Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 6 mai 2021, n° 19/00084

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

AMM

N° RG 19/00084

N° Portalis DBVM-V-B7D-J2FE

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SARL DEPLANTES & K L M

Me Marie MESSERLY

la SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 6 MAI 2021

Appel d’une décision (N° RG 17/00753)

rendue par le conseil de prud’hommes – formation paritaire de GRENOBLE

en date du 17 décembre 2018

suivant déclaration d’appel du 07 janvier 2019

APPELANTE :

Société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY (ESRF), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Sofia K de la SARL DEPLANTES & K L M, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

Madame Z Y épouse X

née le […] à CLERMOND-FERRAND

[…]

[…]

représentée par Me Marie MESSERLY, avocat au barreau de GRENOBLE

Monsieur le DEFENSEUR DES DROITS

[…]

[…]

représenté par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 3 mars 2021, Monsieur MOLINAR-MIN, conseiller, a été chargé du rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES':

Z Y a été embauchée à compter du 9 janvier 2012 par la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY (ESRF) en qualité de «'technicienne supérieure au sein du groupe biolomedical facility de la division Expériences'» suivant contrat de travail écrit à durée déterminée du 21 décembre 2011 transformé par avenant du 4 juillet 2013 en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 août suivant.

Au cours de la relation de travail, Z Y a été nommée en qualité de membre de la cellule de bien-être animal et de membre du comité d’éthique en expérimentation animale dit «'ETHAX 113'» de l’EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY.

Z Y a bénéficié d’un congé pour maternité du 12 septembre 2013 au 15 janvier 2014.

Par correspondance en date du 5 janvier 2015, la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY a sanctionné Z Y d’un avertissement à raison d’un comportement inadapté à l’égard de la salariée détachée par le prestataire C D LABORATORIES.

Par correspondance en date du 5 décembre 2016, la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY a convoqué Z Y à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé au 13 décembre suivant, et l’a mise à

pied à titre conservatoire dans cette attente.

La société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY a procédé au licenciement d’Z Y pour faute, par correspondance en date du 10 janvier 2017.

Le 1er septembre 2017, Z Y a saisi le conseil de prud’hommes d’une contestation du licenciement dont elle a ainsi fait l’objet ainsi que de demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail, de la modification unilatérale de son contrat de travail pour un motif discriminatoire lié à l’état de grossesse et pour refus illicite de la laisser récupérer les données et fichiers à caractère personnel.

Par jugement en date du 17 décembre 2018, dont appel, le conseil de prud’hommes de Grenoble ' section activités diverses ' a':

— DIT que le licenciement de Z Y était nul';

— DIT que Z Y n’avait subi aucune discrimination';

— DIT mal fondée la demande d’Z Y au titre de la restitution des données et fichiers personnels';

— CONDAMNÉ l’EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY (ESRF) à payer à Z Y les sommes suivantes':

—  14'500'€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

—  1'200'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du jugement';

— DÉBOUTÉ Z Y du surplus de ses demandes';

— DÉBOUTÉ l’EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY (ESRF) de sa demande reconventionnelle';

— CONDAMNÉ l’EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY (ESRF) aux dépens.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusés de réception en date des 18 et 20 décembre 2018.

La société civile ESRF en a relevé appel par déclaration de son conseil transmise au greffe de la présente juridiction par voie électronique le 7 janvier 2019.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY demande à la cour d’appel de':

— INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble en date du 17 décembre 2018 en ce qu’il a considéré que Madame Y devait bénéficier du statut de lanceur d’alerte et en ce qu’il a jugé le licenciement de celle-ci nul';

En conséquence,

— DIRE ET JUGER que le licenciement notifié à Madame Y le 10 janvier 2017 est fondé sur une cause réelle et sérieuse';

— RÉFORMER le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble en date du 17 décembre 2018, en ce qu’il a condamné l’ESRF au paiement des sommes indemnitaires au bénéfice de Madame Y';

Pour le surplus des demandes de Madame Z Y,

— CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu’il a dit que Madame Z Y n’a subi aucune discrimination et dit mal fondée la demande de Madame Z Y au titre de la restitution de ses fichiers personnels';

— DÉBOUTER Madame Z Y de ses demandes';

Reconventionnellement,

— CONDAMNER Madame Y à lui payer la somme de 3'000'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

Subsidiairement,

— LIMITER le montant des dommages et intérêts réclamés par Madame Y.

Par ses dernières conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 17 décembre 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Z Y demande à la cour d’appel de':

— DIRE ET JUGER que son licenciement est nul et, en tout état de cause, dépourvu de cause réelle et sérieuse';

— DIRE ET JUGER que l’ESRF a unilatéralement modifié son contrat pour un motif discriminatoire lié à son état de grossesse';

— DIRE ET JUGER que l’ESRF lui a opposé un refus illicite de récupérer ses données et fichiers à caractère personnel';

En conséquence,

— CONFIRMER le jugement rendu le 17 décembre 2018 par le conseil de prud’hommes de Grenoble, en ce qu’il a dit et jugé nul son licenciement';

— CONFIRMER le jugement rendu le 17 décembre 2018 par le conseil de prud’hommes de Grenoble, en ce qu’il lui a alloué la somme de 1'200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

— CONDAMNER l’ESRF à lui verser la somme de 50'099,57 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, en tout état de cause, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

— CONDAMNER l’ESRF à lui verser la somme de 10'000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail, pour un motif discriminatoire liée à l’état de grossesse de la salariée';

— CONDAMNER l’ESRF à lui verser la somme de 5'000 euros nets à titre de dommages et intérêts

pour refus injustifié de restituer les données et fichiers à caractère personnel';

— CONDAMNER l’ESRF à lui verser la somme de 2'500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et cause d’appel, et aux entiers dépens.

