Cour d'appel de Bordeaux, 22 janvier 2015, n° 13/04763

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 22 janv. 2015, n° 13/04763
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 13/04763
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 19 juin 2013, N° 10/02375

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 22 JANVIER 2015

(Rédacteur : C-D FRANCO, conseiller,)

N° de rôle : 13/04763

XXX

c/

SARL ACDF

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 juin 2013 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 10/02375) suivant déclaration d’appel du 24 juillet 2013

APPELANTE :

XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par Maître Julia POUYANNE de la SCP CORNILLE – POUYANNE, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL ACDF, exerçant sous le nom commercial 'Au Coin du Four', prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par Maître Ingrid THOMAS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 novembre 2014 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C-D FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Brigitte ROUSSEL, président,

Thierry LIPPMANN, conseiller,

C-D FRANCO, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 1er août 2009, la SCI Premium Immo a donné à bail à la société en cours de formation ACDF, pour y exercer une activité de boulangerie-pâtisserie, un local commercial dépendant d’un immeuble à construire sis 180 route de Libourne à Saint X de Cubzac moyennant un loyer annuel de 26 260 euros hors taxes et hors charges, payable par trimestre et d’avance, pour une durée de neuf années à compter de la date de livraison effective selon procès-verbal de livraison.

La réception de l’immeuble est intervenue le 25 août 2009 et la société ACDF a pris possession des lieux sans que soit signé un avenant contenant procès-verbal de livraison et fixant la date d’effet du bail.

La société ACDF a versé le dépôt de garantie d’un montant de 6 565 € ainsi qu’un droit d’entrée à hauteur de 5 980 € mais a refusé de payer les loyers de septembre 2009 à avril 2010 au motif que le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance, concernant en particulier le raccordement au réseau électrique.

Par acte d’huissier en date du 8 février 2010, la SCI Premium Immo a délivré à la société ACDF un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 18 307,94 euros correspondant aux loyers et charges du 15 septembre au 31 décembre 2009 et du premier trimestre 2010.

Par acte en date du 2 mars 2010, la société ACDF a fait assigner la SCI Premium Immo et la Mutuelle d’assurance des professions alimentaires devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin d’obtenir l’annulation du commandement signifié le 8 février 2010 ainsi que la condamnation du bailleur à lui payer des pénalités contractuelles ainsi que des dommages et intérêts.

Par acte extrajudiciaire en date également du 2 mars 2010, la société ACDF a fait assigner la SCI Premium Immo devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux en sollicitant l’organisation d’une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

De son côté, la SCI Premium Immo à elle-même fait assigner son locataire en référé par acte du 14 avril 2010 afin de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, obtenir son expulsion et la voir condamner au paiement de l’arriéré de loyers soit 18 307,94 euros TTC ainsi qu’une indemnité d’occupation majorée conformément au bail.

Selon ordonnance en date du 14 juin 2010, le juge des référés a joint les deux instances et a rejeté la demande d’expertise au motif que le juge du fond était saisi et a également rejeté les demandes de la SCI Premium Immo en raison de l’existence de contestations sérieuses.

Par décision en date du 9 juin 2011, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné une expertise, confiée à M. Z qui a déposé son rapport le 9 décembre 2011.

Par jugement en date du 20 juin 2013, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— condamné la SCI Premium Immo à payer à la SARL ACDF la somme de 26.840€ à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— constaté la validité du commandement de payer avec clause résolutoire délivrée le 8 février 2010 par la SCI Premium Immo,

— suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé à la SARL ACDF un délai de six mois pour s’acquitter de l’arriéré de loyers et charges restant dûs,

— rejeté toutes autres demandes des parties,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné les défendeurs aux dépens.

