Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 3 octobre 2018, n° 17/05154

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Gouache Avocats · 12 décembre 2018

Le contrat de location-gérance n'est pas soumis à l'article L. 330-1 du Code de commerce dès lors que le locataire-gérant s'engage uniquement à une exclusivité d'exploitation des lieux marqués par l'enseigne du loueur, l'enseigne du fonds exploité faisant partie des éléments du fonds de commerce. Dans un arrêt en date du 3 octobre 2018, la Cour d'appel de Paris vient rappeler le champ d'application de l'obligation d'information précontractuelle prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce, issues de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, dite Loi Doubin. En l'espèce, un contrat de …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 3 oct. 2018, n° 17/05154
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/05154
Décision précédente : Tribunal de commerce de Melun, 26 février 2017
Dispositif : Révocation de l'ordonnance de clôture

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/05154

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2017 -Tribunal de Commerce de Melun – RG n°

INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE APPELANTE

SCP X-Y, prise en la personne de Me A X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I

[…]

[…]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, avocat postulant

Assistée de Me Pierre BESSARD DU PARC de l’AARPI BESSARD DU PARC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0907, avocat plaidant et de Me Aude BESSARD DU PARC de l’AARPI BESSARD DU PARC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0907, avocat plaidant

INTIMÉE

SA SAPHIR HOTEL

immatriculée au RCS de MELUN sous le numéro 341 668 416

[…]

77340 B C

Représentée par Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0898

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL H I est une société dont la vocation est d’exploiter des établissements de restauration et d’hôtellerie dans le cadre notamment de contrats de location gérance.

La SA SAPHIR HOTEL est propriétaire d’un fonds de commerce d’hôtel restaurant connu sous l’enseigne SAPHIR HOTEL pour la partie hôtel et sous la dénomination « LES COLONNES » pour la partie restaurant et ce à B C, […].

Par acte sous seing privé en date du 20 décembre 2014, la SA SAPHIR HOTEL a conclu avec la SA H I un contrat de location gérance portant sur le fonds de commerce appartenant à la SA SAPHIR HOTEL pour une durée de 3 années à compter du 1er janvier 2015, la convention conclue entre les parties prévoyant que ce contrat serait renouvelé par tacite reconduction pour des périodes d’égales durées avec faculté pour l’une ou l’autre des parties d’y mettre fin à l’expiration de chacune des périodes et ce moyennant un préavis de 6 mois.

La SA SAPHIR HOTEL s’engageait notamment à effectuer des travaux ainsi détaillés en page 20 du contrat :

— remplacement de 4 groupes de climatisation ne répondant pas aux normes à la signature des présentes,

— remise aux normes des ascenseurs et monte-charges conformément aux réglementations en vigueur au 31/12/2014,

— assurer le désenfumage des bâtiments selon les demandes de la commission de sécurité,

— rénovation de 36 chambres du bâtiment B du SAPHIR HOTEL au deuxième étage pour un montant d’un tiers du coût global des travaux, les deux autres tiers restant à la charge du locataire gérant.

Il était également prévu (page 10), que le loueur réalise les investissements sus-évoqués dans un délai de 12 mois (à l’exclusion des 4 groupes froids).

De la même façon le loueur s’engageait à participer à hauteur de 15% à l’exécution d’investissements relevant des investissement incorporés à l’immeuble tels que demandés par le locataire gérant ceux-ci

devant être négociés au cours du 1er semestre 2018.

Au titre des clauses de ce contrat, il était prévu à la charge de la société locataire-gérante une obligation d’entretien des lieux.

Le loueur s’engageait pour sa part à réaliser certains investissements dans un délai de 12 mois suivant la conclusion du contrat et à participer annuellement à concurrence de 15% du montant des redevances perçues, à 50% du montant des investissements incorporés à l’immeuble et demandés par le locataire gérant.

