Cour d'appel de Versailles, 3ème chambre, 22 mars 2013, n° 11/05331

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Chronologie de l’affaire

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1Peut-il y avoir une responsabilité civile des entreprises privées au regard des obligations du droit international des droits de l’homme? Cour d’Appel de…
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Peut-il y avoir une responsabilité civile des entreprises privées au regard des obligations du droit international des droits de l'homme? Cour d'Appel de Versailles, 22 mars 2013, RG n°11/05331 La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 22 mars 2013 relatif à la licéité de la construction du tramway traversant la ville de Jérusalem s'est prononcée sur l'applicabilité du droit international humanitaire aux entreprises privées comme source possible d'une responsabilité civile. L'Association France-Palestine Solidarité (‘AFPS') et l'OLP[1] ont assigné les sociétés Alstom et …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 22 mars 2013, n° 11/05331
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 11/05331
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 29 mai 2011, N° 10/02629
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59A

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MARS 2013

R.G. N° 11/05331

AFFAIRE :

Association FRANCE-PALESTINE SOLIDARITE 'AFPS'

C/

SOCIETE ALSTOM TRANSPORT SA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mai 2011 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 10/02629

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Emmanuel JULLIEN

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU Me Anne laure DUMEAU

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

1/ Association FRANCE-PALESTINE SOLIDARITE 'AFPS'

XXX

XXX

agissant poursuites et diligences de son Président, Monsieur H-I J domicilié en cette qualité audit siège

2/ ORGANISATION DE LIBERATION DE LA PALESTINE 'OLP’ représentée par Monsieur Mahmoud ABBAS, Président du Comité Exécutif, lui-même représenté par Monsieur E A B, Chef de la Mission de Palestine en France et de l’OLP faisant élection de domicile au siège de la Délégation Générale de la Palestine en France XXX

XXX

Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de la AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant (avocat au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 20110806)

Représentant : Me Alain LEVY , Plaidant et Me I-Éric STUTZ , Plaidant (avocats au barreau de PARIS)

APPELANTES

****************

1/ SOCIETE ALSTOM TRANSPORT SA

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ SOCIETE ALSTOM SA

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de la ASS AARPI AVOCALYS, Postulant (avocat au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 310523 )

Représentant : Me Magali THORNE, Plaidant et Me Pierre MAYER , Plaidant (avocats au barreau de PARIS)

INTIMEES – APPELANTES INCIDENTES

XXX

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Anne laure DUMEAU, Postulant (avocat au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 0027567)

Représentant : Me Flore POLONI, Plaidant et Me Carine DUPEYRON, Plaidant (avocats au barreau de PARIS)

INTIMEE- APPELANTE INCIDENTE

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Novembre 2012, Madame Marie-José VALANTIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-José VALANTIN, Président,

Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,

Madame Marie-Bénédicte MAIZY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON

Délibéré du 21 mars 2013 prorogé au 22 mars 2013 après avis aux avocats postulants le 21 mars 2013


L’Association France Palestine Solidarité (ci-après AFPS) et l’Organisation de Libération de la Palestine (ci-après OLP) sont appelantes d’un jugement rendu le 30 mai 2011 par le tribunal de grande instance de Nanterre dans un litige les opposant aux sociétés Alstom SA, Alstom Transport et Veolia Transport.

*

Le 15 décembre 1999, l’Etat d’Israël a émis un appel d’offres international pour la construction et l’exploitation d’un service de transport public dans la ville de Jérusalem.

En vue de répondre à cet appel d’offres, des sociétés de droit israëlien (Polar et Ashtrom représentant ensemble 75 %) et deux sociétés de droit français (Alstom Transport 20 % et Cgea Connex devenue Veolia 5 %) ont formé une société de droit israélien : la société Citypass Limited, le 15 Juin 2000. Cette société a été sélectionnée par le comité d’appel d’offres et un contrat de concession de service public a été signé (pour 30 ans) entre cette société et l’Etat d’Israël le 22 septembre 2004 en vue du financement, de la conception, de la construction, de l’exploitation et de l’entretien d’un 'métro léger’ (tramway) à Jérusalem.

Le 24 Février 2005, les sociétés Alstom Transport SA, XXX, XXX, XXX, associées de la société Citypass, ont conclu un pacte d’actionnaires afin de préciser leurs droits et obligations dans l’exécution du contrat de concession.

Le même jour, la société Citypass a signé avec la société Ashtrom Group Limited, et la société Alstom Transport et la société Citadis un contrat d’ingenierie d’approvisionnement et de construction et par ailleurs, la société Citypass a conclu avec la société Connex Jerusalem Lrt Ltd, filiale indirecte de (Veolia) un contrat d’exploitation et de maintenance du métro léger ou tramway.

Le chantier a débuté en décembre 2006. Le tramway a été mis en service le 19 août 2011.

Par acte d’huissier en date du 22 février 2007, l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) a fait assigner les sociétés Veolia Transport et Alstom devant le tribunal de grande instance de Nanterre en annulation pour cause illicite, du contrat de concession signé par ces sociétés avec l’Etat d’Israël pour la construction du tramway et interdiction sous astreinte de poursuivre l’exécution de ce contrat et indemnisation. Par conclusions déposées au greffe le 15 octobre 2007, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est intervenue volontairement à l’instance.

L’AFPS et L’OLP ont assigné la société Alstom Transport SA en intervention forcée, par acte d’huissier en date du 18 novembre 2008.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 5 Janvier 2009.

Le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement mixte contradictoire en date du 15 Avril 2009 :

— a rejeté les exceptions d’incompétence matérielle et territoriale soulevées en défense par les sociétés,

— a déclaré l’OLP irrecevable en sa demande (par intervention volontaire du 15 octobre2007), motif pris de son absence de qualité à agir au regard de la procuration présentée,

— estimant que l’action exercée par l’AFPS était une action délictuelle de tiers motivée par une cause contractuelle fautive, il a déclaré l’Association recevable comme ayant qualité et intérêt à agir en fonction de son objet social et du fait qu’une atteinte à un préjudice moral suffisait,

— rejeté la demande de production forcée de pièces complémentaires,

— renvoyé l’examen de l’affaire à la conférence du Président,

— sursis à statuer sur les autres demandes, en ce compris les demandes reconventionnelles contre l’OLP.

Les sociétés Alstom et Alstom Transport ont formé à la fois contredit (1) et appel (2) à l’encontre de cette décision.

(1) Par arrêt en date du 17 décembre 2009, la cour d’appel de Versailles a déclaré les contredits recevables et a confirmé le jugement du 15 avril 2009 en ce que le tribunal de grande instance de Nanterre s’était déclaré compétent pour statuer sur le présent litige. Les sociétés Alstom et Alstom Transport ont formé un pourvoi à l’encontre de cette décision. Par arrêt en date du 10 février 2011, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a déclaré le pourvoi non admis.

(2) Par ordonnance du 4 février 2010, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles a déclaré irrecevable l’appel immédiat formé par les sociétés Alstom et Alstom Transport à l’encontre du jugement du 15 avril 2009.

La procédure s’est poursuivie au fond devant le tribunal de grande instance de Nanterre et l’OLP est intervenue à nouveau dans la procédure par conclusions en date du 1er mars 2010.

Le 10 mars 2010, l’AFPS a déposé une requête devant le tribunal administratif de Paris mettant en cause la responsabilité de l’Etat Français pour son soutien à la participation des deux entreprises françaises à la construction et au fonctionnement du tramway de Jérusalem. Par jugement du 28 octobre 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de l’AFPS qui s’est pourvue en cassation. L’affaire est venue en audience publique le 12 septembre 2012 devant les 2e et 7e sous-sections réunies du Conseil d’Etat qui, par arrêt rendu le 3 octobre 2012, a rejeté le pourvoi de l’Association France Palestine Solidarité.

*

Par jugement rendu le 30 mai 2011, le tribunal de grande instance de Nanterre :

— a déclaré l’OLP irrecevable en sa nouvelle intervention volontaire du1er mars 2010,

— a déclaré les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia irrecevables en leur fin de non recevoir tirée de leur absence de qualité de défendeurs réels et sérieux,

— a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Veolia Transport,

— a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal administratif de Paris,

— a rejeté les demandes principales et reconventionnelles,

— a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, ni à application des dispositions de l’article700 du code de procédure civile,

— a condamné in solidum l’AFPS et l’OLP aux dépens.

Les premiers juges ont considéré que les textes invoqués à l’article 49 (6) et 53 de la quatrième Convention de Genève de 1949, le Règlement de la Haye de 1907, l’article 4 de la Convention de la Haye de 1954 et l’article 53 du protocole additionnel n° 1 aux Conventions de Genève de 1949 ne créaient pas d’obligations directes à la charge des entreprises privées; que ni l’ordre public international, ni le jus cogens, ni la coutume ne pouvaient pallier cette absence d’effet direct des conventions; qu’en tout état de cause, à supposer que la conclusion par Israël du contrat de concession litigieux constitue une violation de ses engagements internationaux au regard des conventions invoquées, il n’était pas établi que cette violation priverait de cause ce contrat qui est soumis au droit israélien et non au code civil français et plus particulièrement à ses articles 6, 1131 et 1133; que la faute alléguée par l’AFPS n’était donc pas démontrée ;

Que par ailleurs, la faute de la société Veolia et des sociétés Alstom pour violation de règles éthique personnelles n’était pas démontrée, ni que la construction du tramway aurait constitué une violation des droits de l’Homme ou du droit humanitaire au sens large; qu’en conséquence, à défaut de faute établie, l’examen de l’existence du préjudice et du lien de causalité était inutile.

Les juges n’ont pas retenu la présence d’une faute à l’encontre de l’AFPS et ont rejeté les demandes de dommages-intérêts.

L’AFPS et l’OLP ont régulièrement interjeté appel de ce jugement le 7 juillet 2011. Les sociétés Alstom SA, Alstom Transport et Veolia Transport ont formé appel incident du jugement de 2011 et ont étendu leur appel incident au jugement du 15 avril 2009. L’ordonnance de clôture a été signée le 8 novembre 2011.

*

Dans leurs dernières conclusions visées le 6 novembre 2012, l’AFPS et l’OLP demandent à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’OLP irrecevable et de déclarer l’OLP recevable en sa nouvelle intervention volontaire,

— déclarer irrecevable et à tout le moins infondé le moyen d’irrecevabilité soulevé par les sociétés intimées relatif à l’absence d’intérêt à agir de l’AFPS,

— confirmer le jugement :

a) en ce qu’il a déclaré les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport irrecevables en leur fin de non recevoir tirée de ce qu’elles ne sont pas des défendeurs réels et sérieux,

b) en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal administratif,

c) en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles des sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport.

