Tribunal judiciaire de Caen, 9 juillet 2021, n° 18/01671

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Sur la décision

Référence :
TJ Caen, 9 juill. 2021, n° 18/01671
Numéro(s) : 18/01671

Sur les parties

Texte intégral

NE du répertoire général : N° RG 18/01671 – N° Portalis DBW5-W-B7C-GNEN

28A Demande en partage, ou contestations relatives au partage

JUGEMENT NE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CAEN

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 09 Juillet 2021

DEMANDEURS ;

- Madame Y X née le […] à […] demeurant […]

représentée par Me Laëtitia MINICI, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 93

- Monsieur S-T X né le […] à […] demeurant […]

représenté par Me Laëtitia MINICI, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 93

DEFENDEURS :

- Madame D E, F G veuve X née le […] à […] demeurant […]

représentée par Me Jérémy VILLENAVE, avocat postulant au barreau de CAEN, vestiaire : 135 et par Me Antoine CHRISTIN, avocat plaidant au barreau des Hauts de Seine

- Madame A H, I X née le […] à […] demeurant […]

représentée par Me Jérémy VILLENAVE, avocat postulant au barreau de CAEN, vestiaire : 135 et par Me Antoine CHRISTIN, avocat plaidant au barreau des Hauts de Seine

- Monsieur J K, L X né le […] à […] demeurant […]

représenté par Me Jérémy VILLENAVE, avocat postulant au barreau de CAEN, vestiaire : 135 et par Me Antoine CHRISTIN, avocat plaidant au barreau des Hauts de Seine

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COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Magali C, Vice-Présidente Assesseur : Anne-Laure BERGERE, Vice-Présidente Assesseur : Mélanie HUDDE, Juge Greffier : Emmanuelle MAMPOUYA, Greffière présente lors des débats et de la mise à disposition au greffe ;

DÉBATS : à l’audience collégiale publique du 10 mai 2021,

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe le neuf Juillet deux mil vingt et un, date indiquée à l’issue des débats Décision contradictoire , en premier ressort.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte notarié de donation-partage du 08 avril 2000, Monsieur L X a consenti une donation, en avancement de part et à titre de partage anticipé, à ses enfants Y, Z et S-T X, nés de son union avec son épouse Madame I M prédécédée le […], de la nue-propriété et à concurrence d'1/3 chacun d’un immeuble à usage de commerce, comprenant deux bâtiments et deux cours, situé […] et […], 14 830 LANGRUNE-SUR-MER, cadastré section AA n°420, et avec une réserve d’usufruit à son profit. Cet immeuble a été évalué à 76 224,51 euros (500 000 francs) en pleine propriété.

Aux termes d’un testament olographe du 07 mars 2008, Monsieur L X a institué chacun de ses enfants, ainsi que ses petits-enfants A et J X, enfants d’Z, légataires à titre particulier de divers meubles.

Monsieur L X est décédé le […] à CAEN. Il a laissé pour lui succéder ses trois enfants et ses deux petits-enfants A et J X.

Me Fabrice KERGUENO, notaire à DOUVRES-LA-DELIVRANDE, a été chargé du règlement de cette succession.

Monsieur Z X est décédé le […] à […] et a laissé pour lui succéder :

- ses deux enfants nés de son mariage avec Madame D G : A et J X,

- son épouse survivante Madame D G, avec laquelle il était E sous le régime de la séparation de biens pure et simple et qui était bénéficiaire d’une donation notariée du 28 septembre 1982. Aux termes de l’acte de partage de la succession de son époux dressé le 31 mai 2011, elle s’est vue attribuer notamment l’usufruit de l’immeuble précité situé à LANGRUNE-SUR-MER à concurrence de la quote-part d'1/3.

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Par jugement définitif du 05 juin 2012, le Tribunal de grande instance de CAEN, saisi d’une action engagée le 05 avril 2011 par Madame Y X et par Monsieur S-T X contre Madame A X et Monsieur J X, a notamment :

- ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Monsieur L X,

- désigné Me Q R, notaire à OUISTREHAM, pour y procéder,

- désigné le président de la première chambre civile de ce tribunal pour surveiller lesdites opérations,

- rejeté la demande de Madame A X et de Monsieur J X en indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage, avec bénéfice de distraction au profit des avocats postulants des parties.