S’agissant de la contrepartie financière mise à la charge de la société requérante au titre de la location gérance conclue, il était prévu le versement d’une redevance dans un premier temps limitée à 8% du chiffre d’affaires HT du fonds de commerce pour sa partie restauration et à hauteur de 15% du chiffre d’affaires HT du fonds de commerce pour sa partie hôtel puis, à compter du 1er juillet 2015, à hauteur de 12% du chiffre d’affaires HT du fonds de commerce pour sa partie restauration et à hauteur de 20% du chiffre d’affaires HT du fonds de commerce pour sa partie hôtel, la redevance annuelle ne pouvant être contractuellement inférieure à 500.000,00 euros HT.

Il était également prévu qu’à compter du 1er avril 2015, le locataire gérant s’engageait à verser au loueur au minimum une somme de 25.000,00 euros HT par mois s’il apparaissait que ladite redevance devrait être inférieure à cette somme.

De même au-delà de la redevance mise à sa charge, la société requérante devait régler à compter du 1er janvier 2019, un loyer dont le montant serait négocié entre les parties entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2018.

Par jugement du 14 novembre 2016 le tribunal de commerce de Melun a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SARL H I.

Par jugement du 27 février 2017, le tribunal de commerce de Melun a :

REJETÉ la note en délibéré en date du 17 février 2017,

DEBOUTÉ la SARL H I, Monsieur F J Z, Maître D E ès qualités d’administrateur judiciaire de la SARL H I et la SCP X Y ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL H I de l’ensemble de ses demandes,

REJETÉ les demandes reconventionnelles de la SA SAPHIR HOTEL,

DECLARÉ irrecevable la demande d’inscription au passif de la créance de la SA SAPHIR HOTEL,

SURSIS A STATUER en ce qui concerne la demande formulée à l’encontre de Monsieur F Z en qualité de caution de la SARL H I, jusqu’à ce que le tribunal de commerce de MELUN arrête le plan de redressement de la débitrice principale,

ORDONNÉ à Monsieur le Greffier du Tribunal de Commerce de MELUN de ré-enrôler l’affaire pour l’audience du 27 mars 2017 à 14 heures aux fins de poursuite de l’instance en ce qui concerne la condamnation de Monsieur F J Z en sa qualité de caution,

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire,

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSÉ les dépens à la charge de la SARL H I, Monsieur F J Z, Maître D E ès qualités d’administrateur judiciaire de la SARL H EMEILAUDE et la SCP X Y ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL H I tous les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de CENT VINGT DEUX EUROS ET QUATORZE CENTIMES T.T.C. (122,14 euros),

DEBOUTÉ les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Par jugement du tribunal de commerce rendu le 13 mars 2017 le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire. La SCP X Y a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par déclaration du 10 mars 2017, la SARL H I, Maître D E et SCP X Y ont interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du tribunal de commerce de Melun rendu le 20 mars 2017 la poursuite d’activité de la société H I était autorisée, mais suite à une tierce opposition formée au jugement de liquidation judiciaire, la société H I a été replacée en redressement judiciaire par jugement du 24 avril 2017. La cour d’appel de Paris par arrêt du 12 avril 2018, après avoir constaté l’impossibilité matérielle d’exploitation en raison de l’état de ruine du commerce, a infirmé cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 5 juin 2018, la SCP X Y en la personne de Me A X, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL H I, demande à la cour de :

Dire recevable et bien fondée l’intervention volontaire et en reprise d’instance de la SCP X-Y en la personne de Maître A X ès qualités de liquidateur de la société H I

Vu les articles 1101, 1108, 1109, 1110, 1116, 1129, 1131, 1134, 1135, 1156 et suivants anciens, 1382 du Code civil ;

Vu les articles L330-3 et R330-3 du Code de commerce ;

Vu le contrat de location-gérance du 20 décembre 2014 :

Infirmer dans toutes ces dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun en date du 27 février 2017, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société SAPHIR HOTEL

[…]

— PRONONCER l’annulation du contrat de location gérance du 20 décembre 2014 avec toutes conséquences de droit, en raison de la nullité des articles 9 et 11 ;

En conséquence

— CONDAMNER la société SAPHIR HOTEL à payer La SCP X Y en la personne de Maître A X ès qualités de liquidateur de la société H I la somme de 1.423.634,48 euros au titre des sommes déboursées depuis l’origine.