— infirmer pour le surplus le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes principales de l’AFPS et de l’OLP et,

— vu les dispositions des articles 49 et 53 de la 4e Convention de Genève du 12 août 1949,

— vu les dispositions des articles 23 g et 46, paragraphe 2, du règlement de La Haye de 1907,

— vu notamment les articles 4.1 et 4.3 de la Convention de La Haye de 1954 relative à la protection des biens culturels en cas de conflit armé,

— vu les dispositions des articles 6, 1131et 1133 ainsi que 1382 du code civil,

— vu la valeur coutumière des dispositions visées ci-dessus,

— vu la prise en compte de ces dispositions dans l’ordre public international constitutif de l’ordre public français, de :

— constater le caractère illicite de la cause et partant de l’ensemble :

* du contrat de concession en date du 22 septembre 2004, dont les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport se sont portées garantes de l’exécution,

* du pacte d’actionnaires signé le 24 février 2005 par les sociétés Alstom Transport et Veolia Transport,

* du contrat d’exploitation, d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction conclu au mois de février 2005 entre la société Citypass et la société Alstom Transport ;

— vu, en tout état de cause, l’engagement pris par les sociétés défenderesses dans leurs codes d’éthique et par leur adhésion au Pacte Mondial de respecter le droit international des Droits de l’Homme et du droit humanitaire,

— interdire aux sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport de poursuivre l’exécution desdits contrats et de tout contrat subséquent, sous astreinte de 100.000 € par infraction constatée que le Tribunal se réservera la compétence de liquider,

— condamner les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport d’avoir à justifier, sous une astreinte complémentaire de 100.000 euros par jour de retard à compter du mois suivant l’arrêt à intervenir -que la cour se réservera la compétence de liquider- de la dénonciation de l’intégralité des engagements contractés par elles dans le cadre du contrat de concession signé le 22 septembre 2004, du pacte d’actionnaires contrat et du contrat d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction conclus en février 2005 entre la société Citypass et la société Alstom Transport,

— condamner solidairement les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport à verser à l’A.F.P.S. et à l’O.L.P la somme de 1 € chacune à titre de dommages et intérêts,

— condamner solidairement ou à tout le moins in solidum les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport à verser à l’A.F.P.S. et à l’O.L.P, la somme de 200.000 euros pour la procédure de première instance ainsi que la somme de 150.000 euros pour la procédure d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement ou à tout le moins in solidum les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport aux entiers dépens qui seront recouvrés par l’AARPI JRF, représentée par maître Jullien, avocat au barreau de Versailles, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, l’AFPS et l’OLP font essentiellement valoir que l’action de l’OLP est recevable mais que l’appel incident des sociétés à l’encontre du jugement rendu le 15 avril 2009 est irrecevable et, de toute façon, non fondé, l’AFPS ayant intérêt et qualité pour agir et les sociétés ne pouvant prétendre ne pas être des défendeurs réels et sérieux.

Au fond, elles font valoir que le contrat de concession, le pacte d’actionnaires et le contrat d’ingenierie d’approvisionnement et de construction ont une cause illicite en ce qu’ils concernent la construction illégale par l’Etat d’Israel qui viole le droit international public prévu par diverses conventions internationales et que, de toute façon, les sociétés ont manqué à leurs engagements de respecter les normes internationales invoquées résultant de leur code d’éthique et de leur adhésion au Pacte Mondial (2000).

Elles soutiennent que la participation des intimées à ces contrats illicites entraîne nécessairement leur responsabilité délictuelle à leur égard sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ; qu’elles ont subi un préjudice en lien direct avec ces fautes.

*

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe le 8 novembre 2012, les sociétés Alstom SA et Alstom Transport demandent à la cour :

— vu l’article 55 de la constitution de 1958,

— vu l’article 6 de la CEDH,

— vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

— vu les articles 126, 500, 544 et 480 du code de procédure civile,

— vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile,

— vu les articles 6, 1131, 1133 et 1382 du code civil,

— vu les articles 1146 et suivants et notamment l’article 1165 du code civil,

— vu la 4e Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre,

— vu la Convention de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre,

— vu la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé,

— vu la Charte de San Francisco de l’ONU de 1945,

— vu l’article 38 &1 du statut de la CIJ,

— vu le jugement du 15 avril 2009 du tribunal de grande instance de Nanterre, l’arrêt de la cour de Versailles du 17 décembre 2009 et l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 février 2010, demandent :

— d’accueillir leur appel incident et d’infirmer les jugements des 15 avril 2009 et 30 mai 2011 en ce que l’AFPS a été déclarée recevable en son action et les sociétés Alstom qualifiées de défendeurs réels et sérieux et, statuant à nouveau, de :

— déclarer l’AFPS irrecevable en son action faute d’intérêt à agir et, en tout état de cause, ayant dirigé à tort son action contre les sociétés Alstom,

Plus particulièrement, de :

— dire que l’AFPS association loi 1901 ne démontre pas avoir eu, ni la capacité, ni un intérêt à agir au titre de ses statuts et de son objet social,

— dire que l’AFPS n’avait pas d’intérêt/qualité à agir en nullité d’un contrat de transport public étranger,

— dire subsidiairement, que l’AFPS n’avait pas plus d’intérêt à agir en illicéité d’un tel contrat et des contrats subséquents,

— qu’en tout état de cause, les sociétés Alstom ne sont pas les défendeurs réels et sérieux à une action en nullité et a fortiori en illicéité d’un contrat dont elles ne sont ni signataires, ni parties.

Les sociétés Alstom demandent de confirmer le jugement du 30 mai 2011 déclarant l’OLP irrecevable en sa prétendue régularisation ou encore nouvelle intervention volontaire.

Plus particulièrement , de :

— dire que suivant jugement en date du 15 avril 2009 et en application de l’article 544 du code de procédure civile, le tribunal a déclaré irrecevable l’OLP en mettant fin à son action,

— de constater que l’OLP a signifié ce jugement le 27 avril 2009 en faisant courir le délai d’appel; que l’OLP n’a pas fait appel de ce jugement,

— de dire qu’en application des articles 480, 500 et 544 du code de procédure civile, le jugement du 15 avril 2009, en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de l’OLP en mettant fin à l’instance à l’égard de l’OLP, a acquis force de chose jugée faute de recours dans le délai d’un mois,

— que l’OLP est en conséquence irrecevable en sa prétention de régularisation de son intervention au visa de l’article 126 du code de procédure civile et/ou nouvelle intervention et de l’en débouter purement et simplement ; que l’instance est définitivement close au regard de l’OLP,

A titre subsidiaire,

Elles demandent de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 30 mai 2011 en ce qu’il a rejeté les demandes principales de l’AFPS et plus particulièrement de :

a) dire que la conclusion et l’exécution d’un contrat de concession de service public par l’Etat d’Israël ne sont pas contraires aux devoirs de l’Etat occupant selon le droit international,

que la construction et l’exploitation du tramway de Jérusalem ne sauraient être qualifiées de violation de la 4e Convention de Genève de 1949 et de la Convention de La Haye de 1954,

que le Conseil de Sécurité n’a pas consacré comme 'fait juridique’ le prétendu caractère internationalement illicite de la construction du tramway de Jérusalem,

qu’à ce titre premier la violation de l’ordre juridique international ne peut être invoquée pour engager la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle des sociétés Alstom,

b) dire que des particuliers ne sont pas en droit d’invoquer indifféremment devant des juridictions civiles toutes les normes internationales, que les textes conventionnels invoqués sont d’application strictement interétatiques,

que l’invocation du jus cogens est sans pertinence,

que les particuliers que sont l’AFPS et l’OLP ne sont pas en droit de recourir aux conventions internationales invoquées, celles-ci ne conférant pas de droits subjectifs,

c) dire que les textes conventionnels invoqués ne prévoient nullement des obligations à la charge d’entreprises privées,

qu’aucune prétendue application horizontale des conventions internationales visées au présent dispositif ne permet de faire peser d’obligation sur les sociétés Alstom,

qu’en conséquence aucun des textes conventionnels invoqués ne crée soit par eux mêmes soit par l’extension de leurs effets qui résulterait d’une prétendue coutume internationale d’obligation à l’égard des entreprises privées que sont les sociétés Alstom,

d) dire que pour que les normes de droit international public soient intégrées à l’ordre public international encore faut-il qu’elles relèvent de cet ordre public international,

qu’en toute hypothèse, les contrats litigieux ne méconnaissent pas le droit humanitaire et ne sont donc pas contraires à l’ordre public international,

qu’en admettant que des considérations d’humanité relèvent de l’ordre international public international français, cet ordre public n’est pas affecté en l’espèce,

dire que la cause des contrats litigieux n’est affectée d’aucune illicéité.

En conséquence et de plus fort dire qu’aucune faute délictuelle ou quasi délictuelle à quelque titre que ce soit ne peut être retenue à l’encontre des sociétés Alstom.

Plus subsidiairement,

— dire que l’AFPS et l’OLP n’apportent pas la preuve d’un préjudice personnel direct et certain ayant pour cause déterminante une faute délictuelle ou quasi délictuelle des sociétés Alstom,

qu’une mesure d’interdiction sous astreinte de construire/exploiter à l’encontre des sociétés Alstom outre qu’elle est injustifiée et inapropriée , est contraire tant au droit international qu’au principe constitutionnel français de séparation des pouvoirs,

— dire irrecevable en appel la demande de mesure de résiliation/dénonciation/rupture forcée du contrat d’ingénierie, approvisionnement et fourniture dont la société Alstom Transport est signataire,

— dire qu’une telle mesure de résiliation/rupture forcée de contrats émanant au surplus d’un tiers auxdits contrats avec astreinte est en tout état de cause infondée et injustifiée,

— en conséquence, débouter purement et simplement l’AFPS et l’OLP de toutes leurs demandes.