Suivant ordonnance du 17 octobre 2013, le juge des référés du Tribunal de grande instance de CAEN, saisi les 16 et 22 avril 2013 par Madame D G veuve X d’une action engagée contre Madame Y X et Monsieur S-T X, a :

- débouté Madame D G veuve X de ses demandes de désignation d’un administrateur judiciaire de l’indivision existant sur l’immeuble situé […] et […] à LANGRUNE-SUR-MER et de versement de sa quote-part annuelle dans les revenus indivis de cet immeuble,

- ordonné une mesure de consultation et commis pour y procéder Monsieur K N.

Le 20 mai 2015, Me Q R, lors de la lecture de son projet d’état liquidatif, a établi un procès-verbal de difficultés et a renvoyé les parties « à se pourvoir ainsi qu’il appartiendra ».

Monsieur K N a établi son rapport d’expertise le 11 septembre 2015, aux termes duquel il a relevé de nombreux désordres affectant l’immeuble indivis, notamment des fissures en façade, le mauvais état de la souche de cheminée en façade arrière sur le bâtiment principal, résultant de la vétusté naturelle de l’immeuble associée notamment à une insuffisance de travaux d’entretien. Il a préconisé une réunion des parties pour mettre au point le programme des travaux à réaliser, missionner un maître d’oeuvre, consulter des entreprises et arrêter un calendrier d’exécution.

Par actes d’huissier de justice du 03 mai 2018, Monsieur S-T X et Madame Y X ont fait assigner Madame D G veuve X, Madame A X et Monsieur J X, devant le Tribunal de grande instance de CAEN, aux fins notamment d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre eux, de désignation de Me O P, notaire, pour y procéder et d’un juge commis et, préalablement à ces opérations, de licitation de l’immeuble indivis avec une mise à prix de 605 000 euros.

La médiation proposée par la présidente dudit Tribunal et acceptée par les parties a échoué.

Vu les conclusions récapitulatives de Monsieur S-T X et de Madame Y X signifiées le 1 septembre 2020 par le Réseau Privé Virtueler

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des Avocats (RPVA), aux termes desquelles ils ont sollicité de voir, en vertu des articles 815, 840 et 1686 du Code civil, 1360 et suivants du Code de procédure civile :

- ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre eux et les défendeurs sur l’immeuble à usage de commerce et d’habitation sis […] et […],

- commettre Me O P, notaire à CAEN, pour y procéder,

- désigner tel magistrat qu’il plaira au Tribunal pour surveiller lesdites opérations,

- dire qu’en cas d’empêchement du notaire ou du magistrat commis, il sera procédé à leur remplacement d’office ou sur simple requête.

- y additant, dire et juger que le bien indivis n’est pas commodément partageable et, en conséquence, ordonner qu’il soit procédé à la vente sur licitation de l’immeuble dépendant de l’indivision précitée sur le cahier des charges dressé par Me O P commis à cet effet et qu’il aura établi après avoir rempli toutes les diligences prévues par la loi,

- dire et juger que la mise à prix de l’immeuble sera fixée à la somme de 605 000 euros,

- débouter les défendeurs de leur demande de partage en nature de cet immeuble,

- vu l’article 815-5 du Code civil et l’absence de mise en péril de l’intérêt commun des indivisaires, débouter en toute hypothèse les défendeurs de leur demande de soumission de l’immeuble au régime de la copropriété,

- y additant, vu l’article 70 du Code de procédure civile, déclarer les défendeurs irrecevables en leurs demandes reconventionnelles tendant à obtenir qu’un nouveau notaire soit désigné en lieu et place de Me Q R pour procéder aux opérations de liquidation de la succession de Monsieur L X et qu’il soit statué sur la réintégration des dons manuels à ladite succession, et, à titre subsidiaire, désigner Me O P, notaire, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession,

- à titre subsidiaire, * dire et juger que Madame Y X devra rapporter à la succession la somme de 79 230,60 euros, Monsieur S-T X, celle de 80 000 euros, et Monsieur Z X, celle de 135 486,92 euros,

