Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 novembre 2017, 16-18.028 16-18.124, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 22 novembre 2017

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 1463 FS-D

Pourvois n° B 16-18.028

F 16-18.124 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Statuant sur le pourvoi n° B 16-18.028 formé par la société Club opticlibre, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre un arrêt rendu le 31 mars 2016 par la cour d’appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l’opposant à la société Alliance optique, société anonyme, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

II – Statuant sur le pourvoi n° F 16-18.124 formé par la société Alliance optique, société anonyme,

contre le même arrêt rendu dans le litige l’opposant à la société Club opticlibre, société par actions simplifiée,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi n° B 16-18.028 invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° F 16-18.124 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 17 octobre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme X…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Laporte, M. Grass, Mme Darbois, MM. Sémériva, Cayrol, Mme Champalaune, conseillers, M. Contamine, Mmes Tréard, Le Bras, MM. Gauthier, Guerlot, Mmes Brahic-Lambrey, de Cabarrus, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme X…, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Club opticlibre, de Me Y… , avocat de la société Alliance optique, l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n° B 16-18.028 et F 16-18.124, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2016), que la société Club opticlibre, centrale d’achats dans le secteur de l’optique, regroupant des opticiens indépendants, qui acquiert des produits pour les revendre à ses adhérents sur la base des conditions commerciales négociées avec les fournisseurs, et la société Alliance optique, exerçant la même activité au bénéfice des opticiens indépendants regroupés autour d’elle, achètent leurs produits au même fournisseur ; que reprochant à la société Alliance optique des actes de concurrence déloyale résultant de pratiques de revente à perte, prohibées par l’article L. 442-2 du code de commerce, la société Club opticlibre l’a assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° F 16-18.124 :

Attendu que la société Alliance optique fait grief à l’arrêt de dire l’article L. 442-2 du code de commerce applicable, la condamner à réparer le préjudice financier de la société Club opticlibre et rejeter sa demande en dommages-intérêts alors, selon le moyen, que la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une disposition nationale qui prévoit une interdiction générale d’offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, pour autant que cette disposition poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs ; que la cour d’appel, qui a dit applicable au litige l’article L. 442-2 du code de commerce, prévoyant l’interdiction générale de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif, bien que les dispositions de ce texte aient été modifiées par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, tendant à la transposition de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, a violé l’article 2 de ladite directive ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article 3 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, celle-ci s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt et des écritures des parties que le litige porte sur des pratiques commerciales entre une centrale d’achat et des détaillants, soit des transactions entre professionnels ; qu’elles ne relèvent donc pas du champ d’application de la directive ; que le moyen, en ce qu’il invoque l’incompatibilité de la législation française avec une directive inapplicable en l’espèce, est inopérant ;

Sur le second moyen de ce pourvoi :

Attendu que la société Alliance optique fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l’article L. 442-2 du code de commerce, disposition pénale d’interprétation stricte, ne permet pas de déduire la dépendance d’un professionnel à l’égard d’un grossiste de la seule existence d’un « lien d’affiliation » avec celui-ci ; que la cour d’appel, qui, pour écarter le statut de grossiste de la société Alliance optique et la condamner en paiement au profit de la société Club opticlibre, a fait de l’absence de lien d’affiliation une condition nécessaire de la qualité de grossiste et a déduit une affiliation exclusive d’indépendance de l’existence d’obligations réciproques résultant d’une convention entre la société Alliance optique et des opticiens, a violé l’article L. 442-2 du code de commerce, ensemble l’article 111-3, alinéa 1er, du code pénal et le principe d’interprétation stricte de la loi pénale ;

2°/ que l’exigence de clarté et d’intelligibilité du droit, inhérente aux exigences d’un procès équitable, et le principe de légalité des peines imposent qu’une incrimination soit définie en des termes suffisamment clairs et précis ; que la cour d’appel, qui, pour écarter le statut de grossiste de la société Alliance optique et la condamner en paiement au profit de la société Club opticlibre, a fait de l’absence de lien d’affiliation une condition nécessaire de la qualité de grossiste, tout en relevant l’absence de définition juridique de l’affiliation, a violé l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que le prix d’achat effectif défini pour déterminer le seuil de revente à perte est affecté d’un coefficient de 0,9 pour le grossiste qui distribue des produits ou services exclusivement à des professionnels qui lui sont indépendants et qui exercent une activité de revendeur au détail, de transformateur ou de prestataire de services final ; qu’est indépendante au sens de la phrase précédente toute entreprise libre de déterminer sa politique commerciale et dépourvue de lien capitalistique ou d’affiliation avec le grossiste ; que la cour d’appel, pour écarter le statut de grossiste de la société Alliance optique et la condamner en paiement au profit de la société Club opticlibre, a retenu l’existence d’un « réseau », les détaillants accédant à des offres, plus ou moins larges, en contrepartie d’obligations, plus ou moins importantes, mais dépassant largement les relations existants entre un grossiste et son client ; qu’en statuant ainsi, sans préciser en quoi les obligations souscrites auraient remis en cause l’indépendance des opticiens adhérents de la centrale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-2 du code de commerce ;