Enfin, suivant décision n°2020-024 du 28 mai 2020 de présenter ses observations devant la cour d’appel de Grenoble dans le litige opposant Z Y à l’EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY, le Défenseur des droits, par lettre recommandée datée du 28 mai 2020 et transmise contradictoirement à la cour le 17 juin 2020, est intervenu volontairement à l’instance et a présenté des observations ' auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé ' par lesquelles il constate notamment que':

— Madame Y doit être regardée comme bénéficiant de la qualité de lanceuse d’alerte au sens de la jurisprudence européenne et de la loi Sapin 2';

— Le licenciement de Madame Y constitue une mesure de rétorsion contraire à l’article L. 1132-3-3 alinéa 2 du code du travail et encourt la nullité, par application des dispositions de l’article L. 1132-4 du code du travail';

— Les mesures subies par Madame Y à son retour de congé maternité constituent des mesures discriminatoires fondées sur son alerte professionnelle contraires à l’article L. 1132-3-3 alinéa 1er du code du travail et sanctionnées par la nullité, par application de l’article L. 1132-4 du code du travail.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2021, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 3 mars 2021.

SUR CE':

- Sur la rupture du contrat de travail':

Il résulte des dispositions de l’article 5 de la Convention internationale du travail n°'158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail (OIT), d’application directe en droit interne, que (c) le fait d’avoir déposé une plainte ou participé à des procédures engagées contre un employeur en raison de violations alléguées de la législation, ou présenté un recours devant les autorités administratives compétentes ne peut constituer un motif valable de licenciement.

L’article 10§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France le 3 mai 1974, prévoit par ailleurs que toute personne a droit à la liberté d’expression, ce droit comprenant la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière.

Il ressort parallèlement des dispositions de l’article L.1132-3-3 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Et l’article L. 1132-4 du même code dispose, à cet égard, que toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 1132-3-3 est nul.

Ainsi, en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, et en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il avait

eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité.

Enfin, l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans la rédaction de son alinéa 2, issu de la loi n°'2016-1691 du 9 décembre 2016 dite «'Sapin 2'» entrée en vigueur le 11 décembre 2016 et applicable à la date du licenciement de l’appelante, survenu le 10 janvier 2017, est venu rappeler expressément qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n°'2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Il convient de rappeler que l’article L. 1132-3-3 prévoit, en son alinéa 3, qu’en cas de litige relatif à l’application de ses deux premiers alinéas, ci-dessus rappelés, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou qu’elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n°'2016-1691, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé.

Au cas d’espèce, il convient de relever que l’EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY a procédé au licenciement pour faute d’Z Y par correspondance du 10 janvier 2017, rédigée dans les termes suivants':

«'Suite à l’entretien préalable à sanction pouvant mener jusqu’au licenciement, entretien qui s’est déroulé le 13 décembre 2015 entre vous et les représentants de la Direction de l’ESRF, nous vous informons de la décision de la Direction de vous licencier pour le motif suivant :

Par un message électronique du 15 novembre 1015, vous avez informé votre superviseur E F, ainsi que O P Q, que vous aviez contacté Mme A de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) pour poser des questions sur le fonctionnement du comité d’éthique, en particulier sur les catégories de membres devant siéger dans ce comité.

Vous avez pris cette initiative':

- sans autorisation de votre hiérarchie,

- sans que cela relève des missions et tâches qui vous sont attribuées,

- sans avoir les compétences nécessaires pour le faire,

- en exposant à la DDPP des interrogations dont les décisions ont un impact majeur sur les activités de l’ESRF,

- sans informer votre hiérarchie du contenu détaillé des discussions que vous avez eu avec cette instance (ni avant, ni après l’avoir contactée),

- en laissant planer le doute sur le fait vous auriez pris contact avec un représentant du Ministère de la recherche alors que cela, également, ne relevait pas de vos attributions,

- en présentant ainsi une vision du comité d’Éthique qui se réunirait et agirait en dehors du cadre de la réglementation et en remettant en question la validité des recherches et publications.

Vous poursuivez votre message, sans transition, en généralisant votre propos et en revendiquant une position et une qualification qui vont au-delà de votre qualification réelle':

- en vous prévalant d’un diplôme que vous n’avez pas porté à la connaissance de l’ESRF lors de votre recrutement en contrat à durée indéterminée,

- en remettant en cause les décisions prises par votre ligne hiérarchique jusqu’au plus haut niveau (notamment en ce qui concerne la gestion de la relation contractuelle avec le prestataire C D).

De plus, par un message électronique du 1er décembre 2015, vous indiquez que vous continuez à surveiller l’activité du prestataire C D. Vous rapportez un ensemble d’événements de façon excessive, sans prise de recul, et revenez sur une demande de prise de responsabilité et de positionnement qui n’est pas la vôtre dans l’organisation.

Ces deux messages constituent une récidive de la faute pour laquelle vous avez reçu un avertissement le 5 janvier 2015.

