Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 31 mars 2021, n° 20/05237

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Village Justice · 9 août 2022

Ardemment attendue, la position de la Cour de cassation sur le sort des « loyers Covid » est tombée le 30 juin 2022, par trois arrêts (n° 21-20.190, n° 21-20.127 et n° 21-19.889). Et avec elle, les espoirs des preneurs privés d'accueil du public, dont les principaux moyens ont été rejetés. « Clap de fin », « fin de la partie », « fin de l'histoire », « la messe est dite »… : on ne compte plus les expressions « choc » qui, tels des titres de journaux à sensation, ont fleuri sous la plume des premiers commentateurs, pour annoncer les arrêts rendus le 30 juin 2022 par la troisième chambre …

 

www.martin-associes.com · 4 octobre 2021

Les ordonnances n° 2020-306 et 2020-316 du 25 mars 2020 ont exclu la mise en œuvre de la clause résolutoire pendant l'état d'urgence sanitaire, mais n'ont pas pour autant suspendu l'exigibilité des loyers dus par les preneurs des baux commerciaux pendant cette période. Pour autant, nombreux sont les preneurs qui ont arrêté de payer leurs loyers et qui ont été assignés en acquisition de la clause résolutoire devant le juge des référés comme le prévoient généralement les baux en cas de défaut de paiement. Pour tenter de faire obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire et de « …

 

Village Justice · 3 octobre 2021

Dans le cadre de la crise sanitaire, la jurisprudence sur la question du paiement des loyers Covid-19 a souligné l'importance de la loyauté contractuelle entre les parties et la nécessité de proposer des solutions consistant à ajuster les clauses et conditions du bail. Cette article est issu de la documentation Droit des affaires des Editions Législatives. Pour tester gratuitement la documentation Droit des affaires pendant 2 semaines, cliquez ici. Les propriétaires de fonds de commerce ont vu leur activité faire l'objet de nombreuses mesures de police administrative. Premier …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 31 mars 2021, n° 20/05237
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 20/05237
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 20/05237 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NFCM

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, […]

Référé

du 08 septembre 2020

RG : 20/00891

ch n°

SASU FOND ROSE

C/

S.C.I. AUBERGE DE FOND ROSE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRÊT DU 31 Mars 2021

APPELANTE :

SASU FOND ROSE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

Ayant pour avocat plaidant Me Damien DUREZ, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.C.I. AUBERGE DE FOND ROSE prise en la personne de sa gérante en exercice, madame Y X, domiciliée audit siège

[…]

83110 SANARY-SUR-MER

Représentée par Me Julien MARGOTTON de la SELARL PRIOU – MARGOTTON, avocat au

barreau de LYON, toque : T.1287

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 17 Février 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Février 2021

Date de mise à disposition : 31 Mars 2021

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Christine SAUNIER-RUELLAN, président

— Karen STELLA, conseiller

— B C-D, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, B C-D a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Selon acte en date du 28 novembre 1997, la SCI AUBERGE DE FOND ROSE a donné à bail commercial à la ociété FOND ROSE des locaux sis […], le loyer annuel prévu étant de 190.000 francs HT, payable mensuellement par avance.

La société FOND ROSE y exploite une activité de restauration traditionnelle.

Suivant acte du 9 juillet 2008, le bail a été renouvelé, le loyer étant fixé à 72.000 euros HT.

Par avenant du 14 décembre 2011, les parties ont convenu de renouveler le bail commercial par anticipation pour une durée de 11 ans à compter du 1er janvier 2012 jusqu’au 31 décembre 2022.

À ce jour, le loyer s’élève à la somme de 8.833,45 euros TTC mensuels, payable d’avance.

A compter du 14 mars 2020, les preneurs à bail qui exploitent des établissements visés par les arrêtés des 14, 15 et 17 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, n’ont plus été autorisés à accueillir du public et ce jusqu’au 10 mai 2020 inclus.

Dans ce contexte, la SASU FOND ROSE a indiqué à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE sa nécessité de suspendre le paiement des loyers durant les mesures de confinement dans l’attente d’une réouverture.

Par exploit du 17 juin 2020, la SCI AUBERGE DE FOND ROSE a assigné la société FOND ROSE

(SASU) devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de la voir au principal condamner à lui régler le montant des loyers impayés depuis le mois d’avril 2020.

