Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 8 avril 2021, n° 21/05090

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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www.magenta-legal.com · 16 mai 2022

Par un arrêt du 11 mai 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation encadre le recours aux procès-verbaux anonymes par le ministre de l'Economie pour prouver l'existence de pratiques restrictives de concurrence en affirmant qu'un juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur ceux-ci. Cette décision intervient dans le cadre d'une action introduite par le ministre de l'Économie qui reprochait à la société GE Energy Products France (GEEPF) d'avoir soumis ses partenaires à des clauses constituant un déséquilibre significatif à son bénéfice. Le 12 juin …

 

www.ifl-avocats.com · 8 mars 2022

La loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, et son décret d'application n°2018-1126 du 11 décembre 2018, ont transposé la Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicite. Près de 5 ans après la transposition de ce dispositif en droit français, il est intéressant de revenir sur sa mise en œuvre effective. Par un arrêt du 10 juin 2021, la Cour de cassation est …

 

Arst Avocats · 26 mai 2021

Si l'on évoque en principe le secret des affaires à propos de la production de pièces en justice, un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 avril 2021 rappelle que l'on peut se fonder sur le secret des affaires en matière d'acte de procédure. Voici ici une belle décision en matière de secret des affaires. CA Paris, Pôle 1, Ch. 2, 8 avril 2021, RG 21/05090, SAS ITM Alimentaire International c/ Ministre de l'économie, des finances et de la relance En l'espèce, le 19 février 2021, la société ITM AI (filiale de la société ITM entreprise propriétaire des enseignes Intermarché et Netto) est …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 8 avr. 2021, n° 21/05090
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/05090
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 18 mars 2021, N° 2021010048
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 08 AVRIL 2021

(n° 160 , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05090 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJZT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021010048

APPELANTE

SAS ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Z A de l’AARPI A-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée par Me Yann UTZSCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS,

INTIME

Monsieur le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA RELANCE représenté par Monsieur X Y, directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de l’Ile-de-France

[…]

[…]

Représenté par Me B C VASSEUR de la SELARL LATOURNERIE WOLFROM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0199

Assisté par Me Claire DECOUX-LAROUDIE, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Avril 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et du code de procédure civile , les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Hélène GUILLOU, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Lauranne VOLPI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

La société ITM Alimentaire international (la société ITM AI) est une filiale de la société ITM entreprise qui est propriétaire des enseignes commerciales Intermarché et Netto. Elle est en charge de la stratégie commerciale du 'groupement des Mousquetaires’ et négocie en tant que 'centrale d’achat et de référencement', les conditions d’achats des marchandises des fournisseurs du réseau. C’est avec elle que ces derniers négocient les accords annuels.

Par l’intermédiaire de la société suisse Intercontessa qu’elle possède à 100%, la société ITM entreprise détient 16,6% de la société AgeCore, société qu’elle a créée avec 5 autres distributeurs européens actionnaires dans les mêmes proportions, les sociétés Edeka, Erosky, Coop, Colruyt et Conad. Ces sociétés ont signé avec la société AgeCore un contrat de commissionnaire par lequel elles lui confient la négociation et la signature, pour leurs comptes, d’accords avec les fournisseurs internationaux.

Enfin la société ITM Belgique exerce une activité similaire à celle d’AgeCore mais seulement à destination des membres du groupement des Mousquetaires.

La société ITM AI a été assignée le 19 février 2021 par le Ministre de l’économie, des finances et de la relance (le Ministre) devant la 18e chambre du tribunal de commerce de Paris le 20 mai 2021 pour obtenir:

— sa condamnation in solidum avec les sociétés AgeCore et ITM Belgique au paiement d’une somme d’une amende civile de 150 750 000 euros,

— la cessation de ces pratiques,

— la publication de la condamnation dans trois quotidiens nationaux, Le Monde, Les Echos et le magazine LSA (libre service actualité, magazine de la grande distribution).

Les poursuites engagées par le ministère de l’économie et des finances contre la société ITM AI mais aussi la société AgeCore et la société ITM Belgique portent sur des pratiques prohibées consistant dans l’obtention d’avantages sans contrepartie, ou en tout cas manifestement disproportionnés au regard de la valeur des contreparties consenties, en violation de l’article L 442-6 du code de commerce, texte applicable en l’espèce.

Il est notamment reproché à ces centrales de services de facturer aux fournisseurs des services internationaux ne représentant en réalité aucune plus value permettant de justifier leur coût, services qui sont parfois inhérents à la relation commerciale ou qui n’ont pas de valeur quantifiable, en leur imposant de signer deux contrats, l’un avec AgeCore ou ITM Belgique, et l’autre avec la société ITM AI, le prix en étant fixé avant même que les fournisseurs ne connaissent les services rendus en contrepartie, puisque ceux-ci sont déterminés par la suite avec ITM AI. Est également retenue l’opacité des relations entre les distributeurs et les fournisseurs.

Constatant que l’assignation qui lui a été délivrée contient des informations couvertes par le secret des affaires et qu’elle était en voie d’être délivrée à la société AgeCore, la société ITM AI a saisi le président du tribunal de commerce de Paris qui, le 22 février 2021, a autorisé la société ITM Alimentaire International à assigner en référé d’heure à heure le Ministre.