En effet, lors de cette procédure disciplinaire, vous avez été sanctionnée pour des faits répétés similaires, c’est-à-dire pour n’avoir pas modifié votre comportement malgré plusieurs rappels à l’ordre préalables vous demandant de retrouver une attitude mesurée à votre poste tant dans les relations avec les membres de l’équipe et les salariés en sous-traitance que par l’adéquation des actions correctives que vous mettez en place à la suite des écarts que vous constatez.

Fin février 2015, vous adressez un courrier à la Direction dans lequel vous contestez cet avertissement. Le dossier accompagnant cette contestation met de nouveau en évidence l’incompréhension répétée que vous avez des missions qui vous incombent. Vous vous attribuez des responsabilités qui sont en dehors de votre descriptif de poste et qui requièrent un niveau de qualification plus élevé que le vôtre. En outre, dans ce courrier, vous critiquez et contestez les positions managériales alors même qu’au poste que vous occupez vous ne pouvez avoir la vision globale qui les sous-tend.

Vous décidez de diffuser ce courrier aux membres du CSHCT, accompagné d’un ensemble de messages électroniques, de photos, illustrant selon vous les dysfonctionnements que vous constatez.

Après étude de ces documents par la Direction, il ressort que sortir ces documents de leur contexte altère l’image de l’ESRF et la réalité dans laquelle est conduite l’expérimentation animale.

Par courrier du 27 avril 2015, vous vous voyez confirmer l’avertissement du 5 janvier 2015 et il vous est de nouveau rappelé votre position à l’ESRF ainsi que les missions et responsabilités qui vous sont et restent assignées. Malgré cet avertissement et sa confirmation, vous continuez, de façon récurrente, à interpeller par écrit votre hiérarchie sur des sujets semblables, sans tenir compte des rappels à l’ordre qui vous sont adressés.

Ainsi, tant le message électronique du 15 novembre 2015, que celui du 1er décembre 2015, dans lequel vous précisez : «'combien de temps encore pour que je trouve la place qui me revient sans combats permanents'''», faisant référence à votre désir de prendre la responsabilité de la gestion de la BMF (Bio Medical Facility) et la gestion de la relation contractuelle avec le prestataire C D, mettent en évidence le fait que vous n’avez pas tenu compte des rappels à l’ordre qui vous ont pourtant été signifiés de façon formelle et sans équivoque, y compris un avertissement vous indiquant que, si vous ne modifiez pas votre comportement au travail, vous vous exposiez à une sanction plus importante.

Il ressort des deux messages électroniques cités ci-dessus que vous avez manifestement et volontairement continué à agir en dehors du cadre des missions qui vous étaient confiées, ignorant les injonctions de votre hiérarchie de modifier votre comportement :

- en intervenant et interagissant de façon inappropriée, constante et répétée, dans la relation contractuelle avec le prestataire C D, mettant en difficulté ses salariés, et perturbant voire pouvant entrainer une dégradation du déroulement de la prestation,

- en contactant les autorités de tutelle compétentes en matière d’inspection et de contrôle de l’expérimentation animale, sans prendre la mesure des conséquences néfastes que ces agissements pourraient avoir sur I’ESRF, sans disposer de l’ensemble des éléments nécessaires permettant de se forger une opinion sur la conformité de ces opérations avec la règlementation, alors même que les dernières inspections effectuées par la DDPP n’ont fait apparaitre aucun manquement.

Ce faisant, vous avez désobéi sciemment à votre hiérarchie, allant jusqu’à vous substituer à elle, et vous avez présenté une image injustement dégradée de l’ESRF auprès de ses partenaires sociaux, de ses prestataires et de ses autorités de tutelles.

Lors de l’entretien du 13 décembre 2015, vous n’avez présenté aucun élément susceptible de contredire ou d’atténuer les faits qui vous ont été présentés. Par conséquent, la Direction considère que vos agissements constituent un motif réel et sérieux de licenciement en raison de votre insubordination et de votre comportement déloyal.

Compte tenu des éléments présentés dans ce courrier, et après consultation pour avis de la Commission des Carrières dans le cadre de la procédure en cours les 15 décembre 2015 et 5 janvier 2012, nous vous informons de la décision de la Direction de vous notifier votre licenciement pour faute.

Dans le cadre de la procédure disciplinaire avant conduit à la notification de ce licenciement, la Direction vous a notifié votre mise à pied conservatoire, à effet immédiat du 5 décembre 2015, entraînant la suspension de votre contrat de travail et du versement de votre rémunération jusqu’à la décision définitive de sanction. En application de l’article 35.3 de la Convention d’entreprise, la sanction prise à votre encontre n’étant ni une mise à pied disciplinaire, ni un licenciement pour faute grave ou lourde, votre rémunération pour la période allant du 5 décembre 2016 au 11 janvier 2017 sera rétablie et versée avec la paie du mois de janvier. Votre préavis, que nous vous dispensons d’effectuer, débutera le 13 janvier 2017 et prendra fin le 12 avril 2017'».