— DECLARER irrecevable la demande de la société SAPHIR HOTEL visant à obtenir de la Cour d’ordonner que sa prétendue créance soit admise au passif de la société H I.

[…]

— PRONONCER l’annulation du contrat de location gérance du 20 décembre 2014 avec toutes conséquences de droit, pour non-respect de la loi Doubin, et, en tout cas pour vices du consentement et notamment pour dol.

En conséquence,

— CONDAMNER la société SAPHIR HOTEL à payer à la SCP X-Y en la personne de maître A X ès qualités de liquidateur de la société H I la somme de 1.423.634,48 euros au titre des sommes déboursées depuis l’origine et la somme de 400.000 euros à titre de dommages et intérêts.

A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE, si le contrat n’était pas annulé,

— DIRE ET JUGER que la société SAPHIR HOTEL a eu un comportement fautif à l’égard de H I ;

En conséquence

— CONDAMNER la société SAPHIR HOTEL à payer à la SCP X-Y en la personne de A X ès qualités de liquidateur de la société H I la somme de 1.823.634,48 euros à titre de dommages et intérêts.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

— PRONONCER l’annulation de l’article 4-4 du contrat, relatif au remboursement de la taxe foncière ;

En conséquence

— CONDAMNER la société SAPHIR HOTEL à rembourser à la SCP X-Y en la personne de Maître A X ès qualités de liquidateur de la société H I la somme de 169.373 euros payée au titre de la taxe foncière ;

— DEBOUTER la société SAPHIR HOTEL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— CONDAMNER la société SAPHIR HOTEL à payer à la SCP X- Y en la personne de Maître A X ès qualités de liquidateur de la société H I la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

— CONDAMNER la société SAPHIR HOTEL aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 1er mai 2018, la SA SAPHIR HOTEL demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et suivants du Code civil ;

Vu les pièces versées aux débats ;

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Et en conséquence,

DÉBOUTER la société H I de l’intégralité de ses prétentions ;

A titre reconventionnel,

ORDONNER l’inscription au passif de la société H I, au bénéfice de la société SAPHIR HOTEL, de la somme de 465.142,76 euros HT, soit 558.171,31 euros TTC;

A titre subsidiaire,

CONSTATER que la société H I demeure débitrice de la somme de 558.171,31 euros TTC conformément aux déclarations de créance transmises à Me X les 20 décembre 2016, 23 mai 2017 et 10 octobre 2017, et aux pièces qui y étaient jointes.

En tout état de cause,

ORDONNER l’inscription au passif de la société H I de la somme de 10.000 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

LAISSER les dépens à la charge de la société H I, prise en la personne de son liquidateur la SCP X Y.

La procédure a été clôturée le 20 juin 2018.

ET SUR CE

La SCP X Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I, conteste la bonne foi de la SA SAPHIR HOTEL lors de la conclusion du contrat dont elle sollicite que soit prononcée la nullité, d’une part 'en raison de son contenu', visant les articles 9 et 11, et d’autre part pour vices du consentement.

Sur la nullité des articles 9 et 11 du contrat de location-gérance

1. L’article 9

La SCP X Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I soutient que l’article 9 intitulé 'loyers-redevances' qui prévoit deux seuils différents, soit deux manières de calculer le montant de la redevance, l’un à compter du 1er janvier 2015 un minimum annuel de 500 000 € HT, l’autre, applicable à compter du 1er avril 2015, un montant mensuel de 25 000€ HT correspondant à un minimum annuel de 300 000 € HT, nécessite une interprétation par la recherche de la commune intention des parties, et rendait donc légitime la demande d’annulation de cette clause devant les premiers juges, en présence de deux dispositions contradictoires et inconciliables .

Elle ajoute que le même article 9 stipule le versement d’un loyer par la société H I à la société SAPHIR HOTEL à compter du 1er janvier 2019 le montant de ce loyer devant être négocié entre les deux parties entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2018, et en déduit que le montant du loyer n’était ni déterminé ni déterminable au moment de la signature du contrat, et que cette disposition, incompatible avec la sécurité juridique voulue par l’article 1163 du code civil, faisant un tout avec le autres dispositions de cet article 9, qui concernent la redevance proprement dite, l’ensemble des dispositions de l’article 9 ne peuvent donc qu’être déclarées nulles, entraînant la nullité du contrat tout entier.