* débouter les défendeurs de toute autre demande,

* condamner les défendeurs à leur verser la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

* ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation et partage dont distraction au profit de leur avocat en application des dispositions de l’article 699 du code précité,

Vu les conclusions récapitulatives n°3 de Madame D G veuve X, de Madame A X et de Monsieur J X, signifiées le 23 décembre 2020 par le RPVA, aux termes desquels ils ont demandé de:

- vu l’article 1686 du Code civil, voir déclarer irrecevables (ouverture des opérations de liquidation-partage et désignation de notaire déjà ordonnées) ou mal fondées (l’ensemble immobilier indivis peut être commodément partagé ou attribué et le partage est donc préférable à la licitation) l’ensemble des prétentions des demandeurs,

- en vertu de l’article 1371 du Code de procédure civile, voir dire et juger que constitue un motif légitime de remplacement du notaire commis l’incapacité de Me Q R à parvenir au terme de cette succession alors qu’il a été désigné il y a plus de 08 ans et qu’il a mis près de 03 ans à établir un procès-verbal de difficultés lacunaire, et, par conséquent, dire et juger qu’il sera procédé au remplacement de Me

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Q R dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur L X par tel notaire qu’il plaira (à l’exception de Me O P),

- en vertu de l’article 815-5 du Code civil, voir dire et juger que le refus des demandeurs de soumettre l’ensemble immobilier indivis au régime de la copropriété des immeubles bâtis tel qu’issu de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 est contraire à l’intérêt commun des indivisaires et, par conséquent, se voir autoriser à soumettre l’ensemble immobilier indivis précité au régime de la copropriété des immeubles bâtis en acceptant le devis n°D190120052 établi le 24 janvier 2019 par le cabinet B, les frais étant réglés via les fonds de l’indivision actuellement séquestrés entre les mains de Me NOEL, notaire à DOUVRES-LA-DELIVRANDE,

- sur la base de l’article 826 du Code civil, voir dire et juger que chaque copartageant devra recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision et que, pour y parvenir, il y a lieu de constituer autant de lots que nécessaire, et, par conséquent, voir ordonner le tirage au sort des lots entre les indivisaires, soit devant le juge commis, soit devant le notaire remplaçant Me Q R dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur L X,

- en vertu de l’article 843 du Code civil, voir dire et juger qu’ils démontrent que, de son vivant, Monsieur L X a effectué des dons manuels à hauteur de 162 504,53 euros au profit de Madame Y X et de 94 891,24 euros au profit de Monsieur S-T X, et, par conséquent, voir dire et juger que le notaire commis, lors de l’établissement de l’acte contenant la liquidation et le partage de la succession de Monsieur L X, devra expressément mentionner le rapport des donations manuelles dans les proportions suivantes : concernant Madame Y X à hauteur de 162 504,53 euros et concernant Monsieur S-T X à hauteur de 94 891,24 euros,

- en tout état de cause, voir débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs prétentions, voir condamner solidairement ces derniers à leur payer une somme de 16 000 euros à titre de contribution à leurs frais irrépétibles, en plus des entiers dépens, et voir ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir pour le tout,

Par ordonnance du 06 janvier 2021, la clôture différée de l’instruction a été ordonnée au 17 février 2021.

MOTIFS

Sur les demandes d’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision immobilière et de désignation d’un notaire

Les défendeurs concluent à l’irrecevabilité de ces demandes aux motifs qu’elles ont déjà été tranchées par le Tribunal dans son jugement du 05 juin 2012 et que ladite indivision immobilière existe du fait du décès de Monsieur L X.

Les demandeurs répondent que l’indivision existant avec les défendeurs est née, non pas du fait du décès de Monsieur L X et donc de sa succession, mais de l’acte de donation-partage du 08 avril 2000 qui a fait sortir l’immeuble en cause du patrimoine de Monsieur L X et a ainsi constitué un règlement anticipé de sa succession.

Il est exact qu’aux termes du procès-verbal de difficultés qu’il a dressé le 20 mai 2015 (page 19), Me Q R a évoqué l’existence notamment de ladite donation-partage faite en avancement de part et a visé la valeur de l’immeuble de

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790000 euros arrêtée au jour du décès de Monsieur L X pour calculer la quote-part d'1/3 de chaque coïndivisaire (263 333,33 euros) et effectuer l’imputation de celle-ci sur la part de réserve de chaque héritier réservataire.