Il apparaît ainsi que l’ESRF a entendu faire grief à sa salariée, dans les termes ci-dessus rappelés de la lettre de licenciement, de la réitération, par ses deux correspondances électroniques des 15 novembre et 1er décembre 2016, de précédents comportements fautifs ayant donné lieu à plusieurs rappels à l’ordre et, in fine, à la notification d’un avertissement, le 5 janvier 2015, par lesquels elle avait entendu demander à sa salariée de «'retrouver une attitude mesurée à votre poste tant dans les relations avec les membres de l’équipe et les salariés en sous-traitance que par l’adéquation des actions correctives que vous mettez en place à la suite des écarts'» qu’elle pouvait être amenée à constater.

Dans ces circonstances, le licenciement disciplinaire prononcé devait ainsi venir sanctionner, pour l’employeur, les contenus des correspondances électroniques d’Z Y des 15 novembre et 1er décembre 2016 qui caractérisaient, à son sens, une nouvelle violation – délibérée – par la salariée de ses prérogatives et des injonctions hiérarchiques, en ce qu’ils révélaient notamment la prise de contact direct, par l’intéressée, des autorités de tutelle compétentes en matière d’inspection et de contrôle de l’expérimentation animale, dans des circonstances aboutissant à présenter «'une image injustement dégradée de l’ESRF auprès de ses partenaires sociaux, de ses prestataires et de ses autorités de tutelles'».

Or, il ressort, notamment, des multiples échanges de courriels, versés aux débats à cet égard, qu’au

cours du mois de mars 2013, Z Y a signalé de façon très circonstanciée à ses responsables hiérarchiques au sein de l’ESRF, plus particulièrement à la responsable de l’animalerie N B, sa supérieure hiérarchique directe, un certain nombre d’insuffisances et manquements de la salariée mise à leur disposition par le prestataire C D LABORATORIES dans l’accomplissement de sa prestation de travail, ayant entraîné l’apparition de lésions sur plusieurs lapins de l’animalerie ainsi que plusieurs ruptures de suivi et manques dans l’entretien et l’hygiène des animaux y étant entretenus.

Et, par courriels des 5 juillet et 20 août 2013, Madame B a, d’ailleurs, sollicité de Madame Y la poursuite de la transmission d’informations circonstanciées sur les manquements et insuffisances qu’elle était susceptible de constater dans l’exécution, par cette salariée, de la prestation confiée à la société C D LABORATORIES afin d’alimenter efficacement les échanges des représentants de l’ESRF avec cette société.

Or, ensuite de la correspondance détaillée qu’elle avait envoyée sur l’adresse électronique structurelle de l’équipe 'BMF’ (Biomedical facility) le 20 novembre 2014 afin de signaler un «'problème sur l’étiquetage des cages'» de souris transgéniques devant servir à des expériences distinctes, et des échanges s’en étant suivis et ayant donné lieu à un rappel par courriel du 21 novembre suivant à la salariée de la société C D LABORATORIES par Madame B à «'plus de rigueur'», l’ESRF a notifié un avertissement à Z Y par correspondance datée du 5 janvier 2015 au motif que «'Le 19 novembre, à l’occasion d’une réception d’animaux, à la charge de C D, vous avez constaté un éventuel écart sans gravité, dont la correction ne nécessitait qu’un bref échange oral. Vous avez choisi cependant de répondre à cet écart par des moyens démesurés au regard de la finalité recherchée. Prise de photos, échange de mails avec votre superviseur et avec le sous-traitant. Cette posture n’a eu pour effet que d’ajouter de la tension dans les relations, malgré les demandes réitérées de votre superviseur pour que vous soyez plus mesurée dans vos échanges, demandes effectuées lors de faits passés et similaires'».

Par la suite, Z Y a notamment fait savoir à son supérieur hiérarchique de second niveau, ensuite de son entretien annuel d’évaluation dirigé le 31 mars 2015 par sa supérieure directe N B que':

— «'Les soucis remarqués auparavant étaient toujours présents et avaient toujours un impact sur mon travail. J’ai donc continué de faire remonter tout ceci. Fin 2014, N B a demandé une sanction à mon égard auprès de la direction de l’ESRF. L’avertissement qui en a découlé, je le conteste à ce jour et je le trouve particulièrement injustifié. A ce jour je ne sais plus comment agir, car les soucis sont toujours là mais je ne sais plus comment les faire remonter sans craindre une autre sanction ou autres actions envers moi'»';

— elle émettait une «'objection de conscience'» sur certaines expérimentations animales menées au sein de l’ESRF, s’agissant tout particulièrement d’une expérimentation MD844 réalisée en décembre 2014 et ayant entraîné d’importantes pertes de poids de plusieurs animaux (lapins), pourtant «'maintenus en vie en dépit des règles éthiques'», de sorte que «'Selon les documents d’éthique que j’ai eu en ma possession, les lapines auraient dû être euthanasiées début Janvier 2015. si les documents éthiques validant ces dépassements de points limites existent pourquoi ne pas me les avoir communiqués'' Si ces documents n’existent pas, on est face à un grave problème d’éthique au sein de l’animalerie de l’ESRF'».