La SA SAPHIR HOTEL réplique que les seuils minimum prévus par le contrat pour le montant de la redevance n’ont pas le même objet et que ces deux clauses ne sont donc aucunement inconciliables. Elle ajoute que même dans l’hypothèse d’une contradiction entre deux clauses d’un contrat, le code civil détermine des règles d’interprétation des conventions (article 1188 et suivants) et que le juge

doit alors rechercher quelle a été la commune intention des parties, sans qu’à aucun moment la nullité du contrat ne soit encourue.

S’agissant du loyer, elle rappelle que le contrat de location gérance a été conclu pour une durée déterminée de 3 ans, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ; que durant la totalité de cette période le locataire gérant ne paie aucun loyer, et que c’est seulement dans l’hypothèse d’un renouvellement de ce contrat, qu’est prévue la négociation d’un loyer entre les parties applicable à partir du 01/01/2019. Elle indique que la SCP X Y ès qualités ne saurait se plaindre d’un quelconque déséquilibre contractuel puisque le bail ayant été résilié par le mandataire liquidateur le 13 mars 2017, soit avant même le premier renouvellement du contrat qui devait éventuellement intervenir le 1er janvier 2018, la société H I n’a pas versé un seul loyer et sollicite la confirmation du jugement qui a retenu qu’aucun déséquilibre entre les co-contractants ne pouvait être retenu à ce titre.

La cour relève que l’article 9 du contrat litigieux prévoit le versement au loueur gérant d’une redevance mensuelle, laquelle calculée annuellement selon un pourcentage sur le chiffre d’affaires ne saurait être inférieure à 500 000€, montant révisé annuellement selon 1'indice du coût de la construction. Il prévoit également qu’à compter du 1er avril 2015, si la redevance mensuelle variable venait à être inférieure à un montant de 25 000€ HT le locataire gérant s’engage à verser au loueur gérant cette somme minimum fixe de 25 000€ HT mensuelle, payable au 5 du mois suivant.

Ces dispositions, non contradictoires, imposent deux montants planchers, le premier étant calculé annuellement pour atteindre le seuil minimal de 500 000€, le second étant mensuel et fixé a minima à 25 000€. Elles ne nécessitent aucun interprétation et ne peuvent entraîner ni la nullité de la clause ni la nullité du contrat lui-même.

S’agissant du paiement du loyer, la cour relève que le contrat de location-gérance a été conclu pour une durée de 3 années à compter du 1er janvier 2015, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d’égales durées avec faculté pour l’une ou l’autre des parties d’y mettre fin à l’expiration de chacune des périodes et ce moyennant un préavis de 6 mois. Pendant la durée du contrat initial, seul la paiement d’une redevance était exigible et aucun loyer n’est dû. Le paiement d’un loyer était envisagé à compter du 1er janvier 2019, s’agissant du contrat renouvelé le 1er janvier 2018, les parties devant entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2018, négocier le prix de ce loyer puis conclure un avenant à ce sujet.

Le paiement du prix est un élément essentiel d’un contrat de location-gérance, et en l’espèce dans le contrat de location-gérance signé le 20 décembre 2014, la contrepartie de l’occupation des locaux est le paiement de la redevance prévue à l’article 9.

A l’issue du contrat initial conclu par écrit, il s’opère un nouveau contrat .

Dès lors, il s’ensuit que le premier contrat est valable, et que les parties pouvaient dès l’origine prévoir qu’en ce qui concerne le contrat renouvelé, serait payable un loyer, en sus de la redevance, étant observé que si les parties aux termes de leurs négociations n’arrivaient pas à se mettre d’accord, aucun loyer ne serait dû, au cours de contrat renouvelé, puisqu’aucun avenant ne serait signé.

De sorte que la nullité contrat initial n’est pas encourue pour absence de cause.