A titre reconventionnel,

Les sociétés Alstom et Alstom Transport demandent de dire qu’en réalité la mise en cause de leur responsabilité devant la juridiction civile française n’est que prétexte à stigmatiser et faire condamner non sans battage médiatique, par l’ordre juridique français, la politique d’Israel à l’égard de la Palestine et des palestiniens tout en poursuivant parallèlement et impunément des actions de boycott, de dénigrement et diverses actions de nuisance à leur encontre,

— d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou magazines étrangers ou français aux frais exclusifs de l’AFPS à hauteur de 5.000 euros par publication, les sociétés Alstom étant autorisées à en faire l’avance et à en solliciter le remboursement par l’AFPS,

— de condamner après avoir constaté le préjudice commercial d’image, de réputation et d’atteinte aux intérêts vitaux des deux sociétés Alstom, l’AFPS au paiement à chacune des sociétés Alstom : la somme de 300.000 euros à titre de dommages-intérêts,

— de condamner in solidum l’AFPS et l’OLP au versement au bénéfice de chacune des sociétés Alstom la somme de 200.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de l’instance.

*

Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 8 novembre 2012, la société Veolia Transport a demandé à la cour de :

— vu la 4e Convention de Genève de 1949,

— vu la Convention de La Haye du 14 mai 1954,

— vu l’article 55 de la constitution française,

— Vu les articles 6, 1131, 1133 et 1382 du code civil,

— vu les articles 31, 32 et 32-1, 126, 480 et 544 du code de code de procédure civile,

— Sur les exceptions de procédure

— dire que l’Organisation de Libération de la Palestine, déclarée irrecevable par le tribunal de grande instance de Nanterre, dans son jugement du 15 avril 2009, s’étant abstenue de faire appel de ce jugement, est irrecevable en son intervention volontaire, le jugement ayant acquis force de chose jugée,

— en conséquence, dire que l’instance est close vis-à-vis de l’Organisation de Libération de la Palestine et confirmer en ce sens le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 30 mai 2011,

— Sur les appels incidents de la société Veolia Transport

— constater que l’Association France Palestine Solidarité ne peut agir dans la présente instance, cette action ne s’inscrivant pas dans son objet statutaire,

— constater que l’Association France Palestine Solidarité ne peut agir, la modification de ses statuts, voire sa création, étant tardive par rapport au fait générateur de la présente action,

— constater que l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, n’avaient ni intérêt à agir ni qualité à agir au moment de l’introduction de l’instance le 22 février 2007,

— constater que l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, ne justifiaient pas plus d’un intérêt à agir futur et suffisamment certain,

— constater que l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, ne justifient pas d’un intérêt à agir en nullité des contrats à l’encontre de la société Veolia Transport, dans la mesure où l’Etat d’Israël et la société Citypass, défendeurs naturels à la présente procédure, n’y étaient pas attraits,

— en conséquence, dire que l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, sont irrecevables,

— Sur la prétendue faute de la société Veolia Transport

— dire que les normes internationales invoquées par l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, ne peuvent être invoquées par elles à l’encontre des sociétés Veolia Transport, Alstom et Alstom Transport, personnes morales de droit privé,

— dire que l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, n’apportent pas la preuve d’une illicéité du tramway et partant du Contrat de concession et de « tous actes subséquents » au regard des normes de droit international public invoquées,

— dire que la participation financière au Contrat de concession, en sa qualité d’actionnaire minoritaire de la société de droit israélien Citypass et garante, n’est pas une faute au regard de l’article 1382 du code civil,

— dire que la société Veolia Transport n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité au sens de l’article 1382 du Code civil,

— Sur le préjudice allégué

— dire que l’Association France Palestine Solidarité n’apporte pas la preuve du caractère personnel du préjudice allégué,

— dire que l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, n’apportent pas la preuve de l’existence d’un préjudice certain résultant de l’existence et de l’exécution des contrats litigieux,

— en conséquence, dire qu’il n’existe aucun préjudice né de la participation de la société Veolia Transport au tramway de Jérusalem,

— Sur le lien de causalité

— dire qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la participation de la société Veolia Transport au tramway et le préjudice allégué par l’Association France Palestine Solidarité et, si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine,

— en conséquence, dire qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute de la société Veolia Transport et le préjudice allégué par l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine,

— Sur la mesure d’interdiction sollicitée et sur l’astreinte

— dire que la mesure d’interdiction sollicitée est manifestement infondée en l’absence d’obligations à la charge des sociétés Veolia Transport, Alstom et Alstom Transport susceptible d’interdiction,

— dire que la mesure d’interdiction sollicitée serait manifestement inefficace pour réparer le préjudice prétendument subi par l’Association France Palestine Solidarité et, si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine,

— dire que l’astreinte n’est pas suffisamment déterminée pour conduire à sa liquidation,

— en conséquence, rejeter la demande d’interdiction sous astreinte sollicitée par l’Association France Palestine Solidarité et, si nécessaire, L’Organisation de Libération de la Palestine,

En tout état de cause, de :

— débouter l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

— constater que l’action de l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine est une action abusive en ce qu’elle constitue une instrumentalisation à des fins politiques et médiatiques de la justice française,

— condamner l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, à verser à la société Veolia Transport la somme de un euro de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner en outre l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, à rembourser les frais de traductions assermentées et de reprographie des plans engagés par la société Veolia Transport pour un montant de 39.530,30 euros HT,

— ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou magazines français ou étrangers aux frais exclusifs de l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, de l’Organisation de Libération de la Palestine, à hauteur de 5.000 euros par publication, étant précisé que la société Veolia Transport pourra avancer les frais de publication et en obtenir remboursement à première demande par l’Association France Palestine Solidarité,

— condamner l’Association France Palestine Solidarité et si nécessaire, l’Organisation de Libération de la Palestine, à payer à la société Veolia Transport la somme de 200.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet des prétentions.

SUR CE,

— Sur la recevabilité

A / Sur l’appel principal :

a) Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de l’OLP

L’OLP, qui avait été déclarée irrecevable en son intervention volontaire introduite en 2007 (jugement du 15 avril 2009), a formé le 1er mars 2010 une nouvelle intervention volontaire en excipant d’une nouvelle procuration donnée par le président du comité exécutif à un nouveau mandataire auquel étaient attribués de nouveaux pouvoirs.

L’OLP soutient qu’une décision statuant sur une fin de non recevoir n’a qu’une autorité relative au point qu’elle tranche (1351 du code civil) et qu’en l’espèce, elle est limitée à l’irrecevabilité liée au défaut de pouvoir de Mme Y pour représenter l’OLP; qu’à cet égard, l’instance a été irrégulièrement engagée et les actes accomplis par Madame Y qui n’avait pas le pouvoir de créer un lien d’instance valable au nom de l’OLP, n’ont pas pu la rendre 'partie à l’instance'; qu’ à supposer que le jugement du 15 avril 2009 lui soit opposable et a mis fin à l’instance à l’égard de l’OLP, la régularisation d’une habilitation à ester en justice postérieure à un jugement d’irrecevabilité constitue un fait nouveau de nature à écarter l’autorité de chose jugée liée à la première instance; que celle-ci ne peut lui être opposée puisqu’il n’y a pas identité d’objet, de cause et de parties au sens de l’article 1351 du code civil.

Les sociétés Alstom et la société Veolia Transport demandent de confirmer l’irrecevabilité de l’intervention volontaire. Elles soutiennent que le jugement du 15 avril 2009 était un jugement mixte; que par la décision d’irrecevabilité, il a mis fin à l’égard de l’OLP, à l’instance introduite par intervention à titre principal, entre cette dernière et les sociétés; que l’OLP a signifié le jugement; que faute d’appel par l’OLP, ce jugement est devenu définitif et a acquis l’autorité de la chose jugée quant à la contestation tranchée; que l’OLP ne peut invoquer l’article 126 du CPC dans la mesure où les conditions de la régularisation ne sont pas réunies; qu’une fin de non recevoir tirée de l’autorité de chose jugée pouvait être opposée malgré la survenance d’événements postérieurs ayant régularisé la situation; que la contestation tranchée était l’irrecevabilité de l’OLP et non pas le défaut d’habilitation de Madame Y; que l’OLP ne saurait prétendre que le jugement du 15 avril 2009 lui est inopposable en ce que le lien d’instance n’aurait jamais été créé par Madame Y, cette dernière ayant irrégulièrement agi en son nom; que même si le pouvoir de Madame Y n’était pas régulier, le lien d’instance a été créé entre les parties de sorte que l’OLP a été 'partie à l’instance', jusqu’à ce que le tribunal l’ait déclarée irrecevable; que l’OLP contrevient au principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui puisqu’elle avait soutenu, en première instance, que son action était valablement introduite.

Selon l’article 480 du code de procédure civile 'le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir… a dès son prononcé l’autorité de chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche 'et selon l’article 1351 du code civil 'l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit formée sur la même cause ; que la demande soit entre les même parties , et formée par elles en la même qualité et contre elle en la même qualité’ ;

L’intervention volontaire déposée le 1er mars 2010 par l’OLP est fondée sur de nouveaux pouvoirs résultant d’une procuration donnée par le président du comité exécutif de l’OLP à un nouveau mandataire et en dernier lieu, d’une procuration donnée le 2 août 2010 à l’ambassadeur A B, chef de la mission de Palestine en France depuis le 1er juin 2010 pour en son nom et à travers tous les actes et procédures juridiques nécessaires :

1 – 'intervenir à titre principal pour l’OLP dans l’affaire introduite par l’AFPS et dans le cadre des procédures de contredit et d’appel pour contester le caractère illicite du contrat de concession et de tous contrats subséquents dont les sociétés se sont portées garantes de l’exécution et interdire aux sociétés Alstom et Veolia Transport l’exécution dudit contrat et former toutes les demandes indemnitaires à leur encontre ;

2 – Attraire en intervention forcée la société Alstom Transport et représenter l’OLP dans le cadre de la procédure devant le tribunal de grande instance de Nanterre et dans le cadre des procédures de contredits et d’appel devant la cour d’appel de Versailles aux fins de faire constater le caractère illicite de la concession du 22 septembre 2004 dont la société Alstom Transport s’est portée garante et du contrat d’ingenierie, d’approvisionnement et de construction conclu au mois de février 2005 entre la société Citypass et la société Alstom Transport ainsi qu’aux fins d’interdire à ladite société Alstom Transport l’exécution desdits contrats et former toutes demandes indemnitaires à son encontre’ ;

Cette seconde intervention volontaire contient les mêmes prétentions, est dirigée contre les deux mêmes sociétés et est formée comme la première intervention volontaire pour le compte de l’OLP en laquelle doivent être appréciés la qualité et l’intérêt à former l’intervention même si l’Organisation a recours à des mandataires conventionnels.

