commerce, mais octroyant aux parties la possibilité de stipuler une durée plus longue.

Toutefois, cette durée plus longue nécessite l’accord des parties au moment du renouvellement du bail, qui s’analyse en la conclusion d’un nouveau bail, et non à la date de signature du bail initial, comme le soutient la SCI ESQ.

Force est de constater en l’espèce que l’accord des parties n’existe pas lors du renouvellement et que le bail doit donc être renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2012.

Le jugement sera confirmé de ce chef et, partant, en son entier.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d’allouer à la société André une indemnité de procédure de 3.000 euros. La SCI ESQ, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris du tribunal de grande instance de Versailles du 12 mai 2016 en toutes ses dispositions, sauf à préciser que l’alinéa trois de l’article IV 1 b/ du bail conclu par la société civile immobilière Espace Saint Quentin, venant aux droits de la société anonyme Hammerson Saint Quentin Ville, et la société par actions simplifiée André, le 3 mars 1999 est nul et de nul effet,

Et y ajoutant,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société civile immobilière Espace Saint Quentin à payer à la société par actions simplifiée André la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société civile immobilière Espace Saint Quentin aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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