2. L’article 11

La SCP X Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I, expose que les dispositions de l’article 11 du contrat imposent une dépense dont le montant est fixé arbitrairement et de manière intangible (2% du chiffre d’affaires), sans qu’il soit fait aucune référence à une nécessité quant à la réalisation des « équipements et travaux», conduisant à

une absurdité non seulement contractuelle mais économique qui entache une telle disposition.

Elle ajoute que l’absence de précision sur la nature des « équipements » et des « travaux » visés à l’article 11 rend incertaine l’obligation mise à la charge du locataire-gérant et prive ainsi ces dispositions de tout effet.

Elle en conclut qu’en application des articles 1156 à 1164 anciens du code civil, dès lors que ces dispositions contractuelles portent sur des éléments essentiels et déterminants dans le consentement des parties, les anomalies qu’elles contiennent compromettent la sécurité qui doit s’attacher à l’interprétation et à l’exécution des conventions, et que leur nullité entraîne celle du contrat tout entier.

La SA SAPHIR HOTEL rappelle que c’est M. Z lui-même, gérant de la société H I, qui est à l’origine de cette clause relative aux investissements, dont il a pris exemple sur l’établissement qu’il exploite en tant que locataire-gérant au Golf de Lésigny; que la société H I est donc particulièrement mal venue d’invoquer le caractère prétendument obscur de la clause. Selon la société SAPHIR HOTEL il n’y a donc ni incompatibilité, ni contradiction entre cette clause relative aux investissements d’une part, et l’obligation d’entretien courant qui pèse par ailleurs sur le locataire d’autre part. Elle souligne en outre que la société H I n’a jamais, respecté cette obligation, n’a jamais ouvert de compte bancaire spécifique et n’a jamais réalisé aucun investissement.

La cour relève qu’il résulte des documents versés aux débats que c’est à l’initiative de M. Z, gérant de la SARL H I, qui a par courriel du 21 octobre 2014 suggéré au loueur gérant d’ajouter cette clause pour les investissements futurs, exposant qu’il pratiquait déjà cette clause dans l’établissement qu’il gérait à Lésigny et donnait des explications claires et précises sur les modalités et la procédure à suivre pour ces investissements, que cette clause a insérée au contrat.

La SCP X Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I est donc aujourd’hui particulièrement malvenue à affirmer que cette clause serait obscure, absurde et devrait être privée de tout effet, et les premiers juges ont avec pertinence relevé que les parties ont signé le contrat en toute connaissance de cause et en tant que professionnels avertis, pour rejeter cette argumentation.

La demande en nullité du contrat fondée sur la nullité des articles 9 et 11 précités sera donc rejetée.

Sur la nullité pour vices du consentement

La SCP X Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I, soutient que les dispositions protectrices de la loi Doubin, et notamment l’article L.330-3 du code de commerce, doivent trouver application dans le contrat de location-gérance litigieux car la jurisprudence considère depuis longtemps que, sont soumis aux dispositions de ce texte les contrats de location gérance prévoyant «d’un côté la mise à disposition de l’enseigne, du nom ou de la marque, et d’un autre un engagement d’exclusivité pour l’exercice de l’activité concernée».

Elle estime donc que la société SAPHIR HOTEL aurait dû communiquer au candidat à la location gérance, 20 jours avant la signature du contrat, les documents comptables, financiers et bancaires composant le Document d’Information Précontractuel, tels qu’énumérés à l’article R.330-1 du code de commerce.

Elle affirme ensuite que même l’hypothèse où l’article L330-3 du code de commerce ne s’appliquerait pas en l’espèce, il n’en reste pas moins que tout contractant doit fournir à son co-contractant l’ensemble des informations de nature à permettre à celui-ci de s’engager en toute connaissance de

cause, la qualité de commerçants avisés des co-contractants n’étant pas, à l’évidence, de nature à les exonérer de cette obligation.