Par ordonnance du 8 septembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon a :

• Rejeté les causes exonératoires soulevées par la SASU FOND ROSE ainsi que ses contestations et, en conséquence, dit que la SASU FOND ROSE est tenue à son obligation au paiement des loyers auprès de sa bailleresse la SCI AUBERGE DE FOND ROSE,

• Condamné la SASU FOND ROSE à verser à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 35.033,80 euros au titre des loyers impayés des mois d’avril, mai, juin, et juillet 2020, avec intérêt de retard de 1,5 % par mois de retard, ce en deniers ou quittances, et la somme de 8.833,45 euros au titre de la pénalité contractuelle stipulée à l’article II, alinéa 4 du bail commercial liant les parties,

• Débouté la SASU FOND ROSE de sa demande de délai de paiement,

• Condamné la SASU FOND ROSE à verser à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamné la SASU FOND ROSE aux dépens de l’instance en référé.

La SASU FOND ROSE a exécuté ces condamnations et, par déclaration RPVA du 30 septembre 2020, a interjeté appel de l’intégralité de la décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, régularisées électroniquement le 15 janvier 2021, la SASU FOND ROSE demande à la Cour de :

À titre principal :

• Constater qu’il existe une cause d’exonération à l’obligation de paiement des loyers du preneur au cours de la période de fermeture administrative obligatoire,

• Constater que les loyers impayés au cours de la période de fermeture administrative obligatoire ne sont pas dus à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE.

Dès lors,

• Réformer dans toutes ses dispositions l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon du 8 septembre 2020,

• Débouter la SCI AUBERGE DE FOND ROSE de ses entières demandes,

• Condamner La SCI UBERGE DE FOND ROSE à restituer à la SASU FOND ROSE l’ensemble des condamnations acquittées en exécution des dispositions l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon du 8 septembre 2020.

À titre subsidiaire :

• Constater l’existence d’une contestation sérieuse,

• Déclarer la juridiction des référés incompétente à trancher ce litige.

En conséquence :

• Réformer dans toutes ses dispositions l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon du 8 septembre 2020,

• Débouter la SCI AUBERGE DE FOND ROSE de ses entières demandes,

• Condamner La SCI AUBERGE DE FOND ROSE à restituer à la SASU FOND ROSE l’ensemble des condamnations acquittées en application des dispositions l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de LYON du 8 septembre 2020.

À titre infiniment subsidiaire :

• Débouter ou, a minima, réduire substantiellement les demandes indemnitaires de la SCI AUBERGE DE FOND ROSE relatives à l’octroi de pénalités financières en application de clause pénale à raison du non-paiement des loyers par la SASU FOND ROSE durant la période de fermeture administrative.

En tout état de cause,

• Condamner La SCI AUBERGE DE FOND ROSE à la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l’instance, distraits au profit de Maître Damien DUREZ, Avocat, sur son affirmation de droit.

• la SASU FOND ROSE soutient en premier lieu que le paiement des loyers n’est pas exigible, du fait de nombreuses causes d’exonération, qui constituent en tout état de cause des contestations sérieuses puisque le débat actuel sur l’exigibilité ne peut être tranché que par le juge du fond.

Elle fait valoir à ce titre :

• que l’épidémie de covid 19 est un évènement de force majeure, telle que définie aux articles 1148 ancien du code civil, puis 1218 nouveau du code civil, à savoir un évènement extérieur imprévisible et irrésistible, alors que du fait de la décision des pouvoirs publics d’ordonner la fermeture des restaurants à compter du 14 mars 2020 en raison de l’épidémie, elle est privée de tout chiffre d’affaires, ce qui justifie qu’elle soit exonérée du paiement des loyers ;

• qu’en raison de la perte temporaire de la chose louée, elle peut également être dispensée du paiement des loyers, par application de l’article 1722 du code civil, alors qu’en application de ce texte, il est admis que des évènements qui compromettent la jouissance et l’usage de la chose louée peuvent être assimilés à une destruction partielle de celle-ci ;

• qu’en outre, l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi, qui résulte de l’article 1134 du code civil (ancien) et de l’actuel article 1104 du même code, s’oppose à ce que le bailleur exige le paiement des loyers alors qu’il sait que les lieux ne sont pas exploitables ;

• que le contrat est sans cause puisque le bailleur n’a pas exécuté son obligation de délivrance, les loyers ne pouvant dès lors être réglés, l’obligation de chacune des parties ayant pour cause celle de l’autre ;

• qu’enfin, en vertu de l’exception d’inexécution telle qu’elle ressort des articles 1217 et suivants du code civil, elle est fondée à refuser d’exécuter son obligation de payer les loyers dès lors que le bailleur n’exécute pas de son côté ses obligation, à savoir son obligation de délivrance, peu important que celui-ci n’ait commis aucune faute.

