Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 9 décembre 2020, n° 20/05041

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Village Justice · 3 octobre 2021

Dans le cadre de la crise sanitaire, la jurisprudence sur la question du paiement des loyers Covid-19 a souligné l'importance de la loyauté contractuelle entre les parties et la nécessité de proposer des solutions consistant à ajuster les clauses et conditions du bail. Cette article est issu de la documentation Droit des affaires des Editions Législatives. Pour tester gratuitement la documentation Droit des affaires pendant 2 semaines, cliquez ici. Les propriétaires de fonds de commerce ont vu leur activité faire l'objet de nombreuses mesures de police administrative. Premier …

 

www.editions-legislatives.fr · 21 septembre 2021

Me Virginie Heber Suffrin · consultation.avocat.fr · 8 juillet 2021

Les principaux moyens soulevés par les locataires affectés par la crise sanitaire Covid 19 à l'encontre de leurs bailleurs et la réponse des juges de première instance et des décisions récentes de Cour d'appel. A – Obligation de bonne foi : article 1104 du Code civil B- Perte partielle de la chose : article 1722 du Code civil C- Force majeure : article 1228 du Code civil D- Imprévision : article 1195 du Code civil E- défaut de jouissance paisible : article 1719 du Code civil F- Exception d'inexécution : article 1217 du Code civil H- Absence de cause OBLIGATION DE BONNE FOI : …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 9 déc. 2020, n° 20/05041
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/05041
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 09 DECEMBRE 2020

(n° 396 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05041 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUZY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Février 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 19/59210

APPELANTE

S.A.R.L. TEN OZ SARL TEN OZ

Pour signification en les lieux loués 7, […]

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Georges SITBON de la SCP PEREZ SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0198

INTIMEE

[…]

[…]

[…]

N° SIRET : 828 636 399

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

et par Me Vincent LAFARGE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0780

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Carole CHEGARAY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Mme Carole CHEGARAY, conseillère

Mme Edmée BONGRAND, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffière lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

Par acte sous seing privé du 21 septembre 2009, la SCI BIPP, aux droits de laquelle vient la SCI BT Levallois depuis le 4 août 2017, a donné à bail à la Sarl Ten Oz des locaux à usage commercial situés […] à Paris 4e, pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2009 moyennant un loyer annuel en principal de 108 000 euros, payable par trimestre d’avance. La société Ten Oz y exploite un commerce de prêt-à-porter.

Suivant une ordonnance de référé du 22 août 2016 rectifiée le 8 décembre 2016, la société Ten Oz a été condamnée à verser à la SCI BIPP la somme provisionnelle de 98 639,52 au titre de loyers impayés.

Un protocole d’apurement de la dette a été signé entre la SCI BT Levallois subrogée dans les droits de la SCI BIPP et la société Ten Oz le 14 février 2019 aux termes duquel la société locataire reconnaît devoir la somme de 30 000 euros correspondant aux loyers impayés de décembre 2018, janvier et février 2019 qu’elle s’est engagée à régler en dix mensualités de 3 000 euros. Il est stipulé qu’à défaut du strict respect du présent protocole par la société Ten Oz, la société BT Levallois pourra délivrer un nouveau commandement de payer visant les sommes impayées du chef de ce protocole et du chef des loyers courants éventuellement impayés.

Par acte extrajudiciaire des 23 et 29 mai 2019, la SCI BT Levallois a fait délivrer à la société Ten Oz un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail et reproduisant les mentions de l’article L.145-41 du code de commerce d’avoir à lui payer dans le délai d’un mois la somme en principal de 42 548,63 euros au titre de la dette locative arrêtée au mois de mai inclus.

Un second commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 18 juillet 2019 par la société BT Levallois à la société Ten Oz pour la somme en principal de 68 216,27 euros, terme de juillet 2019 inclus.