Le 23 février 2021, la société ITM AI a fait assigner le Ministre devant le président du tribunal de commerce de Paris, aux fins notamment de :

— dire et juger que l’assignation délivrée à la société ITM AI le 19 février 2021 ainsi que les pièces n° 12, 14 à 16,19.1, 19.2, 20, 21, 22.1, 22.2, 24 à 26, 28 à 31, 33, 35, 39.1 à 39.4, 40, 41, 42.3, 42.4, 43, 45, 48, 51, 52, 56, 58, 58.1, 59, 60, 61.1, 62 à 66, 68.1 à 68.4, 69, 71, 72, 74 a 77, 79.0, 80, 81.1, 81.4, 83, 84, 86 à 89, 91 à 96, 102 à 104 et 125, communiquées par le Ministre au soutien de son assignation contiennent en l’état des informations confidentielles vis-à-vis d’AgeCore relevant du secret des affaires au sens de 1'article L. 151-1 du code de commerce,

— dire et juger que la délivrance de l’assignation ainsi que des pièces mentionnées ci-dessus en l’état à la société AgeCore constitue une atteinte imminente au secret des affaires de la société ITM AI,

— dire et juger que l’atteinte imminente au secret des affaires de la société ITM AI qui résulterait d’une telle délivrance lui causerait un dommage grave et irréversible,

— dire et juger que 1'atteinte au secret des affaires de la société ITM AI qui résulterait d’une telle délivrance constitue un trouble manifestement illicite et un dommage imminent qu’il convient de prévenir,

En conséquence

— ordonner au Ministre de l’économie la suspension de la délivrance à la société AgeCore de l’assignation ainsi que des pièces n° 12, 14 à 16,19.1, 19.2, 20, 21, 22.1, 22.2, 24 à 26, 28 à 31, 33, 35, 39.1 à 39.4, 40, 41, 42.3, 42.4, 43, 45, 48, 51, 52, 56, 58, 58.1, 59, 60, 61.1, 62 à 66, 68.1 à 68.4, 69, 71, 72, 74 a 77, 79.0, 80, 81.1, 81.4, 83, 84, 86 à 89, 91 à 96, 102 à 104 et 125 dans leur version actuelle, et ce jusqu’à l’établissement par le Ministre d’une version conforme à la protection du secret des affaires de la société ITM AI, sous une astreinte de 5.000 euros par jour de retard,

— ordonner au Ministre de l’économie de prendre toutes les mesures nécessaires tels que notamment le caviardage des informations confidentielles, afin de préserver le secret des affaires de la société ITM Alimentaire International vis-à-vis d’AgeCore et de ses membres. Les modalités pourront être convenues et discutées dans le cadre d’une audience ultérieure entre les parties,

— se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée.

Par ordonnance de référé rendue le 19 mars 2021, le juge des référés du tribunal de commerce a :

— dit n’y avoir lieu à référé,

— invité la société ITM AI lors de sa défense au fond à solliciter la mise en place d’un cercle de confidentialité, au visa des dispositions de l’article R. 153-3 du code de commerce,

— débouté le Ministre de sa demande de condamnation à une amende civile,

— dit que l’équité commande que chacune des parties garde à sa charge les frais exposés au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné en outre la société ITM AI aux dépens de l’instance.

Le premier juge a notamment estimé que la prise en compte des arguments des parties l’aurait amené à s’engager sur le débat au fond, ce qui ne lui appartenait pas en présence de contestations sérieuses et en l’absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent.

Par déclaration du 19 mars 2021 la société ITM Alimentaire International a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à référé et en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et a invité la société ITM AI lors de sa défense au fond à solliciter la mise en place d’un cercle de confidentialité, au visa des dispositions de l’article R. 153-3 du code de commerce et en ce qu’il a condamné la société ITM AI aux dépens.

Par ordonnance du 24 mars 2021, le délégataire du premier président de la cour d’appel de Paris a autorisé la société ITM AI à assigner le Ministre à jour fixe.

Par acte du 25 mars 2021, la société ITM Alimentaire International a fait assigner le Ministre, pour, en l’état de ses conclusions récapitulatives du 1er avril 2021 demander à la cour, sur le fondement des articles 873, 122, 455 et 458 du code de procédure civile, des articles L. 151-1 et suivants, L. 152-4 et R. 152-1 du code de commerce, de :

In limine litis,

— annuler l’ordonnance de référé rendue le 19 mars 2021 par le président du tribunal de commerce Paris en ce qu’elle est entachée de nullité, celui-ci ne s’étant pas prononcé sur la demande d’ITM AI relatif à l’atteinte imminente et manifestement illicite aux secrets des affaires d’ITM AI formulée sur le fondement de l’article L. 152-4 du code de commerce,

— annuler l’ordonnance de référé rendue le 19 mars 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle est entachée d’une erreur de droit, celui-ci ayant retenu l’existence d’une contestation sérieuse pour dire n’y avoir lieu à référé et ainsi refuser de faire droit aux demandes d’ITM AI, alors que celles-ci étaient fondées sur les articles L.152-4 du ode de commerce et 873 du code de procédure civile et non sur l’article 872 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

— déclarer recevables les demandes de la société ITM AI, la société Agecore n’ayant pas reçu à ce jour l’assignation et les pièces et qu’en tout hypothèse, la cour est compétente pour faire cesser toute atteinte illicite conformément aux dispositions de l’article L.152-4 du code de commerce,