Par courriel «'confidentiel'» adressé le 22 février 2016, Z Y a expressément alerté le directeur général de l’ESRF ainsi que le chef du groupe du service sécurité et, en copie, le secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et le secrétaire du comité d’entreprise, sur «'La non prise en compte de (s)on état de mal être de plusieurs mois'». Or, Z Y a alors joint à sa transmission une correspondance récapitulative, très circonstanciée, relatant notamment les différents manquements qu’elle avait ' à son sens ' été amenée à constater au cours de sa période d’emploi au sein de cette structure, touchant à son sens à la sécurité des personnes, la protection de l’environnement, et au respect des règles d’éthique dans la supervision et l’encadrement des expérimentations animales. Par cette correspondance, Z Y alertait plus particulièrement ses destinataires, s’agissant de ce dernier point, sur les insuffisances en matière de conformité à la réglementation qu’elle avait été amenée à constater dans les organisations et fonctionnements mis en 'uvre au sein de la biomedical facility, et plus particulièrement de son animalerie, décrivant des « 'dysfonctionnements liés au personnel du sous-traitant CRL'» (C D LABORATORIES) qu’elle avait successivement été amenée à signaler à sa hiérarchie, et mettant en cause l’étendue ' à son sens excessive ' du périmètre d’intervention dévolu à ce sous-traitant dans le fonctionnement de son service. L’intéressée dénonçait à cet égard l’absence de prise en compte adéquate de ses précédentes alertes auprès de ses responsables hiérarchiques et la notification d’un avertissement disciplinaire, auxquelles celles-ci avaient finalement donné lieu.

Enfin, s’agissant, en dernier lieu, des faits sanctionnés dans les termes ci-dessus rappelés de la lettre de licenciement, il apparaît que, par sa correspondance électronique du 15 novembre 2016 à l’objet «'comité d’éthique'», adressée à Monsieur E F, d’une part, et à Madame O P Q, d’autre part, Z Y a entendu ' ensuite d’un échange verbal avec les intéressés le matin même auquel elle se réfère ' attirer l’attention de ses supérieurs hiérarchiques au sein de l’ESRF sur l’inadéquation qu’elle a cru percevoir entre la composition et le fonctionnement du comité d’éthique en expérimentation animale de la société, au sein duquel elle avait été nommée, et les dispositions législatives et réglementaires applicables, et quant aux conséquences potentielles de ces non-conformités sur l’activité et la production passées de cette structure.

Par sa correspondance, Z Y a incidemment signalé à ses interlocuteurs qu’elle avait été amenée à interroger spontanément une représentante de la direction départementale de la protection des populations sur ces questions ' qu’elle considérait alors, tout comme son employeur, notamment dans les termes ci-dessus rappelés de la lettre de licenciement, comme l’autorité de tutelle compétente en matière de supervision et de contrôle de l’activité de l’animalerie ' qui l’avait orientée vers le représentant pour le département de l’Isère du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qu’elle suggérait instamment de consulter, et leur a fait savoir que, si elle avait pu constater que «'il y a beaucoup de points qui ne vont pas à l’ESRF'», ce dont elle avait précédemment fait part à sa hiérarchie, elle réitérait sa «'demande d’aider l’ESRF à aller dans le bon sens, à participer activement à la refonte de ce système'».

Et, par sa correspondance électronique du 1er décembre 2016 à l’objet «'point médicaments'» adressée aux deux mêmes destinataires, également visée dans les termes ci-dessus rappelés de la lettre de licenciement, Z Y a tenu à faire part de son profond étonnement et de sa déception quant à l’initiative des salariés du laboratoire prestataire C D LABORATORIES ' dont elle venait, à ses dires, d’avoir connaissance inopinément ' de prendre contact avec «'la PRM'» afin de «'recommander des médicaments, notamment pour la manip de Marine Potez de fin janvier'», alors que «'les tâches pour la manip de Marine n’ont pas été attribuées'» de sorte que ces salariés se les étaient spontanément attribuées et réservées, d’une part, et que ceux-ci n’avaient «'pas mis BMF en copie comme demandé depuis maintenant plusieurs semaines (mois)'».

Au terme de ces premières constatations, il doit être relevé que la bonne foi des alertes successivement adressées par Z Y, à ses responsables hiérarchiques d’abord, aux dirigeants de l’ESRF ensuite, et des contacts pris avec ceux qu’elle estimait être les représentants des autorités de contrôle compétentes, tend notamment à ressortir de leur caractère très circonstancié, de la mesure des termes utilisés et de leur finalité, s’agissant de l’objectif constamment affirmé par l’intéressée de participer à la mise en 'uvre d’actions correctives ' qu’elle entendait d’ailleurs suggérer ou proposer ' comme de sa volonté régulièrement rappelée de prévenir les conséquences néfastes, pour les salariés concernés comme pour l’activité de la structure, d’éventuels contrôles des autorités de tutelle en matière d’expérimentation animale.

Il peut d’ailleurs être constaté à cet égard, à l’examen de la correspondance du directeur départemental de la protection des populations pour le département de l’Isère en date du 13 juin 2019, que l’inspection inopinée réalisée sur le site de l’ESRF le 7 juin 2018 a conduit les membres de son service «'santé et protection animales, environnement'», à relever plusieurs non-conformités majeures relatives aux expérimentations en ce qui concerne la compétence du personnel et le respect du bien-être animal, pour des motifs se rapprochant très sensiblement de certains points d’alerte précédemment élevés par Z Y, justifiant – in fine – le classement de l’établissement en classe C «'non-conformité moyenne'» au regard de la réglementation applicable pour l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques.

Il résulte ainsi des énonciations qui précèdent qu’Z Y présente des éléments de fait qui permettent de présumer, d’une part, qu’elle a relaté et témoigné de bonne foi de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale délictuelle et, d’autre part, qu’elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n°'2016-1691, l’ESRF ne versant aux débats aucune pièce susceptible d’établir qu’elle aurait apporté une réponse adaptée aux alertes circonstanciées dont l’avait successivement saisie sa salariée.