Dans des conditions de régularité non contestées, la SCI Premium Immo a relevé appel total de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la juridiction le 24 juillet 2013 et par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 janvier 2014, elle demande à la cour :

— de réformer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes, et l’a condamnée à payer à la SARL ACDF la somme de 26 840 € à titre de dommages-intérêts outre celle de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— de réformer également la décision en ce qu’elle a suspendu les effets de la clause résolutoire en accordant au locataire un délai de six mois pour s’acquitter de l’arriéré de loyers et charges,

— de confirmer la décision en ce qu’elle a constaté la validité du commandement de payer et rejeté les demandes de la SARL ACDF,

— de débouter la SARL ACDF de l’ensemble de ses demandes incidentes,

— de constater le jeu de la clause résolutoire à compter du 8 mars 2010 et d’ordonner en conséquence l’expulsion de la SARL ACDF ainsi que celle de tous occupant de son chef avec au besoin le concours de la force publique et l’aide d’un serrurier,

— de dire qu’elle pourra procéder à l’enlèvement et au déménagement des objets mobiliers garnissant les lieux aux frais, risques et périls de la SARL ACDF,

— de dire que le dépôt de garantie d’un montant de 6 565 € lui demeurera à à titre d’indemnité dès lors que la résiliation provient du fait du locataire,

— de condamner ce dernier à lui payer la somme principale de 78 505,94 euros sauf à parfaire en application des règles contractuelles relatives à la majoration des indemnités mensuelles d’occupation à compter du 1er novembre 2013 et jusqu’au prononcé de l’arrêt,

— de condamner la SARL ACDF à lui payer la somme de 4500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2014, la société ACDF sollicite, au visa des articles 1134, 1147, 1719, 1720 et 1721 du Code civil, 145-41 du code de commerce et1244-1 du Code civil :

— la confirmation du jugement en ce qu’il a constaté le manquement du bailleur à son obligation de délivrance,

— la condamnation de la SCI Premium Immo au paiement des sommes suivantes

—  76 473,61 euros à titre de pénalités contractuelles,

—  59 315 € à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance et du préjudice commercial subi,

—  45 000 € en réparation du préjudice matériel lié à la location d’une armoire de chantier provisoire,

—  5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil,

— l’infirmation du jugement en ce qu’il a constaté que le commandement de payer était valable,

— l’annulation du commandement pour défaut de créance certaine, liquide et exigible,

A titre subsidiaire,

— la suspension des effets de la clause résolutoire visée au commandement,

— l’octroi d’un délai pour la période durant laquelle la clause résolutoire aurait pu jouer,

— la prise en considération de la consignation de la somme visée dans le commandement et du paiement en deniers ou quittances,

— la condamnation de la SCI Premium Immo au paiement d’une indemnité de 5000€ pour frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par ordonnance en date du 2 octobre 2013, le conseiller de la mise en état a constaté le dessaisissement partiel de la cour, du fait du désistement d’appel de la SCI Premium Immo à l’égard de la Mutuelle d’assurance des professions alimentaires.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des moyens des parties, aux dernières conclusions précitées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 novembre 2014.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur le respect de l’obligation de délivrance :

Selon les dispositions de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée.

Il appartient au bailleur de prouver qu’il a mis à la disposition du locataire un immeuble conforme à la chose louée telle que celle-ci a été définie au bail ainsi que les accessoires indispensables à son utilisation normale.

Dans le bail du 1er août 2009, le bien loué est désigné comme suit : « Un local commercial (lot numéro 4 et 5), d’une surface de 202 m² environ dépendant d’un immeuble à construire sis à Saint X de Cubzac, domaine de la Barotte, impasse du Pas de Monac, livré brut de béton, vitré, fluides en attente selon plan annexé.»

Le bailleur s’est en outre engagé à mener les travaux de telle manière que les lieux loués soient achevés pour en permettre l’occupation par le preneur le 1er septembre 2009 au plus tard.

Contrairement à ce qui avait été convenu, les parties n’ont pas établi de procès-verbal de livraison, ni d’état des lieux, ni d’avenant au bail lors de l’entrée dans les lieux.

La SARL ACDF n’a fourni aucune indication sur la date à laquelle elle avait pris possession du local brut de béton; toutefois une première facture d’aménagement intérieur a été dressée le 18 septembre 2009 par la SARL Renovia 33 (travaux de carrelage, peinture, plomberie, plâtrerie isolation et électricité), et du matériel a commencé à être livré dans les locaux pris à bail dès le 4 septembre 2009 (facture de la société Candas – pièce numéro 44 de l’intimée).

Nonobstant l’absence de signature d’un avenant selon les conditions énoncées au bail, il convient de retenir la date du 14 septembre 2009 comme celle de l’entrée dans les lieux et de livraison effective du local commercial, ainsi d’ailleurs que le proposait le bailleur par télécopie du 28 décembre 2009 puis par courrier recommandé du 14 janvier 2010.