Toutefois, cette mention et ces calculs ne remettent pas en cause la nature conventionnelle, et non pas successorale, de l’indivision découlant de ladite donation- partage et ayant pris effet dès le 08 avril 2000 conformément à la volonté des parties à cet acte, selon lequel, à la page 07 : « Les DONATAIRES seront propriétaires à compter de ce jour des biens immobiliers donnés aux termes du présent acte et compris dans leur attribution. ». L’effet différé de la date d’entrée en jouissance, au jour du décès du donateur conservant l’usufruit des biens donnés, n’a pas remis en cause l’indivision existante entre les trois nus-propriétaires dès le 08 avril 2000.

En outre, lors de l’instance ayant donné lieu au jugement du 05 juin 2012, les parties n’ont pas soumis à l’appréciation du Tribunal une quelconque demande sur la validité et les effets de ladite donation-partage, ni sur les conditions d’exercice de leurs droits indivis, ni encore sur le sort de l’indivision existant ainsi entre eux.

En conséquence, l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 05 juin 2012 ne peut être retenue pour déclarer ces demandes irrecevables. L’exception d’irrecevabilité soulevée par les défendeurs sera rejetée.

S’agissant du bien-fondé de ces réclamations, l’article 815 du Code civil prévoit que : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué […]. ».

De plus, l’article 840 du même code précise que « Le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837. ».

Dans le cas présent, le partage amiable de l’indivision immobilière existant entre les parties pleins propriétaires (Madame Y X (1/3) et Monsieur S-T X (1/3)), nus-propriétaires (Madame A X (1/6) et Monsieur J X (1/6)) et usufruitier (Madame D G veuve X pour 1/3), n’a pas abouti malgré les tentatives en ce sens. Dès lors, il convient d’ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de celle-ci, lesquelles sont indépendantes du règlement de la succession de Monsieur L X.

Me Jean-Luc NOEL, notaire à DOUVRES-LA-DELIVRANDE ayant succédé à Me Fabrice KERGUENO, titulaire d’un mandat de gestion de l’ensemble immobilier indivis incluant notamment la perception des revenus locatifs pour le compte de l’indivision, qui connaît déjà les points litigieux existants entre les coïndivisaires, et contre lequel aucune opposition n’a été manifestée par les parties, sera désigné, dans un souci d’efficacité, pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage de ladite indivision immobilière. Si les parties le souhaitent, elles ont toujours la possibilité d’être assistées par le notaire de leur choix.

Sur la demande principale de licitation de l’immeuble indivis et la demande reconventionnelle d’autorisation de soumettre celui-ci au régime de la copropriété des immeubles bâtis

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Selon l’article 819 du Code civil, lorsqu’un plein propriétaire est en indivision avec des usufruitiers et des nus-propriétaires, il peut user des facultés prévues aux articles 817 et 818, notamment solliciter la licitation de la pleine propriété lorsqu’elle apparaît seule protectrice de l’intérêt de tous les titulaires de droits sur le bien indivis. Dans ce cas, le partage en nature demeure le principe, la licitation l’exception en cas d’impossibilité d’un partage en nature. L’usufruitier ne peut pas s’opposer à cette licitation en pleine propriété en invoquant le deuxième alinéa de l’article 815-5 du même code.

L’article 1686 du même code définit l’impossibilité d’un partage en nature quand « une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte » et l’article 1377 du Code de procédure civile évoque des « biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués. ».

Il appartient aux coïndivisaires demandeurs de fournir au juge les éléments démontrant l’impossibilité du partage en nature.