Mais attendu qu’après avoir rappelé que l’article L. 442-2 du code de commerce prévoit un seuil de revente à perte minoré pour les grossistes, l’arrêt relève que l’alinéa 3 de ce texte impose, pour que soit retenue cette qualification, outre une condition de distribution de produits ou de services, exclusivement à des professionnels exerçant une activité de revendeur au détail, de transformateur ou de prestataire de services final, une condition d’indépendance ; qu’il ajoute que le législateur a précisé qu’est indépendante toute entreprise libre de déterminer sa politique commerciale et dépourvue de tout lien capitalistique ou d’affiliation avec le grossiste ; qu’il relève, dans les « conditions générales d’adhésion et de vente », différentes obligations à la charge de l’adhérent, qu’il décrit, et qui renforcent les liens existant entre celui-ci et la centrale et dépassent celles existant entre un grossiste et son client ; qu’il en déduit l’existence d’un réseau dans lequel les détaillants accèdent à des offres plus ou moins larges en contrepartie d’obligations plus ou moins importantes ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’a violé ni le principe de légalité des peines, ni celui du droit à un procès équitable, ni encore celui de l’interprétation stricte de la loi pénale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° B 16-18.028 :

Attendu que la société Club opticlibre fait grief à l’arrêt de limiter le montant de la somme allouée en réparation de son préjudice financier alors, selon le moyen, que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve des faits juridiques et que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en retenant que la pièce n° 31 – l’attestation du PDG de la SAS Anjou optique – était le seul élément de preuve produit et que le préjudice ne pouvait donc être estimé qu’à l’aune des répercussions auprès du seul et unique opticien auteur d’une attestation (la pièce 31) quand la société Club opticlibre produisait les pièces 32 et 40, ainsi que le constate la cour d’appel, comportant des éléments de nature à démontrer qu’elle avait subi un préjudice auprès d’autres opticiens, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir constaté que seules trois pièces étaient produites pour établir le préjudice financier allégué et que les éléments versés au débat présentaient un caractère lacunaire, l’arrêt relève les différences d’approche des pièces n° 32 et n° 40 quant aux éléments chiffrés en production ; qu’il retient que si les pièces n° 40 et n° 31 apportent la preuve que la société Club opticlibre a été en mesure de convaincre des opticiens de rester adhérents de la centrale, sans leur concéder des conditions commerciales supplémentaires, la pièce n° 31 est insuffisante à établir le lien entre l’octroi d’une remise complémentaire et les propositions commerciales faites aux dix-huit autres opticiens ; qu’en cet état, la cour d‘appel, qui a souverainement apprécié la force probante des pièces produites, n’a pas méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° B 16-18.028 par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Club opticlibre

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR limité la condamnation de la SA ALLIANCE OPTIQUE à payer à la SAS CLUB OPTICLIBRE la somme de 17.394,49 € HT au titre de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

AUX MOTIFS QUE, sur le préjudice de la société club Opticlibre, sur le préjudice financier, de manière générale, la cour note le caractère particulièrement lacunaire des éléments versés aux débats au soutien d’une demande de dommages et intérêts pourtant de 930.133 euros, ce que semble justifier la société club Optique par une volonté de préserver le secret des affaires, la société ne souhaitant « surtout pas communiquer les conditions commerciales accordées à nos adhérents au cas par cas (pièce 32) » ; que si, en présence d’un acte déloyal, le trouble moral ainsi que le trouble commercial s’apprécient souplement, notamment au cas de demande de cessation du comportement déloyal, il n’en demeure pas moins que, pour la réparation d’un dommage avéré sous forme de dommages-intérêts, il convient de démontrer l’étendue du préjudice, le chiffrer à l’aide de documents comptables, notamment, à verser aux débats, et d’établir le lien de causalité entre les faits de concurrence déloyale et les préjudices invoqués ; qu’en l’espèce, la société club Opticlibre évoque un préjudice commercial lié à la nécessité, d’une part, d’octroyer des remises supplémentaires, d’autre part, de faire face au départ de 11 ‘opticiens 10Strict’ ; que, sur le préjudice lié à la nécessité de consentir des réductions/ristournes supplémentaires : pour fonder sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 707.508 euros, la société club Opticlibre mentionne la nécessité de consentir des réductions/ristournes supplémentaires aux 19 opticiens démarchés, notamment par le biais d’avenants ; que la cour note toutefois que :

— ne sont produites que 3 pièces, dont deux [à savoir la note rédigée par les soins de l’appelante sur l’estimation qu’elle a faite de son préjudice (pièce 32) et une attestation de son expert-comptable qui indique avoir vérifié les éléments invoqués par la société (pièce 40)] retranscrivent directement les affirmations de la société contrevenant au principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;

— les éléments chiffrés repris dans les conclusions, la pièce 32 et la pièce 40 ne sont pas toujours similaires, la société ne prenant pas toujours en référence la même année de référence, soit 2012 (pièce 32), soit 2013 (pièce 40) ;