Et la circonstance que, insistant sur l’engagement potentiel de la responsabilité des salariés comme de son employeur, Z Y n’a pas qualifié expressément, dans les alertes et témoignages considérés, les infractions susceptibles d’être caractérisées par les manquements et insuffisances dénoncés, s’agissant plus particulièrement des qualifications délictuelles – qu’elle envisage désormais, à l’occasion de la présente instance – d’actes de cruauté et de maltraitance sur les animaux de laboratoire et de réalisation d’expériences ou de recherches scientifiques ou expérimentales sur animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d’État, n’est pas de nature, en tant que telle, à lui faire perdre le bénéfice de la protection prévue par les dispositions précitées de l’article L. 1132-3-3.

Pourtant, la mesure de licenciement contestée du 10 janvier 2017 constitue, pour l’employeur, la sanction directe des déclarations et alertes successivement effectuées par Z Y à compter du mois de mars 2013, dans les circonstances précédemment rappelées et en dernier lieu les 15 novembre et 1er décembre 2016, avec lesquelles cette mesure fait expressément un lien direct.

Il convient nécessairement, dès lors, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré comme nul le licenciement d’Z Y, survenu le 10 janvier 2017.

Or, compte-tenu de son ancienneté au service du même employeur, de la rémunération mensuelle brute qu’elle percevait, des circonstances de la rupture telles que rappelées ci-dessus, de la situation familiale et de la situation personnelle sur le marché de l’emploi dont elle justifie, le préjudice subi par Z Y à raison de la perte injustifiée de son emploi peut être plus justement évalué à la somme de 21'000'€, dont l’ESRF lui doit réparation.

- Sur la discrimination liée à l’état de grossesse':

Il ressort des dispositions de l’article 15 de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 qu’une femme en congé de maternité a le droit, au terme de ce congé, de retrouver son emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elle aurait eu droit durant son absence.

Et, il résulte à cet égard des dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi no'2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion

professionnelle, ou de mutation en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse.

Les dispositions de l’article L. 1134-1 prévoient, à cet égard, qu’en cas de litige relatif au respect des dispositions précitées, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, puis à la partie défenderesse, le cas échéant, de prouver au vu de ces éléments que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au cas particulier, Z Y soutient que le contenu de ses responsabilités a été profondément modifié à son retour de congé de maternité, survenu entre le 12 septembre 2013 et le 15 janvier 2014, en ce qu’elle a été déchargée à compter de cette date de la gestion du complexe animalier et de la supervision du salarié mis à la disposition de l’ESRF par l’entreprise sous-traitante C D LABORATORIES y étant affecté.

Or, il apparaît qu’Z Y avait été embauchée à compter du 9 janvier 2012 en qualité de «'technicienne supérieure au sein du Groupe Biomedical facility de la Division Experiences'» de l’ESRF, pour pourvoir initialement au remplacement temporaire du titulaire de ce poste, Monsieur G H, avant son embauche en contrat de travail à durée indéterminée selon avenant en date du 4 juillet 2013.

Et, il ressort notamment du compte-rendu d’entretien annuel du 20 mars 2014, établi par Madame N B, comme du courriel que lui a adressé cette dernière le 5 janvier 2015 et du «'job description draft'» élaboré par l’ESRF le 6 février 2015 «'based on D H’s JD + recruitement offer + Annual Interview 2014 of HB and GLD'» qu’Z Y a été chargée, à compter de son embauche, des missions de «'Fournir un support aux utilisateurs dans le cadre du programme utilisateurs dans tous les laboratoires'; être en charge de la gestion du stock des équipements et du consommable'; Etre en charge de la maintenance des gros équipements dans les laboratoires'; Participer aux questions de sécurité'; Participer aux programmes utilisateurs dans tous les laboratoires'».

Ensuite des réclamations formées dès l’entretien du 20 mars 2014 par Z Y quant au retrait, depuis la fin de son congé de maternité, de la mission de superviser les tâches quotidiennes effectuées au sein de l’animalerie par la société prestataire C D LABORATORIES, Madame B décrit dans le compte-rendu d’entretien qu’elles ont respectivement signé le 2 avril 2014 que «'Comme l’a déclaré Z, la gestion quotidienne du personnel CRL est maintenant gérée par moi même. Historiquement, l’animalerie était gérée directement par D. H puis il était logique de procéder de la même manière à l’arrivée d’Z. Cependant, nous avons eu des difficultés en essayant de travailler ainsi et après réunions j’ai décidé de changer de façon d’agir afin de trouver une solution optimisée. Nous verrons comment cela fonctionne'».

Madame B décrit ainsi, dans un courriel à l’intéressée du 5 janvier 2015 puis dans les mentions complémentaires à celles portées par la salariée concernant la description des fonctions exercées dans le compte-rendu de l’entretien annuel du 31 mars 2015, que, si la gestion courante de la «'biomedical facility'» (BMF) continue à incomber à Z Y, l’animalerie («'the animal facility'») relève désormais de la gestion de la société prestataire C D LABORATORIES.

Il apparaît, ainsi, qu’Z Y présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination à raison de sa situation de famille et du congé de maternité dont elle a pu bénéficier entre le 12 septembre 2013 et le 15 janvier 2014.