En second lieu, elle fait valoir qu’il existe de nombreuses contestations sérieuses qui s’opposent à la

demande en paiement de la SCI AUBERGE DE FOND ROSE, en ce que :

• le trouble manifestement illicite ne peut être retenu, au regard des nombreuses causes exonératoires au bénéfice du preneur, précédemment développées ;

• il n’existe aucune urgence, alors que la SCI AUBERGE DE FOND ROSE, dont l’actif immobilier est valorisé à 1,5 million d’euros, n’est aucunement en détresse financière, étant rappelé que seule la situation financière de la SCI AUBERGE DE FOND ROSE doit être prise en compte, et non la situation financière personnelle de sa gérante.

En dernier lieu, et à titre infiniment subsidiaire, elle soutient que les sanctions contractuelles demandées au titre des pénalités de retard doivent être écartées, alors que :

• les pénalités forfaitaires convenues au sein du contrat de bail constituent des pénalités relevant d’une clause pénale, que le juge du fond peut, par application de l’ancien article 1152 du Code civil, réduire si elles sont manifestement excessives, et qui ne relèvent pas en conséquences des pouvoirs du juge des référés ;

• l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prévoit la suspension des clauses pénales.

Par conclusions régularisées par voie électronique le 4 décembre 2020, la SCI AUBERGE DE FOND ROSE demande à la Cour, au visa notamment des articles 834 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

• Dire et juger que la société FOND ROSE s’est volontairement abstenue de façon injustifiée de procéder au paiement de ses loyers commerciaux envers la SCI AUBERGE DE FOND ROSE depuis le 1er avril 2020,

• Dire et juger que la société FOND ROSE est débitrice envers la SCI AUBERGE DE FOND ROSE de la somme de 35.033,80 euros au 6 juillet 2020 correspondant aux quatre mois de loyers impayés pour les mois d’avril, mai, juin et juillet 2020, outre une pénalité forfaitaire contractuelle de 8.833,45 euros, conformément à l’alinéa 4 de l’article 11 du bail outre un intérêt de retard de 1,5 % par mois de retard.

Par conséquent,

• Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 8 septembre 2020 par Madame le Président du tribunal judiciaire de Lyon,

• Rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions contraires de la société FOND ROSE à l’encontre de la SCI AUBERGE DE FOND ROSE.

En tout état de cause :

• Condamner à titre provisionnel la société FOND ROSE à payer à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE au titre des loyers impayés des mois d’avril, mai, juin et juillet 2020 la somme de 35.033,80 euros outre un intérêt de retard de 1,5 % par mois de retard,

• Condamner à titre provisionnel la société FOND ROSE à payer à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 8.833,45 euros au titre de la pénalité contractuelle stipulée à l’article 11, alinéa 4 du bail commercial liant les parties,

• Condamner la société FOND ROSE à payer à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme

de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

• Condamner la société FOND ROSE aux entiers dépens de l’instance.

La SCI AUBERGE DE FOND ROSE expose :

• qu’elle est actuellement gérée par la veuve de l’ancien chef restaurateur A X qui exploitait le restaurant gastronomique L’AUBERGE DE FOND ROSE avant que celui-ci ne cesse son activité et cède le bail à la société FOND ROSE, société filiale du groupe BOCUSE, qui y exploite un brasserie ;

• qu’à l’occasion du renouvellement du bail, la SCI AUBERGE DE FOND ROSE a participé de façon notable à la réalisation des travaux d’aménagement entrepris par son preneur et a contracté à ce titre un emprunt de 135.000 euros qu’elle rembourse toujours à ce jour pour une somme mensuelle de 1.344, 47 euros et qui prendra fin le 5 janvier 2023 ;

• que le 18 mars 2020, madame X a reçu un courriel laconique provenant du groupe BOCUSE qui lui imposait de façon unilatérale le non-paiement de ses loyers jusqu’à l’issue des opérations de confinement, ce sans aucune discussion préalable ;

• qu’en dépit de l’opposition de la SCI Auberge de FOND ROSE, la SASU FOND ROSE n’a payé ni le loyer d’avril 2020, ni les loyers suivants alors qu’elle ne justifiait d’aucune difficulté, étant observé que les loyers de juin et juillet 2020 n’ont pas été payés non plus alors que le restaurant avait réouvert.