Que les ristournes complémentaires n’ayant pu être éventuellement concédées que pour l’avenir, les faits fautifs s’étant déroulés en février 2012, et les avenants éventuellement souscrits en janvier 2013, il sera pris en compte le chiffre d’affaires 2013 pour l’évaluation du préjudice ; que la pièce n° 31, à savoir l’attestation du PDG de la SAS Anjou Optique caractérise tant l’octroi de remises complémentaires aux conditions habituelles que le lien entre cette remise et la proposition commerciale émanant d’Alliance Optique ; qu’elle est toutefois le seul élément de preuve produit et ne peut permettre d’établir la nécessité d’une telle démarche auprès des 18 autres opticiens, ce d’autant qu’il résulte des énonciations mêmes de la pièce 40 (page 5), que la société indique avoir été en mesure de « convaincre deux opticiens exploitant voire trois magasins de rester adhérents à la centrale sans leur concéder de conditions commerciales supplémentaires » ; qu’alors même que la société club Opticlibre aurait pu obtenir des attestations des autres opticiens démarchés, faisant toujours partie a priori de son réseau, aurait pu produire les avenants souscrits dans ce cadre, elle ne démontre pas le nombre de démarches similaires rendues nécessaires par le fait fautif, la teneur des avantages éventuellement concédés ainsi que la durée de ces concessions ; que le préjudice ne peut donc qu’être estimé à l’aune des répercussions auprès du seul et unique opticien auteur d’une attestation ; qu’au vu, en outre, de l’absence d’avantages consentis à trois magasins, le chiffre d’affaires transité, le pourcentage des remises et la durée moyenne d’adhésion sera donc pris en compte, sans les intégrer (p. 11, pièce 40 sous-total 1) ; que pour déterminer le préjudice subi par Club Opticlibre, la cour retient comme critères :

— l’ancienneté des relations unissant cet opticien avec la centrale de 7,8 ans, soit une ancienneté importante mais également très proche de la durée moyenne d’adhésion des magasins, soit 7,2 ans ;

— l’absence de production de l’avenant permettant de déterminer la durée de cette concession, la tacite reconduction du contrat et de son éventuel avenant devant être pondéré en fonction de la durée moyenne de l’adhésion ;

— le chiffre d’affaires 2013 HT ayant transité par les 16 points de vente démarchés par Alliance Optique, soit la somme de 4.431.445 euros, et les avantages particuliers consentis en 2013 pour les 16 points de vente, soit 89.558 euros ;

— le chiffre d’affaires propre du magasin Anjou Optique, soit 430.351 euros en 2013 ;

Qu’au vu de l’ensemble de ces éléments et au regard de la répercussion sur au moins deux années de concessions, il convient de condamner la société Alliance Optique, à raison des avantages particuliers rendus nécessaires au prorata du chiffre d’affaires du magasin concerné, à la somme de 17.394,49 euros HT ([89558/(4 431 445/43051)x2]) ; que sur le préjudice lié au départ d’adhérents, la société Club Optical sollicite, en outre la somme de 222.625 euros au titre de la marge nette perdue pour les points de vente recrutés par Alliance Optique en janvier 2013 ; que toutefois pour attester le départ de 11 opticiens 10 Strict, elle ne produit que deux courriers de résiliation, l’un de l’opticien de Talence, l’autre de Cestas ; que force est de constater que ces courriers sont des plus lapidaires et ne font aucunement référence à la pratique reprochée à Alliance Optique ; qu’il convient en outre de noter que ces courriers sont tous deux datés de la fin du mois de décembre 2012, soit à une date très éloignée de la pratique litigieuse, qui aurait eu lieu dans le courant du mois de février/mars 2012 ; que la société Club Optique sollicite une indemnisation de son préjudice par rapport à ce groupe d’opticiens, soulignant le « non respect des modalités de résiliation de leur contrat » sans l’expliciter plus avant et sans démontrer que ce fait était la conséquence directe de l’offre de revente à perte réalisée par Alliance Optique ; qu’enfin, il n’est pas contesté par les parties que ce groupe d’opticiens avait d’ores et déjà pu quitter brutalement leur précédente centrale d’achat et que des litiges les opposent aux différentes centrales d’achat (quant au calcul globalisé de leur chiffre d’affaires pour les ristournes ou remises en fin d’année) qu’en conséquence le lien de causalité, si tant est que soit établi le départ des 11 opticiens 10 Strict, ce qui n’est aucunement le cas, n’est pas démontré ; que la demande de ce chef ne peut qu’être rejetée ;

ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve des faits juridiques et que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en retenant que la pièce n° 31 – l’attestation du PGD de la SAS Anjou Optique – était le seul élément de preuve produit et que le préjudice ne pouvait donc être estimé qu’à l’aune des répercussions auprès du seul et unique opticien auteur d’une attestation (la pièce 31) quand la société Club Opticlibre produisait les pièces 32 et 40, ainsi que le constate la cour d’appel, comportant des éléments de nature à démontrer qu’elle avait subi un préjudice auprès d’autres opticiens, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° F 16-18.124 par Me Y… , avocat aux Conseils, pour la société Alliance optique

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué :

D’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a dit l’article L. 442-2 du code de commerce applicable au présent litige, en ce qu’il a débouté la société Alliance Optique de sa demande de dommages et intérêts, et D’AVOIR condamné la SA Alliance Optique à payer à la SAS Club Opticlibre la somme de 17 394,49 euros HT au titre de son préjudice financier, ainsi qu’une d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en réparation de son préjudice,

AUX MOTIFS QUE « sur l’action en responsabilité délictuelle de la société Alliance Optique :

Aux termes des dispositions de l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à réparer.