Cependant, la nouvelle procuration en conférant de nouveaux pouvoirs au mandataire, avant qu’il soit statué au fond par le jugement du 30 mai 2011, modifie la situation juridique antérieurement sanctionnée par le jugement du 15 avril 2009 et régularise la qualité à agir de l’OLP à laquelle, il ne peut être opposé l’autorité de chose jugée ;

En conséquence, l’OLP doit être déclarée recevable en son intervention volontaire introduite le 1er mars 2010, contrairement à ce qu’ont décidé les premiers juges.

b) Sur la qualité et l’intérêt à agir de l’OLP

La société Alstom a exprimé qu’il était difficile de savoir qui de l’OLP et de l’Autorité Palestinienne représentent les palestiniens. Aucun élément du dossier ne vient contredire l’affirmation de l’OLP selon laquelle, elle a qualité agir. Elle avait intérêt à agir puisqu’au moment où elle est intervenue volontairement, les contrats relatifs à la construction du moyen de transport public contesté étaient signés et sa construction avait commencé.

B/ Sur l’appel incident des intimées :

Les sociétés Alstom et Veolia Transport ont formé un appel incident contre le jugement du 15 avril 2009 portant sur deux fins de non recevoir soulevées devant les premiers juges, l’une sur l’absence de qualité et d’intérêt à agir de l’AFPS et l’autre, relative à l’absence de caractère sérieux de leur mise en cause. La recevabilité de cet appel est contesté.

a) Sur la recevabilité de l’appel incident contre le jugement du 15 avril 2009

Au soutien de la recevabilité de leur appel incident, les sociétés Alstom et Veolia Transport font valoir que le jugement du 15 avril 2009, n’ayant pas mis fin à l’instance à l’égard de l’AFPS qui a été déclarée recevable, elles devaient attendre le jugement sur le fond pour faire appel des dispositions relatives à la recevabilité de l’AFPS ; que leur appel incident contre le jugement de 2009 est recevable un tel appel pouvant être formé en tout état de cause ;

L’AFPS et l’OLP opposent que l’appel incident est irrecevable par application de l 'article 480 du code de procédure civile. Elles soutiennent que les sociétés, dont l’appel immédiat contre ce jugement a été déclaré irrecevable, ne pouvaient former un appel incident de ce jugement, en l’absence d’un appel principal ; que cet appel incident a, de toute façon, été formé hors délai ;que le principe selon lequel l’appel incident peut être formé en tout état de cause (article 550 CPC) ne s’applique qu’aux appels incidents concernant le même jugement que celui ayant fait l’objet de l’appel principal; qu’en l’espèce, ce principe ne s’applique pas dans la mesure où il s’agit de deux jugements différents (l’appel incident n’est pas dirigé contre le jugement ayant fait l’objet de l’appel principal);que cet appel est de toute façon tardif.

L’appel immédiat formé par les sociétés contre le jugement avant dire droit du 15 avril 2009 a été déclaré irrecevable par ordonnance d’incident du 4 février 2010.

Il ressort du dossier que par déclaration du 7 juillet 2011, appel principal a été formé par l’AFPS et l’OLP contre le jugement prononcé le 30 mai 2011.

XXX ont formé appel incident du jugement du 30 mai 2011, le 6 décembre 2011 dans le délai de 2 mois suivant la notification et le dépôt des conclusions des appelantes (le 6 octobre 2011). Elles ont simultanément, par ces conclusions, formé appel incident du jugement rendu le 15 avril 2009 ; la procédure d’appel incident a été régulièrement formée dans les conditions de l’article 550 du code de procédure civile actuelle.

Les sociétés ont ainsi formé appel du jugement avant dire droit du 15 avril 2009 sur les fins de non recevoir en même temps qu’elles ont formé appel incident sur le jugement du 30 mai 2011 qui a statué au fond.

En application des articles 544 et 545 du cpc, l’appel des sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport intimées contre le jugement du 15 avril 2009 non susceptible d’appel immédiat, dans les formes et délai requis par la nouvelle procédure d’appel en matière obligatoire, en même temps que contre le jugement prononcé le 30 mai 2011 soumis à appel principal, est recevable.

b) Sur les fins de non recevoir

Par l’appel contre le jugement du 15 avril 2009, les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport contestent d’une part, la qualité et l’intérêt à agir de l’AFPS (1) et d’autre part, leur mise en cause dans le litige s’estimant des défendeurs non sérieux (2) ;

1) Sur la qualité et l’intérêt à agir de l’AFPS

La société Alstom soutient que l’Association poursuit la défense d’intérêts généraux au surplus internationaux et n’a pas d’intérêt à agir en nullité d’un contrat de transport public étranger, ni en illicéité et interdiction d’exécution des sous-contrats. La société Veolia affirme que l’AFPS outrepasse son objet statutaire qui est vague et ne lui permet pas en l’absence d’habilitation législative de défendre un intérêt général ; qu’elle ne justifie pas d’un intérêt personnel , ni de l’intérêt collectif de ses membres à agir; qu’une association ne peut engager une action à caractère collectif, sans habilitation législative que dans la mesure où les intérêts défendus dans le cadre de son action, entrent dans son objet social; que l’Association n’a pas qualité à agir en défense du peuple palestinien et que de toute façon, l’association a été créée postérieurement aux faits qu’elle dénonce.

L’AFPS oppose que l’intérêt à agir doit s’apprécier au regard des statuts de l’association; qu’il est admis aujourd’hui qu’une association peut agir en justice, hors habilitation législative, au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social; que son action est en rapport direct avec son objet social précis et ses moyens définis dans ses statuts; qu’elle ne vise pas la défense de l’intérêt général mais bien des intérêts collectifs que l’AFPS s’est statutairement donnée la charge de défendre; que l’intérêt légitime exigé par l’article 31 du code de procédure civile peut être de nature exclusivement moral et qu’ en l’espèce, elle a bien subi un préjudice propre distinct de celui subi par les Palestiniens.

Elle soutient que l’intérêt à agir existait donc bien au moment de l’introduction de la demande; qu’en tout état de cause, les expropriations et destructions avaient déjà été réalisées. Elle ajoute que son président est habilité à agir en justice pour défendre les intérêts de l’association et enfin que la déclarer irrecevable serait contraire à l’article 6 de la CEDH et créerait un déni de justice.

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, 'L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé'.

L’AFPS est une association loi 1901 dont les statuts ont été déclarés en préfecture. Selon l’article 11-1 de ses statuts, le président représente seul l’association et est habilité à agir en justice. Il est même prévu depuis une assemblée générale du 23 septembre 2006 modifiant les statuts qu’ 'il est habilité à agir en justice pour défendre les intérêts de l’association et de ses membres pour assurer la défense des droits du peuple palestinien.'.

Selon l’article 2-1 de ses statuts, l’AFPS a pour objet social de 'développer l’amitié et la solidarité entre le peuple français et le peuple palestinien et d’oeuvrer pour l’établissement d’une paix juste et durable au Proche Orient fondée sur la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien, sur la base du droit international’ ;

et elle a pour moyens d’action selon l’article 2-2 de :

* faire connaître le peuple palestinien, son histoire, sa culture, ses épreuves et ses luttes, notamment par l’organisation de diverses manifestations,

* développer l’aide matérielle et humanitaire au peuple palestinien,

* établir des liens et mener des actions avec les organisations, mouvements ou individus qui poursuivent le même objectif en France et dans le monde,

* agir sur l’opinion publique et auprès des pouvoirs publics et des élus pour les mobiliser à la réalisation de son objet,

* soutenir le développement de l’économie palestinienne et promouvoir les produits palestiniens,

* l’assemblée générale du 23 septembre 2006 a ajouté à l’article 2-2 au nombre des moyens d’action de l’AFPS 'le droit d’engager devant toutes juridictions compétentes (nationales et internationales) toutes procédures ayant pour objet et pour effet d’assurer la défense des droits du peuple palestinien en conformité avec les règles de droit interne et du droit international notamment les conventions humanitaires’ ;

Une association ne peut intervenir dans l’intérêt général. Elle a le droit d’agir en justice hors habilitation législative au nom d’intérêts collectifs dans la mesure où son action correspond à son objet social.

L’AFPS poursuit l’annulation de contrats internationaux exécutés sur le territoire palestinien, pour violation de normes internationales. La rédaction statutaire de son objet social en termes généraux 'développer l’amitié… la solidarité entre le peuple français et le peuple palestinien'… 'oeuvrer pour l’établissement d’une paix … fondée sur la reconnaissance des droits nationaux des palestiniens’ ne permet pas de déterminer qu’en poursuivant l’annulation ou l’interdiction des contrats internationaux auquel elle est tiers, l’association justifie de la défense d’un intérêt collectif propre à ses membres, distinct de l’intérêt général des palestiniens pour la défense desquels elle n’a pas d’autorisation législative. Dans ces conditions, l’action de l’AFPS doit être déclarée irrecevable.

Le fait de déclarer irrecevable l’action de l’AFPS alors qu’au titre de ses moyens d’action il lui est reconnu le 'droit d’engager devant toutes juridictions compétentes (nationales et internationales) toutes procédures ayant pour objet et pour effet d’assurer la défense des droits du peuple palestinien’ n’est pas contraire à l’article 6 de la CEDH, ni à l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne puisque l’association a pu faire venir sa demande devant une juridiction, elle a donc eu accès à un tribunal. Mais ce droit n’est pas sans limite. L’exercice d’une action est soumise à des conditions de forme et de fond dont l’absence entraîne le rejet. En l’espèce, l’AFPS ne démontre pas qu’elle remplit les conditions posées pour qu’une association agisse en défense d’intérêts collectifs, son action ne peut qu’être déclarée 'irrecevable’ sans qu’il y ait pour autant atteinte à son droit puisqu’elle a eu accès à une juridiction et qu’un procès a eu lieu.

2) Sur l’absence de caractère réel et sérieux des sociétés Alstom et Veolia Transport comme défenderesses à l’action en cours

Les sociétés contestent leur qualité de défenderesses à l’action menée par l’AFPS et l’OLP et affirment que les seuls défendeurs sérieux que sont l’Etat d’Israël et la société Citypass ne sont pas dans le débat.