En l’espèce, il ressort de la note du 19 février 2018 de Me O P (pièce 11 des défendeurs) que l’immeuble indivis, dont la valeur vénale a été estimée à l’état occupé à 865 607 euros, est composé de :

- au rez-de-chaussée, un local commercial d’une surface de 102 m² avec une terrasse couverte et close, à l’arrière un laboratoire, un dégagement et un accès au sous- sol où se trouve une cave, et une cour à usage privatif donnant accès à deux pièces de réserve. Il est actuellement loué et a été estimé en valeur occupée à 207 600 euros,

- au rez-de-chaussée, un garage estimé en valeur occupée à 9000 euros,

- au rez-de-chaussée, un local commercial d’une surface de 51 m² avec une arrière boutique et des sanitaires. Le bail commercial a été cédé le 27 octobre 2014. Il a été estimé en valeur occupée à 76 900 euros,

- au rez-de-chaussée, une maison accolée à usage d’habitation, située au […], d’une surface habitable de 99,20 m² comprenant un rez-de-chaussée et deux étages. Elle est louée et a été estimée en valeur occupée à 140 123 euros et en valeur vide à 178 560 euros,

- au 1 étage gauche, un appartement de deux pièces principales d’une surfaceer habitable de 56,30 m². Il est libre de toute occupation et en bon état général. Il a été estimé en valeur vide à 112 600 euros,

- au 1 étage droite, un appartement de quatre pièces principales d’une surfaceer habitable de 60,60 m². Il est libre de toute occupation. Des travaux de rénovation sont à prévoir au niveau du chauffage et de la réfection générale. Il a été estimé en valeur vide à 109 080 euros,

- au 2ème étage gauche, un appartement de deux pièces principales d’une surface de 53,08 m². Il est libre de toute occupation et nécessite des travaux de remplacement des convecteurs électriques et des sols. Il a été estimé en valeur vide à 95 544 euros,

- au 2ème étage droite, un appartement de quatre pièces principales d’une surface habitable de 60,40 m². Il est libre de toute occupation et nécessite des travaux de remplacement des convecteurs électriques. Il a été estimé en valeur vide à 114 760

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euros.

Selon l’étude sur la faisabilité technique de la division d’un ensemble immobilier du 24 janvier 2019 de la société de géomètres-experts B (pièce 12 des défendeurs), mandatée par les coïndivisaires et qui a effectué une visite des lieux le 21 janvier 2019, l’imbrication et la superposition des différents locaux ne permet pas la séparation du bâtiment principal de la maison accolée et nécessite le régime de la copropriété relevant de la loi du 10 juillet 1965 pour définir les différents locaux et l’interdépendance de ces derniers et des espaces de circulation, et la nécessité d’avoir en commun à ces locaux un organe de gestion. La mise en place d’un état descriptif de division en copropriété permettra, après établissement des plans et définition des lots privatifs, de fixer les règles de répartition des différentes charges proportionnellement à chacun des lots. L’immeuble présente déjà plusieurs caractéristiques facilitant le fonctionnement et l’indépendance des lots : accès et installations électriques. Préalablement à la mise en copropriété devra être établi un Diagnostic Technique Global (DTG) de l’immeuble. La société B a chiffré à 6348 euros TTC ses prestations de mise en œuvre d’une copropriété aux termes de son devis n°D190120052 du 24 janvier 2019 (pièce 13 des défendeurs).

Pour s’opposer à cette perspective sollicitée par les défendeurs et réclamer la licitation de l’ensemble immobilier indivis, les demandeurs font valoir que le fait de répartir les 07 lots composant celui-ci en tiers ne peut donner lieu à un partage aisément réalisable, que la valeur de chaque lot est très différente, que Madame D G veuve X s’oppose à la réalisation de travaux d’embellissement permettant que les appartements soient loués, que l’existence d’un climat conflictuel persistant et d’une mésentente entre les coïndivisaires constitue un obstacle à tout partage en nature, que les défendeurs, au soutien de leur demande, ne justifient pas de la mise en péril de l’intérêt commun de l’indivision.