— juger que l’assignation délivrée à la société ITM AI le 19 février 2021 ainsi que les pièces n°12, 14 à 16, 19.1, 19.2, 20, 21, 22.1, 22.2, 24 à 26, 28 à 31, 33, 35, 39.1 à 39.4, 40, 41, 42.3, 42.4, 43, 45, 48, 51, 52, 56, 58, 58.1, 59, 60, 61.1, 62 à 66, 68.1 à 68.4, 69, 71, 72, 74 à 77, 79.0, 80, 81.1, 81.4, 83, 84, 86 à 89, 91 à 96, 102 à 104 et 125, communiquées par le Ministre au soutien de son assignation contiennent en l’état des informations confidentielles vis-à-vis d’Agecore

relevant du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du code de commerce,

— juger que la délivrance de l’assignation ainsi que des pièces mentionnées ci-dessus en l’état à la société Agecore constitue une atteinte imminente au secret des affaires de la société ITM AI,

— juger que l’atteinte imminente au secret des affaires de la société ITM AI qui résulterait d’une telle délivrance lui causerait un dommage grave et irréversible,

— juger que l’atteinte au secret des affaires de la société ITM AI qui résulterait d’une telle délivrance constitue un trouble manifestement illicite et un dommage imminent qu’il convient de prévenir,

— juger que les demandes d’ITM AI sont légitimes.

En conséquence,

— rejeter la demande d’irrecevabilité du Ministre de l’Economie ;

— infirmer l’ordonnance de référé du 19 mars 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a :

o dit n’y avoir lieu à référé,

o invité la SAS ITM AI lors de sa défense au fond à solliciter la mise en place d’un cercle de confidentialité, au visa des dispositions de l’article R. 153-3 du code de commerce.

— confirmer l’ordonnance de référé du 19 mars 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle débouté Monsieur le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance de sa demande de condamnation à une amende civile,

Et statuant à nouveau :

— ordonner au Ministre de l’économie de suspendre la délivrance à la société Agecore de l’assignation ainsi que des pièces n°12, 14 à 16, 19.1, 19.2, 20, 21, 22.1, 22.2, 24 à 26, 28 à 31, 33, 35, 39.1 à 39.4, 40, 41, 42.3, 42.4, 43, 45, 48, 51, 52, 56, 58, 58.1, 59, 60, 61.1, 62 à 66, 68.1 à 68.4, 69, 71, 72, 74 à 77, 79.0, 80, 81.1, 81.4, 83, 84, 86 à 89, 91 à 96, 102 à 104 et 125 dans leur version actuelle, et ce jusqu’à l’établissement par le Ministre d’une version conforme à la protection du secret des affaires d’ITM AI, sous une astreinte de 5 000 euros par jour de retard,

— ordonner au Ministre de l’économie de prendre toutes les mesures nécessaires, tels que notamment le caviardage des informations confidentielles figurant dans les Pièces n°16 et 17, afin de préserver le secret des affaires de la société ITM AI vis-à-vis d’Agecore, de ses membres et de tout tiers,

— juger, à titre subsidiaire, en plus des mesures visées ci-dessus, que le Ministre de l’économie devra communiquer l’assignation et ses pièces dans leur version confidentielle aux seuls conseils d’Agecore. Les versions non confidentielles de l’assignation et des pièces pourront être communiquées à Agecore, conformément aux mesures prévues ci-dessus,

— se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée,

En toute hypothèse

— condamner le Ministre de l’économie à verser à la société ITM AI la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le Ministre de l’économie aux entiers dépens dont distractions au profit de Maître Z A dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société ITM Alimentaire International fait valoir en substance les éléments suivants :

Sur la recevabilité de son appel compte tenu de la délivrance de l’assignation à la société Agecore:

- l' appel est recevable, les pièces délivrées étant des demandes de transmissions ne valant pas signification et l’assignation n’ayant pas encore été reçue,

— la société AgeCore s’est engagée à ne pas prendre connaissance de l’assignation dans l’attente de la décision de la cour,

— elle est une société tierce par rapport à ITM AI qui n’en est qu’un actionnaire minoritaire, et d’autres actionnaires d’AgeCore ont d’ores et déjà demandé à consulter l’assignation.

In limine litis, sur la nullité de l’ordonnance de référé

— l’article 455 du code de procédure civile prévoit, à peine de nullité, une obligation de motivation des décisions de justice. En l’espèce, le juge n’a pas répondu à la demande spécifiquement fondée sur l’article L. 152-4 du code de commerce, relative à l’atteinte imminente et manifestement illicite au secret de ses affaires et en l’absence de motivation sur ce fondement elle ne peut connaître les raisons ayant conduit le juge à se prononcer ainsi,

— il a au contraire commis une erreur de droit en considérant qu’il existait une contestation sérieuse, sur le fondement de l’article 872 du code de procédure civile, alors que ce texte n’était pas le fondement de sa demande,

En toute hypothèse, sur l’existence d’une situation manifestement illicite d’atteinte au secret des affaires de nature à générer un dommage imminent:

— l’article L152-4 du code de commerce permet au juge d’ordonner des mesures provisoires permettant de prévenir ou de faire cesser les atteintes illicites au secret des affaires, telles que définies par l’article 151-1 du code de commerce, ce qui est notamment le cas d’informations relatives à des quantités produites et vendues, aux parts de marchés, à des fichiers clients, aux relations contractuelles et commerciales entre une entreprise et son fournisseur, à la stratégie commerciale de l’entreprise. En l’espèce ce type d’informations se retrouve dans l’assignation et dans 75 pièces qui y sont adossées. Lors de l’enquête, la société ITM AI a d’ailleurs souligné le caractère confidentiel d’informations dans ses contrats entre sa filiale et ses fournisseurs ;

— en acceptant de suspendre la délivrance de l’assignation à AgeCore et en sollicitant la mise en place d’un cercle de confidentialité, le président du tribunal de commerce a reconnu l’existence d’éléments relevant du secret des affaires et devant être protégés mais a pris des mesures insuffisantes à les prévenir

— contrairement à ce que soutient le ministre, la société AgeCore n’a pas déjà accès à ces informations notamment relatives aux relations commerciales entre la société ITM AI, sa filiale, et ses fournisseurs qui ne la concernent pas,

— il y a un risque certain que les actionnaires de la société AgeCore, qui a été assignée en paiement d’une amende de plus de 150 millions d’euros, veuillent prendre connaissance de l’assignation et des pièces litigieuses afin d’analyser leur risque financier et la clause de confidentialité insérée dans le contrat de commissionnaire conclu avec la société AgeCore ne l’empêchera pas de procéder à cette communication,

— la communication des informations confidentielles pourrait créer une entente anticoncurrentielle à l’encontre de la société ITM Alimentaire International par des tiers ayant obtenu des informations

confidentielles sur sa stratégie politique et commerciale,

— enfin, le respect du principe du contradictoire, le droit d’accès à la preuve, et le pouvoir d’action du Ministre de l’économie ne justifient pas qu’il soit porté atteinte au secret des affaires, puisqu’ils peuvent être respectés en utilisant les procédures spécifiques mises en place par les articles L. 463-4 du code de commerce dans les procédures devant l’Autorité de la Concurrence,

— conformément à la directive 2016/943 en date du 8 juin 2016, le Ministre est tenu de protéger le secret des affaires, son pouvoir de poursuite ne peut faire échec à cette règle qu’en effet, puisque quand il agit sur le fondement de l’article L.442-6 du code de commerce, devenu L.442-1 du code de commerce, il se présente comme l’autorité chargée de la concurrence et de la consommation et a les mêmes pouvoirs d’enquête que les enquêteurs de l’Autorité de la concurrence,

— le Ministre ne doit pas devenir le véhicule d’échange d’informations confidentielles, qu’elle ne demande pas l’interdiction de la délivrance de l’assignation et des pièces mais leur interdiction 'en l’état', que ce n’est pas au Ministre qu’elle oppose le secret des affaires mais à ses concurrents et demande seulement la prévention d’atteinte à ce secret dans la procédure qu’il mène.

Sur le dommage imminent, grave et irréversible de la société ITM AI au sens de l’article 873 du code de procédure civile créé par la divulgation des informations confidentielles

— il serait impossible pour la société ITM AI de revenir à la situation existant avant la divulgation des informations de sorte que le dommage serait irréversible,

— la divulgation de ces secrets porterait atteinte à la stratégie commerciale que les tiers pourraient reproduire, et donc à la compétitivité de la société ITM AI,

En toute hypothèse, sur la légitimité des demandes de la société ITM AI

— en application de l’article R. 152-1 du code de commerce, le juge peut interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires. En l’espèce, il est demandé la suspension de la délivrance de l’assignation et pièces litigieuses attachées à celle-ci, ainsi que leur aménagement par le Ministre de l’économie, un accord devant être trouvé pour que l’assignation et les pièces puissent être délivrées à la société AgeCore dans une version respectant le secret des affaires.

Au terme de ses conclusions remises au greffe le 1er avril 2021, le Ministre de l’économie demande à la cour, sur le fondement des articles 122, 455, 458, 700 et 873 du code de procédure civile, des articles L. 151-1 et suivants du code de commerce et des articles R. 153-1 du code de commerce, de :

A titre principal

— dire et juger irrecevables les demandes de la société ITM Alimentaire International, ces demandes étant sans objet de sorte que l’appelante est dépourvue d’intérêt à agir,

A titre subsidiaire

— rejeter la demande de la société ITM Alimentaire International tendant à voir prononcer la nullité de l’ordonnance du 19 mars 2021, cette décision étant motivée et n’étant pas entachée d’erreur de droit,

— rejeter, comme infondées, les demandes de la société ITM Alimentaire International en toutes fins, moyens et prétentions qu’elles comportent,

En tout état de cause

— la condamner au paiement d’une somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître B C-Vasseur sur son affirmation de droit.