L’action en concurrence déloyale constitue fondamentalement une action en responsabilité civile, dont l’exercice est subordonné aux conditions classiques de cette responsabilité.

Le préjudice doit être direct, certain et présent. La réparation du préjudice doit être intégrale.

Il appartient dès lors à celui qui s’en prévaut d’apporter la preuve d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité.

1) Sur la faute civile née du non-respect de l’article L.442-2 du code de commerce :

Aux termes de cet article L. 442-2 du code de commerce, le fait, pour tout commerçant de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état et à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75 000 euros d’amende. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu’en soit le support, fait état d’un prix inférieur au prix d’achat effectif. La cessation de l’annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 121-3 du code de la consommation.

Le prix d’achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférente à cette revente et du prix du transport.

Le prix d’achat effectif tel que défini au deuxième alinéa est affecté d’un coefficient de pour le grossiste qui distribue des produits ou services exclusivement à des professionnels qui lui sont indépendants et qui exercent une activité de revendeur au détail, de transformateur, ou de prestataire de services final. Est indépendante au sens de la phrase précédente toute entreprise libre de déterminer sa politique commerciale et dépourvue de tout lien capitalistique ou d’affiliation avec le grossiste.

À titre principal, la société Club Opticlibre se fonde sur cette disposition, édictant une sanction pénale à la revente à perte, pour établir la faute civile, engageant la responsabilité de la société Alliance Optique.

a) Sur l’applicabilité de l’article L. 442-2 du code de commerce :

L’incompatibilité de cette disposition avec le droit européen, et notamment la directive 2005/29/CE et la jurisprudence communautaire qui en découle, est soulevée par Alliance Optique.

Il convient, en conséquence, de s’interroger sur la portée de la directive à l’aune de sa jurisprudence et ses répercussions sur la législation française.

— le champ d’application de la directive et sa jurisprudence :

La directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 a pour objectif, conformément aux termes de son article 1er, de « contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etat membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs ».

II importe de rappeler que cette directive procédant à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs, les Etats ne peuvent adopter, comme le prévoit l’article 4, des mesures plus restrictives que celles définies par la directive, même aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs.

La cour note que la finalité de protection du consommateur est maintes fois rappelée et est primordiale dans la directive européenne, qui envisage la pratique déloyale des entreprises vis à vis du consommateur dans un rapport direct avec ce dernier.

Ainsi, est interdite la pratique commerciale déloyale, définie par l’article 5 de la directive, comme "contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altér[ant] ou [étant] susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateur".

D’ailleurs, dans son ordonnance en date du 7 mars 2013, la Cour de justice de l’Union européenne, examinant l’article 101 de la loi belge du 6 avril 2010, relève bien, dans son paragraphe 22, que « les actions de vente à perte,… qui fonctionnent comme un procédé d’appel, ont pour objectif d’attirer des consommateurs dans les locaux commerciaux d’un commerçant et d’inciter lesdits consommateurs de procéder à des achats. Elles s’inscrivent donc dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visent directement à la promotion et l’écoulement des ventes de celui-ci ».

Elle en conclut à l’entrée de cette pratique dans le champ d’application matériel de la directive et, en l’absence de mention de cette pratique dans l’annexe I, à l’incompatibilité de la « disposition nationale, qui prévoit une interdiction générale d’offrir à la vente ou de vendre des biens à perte ».

Toutefois, immédiatement, la Cour de justice de l’Union européenne nuance cette prohibition -l’interdiction générale de vente ou offre de vente à perte-, puisqu’elle précise "pour autant que [la] disposition poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs", laissant ainsi une marge d’appréciation en fonction des finalités poursuivies par la législation nationale.

— les répercussions sur la législation française :

Se pose dès lors la question de savoir si la prohibition de la revente à perte, énoncée à l’article L. 442-2 du code de commerce, poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs, ou vise à protéger, non pas les consommateurs, mais les acteurs économiques et la concurrence.

Tant la place de cette disposition que son contenu, et notamment son architecture, éclairent quant au but poursuivi par le législateur, à savoir la protection des opérateurs économiques.

Ainsi, sur la forme, la cour note que :

— le texte est inséré dans le livre IV du code du commerce, intitulé « de la liberté des prix et de la concurrence », dans un titre IV « de la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées ».

— il fait suite à l’article L. 442-1 qui, pour les règles relatives aux ventes ou prestations avec primes, aux refus clé vente ou de prestation, prestations par lots ou par quantités imposées, renvoie aux dispositions des articles L. 121-35 et L. 122-1 du code de la consommation, et les reproduit in extenso en appendice, la revente à perte étant bien distinguée des pratiques précitées, qui sont quant à elles envisagées par des dispositions consuméristes.

L’article L. 442-2 du code de commerce mentionne, en son sein, l’article L. 121-3 du code de commerce, dans l’unique but d’encadrer les modalités de cessation de l’annonce publicitaire.