Les sociétés Alstom soutiennent qu’une action en nullité d’une concession de transport public à l’étranger ne peut être dirigée contre des entreprises non signataires; qu’une action en illicéité de cette même concession ne peut être dirigée contre des entreprises seulement concernées au niveau de contrats subséquents; que la SA Alstom n’est pas tête de groupe; que seule la société Citypass est titulaire du contrat de concession portant sur la réalisation et l’exploitation du tramway. La société Veolia souligne qu’elle n’est pas partie au contrat de concession dont la nullité était demandée au jour de l’introduction de l’instance et que l’appréciation doit être faite au jour de l’introduction de l’instance (en février 2007) ; qu’à cette période, il était conclu sur la violation de dispositions de droit public par l’Etat d’Israël et une faute de la société Citypass conduisant à la nullité des contrats; que seules ces deux parties signataires du contrat sont concernées et défenderesses à l’action ;

L’OLP, appelante, fait valoir que les sociétés sont bien des défendeurs sérieux; que la société Alstom Transport a signé un contrat d’exploitation, d’approvisionnement et de construction avec la société Citypass; que si les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport ne sont pas signataires du contrat de concession, elles sont à l’origine du contrat qui n’aurait pas été signé sans l’apport de leur savoir faire et directement concernées par l’exécution du contrat de construction du tramway en leur qualité d’actionnaires de la société Citypass ou de fournisseur de matériel avec l’exécution du contrat d’approvisionnement; que l’implication de la SA Alstom résulte de ce qu’elle s’est portée également garante, que son nom apparaît sur les affiches de permis de construire in situ et établie par les déclarations de son président directeur général.

Selon l’article 32 du code de procédure civile : 'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir'.

Signataires dans deux des contrats dont le caractère illicite préjudiciable à son égard est invoqué par l’OLP, les sociétés Alstom Transport et Veolia Transport ne peuvent soutenir ne pas être des défendeurs réels et sérieux. Par ailleurs, s’ il n’est pas démontré que la SA Alstom est signataire d’une garantie en l’absence de toute signature sur l’acte d’engagement des sociétés mères, la responsabilité de cette société se trouvant recherchée également pour non respect de son code d’éthique, elle reste un défendeur réel et sérieux. La fin de non recevoir des sociétés ne sera pas accueillie.

— Sur le fond

L’OLP, tiers aux contrats contestés et intervenant volontaire à la demande principale de l’AFPS déclarée irrecevable, a formé une demande distincte de celle de l’AFPS sur laquelle il y a lieu de statuer ;

Elle soutient que la construction du métro léger ou tramway qui traverse la ville de Jérusalem est illicite en ce qu’elle correspond à la violation de normes internationales notamment par son tracé qui en donne accès aux colons israéliens et les conséquences de sa construction en résultant pour le peuple palestinien. Elle considère que les contrats signés à cette occasion qui violent ainsi l’ordre public sont en conséquence également illicites et que les sociétés ont commis une faute d’une part, pour avoir participé à des contrats dont la cause viole des normes de droit international et d’autre part, pour ne pas avoir en même temps respecté les engagements pris par leur adhésion au Pacte Mondial et dans leurs codes d’éthiques. Elle sollicite que leur responsabilité soit reconnue et fonde son action sur les articles 6, 1131et 1133 du code civil.

Les sociétés Alstom et Alstom Transport ainsi que la société Veolia Transport contestent encourir toute responsabilité à l’occasion de la construction du tramway soit au titre des contrats signés, soit au titre d’une transgression de leurs propres engagements éthiques.

La nature délictuelle de l’action engagée contre les sociétés exige la preuve d’une faute et d’un préjudice en lien direct avec la faute. Les deux sources de comportement fautif allégué, seront successivement examinées : 1° participation à des contrats dont la cause viole des normes de droit international et 2° non respect par les sociétés de leurs engagements éthiques.

I – Sur la participation des sociétés Alstom , Alstom Transport et Veolia Transport à des contrats dont la cause viole des normes de droit international

L’OLP considère que l’Etat d’Israël occupe illégalement le territoire palestinien et poursuit une colonisation juive illégale par la construction du tramway qui est ainsi elle-même illicite. Elle estime que les sociétés, non signataires du contrat de concession, sont directement concernées par son exécution en raison de la garantie financière et technique apportée en leur qualité d’actionnaires de la société Citypass et de l’aide directe résultant du contrat d’approvisionnement qui fournit des éléments de construction; que ces contrats liés au contrat de concession se trouvent illicites en raison de la violation par l’Etat d’Israël de ses obligations découlant du droit international de l’occupation.

Elle invoque la violation de plusieurs des textes internationaux de droit humanitaire :

— l’article 49 de la IVème Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protections des personnes civiles en temps de guerre selon lequel 'la puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle’ ;

— l’article 53 de cette même Convention énonçant 'qu’il est interdit à la puissance occupante de détruire les biens mobiliers ou immobiliers appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’Etat ou à des collectivités publiques et des organisations sociales ou coopératives sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires’ ;

— que la construction ayant également entraîné des destructions, la quasi suppression de la route (60) vitale pour l’acheminement des personnes et des marchandises et ainsi que la suppression de voies et chemins ce qui a nécessité des expropriations il y a eu violation de plusieurs articles issus du Règlement annexé à la IVème Convention de La Haye du 18 octobre 1907 : l’article 23(g) interdisant de 'détruire ou saisir les propriétés ennemies sauf les cas où ces destructions ou ces saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre', l’article 27 selon lequel 'dans les sièges et bombardements, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour épargner autant que possible les édifices consacrés aux cultes, aux arts , aux sciences et à la bienfaisance, les monuments historiques, les hôpitaux … et l’article 46 précisant que 'la propriété privée ne peut pas être confisquée ' ;

— la violation des dispositions relatives à la protection des biens culturels prévues par l’article 4 la Convention de La Haye du 14 mai 1954 ,de l’article 27 du règlement de La Haye de 1907, de l’ article 5 de la Convention IX de la Haye de 1907 et de l’article 53 du protocole additionnel n° 1aux Conventions de Genève .

Les sociétés françaises font valoir qu’elles contestent avoir commis une faute. Elles soutiennent qu’elles ont seulement exécuté correctement les contrats qu’elles ont signés avec la société Citypass qui conservent leur individualité. Elles considèrent que les normes internationales humanitaires invoquées ne leur sont pas opposables; que le recours à la coutume ou au jus cogens, considéré comme déterminé par un ordre public international, ne les rend pas plus applicables à leur encontre.

A l’appui du caractère illégal de la construction du tramway, il est invoqué diverses prises de position internationales ou rapports à caractère international en particulier : les rapports des chefs de mission de l’Union Européenne et la déclaration du Conseil des Droits de l’Homme du 14 avril 2010. Ils ne concernent pas directement la construction du tramway. A l’heure actuelle, il n’est pas justifié d’une condamnation de la construction du tramway, sur le plan international.

L’illicéité de la construction est également reliée à l’occupation du territoire palestinien par l’Etat d’Israel, laquelle altérerait tous les actes effectués par cet Etat signés à l’occasion de la construction.

A/ Cause illicite en raison de l’occupation par l’Etat d’Israel

Pour l’appelante l’ensemble des contrats est illicite par l’effet recherché par l’Etat d’Israel en ce qu’il correspond à la violation du droit international par cet Etat et par les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport.

Le régime du droit d’occupation a été organisé par des conventions successives signées à La Haye (1864, 1899, 18 octobre 1907) puis par des textes aménageant la situation des pays en situation de conflit armé (1949…) et est actuellement qualifié 'droit humanitaire'.

Selon l’article 43 du Règlement sur les lois et les coutumes de la guerre sur terre, annexé à la 4e Convention de La Haye de 1907 qui précise les droits et obligations en pays occupé :

« ' l’autorité du pouvoir légal ayant passé de fait entre les mains de l’occupant, celui-ci prendra toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays'.

Sur la base de cet article, il a été considéré que la puissance occupante pouvait et même devait rétablir une activité publique normale du pays occupé et admis que les mesures d’administration pouvaient concerner toutes les activités généralement exercées par les autorités étatiques (vie sociale, économique et commerciale) (1947 control commission court of criminal appeal) ; qu’à ce titre, il pouvait être construit un phare, un hôpital. Il a même été reconnu que l’instauration d’un moyen de transport public faisait partie des actes relevant d’une administration d’une puissance occupante (construction d’un métro en Italie occupée) de sorte que la construction d’un tramway par l’Etat d’Israël n’était pas prohibée.

Il est invoqué, qu’en l’espèce, il y a violation des articles 49-6 et 53 de la Convention de Genève, des articles 23, 27 et 46 du Règlement annexé à la IVème Convention de La Haye de 1907, de l’article 4 de la Convention de La Haye du 14 mai 1954, de l’article 27 du règlement de La Haye de 1907, de l’article 5 de la Convention IX de la Haye de 1907 et de l’article 53 du protocole additionnel n° 1 aux Conventions de Genève.

Les textes internationaux visés sont des actes signés entre Etats. Les obligations ou interdictions qu’ils contiennent s’adressent aux Etats.

Ainsi dans la IVème de la Convention de Genève du 12 août 1949 signée par des Etats et qui doit s’appliquer 'dans tous les cas d’occupation', 'même si l’une des parties en conflit n’est pas partie à la Convention lie la 'puissance occupante… pour la durée de l’occupation’ (article 6), les consignes et obligations s’adressent à la 'puissance occupante’ :

* 'article 49 A 6' : la puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa population civile dans le territoire occupé par elle'.

*Article 53' : 'il est interdit à la puissance occupante de détruire …'.

* les articles de la Convention de 1907 et du Règlement annexé s’adressent également aux parties contractantes.

* l’article 4 de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 dispose :

4-1 'Les Hautes parties contractantes s’engagent à respecter.

4-3 : les Hautes parties contractantes s’engagent en outre à interdire… Elles s’interdisent de réquisitionner les biens culturels…' et le protocole additionnel n° 1 aux Conventions de Genève vise de la même façon 'les Hautes parties contractantes'.

Le contenu de ces différents textes s’appliquent à l’Etat d’Israel en sa qualité de partie occupante, signataire du contrat de concession avec la société Citypass. Si les contrats signés ont en commun d’avoir permis la construction du tramway de Jérusalem, ils n’en conservent pas moins leur autonomie juridique.

En droit français, la liceité de la cause ne peut reposer sur la seule appréciation par un tiers d’une situation politique ou sociale. Dans une acception objective, la cause pour chaque partie est l’exécution par l’autre partie de ces obligations conformément au contrat. Dans une approche subjective, qui permet de mieux rendre compte de la conformité de la cause, à l’ordre public, la cause est le motif déterminant ayant poussé le débiteur à s’engager. En l’occurrence, le motif politique, imputé à l’Etat d’Israël par l’appelante comme cause de son engagement, ne peut être appliqué à la cause des contrats passés par les sociétés commerciales par l’effet d’une 'contamination'.