La SCI AUBERGE DE FOND ROSE relève en premier lieu le caractère infondé des contestations soulevées par la SASU FOND ROSE, alors que :

• la force majeure n’est pas une cause exonératoire du payement des loyers, ce que retient expressément la chambre commerciale de la Cour de Cassation, d’autant plus que la SASU FOND ROSE ne démontre aucunement qu’elle a des difficultés pour les régler, outre que les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 et des décrets d’application relatifs aux modalités de suspension du paiement des loyers commerciaux durant la pandémie ne sont pas applicables à la SASU FOND ROSE qui n’en remplit pas les conditions ;

• il n’y a eu aucune perte partielle de la chose louée qui aurait empêché la SASU FOND ROSE de jouir des locaux loués, celle-ci ayant notamment profité de la période de confinement pour faire des travaux de rénovation au mois d’avril et mai 2020 ;

• la SCI AUBERGE DE FOND ROSE a bien exécuté de bonne foi le contrat, le preneur étant quant à lui de mauvaise foi en lui imposant unilatéralement l’absence de tout paiement de loyer sans aucune discussion préalable dans un contexte où le groupe BOCUSE représente une puissance financière incontestée et incontestable sur la place lyonnaise mais aussi nationale avec une valorisation de 100 millions d’euros, ce qui n’est pas le cas de la SCI AUBERGE DE FOND ROSE, SCI familiale dont madame X retraitée de 74 ans est la bénéficiaire des loyers pour subvenir à sa retraite ;

• le bail est bien causé par la mise à disposition par le bailleur des locaux à la SASU FOND ROSE qui les utilise, y compris pendant la période d’avril et mai 2020 au cours de laquelle elle a fait des travaux de rénovation, l’exception d’inexécution ne pouvant en outre être invoquée puisque le bailleur a continué à délivrer la chose louée à son locataire.

En second lieu, la SCI AUBERGE DE FOND ROSE relève l’absence de contestation sérieuse à ses demandes en paiement, aux motifs :

• qu’il ne peut lui être opposé l’absence de trouble manifestement illicite dans la mesure où elle ne s’en prévaut pas ;

• que l’urgence est avérée puisque le loyer n’a pas été payé depuis plusieurs mois.

La SCI AUBERGE DE FOND ROSE fait valoir enfin que la demande de suppression ou de réduction de la pénalité contractuelle stipulée au bail doit être rejetée, alors que :

• la pénalité, qui correspond à un mois de loyers, n’est en aucune mesure excessive ;

• le Juge doit prendre en considération la situation respective des parties qui n’est aucunement comparable, la SASU FOND ROSE faisant partie du groupe BOCUSE qui a la surface financière pour payer les loyers, madame X quant à elle ayant un besoin vital de ces loyers pour compléter sa retraite et faire face à ses charges dont le remboursement de l’emprunt relatif aux travaux de ce bien immobilier.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

I : Sur les demandes provisionnelles de la SCI AUBERGE DE FOND ROSE

La SCI AUBERGE DE FOND ROSE fonde sa demande provisionnelle sur les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civil, selon lequel :

' Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il (le président du Tribunal Judiciaire ) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.'

En l’espèce, le quantum de la provision demandée au principal, qui correspond aux loyers des mois d’avril à juillet 2020, n’est pas contesté par la SASU FOND ROSE.

Celle-ci, en revanche, soutient qu’elle n’est pas tenue au paiement des loyers durant la période querellée, diverses causes d’exonération, en lien avec la mesure de confinement prise à la suite de l’épidémie de covid-19 la déliant de son obligation à paiement.

Sur ce point, il n’appartient pas au juge des référés, saisi dans le cadre strict des dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de déterminer si les causes d’exonération invoquées justifient le non-paiement des loyers pendant la période incriminée, comme le sollicite la SASU FOND ROSE.

Il lui appartient en revanche de déterminer si, au regard des causes d’exonération dont se prévaut la SASU FOND ROSE, la demande de provision présentée à son encontre se heurte à une contestation sérieuse.