Quant à son contenu, il convient d’observer que l’article L. 442-2 du code de commerce, après avoir édicté la sanction pénale, puis envisagé la cessation de l’annonce publicitaire de vente à perte, définit de manière précise le « prix d’achat effectif ».

Surtout, il envisage avec précision, en son alinéa 3, les modalités d’application de cette prohibition de la vente à perte dans les relations entre opérateurs économiques -et surtout distributeur et commerçant au détail- définissant le grossiste, puis l’indépendance des professionnels et le coefficient applicable en ce cas.

Dans l’optique du législateur, cette pratique a été prohibée pour deux raisons principales, d’une part, éviter l’éviction des petits commerces, ne pouvant rivaliser avec les grands distributeurs, grâce à la fixation de prix prédateurs sur des produits d’appel, d’autre part, éviter de nuire aux producteurs, chaque distributeur exerçant une pression sur ses fournisseurs pour aligner les tarifs sur ceux du distributeur revendant à perte.

Cette philosophie du législateur français transparaît d’ailleurs des différents textes ayant remanié l’article L. 442-2 du code de commerce.

Introduite pour la première fois en droit français par la loi du 2 juillet 1963, « portant maintien de la stabilité économique et financière », elle a été modifiée par l’ordonnance du 1er décembre 1986 « relative à la liberté des prix et de la concurrence », par la loi Galland du 1er juillet 1996 ''relative à la loyauté et l’équilibre des relations commerciales« , par la loi du 15 mai 2001 »relative aux nouvelles régulations économiques« , par la loi du 2 août 2005 »en faveur des PME".

Seule la loi du 3 janvier 2008 pour « le développement de la concurrence au service des consommateurs », dont est issue la version actuellement applicable de l’article L. 442-2, se réfère dans son titre au consommateur, les travaux préparatoires ainsi que le texte, maintenu dans le code de commerce, confirmant cependant que cette disposition est un des piliers du droit des pratiques restrictives de concurrence.

Malgré l’intervention de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne sur la législation belge portant interdiction per se de la vente à perte et l’existence d’un débat quant à la compatibilité de la législation française avec la directive 2005/29/CE, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 « relative à la consommation » n’a aucunement abrogé, voire réformé, la prohibition de la revente à perte et de son offre, alors même que de nombreuses dispositions du droit des pratiques restrictives de concurrence ont pourtant fait l’objet de modifications.

Si l’intérêt du consommateur n’est jamais totalement occulté, le fait même que la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, reste muette sur ce point, confirme que le dispositif législatif vise avant tout à assurer l’équilibre des relations commerciales et donc à protéger les intérêts économiques, leur loyauté.

Enfin, dans le présent litige, les reproches de concurrence déloyale formulés par Club Qpticlibre à rencontre de la société Alliance Optique, concernent des relations commerciales entre professionnels, à savoir des centrales avec les détaillants, sans qu’il n’y ait aucune certitude quant à une éventuelle revente à perte au final entre le détaillant et le consommateur.

L’article L. 442-2 du code de commerce, en ce qu’il vise, dans ce cadre, à prohiber la revente à perte entre professionnels, échappe au champ d’application de la directive précitée et trouve à s’appliquer.

La décision de première instance doit donc être confirmée en ce qu’elle a dit cette disposition applicable au présent litige » ;

ET AUX MOTIFS DU JUGEMENT CONFIRMÉ QUE « sur le bien-fondé de l’application de l’article L. 442-2 du code de commerce, la société Club Opticlibre invoque au soutien de ses intérêts, que l’article L. 442-2 du code de commerce s’applique dans le cadre de son conflit, au motif qu’elle est victime d’actes de concurrence déloyale, la société Alliance Optique pratiquerait selon elle de la vente à perte.

L’article L. 442-2 du code de commerce établit une interdiction pénale de : « la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat ». Cet article ne fait pas référence à la vente à perte. Cet article vise à protéger les intérêts des entreprises et depuis janvier 2008, par le biais de la loi Chatel, la protection des consommateurs.

La directive 2005/29 CE, en son article premier, précise que : « L’objectif est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs. » Elle définit en son article 2 les termes de consommateur : « toute personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. » par opposition au professionnel : « toute personne physique ou morale qui agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »

L’article 3 précise le champ d’application de la directive : « La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. »

L’ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne du 7 mars 2013 sur laquelle s’appuie la société Alliance Optique pour contester les demandes de la société Club Opticlibre au titre de l’article L. 442-2 stipule que la directive 2005/29 CE s’oppose à une disposition nationale qui prévoit une interdiction générale de vendre des biens à perte, pour autant que cette disposition poursuit des finalités tenant à la protection exclusive des consommateurs.

Les dispositions de la directive de la Cour de justice de l’Union européenne ne concernent que les consommateurs, alors que l’article L. 442-2 du code de commerce moins restrictif s’adresse à la fois aux professionnels et aux consommateurs.