XXX, tiers au contrat de concession signé par l’Etat d’Israel, ne peuvent répondre de violation de normes internationales qui ne font mention d’obligations qu’à la charge de la puissance occupante et leur responsabilité ne peut être recherchée que du chef des contrats qu’elles ont signés avec la société Citypass. La SA Alstom, dont la garantie n’est pas prouvée, ne peut pas davantage que les sociétés Alstom Transport et Veolia Transport répondre d’une prétendue illicéité du contrat de concession. L’Etat d’Israel n’est pas présent aux débats, il ne peut être statué que sur l’illicéité de la cause des contrats signés par les sociétés.

B/ Cause illicite en raison de la violation des normes humanitaires par les sociétés

Elle est invoquée à divers titres : par le non respect des actes conventionnels qui les consignent, par l’effet de la règle coutumière acquise de ces normes humanitaires ou leur caractère impératif.

a ) violation de ces normes en tant que normes conventionnelles.

L’OLP prétend que les normes internationales concernées lui ouvre le droit de se prévaloir de droits particuliers (effet vertical) et sont applicables aux sociétés intimées (effet horizontal).

XXX répliquent que les dispositions conventionnelles internationales invoquées n’ouvrent pas de droit au profit des particuliers et ne s’appliquent pas à des entreprises privées n’ont pas la qualité de sujet international reconnue.

1 -) Effet vertical des normes internationales invoquées

Les conventions et traités ont en France une autorité supérieure à la loi en vertu de l’article 55 de la Constitution de 1958, dans la mesure où ils ont reçu l’approbation prévue et n’ont pas besoin d’être complétés par une mesure d’application. A cet égard, les Conventions de Genève, le Règlement ainsi que la Convention de La Haye sont entrés en vigueur et applicables en droit interne français.

De façon générale en l’absence de mention précise, pour conférer des droits aux particuliers, la norme doit contenir des éléments permettant de déduire l’intention des rédacteurs de faire produire un tel effet et être suffisamment expressive dans la désignation des individus comme destinataires.

L’existence d’une présomption d’applicabilité directe des traités dont fait état l’OLP, a été soutenue dans des rapports présentés devant le Conseil d’Etat (Z, DUMORTIER (second arrêt GISTI) PELISSIER en 2012), mais elle n’a pas été consacrée par les décisions subséquentes et ne peut pas davantage être retenue à l’occasion de la présente procédure.

S’agissant de l’existence de l’effet vertical dans les différentes conventions en cause et en premier lieu, la IVéme Convention de Genève, la Cour Internationale de Justice, dans un avis consultatif avait mentionné que les travaux préparatoires ne contenaient que des obligations à la charge des Etats et que la faculté pour les individus de s’en prévaloir n’était pas évoquée. Les premiers articles de cette convention conduisent d’ailleurs à une telle interprétation puisqu’ils visent les Etats (article 1er : 'les Hautes parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente en toutes circonstances’ ; article 2 : 'les puissances parties à celles-ci resteront liées par elle…').

L’analyse des articles contenus dans cette convention relative à la protection de personnes civiles, ne permet pas de retenir l’existence d’un droit accordé aux particuliers. Les articles 49 et 53 s’adressent à la 'puissance occupante’ et ne prévoient des obligations qu’à la charge des Etats : art 49 : 'la puissance occupante’ ne pourra procéder.. ; article 53 : il est interdit à la 'puissance occupante’ à l’exclusion de tout droit accordé à des particuliers.

Les articles 23 et 46 du Règlement de La Haye du 18 octobre 1907 se référant aux 'puissances contractantes', l’article 4 de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 et l’article 53 Protocole additionnel n° I aux Conventions de Genève, mentionnant les engagements des 'hautes parties contractantes ' – ne créent d’obligations qu’entre les Etats parties à la convention à l’exclusion des individus qui n’en sont pas les destinataires.

Quant aux articles 5 de la Convention IX de La Haye de 1907 et l’article 27 du Règlement de La Haye de 1907, ils ne sont pas applicables pour les motifs exactement retenus par les premiers juges, la ville de Jérusalem n’étant pas bombardée.

S’agissant plus particulièrement des articles 49-6 et 53 de la Convention de Genève, sur la violation desquelles il est insisté, même si selon certains (rapport second arrêt GISTI) 'l’absence d’effet direct ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les Etats parties comme sujets de l’obligation qu’elle définit', toutefois, il est nécessaire que la norme permette de créer des droits et obligations pour les particuliers dans l’ordre interne et à cette fin contienne des éléments suffisamment précis quant aux individus qui peuvent en bénéficier.

Ainsi dans les exemples de reconnaissance d’un effet direct par la Cour de Cassation, cités par l’appelante, les textes prévoient avec précision le destinataire : (l’enfant) article 10 de la Convention de New York du 26 Janvier 1990 relative aux droits de l’enfant, (l’employé) pour les articles 2, 4 de la Convention Internationale du Travail 22 juin 1982 … ou confèrent des droits contre l’Etat à des individus ou des groupes dans des situations précises 'le justiciable’ ou 'l’inculpé’ a droit à un procès équitable (article 6-1 de la CEDH).

Dans la IVème Convention de Genève, l’individu n’est pas visé. Il n’est fait état que de groupes 'les personnes protégées’ ou 'la population…'. Pour asseoir néanmoins, l’existence de droits subjectifs particuliers, en l’espèce, l’appelante procède à l’assimilation intégrale entre la protection accordée à titre humanitaire et la protection de Droits de l’Homme alors que seules quelques dispositions consacrent la protection accordée par les Droits de l’Homme et, à ce titre, concernent les individus (cas de génocide, torture, esclavage…). Or les droits revendiqués dans le cadre des conventions internationales invoquées ne sont pas de cette nature (transfert de population, destruction de biens…).

Aussi, il ne peut être considéré que ces normes internationales conventionnelles ouvrent aux particuliers ou à l’entité (le peuple palestinien) que l’OLP indique représenter, le droit de les invoquer directement devant une juridiction.

2 -) Effet horizontal des normes internationales invoquées

Cet effet signifie que les sociétés sont tenues par le contenu des normes, ce qui suppose qu’elles soient sujets de droit international. Or, la personnalité des entreprises transnationales n’est reconnue que de façon très limitée. Leur capacité internationale ne se trouve admise que dans le cadre d’actes conventionnels particuliers essentiellement d’ordre économique et en vue d’assurer à ces entreprises une protection dans le cadre de leur activité dans des pays à l’étranger vis-à-vis des Etats avec lesquels elles peuvent se trouver en litige (convention de Washington 1985) ou dans des cas précis de responsabilité ex environnementale (Convention de Bruxelles 1969 pollution par hydrocarbures ou pour activités dangereuses pour l’environnement Convention de Lugano1993).

En outre, les obligations doivent être formulées envers les sociétés. Les textes conventionnels dont il est invoqué la violation, ne formulent des obligations qu’à l’encontre des Etats ainsi qu’il a été précédemment relevé.

En effet, la IVème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 mentionne en préambule qu’elle concerne 'les hautes parties contractantes’ tandis que ses articles 49 A 6 et 53 s’adressent à la 'puissance occupante. Selon l’article 4 de la 'Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé '. Les hautes parties contractantes occupant totalement ou partiellement une autre partie contractante …….doivent dans la mesure du possible soutenir les efforts des autorités compétentes du territoire occupé à l’effet d’assurer la sauvegarde et la conservation des biens culturels. 'Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (1) 18 juin 1977 est également un acte conclu entre Etats qui les oblige : 'les Hautes parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter le présent Protocole en toutes circonstances'.

Les sociétés intimées morales de droit privé qui ne sont pas signataires des conventions invoquée, ni destinataires des obligations qui les contiennent, ne sont pas, en conséquence, des sujets de droit international. Dépourvues de la personnalité internationale, elles ne peuvent se voir opposer les différentes normes dont se prévaut l’appelante.

A l’encontre de cette situation, il est opposé l’existence d’une règle coutumière de droit international permettant de mettre en jeu la responsabilité des entreprises pour violation des Droits de Homme.

b) Violation des règles humanitaires au titre de la coutume

1 -) L’appelante soutient qu’une règle coutumière relative à la 'responsabilité des entreprises pour violation des Droits de Homme’ permet d’opposer les normes en cause. Elle appuie sa position sur l’affirmation du professeur C D, selon laquelle il existe une norme coutumière de droit international qui étend aux entreprises transnationales les obligations créées à la charge des Etats par les conventions internationales et qu’elle formule ainsi 'les règles fondamentales du droit international s’appliquent aux entreprises privées notamment aux multinationales qui doivent répondre devant les juridictions nationales et internationales de leur responsabilité pour violation de ces règles'.

Madame C-D soutient que la coutume est une source du droit international dont les conditions de formation ont évolué; que la coutume internationale peut résulter de la réunion de divers éléments de soft law auxquels la répétition peut conférer valeur de hard law ( une force obligatoire). Elle soutient que les Etats ne sont pas les seuls à pouvoir contribuer à la formation de la norme coutumière.

Elle déduit la présence d’une règle coutumière relative à l’extension de la responsabilité des entreprises transnationales pour la violation des Droits de l’Homme, de la réunion de diverses circonstances : la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 en ce que ce texte mentionne 'tous les organes de la société’ et à l’article 30 le 'groupement'; le fait que la CPJI, dans un avis sur la compétence des tribunaux de Dantzig, a reconnu qu’un traité peut conférer des droits subjectifs et des obligations à des individus; également l’intégration par le Tribunal Pénal pour l’ex Yougoslavie des normes principales du droit humanitaire dans le jus cogens; la saisine de plus en plus fréquente des juridictions nationales par des requêtes de particuliers mettant en jeu la responsabilité des sociétés pour violation du droit international (Droits de l’Homme, droit social, droit de l’environnement ou humanitaire); le fait notamment que les juridictions françaises admettent la violation de la CEDH, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ou de la Convention de l’OIT, les travaux d’organisations internationales (déclaration de l’OIT et principes directeurs de l’OCDE, déclaration sur le droit et la responsabilité des individus organes de la société…. adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998), les déclarations politiques, les actions d’ONG, l’acceptation par les états du principe de responsabilité des entreprises pour violation du droit international, l’avis de la doctrine.

Les sociétés contestent l’existence d’une telle norme coutumière selon laquelle les sociétés transnationales seraient responsables pour ne pas avoir respecté les normes relatives aux Droits de l’Homme et les règles humanitaires. Elles appuient leur position sur l’avis du professeur SUR qui sans dénier que la coutume internationale soit un élément du droit international, considère qu’elle ne peut résulter que de la présence d’une pratique et de l’opinio juris des Etats et qu’une telle règle coutumière suppose que soit reconnue la capacité internationale des sociétés transnationales mais que la pratique juridique des Etats exclut une telle personnalité.