Enfin, alors que l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est entrée en vigueur le 1er octobre 2016, tous les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle restent régis par la loi en vigueur à l’époque de

leur conclusion, par application de l’article 2 du code civil.

En l’espèce, la signature du bail commercial étant intervenue avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, seuls les articles du code civil anciens sont applicables.

1- Sur la force majeure

Selon l’article 1148 du code civil ancien, il n’y a lieu à aucun dommage et intérêts lorsque par suite d’une force majeure, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il s’était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.

Il s’en déduit que la force majeure, évènement extérieur, imprévisible et irrésistible, est de nature à dispenser le débiteur de son obligation.

En l’espèce, si l’épidémie de covid 19 est un évènement par essence imprévisible, il ne peut être considéré comme un évènement irrésistible, rendant manifestement impossible toute possibilité d’exécution, dès lors que l’obligation concernée est de nature pécuniaire, qu’elle est toujours susceptible, par sa nature d’être exécutée, de simples difficultés d’exécution provisoires, dues en l’occurrence non à l’épidémie elle même mais aux mesures administratives prises pour la contenir, n’étant pas de nature à caractériser une irrésistibilité.

Il en résulte que la cause d’exonération en raison d’un cas de force majeure invoquée par la SASU FOND ROSE ne constitue pas une contestation sérieuse.

2- Sur la perte temporaire de la chose louée

Aux termes de l’article 1722 du code civil, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité ou en partie par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

En l’espèce, le bien loué n’a été aucunement détruit, que ce soit en totalité et en partie, l’impossibilité d’exploitation ne pouvant aucunement être assimilée à une destruction, sauf à détourner de leur sens les dispositions pré-citées.

En outre, il ressort des pièces versées aux débats que la SASU FOND ROSE, durant la période de confinement, a totalement rénové les terrasses et l’intérieur d’une partie des locaux loués.

Il en résulte que la cause d’exonération pour destruction des locaux loués invoquée par la SASU FOND ROSE ne constitue pas une contestation sérieuse.

3- Sur l’exécution du contrat de bonne foi

L’article 1134 du code civil ancien, applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement fomées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l’espèce, le bailleur n’a fait preuve d’aucune mauvaise foi en se limitant à exiger le paiement d’un loyer incontestablement dû, ce qui n’est que la stricte application du contrat de bail.

Il n’est par ailleurs aucunement fait état d’un élément sérieux susceptible de le constituer de mauvaise foi alors que les pièces produites établissent qu’en réalité c’est la SASU FOND ROSE qui a décidé, par courriel du 18 mars 2020, de suspendre unilatéralement le paiement des loyers sans pour autant justifier de quelconques éléments comptables pour asseoir sa position, et sans entreprendre au

préalable aucune négocation avec son bailleur, ni se concerter avec lui.

Il en résulte que la cause d’exonération en raison d’une exécution de mauvaise foi du contrat invoquée par la SASU FOND ROSE ne constitue pas une contestation sérieuse.

4- Sur l’absence de cause

Aux termes de l’article 1131 du code civil ancien, l’obligation sans cause ou fausse cause ou cause illicite ne peut avoir aucun effet.

En l’espèce, l’obligation de la SASU FOND ROSE de payer les loyers est bien causée puisque la SASU FOND ROSE est en possession des locaux depuis 1997 et qu’elle les exploite depuis cette date, et bien plus les a rénovés durant la période confinement comme précédemment exposé.

Il en résulte que la cause d’exonération en raison d’une absence de cause invoquée par la SASU FOND ROSE ne constitue pas une contestation sérieuse.

5- Sur l’exception d’inexécution

La théorie jurisprudentielle de l’exception d’inexécution, par la suite consacrée par les dispositions des articles 1219 et 1220 du code civil, autorise le preneur a ne pas exécuter ses obligations dès lors que le bailleur n’exécute pas les siennes, étant observé que seule une inexécution grave est susceptible de la légititimer.

En l’espèce, il convient de rappeler, de nouveau, que le preneur est bien en possession des locaux loués, qu’il les a occupés et les occupe, y compris pendant la période de confinement puisque durant cette période il a effectué des rénovations.

Il apparaît donc que le bailleur a bien exécuté son obligation de délivrance.