Toutefois, la constitution de 03 lots dans cet ensemble immobilier indivis, même s’ils sont de valeur inégale, n’empêche pas le rétablissement de l’égalité entre les héritiers par le versement de soultes d’un montant limité comme proposé par les défendeurs selon l’hypothèse suivante :

- 1 lot composé du local commercial le plus grand et de l’appartement du 2èmeer étage gauche pour une valeur totale de 303 144 euros (207 600 euros + 95 544 euros),

- 2ème lot composé du garage, de la maison et de l’appartement du 2ème étage droit pour une valeur totale de 263 883 euros (9000 euros + 140 123 euros + 114 760 euros),

- 3ème lot composé du second local commercial et des deux appartements du 1er étage pour une valeur totale de 298 580 euros (76 900 euros + 112 600 euros + 109 080 euros), soit le versement d’une soulte de 14 608,33 euros (303 144 euros – [865 607 euros x 1/3]) par le bénéficiaire du 1 lot au profit du bénéficiaire du 2ème lot, er soit le versement d’une soulte de 10 044,33 euros (298 580 euros – [865 607 euros x 1/3]) par le bénéficiaire du 3ème lot au profit du bénéficiaire du 2ème lot.

De plus, la licitation, avec une mise à prix sollicitée par les demandeurs à hauteur de 605000 euros, aurait pour conséquence une perte significative de la valeur de l’ensemble immobilier indivis, évalué à 865 607 euros, préjudiciable à tous les indivisaires. Un tel motif doit primer sur l’existence d’une mésentente entre eux.

En conséquence, tant matériellement qu’économiquement, l’ensemble

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immobilier indivis est parfaitement partageable en nature. La demande de sa licitation sera rejetée. Pour procéder à l’attribution des lots qui seront constitués par le notaire liquidateur, sera ordonné leur tirage au sort dans les conditions prévues par l’article 1363 du Code de procédure civile.

L’article 815-5 du Code civil prévoit qu'« Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coïndivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun.

[…] L’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut. ».

Le refus des demandeurs de soumettre l’ensemble des lots indivis au régime de la copropriété des immeubles bâtis est de nature à mettre en péril l’intérêt commun, dès lors que l’accès à chaque lot privatif imposera nécessairement la création d’accès communs et d’installations communes (électricité, eau…), ce qui rend obligatoires l’élaboration et l’adoption préalables d’un état descriptif de division et d’un règlement de copropriété.

Ainsi, pour permettre le partage en nature avec les exigences telles qu’explicitées par la société B dans son étude précitée, tant matériellement que financièrement, le coût de ses prestations étant moindre par rapport à la perte de valeur du bien s’il était vendu aux enchères sur la base d’une mise à prix de 605 000 euros (- 260 607 euros), les défendeurs seront autorisés à accepter seuls le devis précité n°D190120052 du 24 janvier 2019 établi par cette dernière. Cette solution laissera la faculté aux demandeurs de vendre ultérieurement leurs lots respectifs. Les frais inhérents seront réglés au moyen des fonds de l’indivision actuellement séquestrés entre les mains de Me Jean-Luc NOEL.

Sur les demandes reconventionnelles de remplacement de Me Q R et de réintégration par les demandeurs de dons manuels à l’actif de la succession de Monsieur L X

Les demandeurs exposent que ces demandes sont irrecevables en application de l’article 70 du Code de procédure civile à défaut de justifier de l’existence d’un lien suffisant les rattachant aux prétentions qu’ils ont présentées à titre principal.

Les défendeurs répliquent que le président de la première chambre civile de ce Tribunal est compétent matériellement et territorialement, que l’ensemble immobilier indivis, objet de ce litige, doit être pris en compte dans la succession de Monsieur L X, de sorte que leur demande tendant au remplacement de Me Q R et qui s’y rattache par un lien suffisant, est recevable.

L’alinéa 1 de l’article 70 du Code de procédure civile stipule que « Leser demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. ».

Il a été jugé ci-dessus que l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision immobilière conventionnelle existant entre les parties sont indépendantes du règlement de la succession de Monsieur L X.