Le Ministre expose en substance les éléments suivants :

— en application de l’article 122 du code de procédure civile et de la jurisprudence, une demande sans objet fait perdre à son auteur tout intérêt à agir. En l’espèce, le Ministre ne s’est engagé à suspendre la délivrance de l’assignation et des pièces à AgeCore que jusqu’au prononcé de l’ordonnance de référé à intervenir, ce qu’il a fait, mais désormais celle-ci ayant été délivrée, les demandes de la société ITM AI sont sans objet de sorte que l’appel, dépourvu d’intérêt, est irrecevable,

A titre subsidiaire, sur le caractère non fondé des demandes de la société ITM Alimentaire International

— l’ordonnance est motivée le juge ayant repris les moyens des parties et en ayant tiré les conclusions en termes clairs,

— le juge n’a commis aucune erreur de droit. Il a vérifié les conditions d’application de l’article 873 du code de procédure civile et a constaté qu’aucun trouble manifestement illicite ni aucun dommage imminent n’était rapporté,

— les articles L. 151-1 et suivants et R. 153-1 et suivants du code de commerce renforcent le secret des affaires, mais ne peuvent faire obstacle à la protection d’un intérêt légitime telle que la sanction des pratiques commerciales prohibées par l’article L. 442-1 du code de commerce,

— le secret des affaires n’est pas caractérisé en l’espèce, les conditions n’en étant pas réunies, un grand nombre d’informations que la société ITM AI estime confidentielles étant déjà en la possession d’AgeCore en raison de l’objet même de cette alliance de sorte qu’il n’y a aucune divulgation, que celle-ci n’est pas un tiers, et que les mesures de confidentialité auxquelles AgeCore est soumise contractuellement mais également légalement sont suffisantes

— les informations litigieuses ont été obtenues de façon licite dans le cadre des pouvoirs légaux lui permettant de lutter contre les pratiques restrictives de concurrence que la société ITM tente de dissimuler,

— au regard du principe du contradictoire et du droit d’accès à la preuve, la société AgeCore doit pouvoir avoir connaissance des éléments mentionnés dans l’assignation et des pièces litigieuses dont les trois entités ITM disposent déjà pour se défendre valablement contre les griefs que formule le Ministre de l’économie contre elle,

— le Conseil d’Etat a déjà admis que la protection du secret des affaires tel que prévu à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration n’est pas un principe absolu.

— les procédures menées devant l’Autorité de la concurrence visent à faire sanctionner des pratiques anticoncurrentielles et non des pratiques restrictives de concurrence, comme c’est le cas en l’espèce, et il n’appartient pas à la cour de se substituer au législateur qui n’a pas prévu de telles procédures en présence de pratiques visées par l’article L.442-1 du code de commerce, puisqu’au contraire, les articles L 151-7 et L 151-8 du code de commerce dispose que le secret affaires ne lui est pas opposable,

— la demande de la société ITM AI tendant à interdire au ministre de faire usage de nombreux

constats de l’enquête de la DGCCRF repris dans l’assignation reviendrait à lui interdire de faire la preuve des agissements fautifs,

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Il sera en premier lieu constaté qu’il n’a pas été fait appel de la décision en ce qu’elle a débouté le Ministre de sa demande de condamnation à une amende civile, de sorte qu’il ne sera pas statué sur ce point, la cour n’en étant pas saisie.

1- sur la recevabilité de la demande:

L’existence de l’intérêt conditionnant la recevabilité de l’appel s’apprécie au jour où celui-ci est formé et ne peut dépendre de circonstances postérieures.

Le 19 mars 2021, date à laquelle l’appel a été interjeté, il n’est pas contesté que l’assignation n’avait pas été délivrée à la société AgeCore. La société ITM AI avait donc intérêt à interjeter appel et l’éventuelle perte d’objet du litige n’a pas d’effet sur la recevabilité de son appel, mais seulement sur son bien-fondé.

2- sur la nullité de l’ordonnance:

L’ordonnance frappée d’appel est motivée puisque le premier juge a :

— indiqué que la contestation était à l’évidence sérieuse,

— retenu que la prise en compte des arguments avancés par chacune des parties l’amènerait nécessairement à s’engager dans un débat au fond qu’il ne lui appartient pas de mener,

— écarté tout trouble manifestement illicite ou dommage imminent,

— invité la société ITM lors de sa défense au fond à solliciter un cercle de confidentialité au visa des dispositions de l’article R 153-3 du code de commerce,

— rejetée la demande du Ministre 'ce d’autant plus qu’en ayant accepté de suspendre la délivrance de son assignation à AgeCore dans l’attente de l’ordonnance, il en a lui-même reconnu le caractère légitime'.

La décision est donc motivée, même succinctement, et les défauts de réponse à conclusions invoqués ne sont pas de nature à entraîner la nullité de l’assignation, pas plus que l’éventuelle erreur de droit commise.

La décision du premier juge ne sera pas annulée.

2- sur les données dont la protection est demandée:

Aux termes de l’article L 151-1 du code de commerce:

Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

Il convient donc de rechercher si en l’espèce, les données dont la protection est demandée relèvent de ce texte c’est à dire si elles sont connues par un nombre restreint de personnes, si elles ont une valeur commerciale effective ou potentielle et si elles ont fait l’objet de mesures de protection raisonnables pour en conserver le secret.

S’agissant de l’assignation, il apparaît que la protection demandée porte sur les parties noircies dans le projet d’assignation proposé par la société ITM AI pour permettre la délivrance de l’assignation sans attenter à ce secret.