Elle expose ainsi que :

— avant la conclusion du contrat, la société H I a pu prendre connaissance de documents comptables dont l’exploitation du fonds a révélé qu’ils étaient incomplets et partiellement inexacts,

— que ces documents n’avaient pas à être fournis par l’intermédiaire de l’expert-comptable,

— qu’à la fin de l’année 2015, malgré un chiffre d’affaires bien plus élevé que l’année précédente, la société H I enregistrait un résultat déficitaire, qui n’a pu s’expliquer qu’en partie par les coûts de réorganisation de l’établissement,

— que ce n’est qu’au cours de l’année 2016, lorsque les comptes de la société SAPHIR HOTEL pour l’année 2015 ont été publiés, que la société H I a pu se rendre compte de la supercherie suivante : la société SAPHIR HOTEL ne payait pas de loyer au propriétaire des murs, alors que cette situation avait été occultée pour les années précédant la location-gérance,

— que cette constatation a conduit la société H I à diligenter un audit par un cabinet d’expertise comptable, qui a conclu, aux termes d’un rapport en date du 25 janvier 2017, que les documents comptables communiqués par la société SAPHIR HOTEL avant la conclusion du contrat sont entachés d’irrégularités.

Considérant que la société SAPHIR HOTEL s’est abstenue sciemment de porter l’exonération de loyers dont elle bénéficiait à la connaissance de la société H I, cette dernière a été en réalité trompée quant aux qualités substantielles du fonds de commerce, et son consentement vicié, la SCP X Y ès qualités de liquidateur judicire de la société H s’estime bien fondée à solliciter la nullité du contrat en vertu des articles 1109 et 1110 anciens du code civil.

Elle ajoute que la SA SAPHIR HOTEL a également omis d’informer la SARL H I de l’avis défavorable à la poursuite d’activité émis par la commission de sécurité le 27 août 2014, compte tenu des observations sur les débits d’extraction des installations de désenfumage mécanique, et n’a pas non plus remédié à ces anomalies. Elle considère que cette abstention volontaire de la part de la société SAPHIR HOTEL, non seulement a nui à la parfaite information du locataire-gérant, mais a généré un élément d’incertitude dans l’application du contrat, aucune disposition n’étant prévue dans l’hypothèse où le risque de fermeture administrative se réaliserait, et constitue les man’uvres dolosives sans lesquelles l’autre partie n’aurait pas contracté; elle en déduit que la société H I a été victime d’un dol au sens de l’article 1116 ancien du code civil de nature à justifier l’annulation du contrat.

La SA SAPHIR HOTEL conteste l’applicabilité de la loi Doubin au contrat de location-gérance litigieux en rappelant que M. Z est exploitant en location-gérance par ailleurs d’un hôtel-restaurant, d’un hôtel, et de deux restaurants, en contrat de gestion d’un organisme de formation, et en propre d’un commerce de traiteur. Elle soutient qu’on ne peut donc être considérer que le contrat de location gérance imposait à la société H I un engagement d’exclusivité, le contrat ne prévoyant aucun engagement exclusif d’approvisionnement, aucune modalité d’exploitation précisé ment définie, ni aucun contrat de franchise, excluant de ce fait que l’article L.330-1 s’applique au contrat de location-gérance conclu entre les parties.

Elle nie avoir dissimulé des informations de nature comptable et économique, et notamment le fait qu’elle était dispensée de paiement de loyer par son bailleur, alors que les comptes annuels 2013 de la société SAPHIR HOTEL, publiés, accessibles sur infogreffe, connus du locataire gérant,

mentionnent d’ailleurs dans le tableau d’affectation du résultat au titre des charges externes (p11), des charges de « locations, charges locatives et de copropriété », dont les montants de 37.011 euros en 2012, 29.702 euros en 2013, correspondant au paiement des seules taxes foncières, apparaissent sans commune mesure avec l’importance de l’établissement concerné, et dans la détermination de la valeur ajoutée produite au cours de l’exercice (p16- ligne OS), des loyers d’un montant de 0 euro. Elle indique en outre que les comptes annuels de la société SAPHIR HOTEL sont certifiés par un commissaire aux comptes et qu’il ne peut donc y avoir eu aucune dissimulation d’aucune sorte.