Concernant les fluides :

En utilisant le terme de local livré fluides en attente, les parties se sont nécessairement accordées sur le fait que le locataire n’aurait plus lors de l’entrée dans les lieux qu’à relier ses propres installations et machines aux canalisations et conduites en attente, à charge pour lui de réaliser la finition et d’équiper intégralement le local brut de béton.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire (page 13/24) que le réseau d’assainissement (eaux usées et eaux vannes), les conduites d’amenée d’eau potable et les gaines France Télécom ont été posées avant la réalisation du dallage, depuis l’ouvrage de raccordement propre jusqu’au point de réservation à l’intérieur du local.

Toutefois, si la photographie numéro 1 jointe au procès-verbal de constat d’huissier du 12 octobre 2009 révèle bien l’existence de conduites aboutissant à une réservation; il n’existait pas à cette date de compteur individuel ou commun à l’ensemble des lots; et l’amenée effective de l’eau jusqu’au local commercial n’a été possible qu’à la fin du mois d’octobre 2009, après mise en place à la demande de la SCI Premium Immo d’un compteur général AEP en limite de propriété (page 9/24 du rapport).

En outre, nonobstant la présence des gaines, le local n’était pas au 14 septembre 2009 «fluides en attente» pour ce qui concerne la téléphonie, puisque le bailleur a attendu jusqu’au 22 octobre 2009 pour accepter le devis France Telecom relatif à l’équipement du 180, route de Libourne à Saint X de Cubzac, ainsi que cela ressort d’un message électronique adressé par C-D E du groupe Orange, en réponse à une demande d’information de la société ACDF sur ce point (pièce 53 de l’intimée).

En ce qui concerne l’électricité, l’expert judiciaire a mentionné en pages 10, 12, 13 et 15 de son rapport que l’amenée des fluides a été réalisée par des fourreaux destinées à recevoir les câbles EDF selon les caractéristiques appropriées, enfouis sous dallage jusqu’à l’implantation du compteur individuel pendant la phase du terrassement du bâtiment.

Toutefois, il résulte des différents courriers versés au débat que la SCI ne s’est pas assurée avant la signature du bail que la SARL ACDF disposerait dès le 1er septembre 2009 d’une alimentation en électricité pérenne permettant d’exploiter dans des conditions normales son activité de boulangerie pâtisserie dans le local donné à bail.

En effet, par courrier du 24 mars 2009, Y a accusé réception d’une demande formée par la SCI Premium Immo concernant le raccordement collectif des différents lots de son ensemble immobilier au réseau public et a sollicité des informations complémentaires détaillées dans une fiche de collecte.

Il était notamment réclamé la communication d’un plan de situation, d’un plan de masse comportant une identification des limites de la parcelle ainsi que la localisation souhaitée du coffret de coupure en limite du domaine public du domaine privé, ainsi qu’une copie du permis de construire.

Y a dû adresser deux nouveaux courriers les 23 septembre 2009 et le 2 octobre 2009, puis un message électronique le 4 novembre 2009 pour que la SCI Premium Immo adresse le plan contenant l’emplacement de la parcelle.

Le plan d’implantation des gaines spiralées pour les quatre comptages n’a été adressé par le bailleur à Y que par télécopie du 5 octobre 2009.

Le 24 novembre 2009, Y a en outre expliqué à la SARL ACDF que la SCI Premium Immo avait modifié début septembre 2009 sa demande initiale, en ce qui concerne le nombre de compteurs à installer et les puissances sollicitées (ce qui ressort effectivement de la comparaison entre les fiches de collecte du 17 septembre 2009 et du 4 avril 2009).

En raison de cette situation, la société locataire a dû, successivement, se raccorder à un compteur de chantier par une filerie extérieure qui ne lui assurait pas la puissance suffisante pour ses appareils, puis, à compter du 1er février 2010, à une armoire électrique provisoire de 55 KWA comportant un câblage sous gaine pour partie en aérien, ainsi que cela ressort du constat d’huissier du 1er juillet 2010.