De la comparaison entre cette version et l’assignation délivrée à la société ITM AI, il peut être déduit que la protection est demandée pour les données suivantes:

— informations chiffrées sur les montants facturés par la société ITM AI à la société ITM AB pour l’année 2018, sur le nombre de contrats signés avec les fournisseurs, sur les sommes reversées par ITM AB à la société ITM AI (Back to home 2018 et 2019)

— informations chiffrées sur la réduction de prix globale obtenue par la société ITM AI auprès de fournisseurs nommément désignés,

— extraits de contrats cadre avec des fournisseurs nommément désignés,

— extraits chiffrés de factures avec des fournisseurs nommément désignés,

— informations chiffrées sur le montant des sommes potentiellement versées par certains fournisseurs en application de la convention nationale,

— informations chiffrées sur les chiffres d’affaires supplémentaires générés par les fournisseurs dans la société ITM AI,

— informations chiffrées sur le nombre de services fournis et leurs coûts moyens,

— informations chiffrées sur le montant des ventes réalisées par différents fournisseurs nommément désignés et sur la part des ventes réalisées par certains fournisseurs désignés avec la société ITM AI,

— informations chiffrées sur les fluctuations de commandes de la société ITM AI vis à vis de certains fournisseurs et sur des déréférencements contestés vis à vis de fournisseurs identifiés,

Ces informations sont manifestement non publiques, non aisément accessibles et datent de moins de 5 années de sorte qu’elles sont suffisamment récentes pour demeurer sensibles et stratégiques d’un point de vue commercial et concurrentiel. Elles relèvent donc du secret des affaires au sens de l’article L 151-1 du code de commerce.

S’agissant des pièces produites à l’appui de l’assignation:

Le tableau produit en pièce 16 de la société ITM AI détaille pièce par pièce les informations dont l’occultation est demandée.

Celles -ci portent sur les informations chiffrées et nominatives rappelées dans l’assignation, sur le volume des références commandées et diffusées au sein du réseau de 2016 à 2019, sur des réponses précises de la société ITM AI à la DGCCRF concernant le nombre de références commandées, par fournisseur avec le détail des commandes et les fluctuations, et ce semaine par semaine de 2016 à 2019, ainsi que sur les synergies entre la société ITM AI et ITM AB.

Sont également produites des réponses aux demandes d’informations de la DGCCRF sur les relations commerciales entre ITMAB et les fournisseurs, nommément désignés, ayant signé une convention avec elle, sur la rémunérations des services liés aux contrats internationaux conclus par ITM AB, sur les sommes versées par les fournisseurs nommément désignés à ITM AB en 2018, sur le volume de références commandées et diffusées au sein du réseau de 2016 à 2019, sur la politique commerciale d’ITM AB et ITM AI sur le détail des services négociés avec les fournisseurs ayant signé une convention avec ITM AB, sur les paiements perçus par ITM AB de la part des fournisseurs pour les années 2017 à 2019 et sur leur poids dans le chiffre d’affaires des fournisseurs, et sur les montants reversés par ITM AB à ITM AI fournisseur par fournisseur, sur les rétrocessions de rémunérations versées par les fournisseurs.

Sont également produits des contrats comportant des clauses de confidentialités, des conventions conclues entre un fournisseur nommément désigné avec ITM AB, les conventions annuelles conclues entre INCA et des fournisseurs nommément désignés, les procès verbaux de déclarations de fournisseurs comportant des éléments chiffrés sur les montants versés à ITM AB et sur le chiffre d’affaires généré par les services rendus par ITM AB à ce fournisseur.

Ces chiffres détaillés, de l’activité des sociétés ITM AB et ITM AI, des parts de marchés, fournisseurs par fournisseurs des montants des commandes et des rémunérations, des résultats sur une période assez récente, les conditions précises des contrats conclus, sont incontestablement des éléments sensibles et confidentiels.

Contrairement à ce que soutient le Ministre, une grande partie de ces éléments ne sont pas déjà connus de la société AgeCore puisqu’ils concernent pour une grande part les relations non pas avec cette société mais avec la société ITM AB 'concurrente’ d’AgeCore pour une partie des services à destination des '4 Mousquetaires’ et le 'caviardage’ de ces éléments n’est demandé que pour ces informations non connues de la société AgeCore.

En conséquence, les éléments dont l’occultation est demandée dans la mesure indiquée dans les pièces 16 et 17 constituent donc incontestablement des informations non publiques, non aisément accessibles et sont suffisamment récentes pour demeurer sensibles et stratégiques d’un point de vue commercial et concurrentiel. Enfin elles sont couvertes par des clauses de confidentialités, les parties ayant entendu les protéger.

Elles relèvent donc du secret des affaires au sens de l’article L 151-1 du code de commerce.

Leur divulgation par le biais de l’assignation délivrée à la société AgeCore et des pièces produites à son soutien constitue en conséquence une atteinte imminente au secret des affaires qu’il convient de prévenir sur le fondement de l’article L 152-4 précité.

3- Sur les mesures préventives demandées:

La demande de la société ITM AI est formée sur le fondement de l’article L 152-4 du code de commerce qui dispose que 'pour prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires, la juridiction peut, sur requête ou en référé, ordonner des mesures provisoires et conservatoires dont les modalités sont déterminées par décret en Conseil d’Etat'.

C’est l’article R 152-1 du code de commerce qui permet au juge, lorsqu’il est saisi aux fins de prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires, de ' prescrire, sur requête ou en référé, toute mesure provisoire et conservatoire proportionnée, y compris sous astreinte'.

Le ministre soutient que ces dispositions ne lui sont pas opposables.