En outre, l’ impossibilité temporaire d’exploitation ne résulte que de décisions politiques sur lesquelles le bailleur n’a aucune prise, celui-ci n’étant aucunement impliqué par une une impossibilité temporaire d’exploitation qui ne résulte aucunement de son fait.

Il en résulte que la cause d’exonération au titre de l’exception d’inexécution ne constitue pas une contestation sérieuse.

En conclusion, c’est à raison que le premier juge a retenu qu’aucune des causes d’exonération dont se prévalait la SASU FOND ROSE pour justifier son absence de paiement des loyers ne constituait une contestation sérieuse.

Enfin, il n’y a pas lieu d’analyser la demande de provision au titre du 'caractère contestable du trouble manifestement illicite’ comme le sollicite la SASU FOND ROSE dès lors que la SCI AUBERGE DE FOND ROSE fonde sa demande non sur les dispositions de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civil mais sur celles de l’alinéa 2 du même article.

Il en est de même de la condition d’urgence requise par l’article 834 du code de procédure civile dès lors qu’au principal, la demande de la SCI AUBERGE DE FOND ROSE est fondée sur l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

Ainsi, alors qu’il est incontestable qu’en exécution du contrat de bail liant les parties, les loyers d’avril à juillet 2020,dont le montant est justifié par les factures versées aux débats à hauteur de 35 333,80 euros, sont dus par la SASU FOND ROSE et qu’il n’ont pas été réglés, force est de constater que la demande de provision faite à ce titre par la SCI AUBERGE DE FOND ROSE ne se heurte à

aucune contestation sérieuse et qu’il doit y être fait droit, ce dans la limite de 35.033,80 euros comme sollicité par la SCI AUBERGE DE FOND ROSE, aux fins de ne pas statuer ultra pétita.

S’agissant des pénalités contractuelles, il est prévu au contrat de bail (article 11) que :

' Sur toute somme due par le preneur au bailleur non payée à son échéance, il sera perçu, après un mois de retard, un intérêt de retard de 1,5 % par mois de retard et une pénalité contractuelle égale à un mois de loyer. '

Ces pénalités, qu’il s’agisse du taux d’intérêt de retard prévu au contrat ou de la pénalité contractuelle égale à un mois de loyers ont la nature de clause pénale.

En application de l’article 1152 ancien du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce, la pénalité contractuelle équivalent à un mois de loyer et le taux d’intérêt à hauteur de 1,5 % par mois sur les sommes restant dues apparaissent manifestement excessifs, la provision sollicité à ce titre étant dès lors sérieusement contestable et relevant dès lors des pouvoirs du juge du fond.

En conséquence, la Cour confirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la SASU FOND ROSE à verser à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 35.033,80 euros au titre des loyers impayés des mois d’avril, mai, juin, et juillet 2020, en deniers ou quittances, et l’infirme en ce qu’elle a condamné la SASU FOND ROSE à payer sur la somme due des intérêts de retard au taux de 1,5 % par mois de retard, et l’a condamnée au paiment de la somme de 8.833,45 euros au titre de la pénalité contractuelle stipulée à l’article 11 alinéa 4 du contrat de bail, et statuant à nouveau dit n’y avoir lieu à référé sur ces demandes.

II : Sur les demandes accessoires

La Cour confirme la décision déférée qui a condamné la SASU FOND ROSE, qui perd principalement, aux dépens de l’instance et à payer à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, justifiée en équité.

La Cour condamne la SASU FOND ROSE, qui succombe pour l’essentiel de ses demandes, aux dépens à hauteur d’appel.

En équité, la Cour condamne la SASU FOND ROSE à payer à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la SASU FOND ROSE à verser à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 35.033,80 euros au titre des loyers impayés des mois d’avril, mai, juin, et juillet 2020, en deniers ou quittances ;

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la SASU FOND ROSE à payer sur la somme due des intérêts de retard au taux de 1,5 % par mois de retard, et l’a condamnée au paiement de la

somme de 8.833,45 euros au titre de la pénalité contractuelle stipulée à l’article 11 alinéa 4 du contrat de bail, et

Statuant à nouveau :

Dit n’y avoir lieu à référé de ces chefs ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne la SASU FOND ROSE aux dépens à hauteur d’appel ;

Condamne la SASU FOND ROSE à payer à la SCI AUBERGE DE FOND ROSE la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 31 mars 2021, n° 20/05237