Elle ajoute que de surcroît, la société d’expertise comptable qui tient la comptabilité du SAPHIR HOTEL appartient au groupe SECODEX, qui est en charge de la comptabilité de la société H I, laquelle a été en mesure d’obtenir tous les documents comptables par l’intermédiaire de l’expert-comptable.

Elle considère comme 'scandaleux’ de prétendre que le consentement de M. Z aurait pu être surpris compte tenu des pièces versées aux débats, de l’ensemble des échanges précontractuels et des rencontres entre les parties, de l’ensemble des informations transmises, et compte tenu surtout du professionnalisme de M. Z, particulièrement aguerri aux affaires et aux contrats de location gérance en particulier, et qui est entouré de nombreux conseils sur le plan juridique, comptable, fiscal et social.

Elle relève encore la mauvaise foi de la société H I lorsque celle-ci affirme qu’elle n’a pas été informée du passage et de l’avis de la commission de sécurité alors que M. Z écrivait le 14 novembre 2014, au moment de préciser les clauses du contrat de location gérance: « Voici les points à mon sens qui doivent être précisés dans le contrat, avec plan de mise en oeuvre que vous souhaitez mettre en place :

Ce qui aujourd’hui n est pas aux normes

. 2 groupes clim avec fuites de gaz R22, désormais plus autorisé.

. Ascenseurs conformément aux délais de mise aux normes prévus par l’état.

. Système de désenfumage BAT A conformément à la visite de la commission de sécurité ».

Elle ajoute que le contrat de location gérance fait expressément référence au passage de la commission de sécurité et à ses observations, précisément au titre de l’engagement spécifique du loueur gérant de prendre en charge les travaux nécessaires à « assurer le désenfumage des bâtiments selon les demandes de la commission de sécurité ».

La SA SAPHIR HOTEL conclut donc à l’absence de cause de nullité du contrat et au débouté des demandes de la SCP X Y ès qualités faites à ce titre.

La cour relève que les dispositions des articles L.330-1 et suivants du code de commerce issus de la loi Doubin s’appliquent selon l’article L.330-3 aux contrats liant deux parties par des stipulations contractuelles prévoyant d’un côté la mise à disposition de l’enseigne, du nom commercial ou de la marque et d’un autre, un engagement d’exclusivité pour l’exercice de l’activité concernée et imposent au concédant, préalablement à la signature du contrat, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères , qui lui permette de s’engager en toute connaissance de cause, et dont le contenu est fixé par décret. L’annulation du contrat ne peut être prononcée en violation de l’article précité que si le défaut d’information a eu pour effet de vicier le consentement du cocontractant.

En l’espèce l’engagement d’exclusivité pris par le locataire-gérant est une exclusivité d’exploitation des lieux marqués par l’enseigne SAPHIR HÔTEL uniquement, le nom et l’enseigne de l’hôtel ainsi

exploité faisant partie des éléments du fonds de commerce donné en location-gérance, mais en aucun cas, cette exclusivité ne porte sur un engagement d’approvisionnement, ni une marque de réseau ou de franchise et il n’est prévu contractuellement aucune modalité d’exploitation précisément définie. Dès lors ce contrat de location-gérance n’entre pas dans le champ d’application de la loi Doubin et des articles L.330-1 et suivants précités ne lui sont pas applicables.

Il est par ailleurs établi par l’échange de nombreux courriels que M. Z, qui est un professionnel averti, a, préalablement à la signature du contrat, été en mesure de solliciter tous les documents comptables qu’il souhaitait : état des stocks, calcul des BFR (Besoins en Fonds de Roulement), tableau des salaires, bilan prévisionnel 2015, et a participé activement à la rédaction du contrat.

Il était donc à même d’obtenir l’ensemble des informations comptables de nature à lui permettre de s’engager en toute connaissance de cause.