L’article 38.1 des statuts de la CIJ exprime une reconnaissance de la valeur de la coutume internationale comme mode de preuve. Elle en donne les éléments en énonçant que la coutume internationale est 'une pratique générale acceptée comme étant le droit'. La pratique envisagée est celle des Etats. Il s’y ajoute leur reconnaissance de ce que cette pratique a valeur de norme.

De l’examen des exemples de circonstances dans lesquelles la responsabilité de sociétés a pu être appliquée proposés par l’appelante, il ressort que :

* Il n’est pas acquis que les termes 'organes de la société’ ou 'groupement’ mentionnés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 incluent les entreprises comme il est soutenu, l’interprétation de ces termes étant discutée.

* Concernant le rôle des juridictions dans l’application de la responsabilité des entreprises. Il est invoqué l’application de cette notion par les juridictions. Il est en particulier cité des décisions américaines (Filarga/Pena Irala -Sosa/Alvares Machain) lesquelles ne sont pas significatives puisqu’elles font application d’un texte de loi interne (Alien Tort Claim Act) ou ont un aspect pénal (affaire Saro WIWA/RoyalDutch); la société a été poursuivie pour complicité dans le meurtre et la torture de plusieurs opposants à la junte militaire nigérianne). Celles provenant de juridictions françaises ne sont pas plus pertinentes car elles sont intervenues dans un contexte pénal (affaire du gazoduc/employés de Total procédure ouverte sur constitution de parties civiles contre des employés de Total pour des crimes d’enlèvement et de séquestration terminée par une transaction) ou portent sur l’application de la CEDH sans lien évident avec les circonstances et les textes humanitaires invoqués.

* que de façon générale s’il existe des avis favorables à la responsabilité des entreprises transnationales, il demeure qu’outre la présence d’une pratique générale le consentement des Etats à reconnaître la valeur de la règle comme principe à appliquer est un élément prépondérant pour la formation d’une norme coutumière. Or, en l’occurrence, la seule réunion les différents éléments de soft law cités, ne permet pas de retenir que les conditions d’existence d’une règle coutumière consacrant la 'responsabilité générale des entreprises transnationales pour violation des Droits de l’Homme’ sont réunies ; étant observé qu’à l’occasion de la recherche d’une telle norme, une assimilation des notions de droit humanitaire et des Droits de l’Homme (atteinte à la personne humaine et à sa dignité) est effectuée.

En l’absence de preuve d’une telle règle coutumière, les normes internationales dont la violation est invoquée par l’OLP sont inopposables aux sociétés françaises Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport.

2-) Non respect de la norme coutumière constituée des règles humanitaires

L’OLP soutient encore que les normes qu’elle invoque (l’interdiction de transférer sa population dans les territoires occupés, l’interdiction de détruire et d’exproprier, l’obligation de respecter les biens culturels de la population occupée et l’interdiction de les confisquer) relèvent d’un droit coutumier qui s’impose aux sociétés. Elle affirme même que ces règles coutumières en tant que principes intransgressibles de jus cogens constitutif d’un ordre public international, sont directement applicables à tous les sujets de droit international et que cet ordre public international est hiérarchiquement supérieur au droit public français.

Les sociétés répliquent que cette notion qui n’est pas reconnue par la France n’a pas vocation à être appliquée car elle n’a pas acquis valeur coutumière. Elles contestent l’effet attribué par l’OLP au jus cogens et la référence à l’ordre public international dont feraient partie les normes internationales invoquées. Elles réfutent la présence d’un ordre public international en tant que norme. Elles opposent que même si les normes avaient valeur coutumière, ce ne serait pas suffisant pour leur conférer valeur de normes opposables à des personnes privées.

Il a été considéré que des règles du droit humanitaire avaient une valeur de norme coutumière et s’imposaient, ce qui ressort notamment de l’avis consultatif du 8 juin 1996 de la CIJ mentionnant : 'C’est sans doute parce qu’un grand nombre de règles du droit humanitaire applicables dans les conflits armés sont si fondamentales pour le respect de la personne humaine et pour des considérations élémentaires d’humanité selon l’expression utilisée par la cour dans son arrêt du 9 avril 1949 rendue dans l’affaire du détroit de Corfou … que la Convention IV de la Haye et les Conventions de Genève ont bénéficié d’une large adhésion des Etats.

Ces règles fondamentales s’imposent d’ailleurs à tous les Etats qu’ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment parce qu’elles constituent des principes intransgressibles du droit international coutumier'.

L’étendue de la reconnaissance du caractère coutumier de ces règles doit être nuancée. Les termes employés par la C I J ne permettent pas de retenir que toutes les règles humanitaires sont comprises dans la coutume : il est déclaré que se trouvent concernées 'un grand nombre de règles’ en outre, il est pris en considération la protection assurée par la règle à savoir 'le caractère fondamental pour la personne humaine', 'des considérations élémentaires d’humanité’ en lien avec la protection de la personne humaine et de sa dignité. En outre, la C I J ne cite au titre des destinataires de l’obligation, que les Etats auxquels il est interdit d’écarter la norme par les clauses d’un traité de sorte que se pose le problème de leur applicabilité, aux sociétés françaises intimées.

Pour écarter cette objection, il est affirmé que les normes humanitaires invoquées à l’encontre des sociétés font partie du jus cogens.

Le jus cogens est une notion définie par l’article 53 du traité de Vienne comme 'une norme impérative de droit international général acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère'.

Cette notion reste diversement interprétée : pour certains le jus cogens n’a d’effet que dans le cadre du droit des traités telle que la Convention de Vienne l’a retenu. Il marque l’interdiction pour les Etats de prévoir une norme conventionnelle contraire 'est nul tout traité qui au moment de sa conclusion est en conflit avec une norme impérative du droit international général'.

Le jus cogens n’est pas reconnu par le droit interne, même dans cet aspect limité. L’Etat français n’a pas signé le traité estimant que la composition de ce droit est incertaine et que 'les imprécisions qui caractérisent le jus cogens n’ont pas été réduites depuis 1969. L’imprécision quant au contenu de cette notion demeure en effet en dépit des apports de la jurisprudence internationale. L’imprécision quant au mode de formation de ces normes impératives n’est pas moindre …… L’imprécision caractérise enfin les effets du jus cogens puisqu’en dépit de l’entrée en vigueur de la convention, le risque n’a pas disparu que la règle 'pacta sunt servanda’ soit méconnue par l’invocation abusive du jus cogens'.

Le droit français ne lui reconnaît pas non plus valeur de règle coutumière estimant qu’il ne remplit pas les conditions requises par le droit international et dans ce cas le jus cogens ne sert qu’à régler les conflits de normes internationales, c’est ce qu’a retenu le tribunal.

Pour d’autres, comme l’appelante, le jus cogens est une notion plus large: il serait opposable aux sujets de droit international. Elle considère que l’appartenance des normes au jus cogens leur confère un caractère impératif constituant un ordre public international. Les normes humanitaires présenteraient ce caractère de sorte qu’il ne peut y être dérogé. Il est cité la reconnaissance d’une telle notion par monsieur X 'Truffée de dispositions protectrices de la personne dans une situation de vulnérabilité prononcée, elle établit un standard minimum d’ordre public'.

Cependant, si ce dernier a reconnu au jus cogens une valeur d’ordre public en ce qui concerne les règles humanitaires, il n’inclut pas dans la liste des effets attribués au jus cogens, l’effet direct aux entreprises et souligne que 'le concept de non dérogation ou non dérogeabilité d’une norme ne suppose aucune hiérarchie formelle des normes en question’ RGDP2009.

De même, si dans la motivation d’une décision du tribunal de première instance des Communautés Européennes (Yusuf et Kadi) citée à titre de référence par l’appelante, il est mentionné que le jus cogens devait s’entendre comme un ordre public international qui s’impose à tous les sujets de droit international, il demeure que n’appartiennent à cette catégorie que les Etats et les organisations internationales.

Or les entreprises ne sont sujets de droit international qu’exceptionnellement (conventions signées par elles-mêmes ou relatives à des domaines particuliers qui s’imposent à elles; le droit du travail ou l’environnement) et en l’espèce, cette condition n’existe pas, les normes en cause appartenant au droit humanitaire.

L’existence d’un ordre public international supérieur qualifié 'jus cogens’ auquel appartiendraient les règles humanitaires invoquées et qui devrait s’appliquer de façon absolue, n’est pas démontrée. Dès lors, il ne peut être soutenu que l’application des normes humanitaires invoquées à l’encontre des sociétés françaises, peut être imposée à la juridiction de droit interne au nom d’un ordre public international résultant du jus cogens.

Ces normes ne peuvent pas davantage être imposées aux tribunaux de droit interne en tant que règles relatives à des droits subjectifs fondamentaux des Droits de l’Homme ainsi qu’il est argué lieu par l’appelante, alors que les règles humanitaires invoquées à l’encontre des sociétés correspondent à des droits d’une autre nature et que leur respect et leur protection relevant des Etats, elles ne peuvent être appliquées à des personnes de droit privé.

Dans ces conditions, il apparaît que L’OLP ne peut opposer aux sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport la violation des articles 49 et 53 de la IVéme Convention de Genève, des 23 et 46 du règlement de La Haye, de l’article 4 de la Convention de La Haye de 1954 ni le Protocole additionnel n° 1 aux Conventions de Genève pour les contrats signés avec la société Citypass à l’occasion de la construction du tramway, ni pour avoir participé au contrat de concession dont elles ne font pas parties. Ses demandes liées à l’illicéité des contrats ne peuvent qu’être écartées.

II – Sur la violation de normes internationales par les sociétés en liaison avec leurs engagements à respecter le droit international (Droits de l’Homme et droit humanitaire) dans leur code d’éthique et par leur signature du Pacte Mondial

L’OLP soutient que les règles de droit international public tirées du droit humanitaire qu’elle invoque sont applicables aux sociétés du seul fait de leur engagement à les respecter par leur adhésion au Pacte Mondial auquel elles avaient adhéré ou dans leur code d’éthique. Les sociétés contestent toute faute à cet égard.