Compte tenu des délais d’étude et d’exécution des travaux par Y (soit 3 mois d’étude et 12 semaines de travaux), c’est seulement le 27 décembre 2010 que le locataire a pu signer son contrat définitif de fourniture d’énergie électrique au tarif jaune, par raccordement du bâtiment commercial à partir du nouveau poste de transformation.

L’impossibilité de se raccorder au réseau public, le 1er septembre 2009, n’est donc pas dû à un retard d’Y, ni à une carence du preneur mais à une négligence du bailleur dans le suivi de sa demande de raccordement collectif.

Concernant les abords :

Alors qu’ils constituent dans une zone commerciale un accessoire indispensable des locaux donnés à bail, les abords et le parking du bâtiment de la SCI Premium Immo n’ont été aménagés qu’au début de l’année 2010, ainsi que cela ressort du courrier de la mairie de Saint X de Cubzac en date du 23 octobre 2009.

C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu l’existence d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Sur la demande en paiement de pénalités contractuelles :

Le bail commercial stipule qu’au cas où les lieux ne seraient pas mis à disposition du preneur par le bailleur dans l’état convenu aux présentes, une indemnité de non-mise à disposition serait dû par le bailleur jusqu’à l’entrée dans les lieux, d’un montant, par jour de retard, de 2 % du montant du loyer trimestriel TTC augmentée de tous droits à dommages et intérêts au profit du preneur.

Toutefois, cette clause ne peut recevoir application que jusqu’au 13 septembre 2009 puisque le locataire est entré dans les lieux le 14 septembre 2009.

Par voie d’infirmation du jugement déféré, il convient en conséquence de condamner la SCI Premium Immo à payer à la SARL ACDF la somme de 157,03 euros TTC x 13 = 2 041,39 euros et de rejeter le surplus de la demande de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts :

La société ACDF sollicite en premier lieu le paiement d’une somme de 59 315 € en réparation de son trouble de jouissance et du préjudice commercial subi.

Le locataire fonde principalement sa demande sur une attestation de son expert-comptable Monsieur A B en date du 19 février 2010, selon laquelle «en fonction des éléments qui nous ont été communiqués par la SARL ACDF, il en résulterait pour les cinq premiers mois de non activité couvrant la période de septembre 2009 à janvier 2010 un préjudice financier de 58314 € représentant l’ensemble des dépenses engagées sans exploitation, majorée d’une perte de résultat.»

Toutefois, cette attestation, rédigée au conditionnel et sans aucune précision sur les postes de dépenses pris en considération ne peut être retenue comme probante.

Par courriers recommandés en date des 20 octobre 2009 et 9 décembre 2009, la SARL ACDF avait mis en demeure le bailleur de respecter ses obligations en matière d’approvisionnement électrique dans la mesure où elle entendait procéder à l’ouverture de son commerce avant les fêtes de fin d’année.

Il ressort des factures versées aux débats que l’aménagement intérieur était terminé à cette date ; la totalité du mobilier ayant été livrée le 10 décembre 2009 par la société Mercurial (pièce numéro 37).

Lorsqu’elle a indiqué, sur la fiche de renseignement adressée le 12 novembre 2009 à Y, qu’elle entendait bénéficier d’un abonnement pour une armoire provisoire à compter de février, la société ACDF avait manifestement intégré le fait que le parking ne serait de toutes manières pas terminé avant cette date, en raison du courrier de la mairie du 23 octobre 2009.

En considération des autres justificatifs produits aux débats (compte de résultat clos le 31 décembre 2010 et tableau d’amortissement), il y a donc lieu de retenir que du 10 décembre 2009 au 1er février 2010, la société ACDF s’est trouvée dans l’impossibilité d’exploiter sa boulangerie-pâtisserie du fait de l’absence de raccordement électrique et de parking aménagé, alors qu’elle devait dans le même temps supporter sans contrepartie des charges fixes, qui seront évaluées comme suit :

— remboursement du prêt Crédit Mutuel de 146154 euros pour achat de matériel) : 1102,98 euros

— remboursement du prêt crédit mutuel de 20000 € pour achat de matériel : 64,63 x 2 = 129,26 euros

— salaires : (4000 + 2000) x 2 = 12 000 euros

Par ailleurs, la perte de résultat doit être évaluée à 8 000 euros, en tenant compte de la période (fêtes de fin d’année).

Le préjudice commercial s’élève à 21 232,24 euros.