S’agissant du dol invoqué relatif aux recommandations de la commission de sécurité, il convient de préciser ici que ladite commission prescrivait notamment, dans son rapport de visite du 29 août 2014, après avoir constaté que les débits du système de désenfumage étaient insuffisants et présentaient un risque pour la sécurité des personnes, de :

— fournir à la commission de sécurité de l’arrondissement de Torcy un rapport de vérifications datant de moins d’un an, rédigé par le bureau de contrôle ou technicien compétent relatif au désenfumage mécanique faisant apparaître les débits théoriques et constatés par zone (cf.articles MS72, MS 73§2 et DF 10§2 et §3 de l’arrêté du 25/06/1980 modifié).

M. Z écrivait dans un courriel du 14 novembre 2014 :

« (…) Voici les points à mon sens qui doivent être précisés dans le contrat, avec plan de mise en oeuvre que vous souhaitez mettre en place :

' ce qui aujourd’hui n’est pas aux normes

- 2 groupes clim avec fuites de gazR22, désormais plus autorisé.

- Ascenseurs conformément aux délais de mise aux normes prévus par l’état.

- Système de désenfumage BAT A conformément à la visite de la commission de sécurité »

et ces points ont été expressément précisés dans le contrat de location-gérance en page 9 à l’article 5 : conditions de mise à disposition des lieux dans le paragraphe intitulé Travaux effectués par le Loueur gérant : ' le loueur gérant s’engage à réaliser les investissements dont la liste figure en annexe. Ces investissements seront réalisés dans un délai de 12 mois (à l’exclusion des 4 groupes froids pour lesquels une solution alternative sera mise en place sous 24 mois)' .

L’annexe au contrat intitulée TRAVAUX PRISES EN CHARGE PAR LE BAILLEUR prévoit

— le remplacement de 4 groupes de climatisation ne répondant pas aux normes à la signature des présentes.

— la remise aux normes des ascenseurs et monte-charges conformément aux réglementations en vigueur au 31/12/2014 (Il s’agit ici des téléalarmes)

— assurer le désenfumage des bâtiments selon les demandes de la commission de sécurité

— la rénovation de 36 chambres du BAT B du Saphir Hôtel, au 2e étage, pour un montant d’un

tiers du coût global des travaux, les deux autres tiers restant à la charge du locataire gérant.

Dès lors la SCP X Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I, est de parfaite mauvaise foi en prétendant que ces éléments lui auraient été cachés et le dol invoqué sur ce fondement n’est pas établi.

Sur le dol invoqué au titre d’éléments comptables cachés ou inexacts, l’audit effectué à la demande de la SCP X Y ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I par un cabinet d’expert-comptable le 25 janvier 2017 conclut que les éléments comptables des années 2010, 2011, 2012 et 2013 qui leur ont été remis ne permettent pas de connaître le montant des loyers comptabilisés au titre d’un exercice.

Le bilan comptable 2013 détaillé et publié sur infogreffe, sur lequel s’appuie la SA SAPHIR HOTEL dans ses conclusions pour affirmer que la société locataire-gérante ne pouvait ignorer l’absence de paiement de loyers, n’est pas versé aux débats de sorte que la cour ne peut pas vérifier si les éléments portés à la connaissance de M. Z, professionnel averti, lui permettait de déterminer l’absence de paiement de loyers.

Il convient donc d’ordonner la réouverture des débats sur ce point et de surseoir à statuer sur les demandes subsidiaires de la SCP X Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société H I ainsi que sur les demandes reconventionnelles de la SA SAPHIR HOTEL et de réserver les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté la société H I de sa demande en annulation du contrat fondée sur les articles 9 et 11 du contrat, sur les dispositions des articles L.330-1 et suivants du code de commerce, et sur le dol pour non communication de l’avis de la commission de sécurité ;

Sursoit à statuer sur le surplus des demandes tant principales que reconventionnelles,

Ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture, la réouverture des débats et invite la SA SAPHIR HOTEL à verser aux débats ses comptes annuels de 2013 publiés, auxquels elle fait référence en page 22 de ses conclusions;

Réserve les dépens ;

Renvoie l’affaire à l’audience du jeudi 17 janvier 2019, à 13 heures pour clôture et à l’audience du mercredi 6 mars 2019 à 14 heures pour plaidoiries en conseiller rapporteur.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 3 octobre 2018, n° 17/05154