Le lien exigé entre les réclamations des demandeurs relatives à cette seule indivision immobilière et les demandes des défendeurs ayant trait à la succession de

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Monsieur L X fait défaut. En conséquence, les défendeurs en seront déclarés irrecevables. A titre surabondant, le Tribunal de grande instance de CAEN en sa formation collégiale statuant au fond n’est pas matériellement compétent pour connaître d’une demande de remplacement de Me Q R, notaire liquidateur, mais exclusivement le juge commis comme prévu par l’article 1371 du Code de procédure civile, lequel peut être saisi par simple requête à cet effet. De plus, concernant la réclamation tendant à la réintégration de dons manuels à l’actif successoral, ces dons ont fait l’objet d’une proposition du notaire liquidateur dans son procès-verbal du 20 mai 2015 de lecture de l’état des opérations de compte, liquidation et partage valant projet d’état liquidatif. Dès lors, il incombe aux défendeurs d’en saisir le juge commis, ce que n’a pas fait Me Q R en 2015 en violation de l’article 1373 du code précité, afin que ce magistrat fasse rapport au tribunal des points de désaccord subsistant.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’emploi des dépens en frais généraux de partage sera ordonné, mais sans faire droit au bénéfice de distraction de l’article 699 du Code de procédure civile, ces deux notions étant incompatibles.

Eu égard au sens de cette décision et à la nature familiale de ce litige, chaque partie conservera la charge de ses frais non compris dans les dépens engagés pour cette procédure.

Sur l’exécution provisoire

Aucune circonstance particulière ne justifie l’exécution provisoire de cette décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe et en premier ressort :

- REJETTE l’exception d’irrecevabilité pour cause d’autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de grande instance de CAEN du 05 juin 2012, soulevée par Madame D G veuve X, Madame A X et Monsieur J X.

- ORDONNE l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision existant entre Madame Y X à concurrence d'1/3 en pleine propriété, Monsieur S-T X à concurrence d'1/3 en pleine propriété, Madame A X à concurrence d'1/6 en nue-propriété, Monsieur J X à concurrence d'1/6 en nue-propriété, et Madame D G veuve X à concurrence d'1/3 en usufruit, sur l’ensemble immobilier situé […] et […], 14 830 LANGRUNE-SUR-MER, cadastré section AA n°420, objet de la donation-partage du 08 avril 2000.

- DÉSIGNE pour y procéder Me Jean-Luc NOEL, notaire, demeurant […], 14 440 DOUVRES-LA-DELIVRANDE.

- DÉBOUTE Madame Y X et Monsieur S-T X de leur

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demande de licitation dudit ensemble immobilier indivis.

- ORDONNE le partage en nature de cet ensemble immobilier et, à cet effet, ORDONNE que les lots, qui seront constitués par Me Jean-Luc NOEL, feront l’objet d’un tirage au sort qui sera réalisé devant ce dernier.

- AUTORISE Madame D G veuve X, Madame A X et Monsieur J X, à accepter seuls le devis n°D190120052 du 24 janvier 2019 de la société B aux fins de soumission de cet ensemble immobilier indivis au régime de la copropriété des immeubles bâtis.

- DIT que les frais inhérents seront réglés au moyen des fonds de l’indivision actuellement séquestrés entre les mains de Me Jean-Luc NOEL.

- DÉCLARE Madame D G veuve X, Madame A X et Monsieur J X, irrecevables en leur demande de remplacement de Me Q R pour procéder aux opérations de compte liquidation partage de la succession de Monsieur L X et en leur demande de réintégration par Madame Y X, à hauteur de 162 504,53 euros, et par Monsieur S- T X, à hauteur de 94 891,24 euros, de dons manuels à l’actif de ladite succession.

- RAPPELLE qu’en application de l’article 1365 du Code de procédure civile, le notaire liquidateur pourra s’adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis.

- RAPPELLE qu’aux termes de l’article 1368 du code précité, le notaire liquidateur devra dresser un projet d’état liquidatif, établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, dans le délai d’un an à compter de sa désignation.

- COMMET la Présidente de la première chambre civile de ce Tribunal en qualité de juge commis pour surveiller les opérations de partage.

- DIT qu’en cas d’empêchement du notaire ou du magistrat commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue d’office ou sur simple requête.

- ORDONNE l’emploi des dépens en frais généraux de partage, mais sans bénéfice de distraction au profit de l’avocate de Madame Y X et de Monsieur S- T X.

- REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile et la demande tendant au prononcé de l’exécution provisoire de ce jugement.

Ainsi jugé le neuf juillet deux mil vingt-et-un, la minute est signée du Président et du Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

E. MAMPOUYA M. C

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Tribunal judiciaire de Caen, 9 juillet 2021, n° 18/01671