Il convient, pour autant, de relever que les entretiens annuels d’Z Y, pour les années 2012 et 2013, tendent déjà à laisser apparaître la place croissante confiée à la société prestataire C D LABORATORIES dans le fonctionnement de l’animalerie de l’ESRF, et l’émergence de « 'zones de chevauchements'» croissantes avec les missions confiées à cette dernière.

Il peut d’ailleurs être relevé, à cet égard, que l’autonomie concédée par l’ESRF à la société C D LABORATORIES dans la gestion de son animalerie, et l’autorité afférente lui étant reconnue à l’égard de ses propres salariés, s’est encore accrue postérieurement aux départs successifs de la société de N B, en mai 2016 puis Z Y, ainsi que relevé par le Défenseur des droits à l’examen des pièces justificatives transmises par l’employeur lors de l’instruction de la requête dont il avait été saisi par cette dernière.

La supérieure hiérarchique d’Z Y a, parallèlement, été rapidement amenée au cours de la relation de travail à rappeler l’intéressée à plus de mesure et de tact dans ses relations avec les autres intervenants du service, s’agissant tout particulièrement de la salariée détachée au sein de l’ESRF par la société C D LABORATORIES, ensuite notamment des insuffisances et erreurs qu’elle avait été amenée à constater. Les compte-rendus des entretiens annuels 2013, 2014 et 2015 portent ainsi mention de façon croissante des difficultés relationnelles manifestées par Z Y au sein de l’équipe de travail, tout particulièrement dans l’accomplissement des missions partagées avec la salariée détachée par la société C D LABORATORIES.

Il apparaît ainsi, aux termes des énonciations qui précèdent, que la décision de l’ESRF de modifier début 2014 le périmètre des attributions dévolues à Z Y, consistant notamment à lui retirer la gestion courante de son animalerie et des missions afférentes, s’agissant notamment de la supervision de l’activité courante du personnel de la société prestataire C D LABORATORIES y étant affecté, qui relevait de l’exercice légitime de son pouvoir d’organisation et de direction, était effectivement justifiée par des raisons objectives, étrangères à toute discrimination directe ou indirecte, qui consistaient à s’appuyer de façon croissante sur l’expertise de son prestataire par l’accroissement des prérogatives lui étant concédées dans le fonctionnement de l’animalerie, d’une part, et de parvenir – à l’issue de précédents recadrages restés infructueux – à mettre un terme aux conflits et difficultés relationnelles récurrentes entre sa salariée et les employés mis à disposition par cette société prestataire, d’autre part.

Il convient, dès lors, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Z Y de la demande indemnitaire qu’elle formait au titre des mesures discriminatoires dont elle soutenait avoir été victime à raison de sa grossesse.

- Sur les circonstances de la rupture du contrat de travail':

Il apparaît que, par correspondance du 26 juin 2013 de sa présidente, le comité d’éthique en expérimentation animale de l’ESRF, dit ETHAX 113, a fait acte d’adhésion à la Charte nationale portant sur l’éthique en expérimentation animale mise en place par le comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale en vue de son agrément par le ministre chargé de la recherche.

Et l’examen du «'tableau de composition du comité ETHAX'» joint à cette correspondance permet de constater qu’Z Y avait alors été désignée par l’ESRF, à compter de cette date au moins, comme membre titulaire de son comité d’éthique en expérimentation animale, en qualité de «'personne affectée à l’hébergement et aux soins des animaux'».

Or, par correspondance en date du 10 janvier 2017 ci-dessus évoquée, l’ESRF a notifié à Z Y son licenciement pour motif disciplinaire, et a dispensé l’intéressée de l’exécution de son préavis expirant le 12 avril 2017.

Et l’ESRF a, concomitamment à la notification du licenciement, fait procéder à la suppression des autorisations d’accès d’Z Y à ses locaux ainsi qu’à son réseau informatique. Et, ensuite de la réclamation dont l’avait saisie sa salariée, par lettre du 7 février précédent, au motif que cette mesure la privait de toute possibilité de poursuivre sa participation à l’activité du comité

ETHAX 113 dont elle restait membre, l’ESRF a refusé, par correspondance du 6 avril 2017, de procéder à leur rétablissement.

Pourtant, dès lors qu’il doit être déduit des énonciations qui précèdent, et des explications dont les parties saisissent la cour, qu’elle avait procédé à la nomination d’Z Y en qualité de membre titulaire de son comité d’éthique ETHAX 113 au regard de ses compétences dans le domaine des soins des animaux, permettant de justifier de la compétence pluridisciplinaire de ses membres dans les conditions prévues à l’article R. 214-118 du code rural et de la pêche maritime, les allégations de l’ESRF selon lesquelles «'la suspension'» et la rupture du contrat de travail de l’intéressée entraînaient en elles-mêmes la perte de sa qualité de membre ne reposent sur aucun fondement de droit.

C’est ainsi légitimement que, nonobstant la rupture de son contrat de travail au 12 avril 2017, ensuite du licenciement dont elle a fait l’objet par correspondance du 10 janvier précédent, Z Y a sollicité de l’ESRF ' qui n’avait pas estimé devoir la révoquer de ses fonctions, dans le respect des dispositions des articles R. 214-117 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de leur arrêté d’application du 1er février 2013 (NOR': AGRG1238753A) ' de rétablir les accès au site et au réseau informatique lui permettant de poursuivre son activité au sein du comité d’éthique ETHAX 113.