Soutenant que les causes du commandement n’ont pas été réglées dans le délai imparti, la SCI BT Levallois a, par acte du 17 septembre 2019, fait assigner en référé la société Ten Oz devant le tribunal de grande instance de Paris en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, expulsion, paiement à titre provisionnel de la somme de 93 675,61 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au mois de septembre 2019 inclus, ainsi que d’une pénalité contractuelle de 9 367,56 euros, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé contradictoire du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

— au principal, renvoyé les parties à se pourvoir au fond mais dés à présent, par provision,

— constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 18 août 2019,

— suspendu les effets de ladite clause,

— condamné la Sarl Ten Oz à payer à la SCI BT Levallois la somme provisionnelle de 138 625,02 euros au titre des loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation impayés au 1er janvier 2020,

— autorisé la Sarl Ten Oz à se libérer de la dette par 12 mensualités identiques en sus du loyer courant, la première mensualité étant due dans un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et les mensualités suivantes à 30 jours d’intervalle,

— dit que si le débiteur se libère ainsi de la dette, la condition résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué,

— dit que, faute pour la Sarl Ten Oz de payer à bonne date en sus du loyer courant, une seule mensualité, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception :

— le tout deviendra immédiatement exigible,

— la clause résolutoire sera acquise,

— il sera procédé à l’expulsion immédiate de la Sarl Ten Oz et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués […] à Paris 4e, sans qu’il y ait lieu d’ordonner une astreinte,

— en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code de procédures civiles d’exécution,

— une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu’à libération effective des lieux par remise des clés,

— condamné la Sarl Ten Oz aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement,

— condamné la Sarl Ten Oz à payer à la SCI BT Levallois la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toutes les autres demandes des parties,

— rappelé que l’ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de chose jugée provisoire,

— rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Suivant déclaration du 11 mars 2020, la Sarl Ten Oz a interjeté appel partiel de cette ordonnance, sollicitant sa confirmation en ce qu’elle a suspendu l’acquisition de la clause résolutoire et son infirmation en ce qu’elle ne lui a accordé qu’un délai de douze mois pour s’acquitter de l’arriéré, réclamant à la cour l’octroi de trente-six mois de délais pour régler sa dette.

Dans ses dernières conclusions du 28 octobre 2020, la Sarl Ten Oz demande à la cour de :

Vu l’article 1218 du code civil,

— à titre principal, déclarer recevable et bien fondée en son appel la société Ten Oz,

— faire droit à ses demandes,

— constater l’existence d’une contestation sérieuse relative au non-respect du droit de préemption de la société Ten Oz et à la remise en cause du droit de propriété de la société BT Levallois sur les lieux loués,

plus subsidiairement,

— surseoir à statuer jusqu’à l’issue de la procédure en annulation de la vente entre la société BIPP et la société BT Levallois,

à titre plus subsidiaire encore,

— retenir la force majeure, et dire que la société Ten Oz n’était pas tenue de payer un loyer pour la période du 17 mars 2020 au 11 mai 2020 en raison de la période de confinement,

— retenir la force majeure, et réduire à 30% l’exigibilité du loyer depuis la crise des gilets jaunes et les grèves des transports soit depuis le mois d’octobre 2018 à février 2020, annuler le loyer du mois de mars au 11 mai 2020, et réduire à 30 % le loyer jusqu’à la fin de la pandémie,

— fixer la dette locative à la somme de 65 399 euros,

— dire n’avoir pas lieu à faire application de la clause résolutoire,

— accorder à la société Ten Oz la possibilité de s’acquitter de ses loyers arriérés dus au moyen de mensualités de 500 euros par mois pendant 35 mois et le solde le 36e mois, en sus du loyer courant,

— partager les dépens.