Il soutient d’une part que les informations ont été obtenues dans des conditions licites, dans l’exercice des pouvoirs d’enquête qui lui sont confiés et que les articles L 151-7 et L 151-8 du code de commerce disposent que le secret ainsi défini ne lui est pas opposable.

Ceux-ci disposent respectivement que:

—  'Le secret des affaires n’est pas opposable lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives'

- A l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue : (…)

2° Pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte défini à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

3° Pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national.

Il est incontestable que les éléments communiqués par la société ITM AI et les autres protagonistes de l’enquête l’ont été dans le cadre de l’enquête menée par la DGCCRF pour permettre la poursuite de pratiques restrictives de concurrence, des pratiques commerciales déloyales et la protection du marché et mettre ainsi en oeuvre les directives de l’UE et qu’il appartient au Ministre d’introduire devant les juridictions compétentes les actions et poursuites nécessaires à la divulgation et à la sanction des comportements abusifs tels que répertoriés par l’article L 442-1 du code de commerce. L’illicéité de leur obtention n’est pas soutenue et n’est donc pas en cause dans le cadre de la présente instance.

Les dispositions précitées interdisent à la société ITM AI d’opposer au Ministre et aux enquêteurs le secret des affaires pour refuser de leur communiquer les éléments demandés et il sera observé qu’en effet tel n’a pas été le cas et que tout en alertant le ministre sur les secrets d’affaires contenus dans les documents dont il demandait la communication, la société ITM AI les a communiqués et ne leur a pas opposé ce secret.

En revanche, cette disposition ne permet pas au Ministre de transmettre sans aucune contrainte à d’autres parties à la procédure qu’il engage, des secrets qui sont opposables entre ces parties, étant au surplus noté que c’est à juste titre que la société ITM AI souligne qu’une telle divulgation donnant connaissance des conditions pratiquées par cette société avec tel ou tel fournisseur nommément désigné faciliterait les ententes ce qui n’est pas le but recherché par ces dispositions protectrices.

Le Ministre soutient l’absence de textes spécifiques tels que ceux qui existent dans les procédures devant l’Autorité de la concurrence, etfait valoir qu’il appartient à la société ITM AI qui le réclame de procéder à la confidentialisation des pièces.

Cependant les dispositions législatives de l’article L 154-2 précité sont précisément prévues pour

protéger le secret des affaires et la société ITM AI a produit une assignation confidentialisée en pièce 18.

Le premier juge a rejeté les demandes en invitant la société ITM AI lors de sa défense au fond à solliciter la mise en place d’un cercle de confidentialité, au visa des dispositions de l’article R 153-3 du code de commerce.

Cette disposition et les suivantes permettent en effet au juge d’organiser la communication de pièces arguées de secret des affaires.

Mais elles supposent que le juge du fond ait d’ores et déjà été saisi et organise les communications à venir devant lui. Elles présupposent donc la délivrance et le placement d’une assignation, alors qu’il est en l’espèce demandé précisément des mesures préventives relativement aux assignations.

Les mesures préventives de l’article L 152-4 du même code qui permettent la saisine du juge de toute atteinte à ce secret devant les juridictions civiles et commerciales ne peuvent être limitées aux seules pièces produites, mais nécessairement, sauf à priver d’effet ces mesures, également aux actes qui contiennent explicitement les informations protégées, telles que les conclusions ou les actes introductifs d’instance, lorsque pour le besoin de leur motivation ces actes reprennent tout ou partie du contenu de ces pièces.

En cela la solution proposée par le premier juge ne constitue pas une mesure préventive, pourtant demandée par l’acte introductif d’instance puisque la mise en place d’un 'cercle de confidentialité’ ne peut se faire qu’au stade de l’instruction de l’affaire devant le tribunal de commerce ce qui présuppose que le tribunal ait été saisi par l’acte introductif d’instance, de sorte que la mesure demandée ne pourra plus porter sur cette assignation qui aura été délivrée en intégralité, alors qu’elle reprend en grande partie le contenu de pièces arguées de secret des affaires.

En l’espèce il sera donc relevé que l’assignation comporte bien des éléments mettant en jeu le secret des affaires et que c’est à juste titre que la société ITM en demande la protection.

Le ministre de l’économie soutient encore que les mesures demandées porteraient de graves atteintes aux droits de la défense:

Il est acquis que la protection du secret des affaires peut céder devant les droits de la défense.

En l’espèce, la nécessité pour la société AgeCore de se défendre contre une condamnation solidaire nécessite en effet un accès aux données utilisées par le Ministre pour demander sa condamnation au paiement de la somme de 150 750 000 euros.

Si donc la communication des informations couvertes par le secret des affaires doit être aménagée compte tenu tant du caractère confidentiel de certaines données auxquelles la société AgeCore n’a pas naturellement accès que de la présence au sein d’AgeCore de sociétés qui ne sont pas seulement ses actionnaires mais également des concurrents de la société ITM AI, il convient cependant également de ne pas obérer le droit de la société AgeCore d’être informée pleinement des poursuites engagées à son encontre et de lui permettre ne serait-ce que par l’intermédiaire de son conseil d’accéder aux éléments nécessaires à la défense de son client, objectif qui devra être pris en compte dans le cadre des mesures provisoires ainsi ordonnées.