Dès lors, la privation par l’ESRF de toute possibilité d’accès à son site ainsi qu’à son réseau informatique et, par voie de conséquence, de toute possibilité de poursuivre son activité au sein du comité d’éthique ETHAX 113 à compter de janvier 2017, a généré pour Z Y un préjudice qui, au regard des pièces qu’elle produit aux débats quant à son investissement professionnel et sa situation personnelle ensuite de son licenciement notamment, peut être évalué à la somme de 1'000'€. L’ESRF lui en devra réparation, par infirmation du jugement déféré.

Z Y soutient par ailleurs qu’elle aurait été indûment privée par son employeur de la possibilité de récupérer les fichiers et documents informatiques personnels enregistrés sur le matériel informatique précédemment mis à sa disposition par l’ESRF.

Il ressort pourtant des termes de la lettre de licenciement datée du 10 janvier 2017 que l’ESRF a invité Z Y à reprendre possession de ses effets et documents personnels conservés dans la société ensuite de la rupture de son contrat de travail, dans les termes suivants': «'Le jour de votre départ de l’entreprise, vous pourrez vous présenter au service RH de l’ESRF afin d’y effectuer l’ensemble des formalités liées à votre départ, notamment restituer l’ensemble des documents et matériels appartenant à l’ESRF, récupérer l’ensemble de vos affaires personnelles et vider le contenu de l’ordinateur mis à votre disposition de l’ensemble de vos fichiers et messages personnels'».

Et, ensuite de la demande dont l’intéressée l’avait saisie par correspondance du 7 février 2017 à l’objet «'Récupération d’effets personnels'», Z Y a été autorisée par l’ESRF à reprendre possession de ses effets et fichiers informatiques personnels au sein de l’entreprise.

Or, il ressort des attestations convergentes établies par E F, d’une part, et I J, d’autre part, que lorsqu’il a été rappelé à Z Y, lors de sa venue dans les locaux de l’entreprise à la date fixée consensuellement au 17 mars 2017, qu’elle ne pourrait copier et prendre possession que des seuls fichiers et messages qu’elle avait préalablement identifiés comme «'personnel'» dans les conditions de la charte informatique de l’entreprise sur le matériel informatique précédemment mis à sa disposition, «'Madame Y est donc partie du site sans consulter son ordinateur'».

De nouveau, par correspondances des 31 juillet et 9 novembre 2017, l’ESRF a tenu à rappeler à Z Y, ensuite de ses réclamations et de l’intervention de la commission nationale informatique et libertés (CNIL) à la demande de cette dernière, que, conformément aux termes de l’article 5 de la charte d’utilisation des ressources informatiques annexé au règlement intérieur, celle-ci conservait « 'la possibilité de récupérer l’ensemble de (ses) données personnelles, sous réserve que celles-ci soient rangées dans des «'dossiers clairement identifiés portant la mention «'Personnel'» ou «'Perso'» ou «'Private'» ou «'Privé'»'» en présence d’un membre du représentant du service des ressources humaines, et de se faire elle-même accompagner à cette occasion de tout membre du personnel de la société.

Et il n’est ni soutenu, ni démontré qu’Z Y aurait, par la suite, sollicité de nouveau à bénéficier de la proposition qui lui avait ainsi été réitérée.

Il ressort, ainsi, des énonciations qui précèdent que la demande indemnitaire formée par Z Y au titre de la récupération de ses effets et données personnelles n’apparaît pas valablement fondée, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il l’en a déboutée.

- Sur les demandes accessoires':

L’EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY , qui succombe partiellement à la présente instance, doit être tenu d’en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs particulièrement inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques respectives des parties, de laisser à la charge d’Z Y les sommes qu’elle a été contrainte d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts. Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’ESRF à lui verser la somme de 1'200'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de le condamner à verser à Z Y la somme de 2'500'€ à titre de contribution aux frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement d’Z Y, le 10 janvier 2017, était nul, en ce qu’il a condamné la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY à lui verser la somme de 1'200'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il l’a déboutée des demandes indemnitaires qu’elle formait au titre d’une discrimination à raison de la grossesse et de la restitution des données et fichiers personnels';

INFIRME le jugement déféré pour le surplus, dans les limites de l’appel';

Et, statuant de nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY à verser à Z Y les sommes de':

— vingt-et-un mille euros (21'000'€) nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né du licenciement nul dont elle a fait l’objet';

— mille euros (1'000'€) nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de l’obstacle mis, à compter de janvier 2017, à la poursuite de sa participation à l’activité du comité d’éthique sur les expérimentations animales ETHAX 113';

Ajoutant au jugement dont appel,

CONDAMNE la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY à verser à Z Y la somme de deux mille cinq cents euros (2'500'€) à titre de participation aux frais irrépétibles exposés en cause d’appel';

DÉBOUTE la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY de la demande qu’elle formait sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile';

DIT qu’une copie certifiée conforme de la présente décision sera notifiée par les soins du greffe au Défenseur des droits';

CONDAMNE la société civile EUROPEAN SYNCHROTRON RADIATION FACILITY au paiement des entiers dépens de l’instance.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 6 mai 2021, n° 19/00084