A – Violation des normes internationales humanitaires par non respect des engagements du Pacte Mondial

La société Alstom et la société Veolia Environnement (dont fait partie la société Veolia Transport) ont adhéré au Pacte Mondial. Créé le 26 juillet 2000, il recense des valeurs relatives à des principes universels et a pour objet de responsabiliser les entreprises dans leur activité en les incitant à respecter 'les Droits de l’Homme', les normes tirées des principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT, agir à l’égard de l’environnement en s’inspirant de principes dégagés lors de déclarations internationales (de Rio ou Stockholm) ou afin de lutter contre la corruption.

Le Pacte Mondial ne se rapporte pas au droit humanitaire précisément visé dans la présente procédure (IVème Convention de Genève, Conventions de La Haye de 1907 et 1954). Il concerne la protection de droits tels que le respect de la vie et de la dignité humaine relevant des Droits de l’Homme au travers du rejet du génocide, de l’esclavage…. Au demeurant, son application repose sur la seule volonté des entreprises. Il n’a aucun caractère obligatoire ainsi qu’il ressort d’une réponse du Chef des Affaires Juridiques des Nations Unies à des entreprises inquiètes 'le Pacte n’est pas un instrument juridiquement contraignant. Au contraire, les principes sont de simples aspirations…'. Le Pacte Mondial n’étant qu’un élément de référence, il ne peut être invoqué le non respect de ses principes pour justifier une violation de droits internationaux.

B – Violation des normes internationales humanitaires invoquées par le non respect de leurs codes d’éthique par les sociétés

1 – La société Veolia Environnement, à laquelle appartient la société Veolia Transport a constitué un comité d’éthique qui a promu un programme applicable à toutes les sociétés du groupe intitulé’ Ethique, conviction et responsabilité 'constituant 'un guide’ de comportements mentionnant que l’activité doit s’exercer en respectant les normes nationales et les recommandations des organisations internationales notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux. Les principes retenus au titre de ce guide ne concernent que le droit du travail (ils visent le respect des normes nationales et internationales en particulier de l’OIT) ou de l’environnement et sont sans rapport avec les violations du droit international invoqué. Il indique avoir un caractère 'strictement facultatif’ et non contraignant.

Ce guide, qui émane d’une démarche personnelle, sans sanction prévue ne peut être considéré comme un acte valant engagement dont les tiers peuvent se prévaloir. En outre, il ne s’adresse qu’aux personnes concernées dans le cadre des relations de travail et ne peut dès lors, servir de fondement à la détermination de la violation des textes de droit humanitaire invoqués dans la présente procédure.

2 – * Le règlement intérieur du conseil d’administration de la société Alstom a une portée réduite puisqu’il ne vise qu’à donner des règles générales de conduite dont les administrateurs doivent s’inspirer et ne comporte pas d’engagement notamment à l’égard de tiers de sorte qu’il ne peut en être tiré aucun droit.

* Le Code d’éthique de la société Alstom mentionne que 'l’exercice de ses activités doit respecter les lois, réglementation et autres obligations en vigueur quel que soit le pays où elle est implantée …' et qu’elle 's’attache à respecter les dispositions relatives aux Droits de l’Homme, au droit du travail, à la santé, et la sécurité, à la protection de l’environnement, à la prévention de la corruption et des pratiques de concurrence’ ; qu’elle adhère au principes directeurs de l’OCDE, à la Déclaration des Droits de l’Homme et aux principes du Pacte Mondial.

Les différents droits auxquels il est essentiellement fait référence concernent la protection de l’individu (en tant que personne) auquel il est par ailleurs indiqué des règles de conduite à respecter (honnêteté, loyauté). Le code est ainsi guide de comportement adressé aux différents personnels de la société pour l’exercice de leur activité professionnelle. Parmi les textes visés n’ont de caractère obligatoire que ceux directement liés au droit du travail.

Soulignant l’engagement qui résulte des termes 'doit', 's’attache', l’OLP fait grief à la société Alstom de ne pas avoir respecté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à laquelle elle fait référence, aux motifs que la construction du tramway a porté atteinte au droit de propriété et que les conditions de fonctionnement de ce moyen de transport sont discriminatoires.

Outre le fait que la Déclaration Universelle des Droits l’Homme n’a pas un caractère contraignant, les violations désignées ne sont pas démontrées puisque l’arrêt d’activité du tramway s’applique à tous les usagers et que par ailleurs les sociétés ne sont les auteurs des expropriations. Ces reproches concernent des droits qui relèvent d’une protection individuelle et en l’espèce, ils ne sont pas formulés par un individu mais émanent de l’OLP, qui n’est pas destinataire de ce code d’éthique.

Le Pacte Mondial, comme les codes d’éthique, expriment des valeurs que les sociétés souhaitent voir appliquer par leur personnel dans le cadre de leurs activités pour l’entreprise. 'Cadres de référence', ils ne contiennent que des recommandations et des règles de conduite sans créer d’ obligations ni d’engagements au bénéfice de tiers pouvant en solliciter le respect. Aussi l’appelante ne peut se prévaloir d’un non respect du Pacte Mondial ou des normes de comportements inscrites dans les codes d’éthiques pour prétendre qu’il y a eu faute par violation du droit international par les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport.

En définitive, il ne résulte pas des éléments débattus qu’en participant à la construction du tramway qui traverse la ville de Jérusalem les sociétés intimées ont violé le droit international :

XXX ne sont pas signataires du contrat de concession signé le 22 septembre 2004 et ne peuvent répondre de sa licéité à la place de l’Etat d’Israel qui a initié et mis au point ce contrat.

Les normes internationales humanitaires, dont la violation était invoquée à l’encontre du pacte d’actionnaires signé par les sociétés Alstom Transport et Veolia Transport comme du contrat d’ingenierie, d’approvisionnement et de construction signé par la société Alstom Transport que ces sociétés ont conclu avec la société Citypass, ne sont pas opposables aux sociétés tant à titre conventionnel que coutumier, ni au titre d’un ordre public international.

Il n’est pas démontré que les sociétés ont violé le droit international au regard des engagements résultant de leur adhésion au Pacte Mondial (2000) et du contenu de leurs codes d’éthique.

En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur les autres éléments de la responsabilité et la décision des premiers juges qui ont rejeté les demandes formulées à l’encontre des sociétés, ne peut qu’être confirmée.

— Sur les demandes reconventionnelles

Les sociétés sollicitent reconventionnellement le paiement de dommages-intérêts à titre de réparation du préjudice causé par le comportement des appelantes et la publication de l’arrêt rendu. Leurs griefs portent à la fois sur l’action en justice initiée par l’AFPS et l’OLP et sur les campagnes de presse ou les actions menées auprès des collectivités, estimant que la mise en cause de leur responsabilité n’est qu’un prétexte pour mener un procès politique médiatique destiné à les dénigrer publiquement. L’appelante s’y oppose.

L’exercice en justice est un droit et ne peut engager la responsabilité de son auteur que si une faute est susceptible de le faire dégénérer en abus de ce droit.

En saisissant les juridictions françaises du contentieux relatif à la participation des sociétés françaises à la construction d’un service public de transport dans la ville de Jérusalem, l’AFPS et l’OLP n’ont fait qu’user du droit qui leur est ouvert par la loi, de même que développer de nombreux moyens de fait et de droit au soutien de leur thèse où la présence de la malice, de la mauvaise foi ou une faute équipollente au dol n’est pas démontrée. Il n’est pas davantage prouvé que l’association avait seulement l’intention de nuire aux sociétés plutôt que de chercher à faire valoir la cause qu’elle défend.

S’il est avéré que l’AFPS fait une publicité régulière par des communiqués dans son bulletin d’information ou sur son site internet, de critiques sur la participation des sociétés Alstom et Veolia à la construction d’un service de transport public dans la ville de Jérusalem, elle conserve un impact qui reste limité.

Par ailleurs, s’il ressort d’articles publiés sur le site internet de l’AFPS que la candidature de la société Veolia n’a pas été retenue pour des projets en Suède, en Irlande et en Grande-Bretagne, il n’est pas établi avec certitude que les refus ne sont qu’une conséquence de l’action de l’association. Les sociétés Alstom ne justifient pas, au vu des pièces versées, de l’atteinte à leur réputation et à leur image ni à leurs intérêts vitaux..

Les conditions d’une indemnisation n’étant pas réunies, les sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport seront déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts.

La demande de remboursement de la somme de 39.530,30 euros hors taxes qui relève des frais non répétibles sera examinée dans le paragraphe relatif à l’article 700 du code de procédure civile.

— Sur les frais non répétibles

La décision de première instance sera confirmée.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, l’AFPS et l’OLP devront régler au titre des frais non répétibles exposés en appel par les sociétés une somme telle que fixée au dispositif de l’arrêt.

— Sur les dépens

L’AFPS et l’OLP, qui succombent en leur recours, supporteront in solidum les dépens d’appel, la charge des dépens de première instance étant par ailleurs confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Constate que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet,

— Sur la recevabilité

Sur l’appel principal,

— Infirme le jugement du 30 mai 2011 en ce qu’il a déclaré l’OLP irrecevable en sa nouvelle intervention volontaire et, statuant à nouveau, déclare recevable la nouvelle intervention volontaire de l’OLP du 1er mars 2010,

— Précise qu’elle a qualité et intérêt à agir,

Sur l’appel incident des sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport à l’encontre du jugement rendu le 15 avril 2009,

— Déclare recevable cet appel incident,

— Infirme les dispositions du jugement du 15 avril 2009 en ce qu’il a déclaré l’OLP irrecevable en sa demande et recevable l’AFPS en sa demande et statuant à nouveau,

* Déclare l’OLP recevable en sa demande,

* Déclare irrecevable l’action de l’AFPS,

— Confirme l’irrecevabilité de la fin de non recevoir des sociétés Alstom, Alstom Transport et Veolia Transport tirée de ce qu’elle ne sont pas dans l’instance des défenseurs réels et sérieux,

Au fond,

— Confirme le rejet des demandes principales,

— Confirme le rejet des demandes reconventionnelles et ajoutant,

— Dit n’y avoir lieu à publication du présent arrêt,

— Confirme le jugement du 30 mai 2011 en ce qui concerne les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens,

Ajoutant en appel,

— Dit que la demande de remboursement des frais de traduction et de reprographie relève des frais non répétibles,

— Condamne in solidum l’AFPS et l’OLP à régler en application de l’article 700 du code de procédure civile :

* aux sociétés Alstom et Alstom Transport, chacune, la somme de 30.000 euros,

* à la société Veolia Transport, la somme de 30.000 euros.

Condamne in solidum l’AFPS et l’OLP aux entiers dépens d’appel.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-José VALANTIN, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 3ème chambre, 22 mars 2013, n° 11/05331