Sur les mesures provisoires:

Les mesures préventives pouvant être décidées sur le fondement de l’article L 152-4 du code de commerce sont cependant différentes de celles qui prévaudront le cas échéant devant le juge du fond auxquelles elles n’ont pas vocation à se substituer.

Il sera en effet rappelé que les mesures pouvant être ordonnées sur le fondement de l’article L 152 – 4 du code de commerce sont des mesures préventives et par nature provisoires et n’ayant vocation à s’appliquer que dans l’attente des mesures qui seront décidées avec le juge du fond ensuite saisi sur le fond.

Elles n’ont donc pas vocation en l’espèce à déterminer ce qui sera ou ne sera pas communiqué à la société AgeCore dans le cadre des poursuites engagées par le Ministre et n’auront pas pour effet de compliquer ou d’empêcher les poursuites engagées par celui-ci, mais seulement, dans l’attente de la mise en oeuvre des mesures de protection du secret des affaires qui seront décidées par le juge du fond, à prévenir toute atteinte irréversible à ce secret, mesure préventive rendue nécessaire par la présence de ces informations dans l’acte introductif d’instance et des pièces qui y sont annexées.

En conséquence la protection du secret des affaires dans le respect des droits de la défense impose de ne remettre à la société AgeCore qu’une version expurgée de l’ensemble des données confidentielles tant en ce qui concerne l’assignation que les pièces produites à son appui.

Les propositions faites à cet égard par la société ITM AI seront retenues, les données dont elle demande l’occultation étant justifiées dans le cadre provisoire et conservatoire ci-dessus rappelé.

La cour ne peut cependant que constater que le ministre qui avait accepté d’attendre la décision de première instance n’a pas cru devoir attendre celle de la cour et qu’il s’est dessaisi de l’assignation en l’adressant par lettre recommandée tant à l’autorité compétente pour la signification qu’à la société AgeCore elle-même, de sorte qu’il ne peut plus lui être enjoint de suspendre cette délivrance ou de ne faire délivrer à celle-ci qu’une version expurgée de l’assignation et de retenir les pièces.

La demande n’est cependant pas sans objet compte tenu de l’engagement de la société AgeCore de ne pas prendre connaissance de l’assignation dans sa version intégrale pendant le cours de la présente procédure. Celle-ci en effet dans un courriel du 1er avril 2021 confirme n’avoir pas reçu d’acte judiciaire à ce jour et s’engager en tout état de cause à ne pas le lire pas plus que les documents les accompagnant la décision à intervenir de la cour d’appel.

Il est également nécessaire de permettre à la société AgeCore dont la société ITM AI n’est qu’un actionnaire minoritaire de répondre à ses actionnaires dans des conditions respectant les mesures provisoires de protection du secret.

En conséquence, s’il n’est plus possible d’interdire au Ministre de se dessaisir de l’assignation et des pièces telles qu’il les a déjà adressées à la société AgeCore, il sera cependant invité à adresser à la société AgeCore une version de l’assignation conforme à la version expurgée produite en pièce 18 du dossier de la société ITM AI et les pièces 'caviardées’ selon les demandes de la société ITM AI en pièce 17, aux fins de permettre à cette société de disposer d’une version ne contrevenant pas à la protection du secret des affaires étant rappelé que ces mesures ne sont que préventives dans l’attente de ce que, dans le cadre de l’instance devant la 18e chambre du tribunal de commerce de Paris, il soit organisé sous l’égide du juge un cercle de confidentialité et qu’il soit statué pièce par pièce sur les atteintes qu’elles portent et les modalités de leurs productions.

PAR CES MOTIFS, statuant dans les limites de l’appel,

Reçoit l’appel de la société ITM AI,

Rejette les demandes de nullité de l’ordonnance,

Infirme l’ordonnance du 19 mars 2021 sauf en ce qu’elle a rejeté la demande en condamnation de la société ITM AI à une amende civile,

Et, statuant à nouveau,

Constate le caractère confidentiel et couvert par le secret des affaires de certaines des informations figurant l’assignation délivrée à la société AgeCore et dans les pièces jointes à l’assignation,

Vu l’évolution du litige,

Constate l’envoi par le Ministre de l’économie, des finances et de la relance à l’autorité compétente de l’assignation aux fins de signification à la société AgeCore, ainsi que l’envoi par lettre recommandée de la même assignation à la société AgeCore

Constate l’engagement de la société AgeCore par mail du 1er avril 2021 de ne pas, dans l’attente de la décision, prendre connaissance de l’acte d’assignation et des pièces y annexées si celle-ci lui est délivrée,

Invite le Ministre l’économie, des finances et de la relance à tirer à titre préventif les conséquences de la protection nécessaire au secret des affaires et à remettre à la société AgeCore une copie expurgée des données confidentielles de l’assignation, telle que proposée en pièce n° 18 par la société ITM AI, sans les pièces arguées de confidentialité ou avec les pièces aménagées selon les demandes de la société ITM AI ci-dessus rappelées,

Rappelle que dans le cadre de l’action au fond il reviendra au tribunal de commerce d’organiser l’accès des parties à ces documents sous la forme adaptée, dans le respect de ce secret des affaires mais aussi des droits de la défense et de prévoir la motivation de la décision à intervenir et les modalités de publicité de la décision,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Ministre de l’économie, des finances et de la relance aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 8 avril 2021, n° 21/05090