Dans ses dernières conclusions du 1er octobre 2020, la SCI BT Levallois demande à la cour de:

— déclarer la société Ten Oz irrecevable en sa demande de sursis à statuer et en tout état de cause mal fondée en cette demande ; l’en débouter en conséquence,

— déclarer la société Ten Oz mal fondée en son appel, la débouter en conséquence de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

— déclarer la société BT Levallois recevable et bien fondée en son appel incident et, l’y déclarant bien fondée,

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,

— réformer la décision entreprise en ce qu’elle a accordé un délai de douze mois à la société Ten Oz pour s’acquitter de sa dette ledit délai suspendant les effets de la clause résolutoire et, statuant à nouveau sur le fondement des dispositions de l’article L.145-41 du code de commerce, constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et ordonner l’expulsion de la Sarl Ten Oz et de tous occupants de son chef des locaux qu’elle occupe à Paris 4e 7, […],

— confirmer partiellement l’ordonnance entreprise, condamner la Sarl Ten Oz à lui verser à titre de provision sur le montant des loyers et indemnités d’occupation dus la somme de 241 999,34 euros arrêtée au terme du mois de juillet 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer pour les sommes qui y figurent, de l’ordonnance de référé pour la différence entre la condamnation prononcée et les sommes figurant dans le commandement et des présentes conclusions pour le surplus,

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit :

— qu’il sera procédé à l’expulsion immédiate de la Sarl Ten Oz, et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance si nécessaire de la force publique des lieux loués 7, […] à Paris 4e, sans qu’il y ait lieu d’ordonner une astreinte,

— qu’en cas de besoin, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et à défaut, seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution,

— la confirmer enfin en ce qu’elle condamné la société Ten Oz à verser à la société BT Levallois une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges jusqu’à libération effective des lieux par remise des clés ; et en ce qu’elle l’a condamnée aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ainsi qu’à payer à la SCI BT Levallois la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Ten Oz à verser à la SCI BT Levallois, outre les dépens qui seront recouvrés par la SCP Regnier Bequet Moisan, avocat aux offres de droit, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du même code au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

L’article 835 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’article L.145-41 du code de commerce dispose que 'toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.

La société Ten Oz soulève devant la cour deux contestations sérieuses tenant l’une à la qualité de bailleresse de la SCI BT Levallois, l’autre à l’exigibilité des loyers.

Elle expose qu’elle a diligenté au fond -ce dont elle justifie par une assignation délivrée le 6 octobre 2020 et un bulletin de mise en état du 19 octobre 2020 de la 18e chambre du tribunal judiciaire de Paris- une procédure contre son ancien bailleur, la SCI BIPP, et son bailleur actuel, la SCI BT Levallois, portant sur l’annulation de la vente des murs de son fonds de commerce en 2017 au motif que son droit de préemption, en qualité de locataire, n’a pas été respecté, faisant valoir que les conditions financières de cette opération, à savoir que l’essentiel du prix de vente a été payé au moyen de la reprise d’un crédit de la SCI BIPP par la SCI BT Levallois, lui ont été dissimulées et qu’il était mentionné dans l’offre de préemption la nécessité de prévoir des frais d’un montant de 185 000 euros alors que ces frais se sont élevés à 17 157 euros. Elle en déduit que si cette procédure aboutissait, le droit de propriété de la SCI BT Levallois et son droit de percevoir des loyers seraient remis en cause. Subsidiarement, elle demande qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision qui sera rendue dans cette procédure initée par ses soins.

Il ressort de l’acte de vente conclu par devant notaire le 4 août 2017 que conformément aux dispositions de l’article L.145-46-1 du code de commerce la SCI BIPP, vendeur, a notifié à la société Ten Oz, locataire, 'les conditions de la présente vente ; que par courrier en date du 6 février 2017, adressé au vendeur, le locataire a déclaré accepter l’offre de vente et avoir l’intention de recourir à un prêt (…) ; que la société Ten Oz quatre mois après l’acceptation de de l’offre de vente n’a pas signé l’acte authentique d’acquisition des biens et que de ce fait son droit de préférence se trouve maintenant éteint ; que la présente vente n’a pas lieu à des prix et conditions plus avantageux que ceux notifiés' et que la société Ten Oz a pu exercer son droit de préemption.