Attendu que dans le cas présent, les reproches de concurrence déloyale formulés par la société Club Opticlibre à l’encontre de la société Alliance Optique concernent des relations commerciales entre professionnels, la centrale d’achats et les magasins d’optique, le tribunal dira que c’est à bon droit que la société Club Opticlibre se réfère à l’article L. 442-2 du code de commerce » ;

ALORS QUE la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales»), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une disposition nationale qui prévoit une interdiction générale d’offrir à la vente ou de vendre des biens à perte, pour autant que cette disposition poursuit des finalités tenant à la protection des consommateurs ; que la cour d’appel, qui a dit applicable au litige l’article L. 442-2 du code de commerce, prévoyant l’interdiction générale de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif, bien que les dispositions de ce texte aient été modifiées par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, tendant à la transposition de la directive 2005/29/CE du parlement européen et du conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, a violé l’article 2 de ladite directive.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué :

D’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société Alliance Optique de sa demande de dommages et intérêts, D’AVOIR infirmé le jugement en ce qu’il a dit que la société Alliance Optique bénéficie du statut de grossiste, dit qu’elle n’a pas pratiqué de vente à perte au sens de l’article L. 442-2 du code de commerce, débouté la société Club Opticlibre de toutes ses demandes, condamné la société Club Opticlibre à payer la somme de 5 000 euros à la société Alliance Optique au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et D’AVOIR condamné la SA Alliance Optique à payer à la SAS Club Opticlibre la somme de 17 394,49 euros HT au titre de son préjudice financier, ainsi qu’une d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en réparation de son préjudice,

AUX MOTIFS QUE « Sur les conditions d’application de l’article L. 442-2 du code de commerce :

L’article L. 442-2 du code de commerce prévoit un seuil de revente à perte, qui peut être abaissé en présence d’un grossiste, qualité revendiquée par Alliance Optique.

— Sur la qualité de centrale d’achat ou de grossiste :

L’alinéa 3 impose, pour que soit retenue la qualification de grossiste, outre une condition, de distribution de produits ou services, exclusivement à des professionnels exerçant « une activité de revendes au détail, de transformateur, ou de prestataire de services final », une condition d’indépendance.

Le législateur a d’ailleurs pris soin de préciser qu'« est indépendante au sens de la phrase précédente toute entreprise libre de déterminer sa politique commerciale et dépourvue de tout lien capitalistique ou d’affiliation avec le grossiste ».

En l’espèce, seule cette dernière condition d’indépendance fait l’objet d’une discussion entre les parties, qui s’accordent sur l’absence de tout lien capitalistique entre Alliance Optique et les détaillants.

Si, indéniablement, en exergue et en préambule, dans le cadre de ces conditions générales (pièce 13 et pièce 23), Alliance Optique se définit comme « un grossiste, acheteur ferme auprès de fournisseurs référencés, qui vend au sein d’un réseau de clients, dénommés »adhérents« , tous produits ou articles » d’optique et/ou d’audiologie, il convient en fonction des éléments de faits, concrètement de vérifier, si le détaillant demeure « libre de déterminer sa politique commerciale » et s’il est dépourvu de tout « lien d’affiliation » avec Alliance Optique.

En l’absence de définition juridique de l’affiliation, il y a lieu de se référer à la définition courante de ce terme, qui renvoie à l’idée d’être associé, par le biais de statut, à et dans un groupe, disposant d’intérêts communs et de liens réciproques.

Ainsi, la cour relève, dans l’étude des conditions générales, dénommées d’ailleurs « d’adhésion et de vente » et non d’achat et de vente (pièce 13 et pièce 23) :

— la nécessité d’une adhésion, certes « gratuite » (article 3, 8°) mais qui engendre l’obligation d’ouvrir un compte (article 3, 9°), le présent contrat étant conclu soit pour un an (pièce 13), soit pour une durée indéterminée (pièce 23) avec possibilité de résiliation après respect d’un préavis de 3 mois (pièce 23), de 6 mois (pièce 13).

— la constitution d’une communauté, Alliance Optique, selon le 6° de l’article 1, "veill[ant] à la qualité des adhésions et se réserv[ant] la possibilité de ne pas donner suite à toute demande qu’elle jugerait non conforme à la présente charge, et plus généralement à ses intérêts et ceux des adhérents".

— la défense d’une image et d’une cohésion du groupe par Alliance Optique, les adhérents, qui s’interdisent « toute attitude pouvant nuire à la profession ainsi qu’à la centrale, de façon directe ou indirecte » (article 1, 3°) et s’engagent à éviter tout comportement « préjudiciable à l’ensemble des adhérents d’Alliance Optique » (article 1, 4°), pouvant être exclus et voir leur adhésion résiliée sans préavis par Alliance Optique « dans l’hypothèse où l’une quelconque des présentes conditions ne serait pas respectée », notamment « la charte » (à savoir l’article 1 en son intégralité).