La société locataire ne justifie par aucune facture avoir supporté un préjudice de 45 000 € à l’occasion de la location d’une armoire de chantier provisoire et devra en conséquence être déboutée de ce chef de demande.

Conformément aux dispositions de l’article 1153-1 du Code civil, la condamnation à dommages et intérêts portera intérêt au taux légal à compter de la date du présent arrêt.

Sur la demande du bailleur concernant les loyers :

Le locataire est bien fondé à opposer l’exception d’inexécution pour la période comprise entre le 14 septembre 2009, date de son entrée dans les lieux, et le 31 janvier 2010 dès lors que le local ne pouvait alors faire l’objet d’aucune exploitation commerciale à titre de boulangerie-pâtisserie à défaut d’alimentation en énergie électrique et d’abords aménagés permettant l’approche et le stationnement de clients.

Seuls les loyers de février et mars 2010 sont exigibles, ainsi que l’appel de provision de 500 euros, puisqu’à compter du 1er février 2010, le locataire a été en mesure de bénéficier d’un approvisionnement en énergie électrique à la puissance requise grâce à la location d’une armoire provisoire et d’un parking.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré et de fixer à la somme de (2 x 2188,35) + 500 = 4 876,70 euros HT, soit 5 832,53 euros TTC euros au titre des loyers et charges exigibles pour février et mars 2010.

Sur le jeu de la clause résolutoire:

Le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail notifié par acte d’huissier du 8 février 2010 est régulier en la forme et n’a pas donné lieu de la part du locataire, dans le délai d’un mois, au paiement de la somme de 5 832,53 euros exigible au titre des loyers et charges des mois de février et mars 2010.

Toutefois, le bénéfice de la clause résolutoire n’a pas été précédemment constaté ou prononcé par une décision ayant force de chose jugée.

Conformément aux dispositions des articles 1244 -1 du code civil et L145 – 41 du code de commerce, il convient donc de suspendre la réalisation des effets de la clause résolutoire, compte tenu de la bonne foi du locataire, dont l’activité commerciale a été rendue impossible durant plusieurs mois du fait de la SCI Premium Immo, et qui a ensuite exécuté normalement le bail.

Un délai de paiement d’un mois est accordé au preneur, pour déconsignation au profit de la SCI Premium Immo de la somme de 5 832,53 euros TTC (une somme de 18.307,94 euros ayant été déposée par chèque du 20 avril 2010 sur compte CARPA).

Il convient de débouter le bailleur de sa demande d’expulsion et de celle tendant à voir dire que le dépôt de garantie lui demeurera acquis puisque la résiliation du bail n’est pas constatée par la présente décision.

Sur les demandes accessoires:

Il convient de confirmer la condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL ACDF.

Chaque partie conservera la charge de ces dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement, en ce qu’il a :

— constaté la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire, sauf à préciser que seule la somme de 5 832,53 euros était exigible le 8 février 2010, au titre des loyers et charges,

— suspendu les effets de la clause résolutoire,

— condamné la SCI Premium Immo à payer à la SARL ACDF la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Infirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

— Dit que les effets de la clause résolutoire sont suspendus pour une durée d’un mois à compter de la date du présent arrêt,

— Accorde à la SARL ACDF un délai d’un mois à compter de la date du présent arrêt pour payer à la SCI la somme de 5 832,53 euros au titre des loyers et charges exigibles pour les mois de février et mars 2010, par déconsignation partielle de la somme consignée sur compte CARPA (le surplus de la somme consignée devant être restitué à la SARL ACDF),

— Déboute la SCI Premium Immo de ses demandes d’expulsion, d’enlèvement des objets mobiliers garnissant les lieux, de paiement d’indemnités d’occupation et de conservation du montant du dépôt de garantie,

— Dit que la SCI Premium Immo a manqué à son obligation de délivrance,

— Condamne la SCI Premium Immo à payer à la SARL ACDF la somme de 21 232,24 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

— Condamne la SCI Premium Immo à payer à la SARL ACDF la somme de 2 041,39 euros à titre de pénalités contractuelles,

— Rejette le surplus des demandes,

— Dit que chaque partie conservera la charge de ces dépens d’appel

Le présent arrêt a été signé par Madame Brigitte ROUSSEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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