Le fait que la SCI BT Levallois ait payé une partie du prix de vente au moyen de la reprise d’un prêt contracté par le vendeur n’est à l’évidence qu’une modalité de paiement du prix qui s’avère sans incidence sur les conditions de la vente, la société Ten Oz ne communiquant pour sa part aucun élément sur ses facultés de financement du prix de 2 450 000 euros, hors frais. De surcroît, s’il était fait droit à la demande d’annulation de la vente, la société Ten Oz n’en perdrait pas pour autant sa qualité de locataire et son obligation au paiement des loyers.

La contestation de la qualité de bailleresse de la SCI BT Levallois n’apparaît pas sérieuse et il n’y a pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de l’instance en annulation de la vente.

La société Ten Oz se prévaut en second lieu de la force majeure et sollicite la suspension de l’exigibilité des loyers pour la période du 17 mars 2020 au 11 mai 2020 en raison de la période de confinement ainsi que la réduction à 30 % de l’exigibilité du loyer depuis la crise des gilets jaunes et les grèves des transports, soit depuis le mois d’octobre 2018 jusqu’au mois de février 2020 et du mois de mai 2020 jusqu’à la fin de la pandémie.

Aux termes de l’article 1218 du code civil, 'il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1".

Si à l’évidence la force majeure -dont les effets sont la suspension et non la réduction de l’obligation ou la résiliation du contrat- ne peut être retenue s’agissant des manifestations des 'gilets jaunes’ qui n’ont eu lieu qu’un jour par semaine et de la grève des transports qui n’entravait pas toute liberté d’aller et venir, la fermeture totale du commerce de la société Ten Oz dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure, si bien qu’il existe une contestation sérieuse quant à l’exigibilité des seuls loyers courant à compter du 11 mars 2020.

Il n’en demeure pas moins que les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire du 18 juillet 2019 n’ont pas été réglées et que la clause résolutoire est acquise à la date du 18 août 2019. L’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef, ainsi que des chefs de l’expulsion et de l’indemnité d’occupation.

Selon le décompte de la SCI BT Levallois, la dette locative s’élève au mois de mars 2020 à la somme de 164 468,60 euros, soit un montant supérieur à celui arrêté aux termes de l’ordonnance entreprise, la société locataire n’ayant pas repris le paiement du loyer courant.

Il convient de réformer l’ordonnance entreprise concernant la provision allouée à la SCI BT Levallois au titre des loyers,charges et indemnités d’occupation impayés et, vu l’évolution du litige, de la porter au montant non sérieusement contestable de 164 468,60 euros, terme du mois de mars 2020 inclus.

Compte tenu de l’ancienneté -arriéré antérieur aux événemements mis en exergue pas la société locataire- et de l’importance de la dette, des maigres facultés contributives de la société Ten Oz dont la proposition d’apurement à hauteur de 500 euros par mois est sans commune mesure avec le montant dû et révèle son impossibilité de faire face à son passif ainsi que de l’absence de perspectives meilleures à court ou moyen terme, il ne sera pas fait droit à la demande de délais et de suspension de la clause résolutoire, la cour infirmant de ce chef l’ordonnance entreprise.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

La société Ten Oz, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel.

A hauteur de cour, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise à l’exception des dispositions relatives aux délais de paiement, à la suspension des effets de la clause résolutoire et au montant de la provision au titre de l’arriéré locatif,

Statuant à nouveau et y ajoutant, vu l’évolution du litige,

Condamne la société Ten Oz à payer à la SCI BT Levallois la somme provisionnelle de 164 468,60 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, terme de mars 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2020,

Déboute la société Ten Oz de sa demande de délais de paiement,

Dit n’y avoir lieu à suspension des effets de la clause résolutoire,

Condamne la société Ten Oz aux dépens d’appel, lesquels seront directement recouvrés par la SCP

Regnier Bequet Moisan, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,

Le Président,

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