Il est détaillé, dans les conditions générales, des obligations qui renforcent les liens réciproques existants entre l’adhérent et la centrale, et dépassent largement celles existant entre un grossiste et un client, tels que :

— l’ouverture d’un compte imposé (article 3, 9°), avec l’obligation de déposer une somme minimale d’argent (article 4, 10°) ;

— des conditions de règlement (article 5), particulièrement strictes puisque le non-respect des délais de paiement, « comme en cas de modification de la solvabilité apparente d’un adhérent » peut conduire à une suspension ou une résiliation, sans délai et sans mise en-demeure, de l’adhésion, aucun préjudice ne pouvant être invoqué par l’adhérent ;

— l’engagement issu du 5° de l’article 1, qui, certes ne constitue nullement une clause d’approvisionnement exclusif, mais fait peser une obligation de fourniture auprès de la centrale sur les adhérents, qui doivent se comporter « en partenaires loyaux et de bonne foi, privilégiant une solidarité des achats gage de la compétitivité du réseau », obligation pouvant d’ailleurs donner lieu à résiliation sans préavis pour non-respect (articles, 23°) ;

— l’existence de services « susceptibles de concourir au développement des adhérents » (préambule des conditions générales d’adhésion), dont il est spécifié qu’ils ne sont nullement « imposés ».

Facultatifs, ils font l’objet d’une diversification et d’une promotion par Alliance Optique auprès de ses adhérents, conduisant alors à accroître le partenariat et à exiger du détaillant des contreparties, plus importantes, sous forme d’engagement de durée ou de volume (programme fidélité, programme de développement individualisé ou réseau 'opticiens libres').

En tout état de cause, pour tout nouvel adhérent en phase de création, l’article 10 prévoit le bénéfice immédiat de « services spécifiques de conseils et d’assistance » (article 10, 26°) voire en cas de phase de création ou de reprise, le bénéfice possible de facilités de paiement (article 10, 27°) avec engagement de volume (80 % des achats auprès de la centrale) et fourniture du bilan.

Les engagements pris par la centrale au profit de ses adhérents à l’égard de fournisseur, comme, par exemple, l’engagement de ducroire est exigé par Essilor, Alliance Optique étant "responsable et se port[ant] garant du règlement de ses commandes et des commandes passées par ses adhérents pour son ordre et son compte", renforcent en outre nécessairement les liens existants les adhérents et Alliance Optique.

Ces différents éléments établissent l’existence d’un « réseau », les détaillants accédant à des offres, plus ou moins larges, en contrepartie d’obligations, plus ou moins importantes, mais dépassant largement les relations existants entre un grossiste et son client, et cela même en présence d’une adhésion aux seules conditions générales d’adhésion et de vente.

D’ailleurs, dans l’ensemble de sa communication, Alliance Optique revendique le statut de centrale d’achat, au service d’adhérents, offrant des prestations et un « accompagnement au quotidien », permettant d’intégrer un « réseau » avec « tous les avantages d’une enseigne sans les inconvénients », ce qui est bien loin d’une relation achat/vente existant entre un grossiste et un détaillant.

— sur le seuil de revente à perte envisagé par l’alinéa 3 de l’article L. 442-2 du code de commerce :

Selon l’alinéa 3 de l’article précité, "le prix d’achat effectif tel que défini au deuxième alinéa est affecté d’un coefficient de 0.9 pour le grossiste qui distribue des produits ou services exclusivement à des professionnels qui lui sont indépendants et qui exercent une activité de revendeur au détail, de transformateur, ou de prestataire de services final.

Au vu de l’ensemble des éléments sus-exposés, Alliance Optique ne peut revendiquer le statut de grossiste, le bénéfice de l’alinéa 3 de l’article L. 442-2 ne lui étant donc pas applicable, la décision de première instance devant être infirmée sur ces points.

c) Sur les faits d’annonce de revente à perte :

Aux termes de l’article L. 442-2 du code de commerce, est interdite la revente ou l’offre de revente d’un produit en l’état et à un prix inférieur à son prix d’achat effectif, qui s’entend, selon l’alinéa 2 de cet article, comme « le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférente à cette revente et du prix du transport ».

Il convient donc de tenir compte de la différence entre le prix catalogue et les « autres avantages financiers », tels qu’ils sont définis dans la convention unique prévue à l’article L. 441-7 du code de commerce.

L’annonce de revente à perte est donc constituée dès lors que le prix annoncé de la revente des produits est inférieur à leur prix d’achat effectif, soit en l’espèce, lorsque le taux de réduction octroyé par le fournisseur, est inférieur au taux de réductions octroyé par le distributeur.

Pour appliquer l’article L. 442-2 du code de commerce, il y a lieu de tenir compte d’un « prix effectif d’achat » et non d’un prix d’achat projeté.

En l’espèce, Alliance Optique a adressé une offre commerciale à différents opticiens indépendants, affiliés à la centrale d’achat Club Opticlibre, notamment le magasin L.M Optique, comparant les conditions commerciales négociées auprès du verrier Essilor par Alliance Optique et Club Opticlibre, aboutissant à deux offres et annonçant un gain de 46 000 euros dans l’offre 1 et de 64 450 euros dans l’offre 2.

Au vu de la référence dans l’article L. 442-2 du code de commerce au "prix d’achat effectif, il importe peu que l’offre litigieuse ait été réalisée en fonction d’une extrapolation annuelle linéaire du chiffre d’affaires 2012, en partant du chiffre d’affaires du mois de janvier 2012, rendant inopérantes les simulations effectuées par Alliance Optique (à partir de l’objectif de chiffre d’affaires Essilor à réaliser pour 2012 et du chiffre extrapolé pour 2012) pour tenter de légitimer son offre a posteriori.

Après une étude des conditions d’achat des produits Essilor par Alliance Optique et de l’offre faite par Alliance Optique, notamment l’offre adressée à L.M Optique, il peut être retenu que :

— hors remise et ristournes d’Essilor aux adhérents (12 ou 13 %), selon l’option n° 1, il est fait état de réfactions sur le prix de base de 19 % ou de 20 %, si l’on tient compte des conditions particulières ALL + (Club Grand Compte) ;

— L’option n° 2, correspondant au « pack et bonus Alliance Optique » avec les programmes 'les opticiens libres', ALL et MyPartners, envisage des remises sur factures de 20 ou 21 % ainsi que des remises en valeurs absolue, qui aboutissent à un gain supplémentaire ;

— le total des remises et ristournes obtenues sur le prix d’achat auprès d’Essilor par Alliance Optique, exprimé sur le prix de base, outre la réduction sur facture de 12 ou 13 % et celles revenant directement aux adhérents s’élève, selon l’expert, « si l’on ne fait pas application du mécanisme réservé aux grossistes et en fonction du chiffre d’affaires qui sera atteint par le groupement, à un taux de réfaction oscillant entre 16,70 % à 19,43 %, pour une progression du chiffre d’affaires variant entre 0 % et 11,63 % par rapport à l’année n-1 ».

Alliance Optique, qui se contente d’invoquer un travail parcellaire de l’expert, notamment à raison de l’ignorance de certaines conditions spécifiques obtenues par Alliance Optique, n’apporte aucun élément précis venant démontrer que les conclusions de l’expert ont ainsi été faussées, les conditions supplémentaires invoquées n’étant même pas détaillées dans ces conclusions.

Quant au reproche fait à l’expert d’avoir travaillé sur une extrapolation du chiffre d’affaires, il est pour le moins étonnant, Alliance Optique fondant une bonne part de sa démonstration sur des extrapolations en la matière.

II est, de toute façon, inefficace, puisqu’il ressort des conclusions même d’Alliance Optique que le chiffre d’affaires net ristournable Essilor en 2011 était de 21 507 054 euros, et le chiffre 2012 de 22 767 905,96 euros, soit une progression envisagée par la fourchette retenue par l’expert (0 % à 11,63 %).

Enfin, son chiffre d’affaires ristournable effectivement réalisé en 2012, inférieur aux objectifs en chiffre d’affaires Essilor pour 2012, arrêtés entre les parties, ne pouvait conduire à un taux de ristourne aussi conséquent.

Dès lors, quelle que soit la configuration, au vu du chiffre d’affaires 2012 effectivement réalisé, le taux de réfaction n’atteignant aucunement les 20 % annoncés, l’offre litigieuse est donc bien une offre de revente à perte » ;

ALORS QUE l’article L. 442-2 du code de commerce, disposition pénale d’interprétation stricte, ne permet pas de déduire la dépendance d’un professionnel à l’égard d’un grossiste de la seule existence d’un « lien d’affiliation » avec celui-ci ; que la cour d’appel qui, pour écarter le statut de grossiste de la société Alliance Optique et la condamner en paiement au profit de la société Club Opticlibre, a fait de l’absence de lien d’affiliation une condition nécessaire de la qualité de grossiste, et a déduit une affiliation exclusive d’indépendance de l’existence d’obligations réciproques résultant d’une convention entre la société Alliance Optique et des opticiens, a violé l’article L. 442-2 du code de commerce, ensemble l’article 111-3, alinéa 1er du code pénal et le principe d’interprétation stricte de la loi pénale ;

ALORS, subsidiairement, QUE l’exigence de clarté et d’intelligibilité du droit, inhérente aux exigences d’un procès équitable, et le principe de légalité des peines, imposent qu’une l’incrimination soit définie en des termes suffisamment clairs et précis ; que la cour d’appel qui, pour écarter le statut de grossiste de la société Alliance Optique et la condamner en paiement au profit de la société Club Opticlibre, a fait de l’absence de lien d’affiliation une condition nécessaire de la qualité de grossiste, tout en relevant l’absence de définition juridique de l’affiliation, a violé l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;

ALORS, subsidiairement, QUE le prix d’achat effectif défini pour déterminer le seuil de revente à perte est affecté d’un coefficient de 0,9 pour le grossiste qui distribue des produits ou services exclusivement à des professionnels qui lui sont indépendants et qui exercent une activité de revendeur au détail, de transformateur ou de prestataire de services final ; qu’est indépendante au sens de la phrase précédente toute entreprise libre de déterminer sa politique commerciale et dépourvue de lien capitalistique ou d’affiliation avec le grossiste ; que la cour d’appel, pour écarter le statut de grossiste de la société Alliance Optique et la condamner en paiement au profit de la société Club Opticlibre, a retenu l’existence d’un « réseau », les détaillants accédant à des offres, plus ou moins larges, en contrepartie d’obligations, plus ou moins importantes, mais dépassant largement les relations existants entre un grossiste et son client ; qu’en statuant ainsi, sans préciser en quoi les obligations souscrites auraient remis en cause l’indépendance des opticiens adhérents de la centrale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-2 du code de commerce.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 novembre 2017, 16-18.028 16-18.124, Inédit