Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 27 octobre 2022, n° 19/01229

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Gouache Avocats · 30 janvier 2023

Un agent obtient l'application du statut d'agent commercial, mais ses fautes graves le privent de l'indemnité réclamée Depuis l'arrêt Trendsetteuse, rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 4 juin 2020, une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial. La notion de négociation, élément essentiel dans la qualification d'un contrat d'agent commercial, n'est pas limitée à la faculté de modifier les prix, mais « consiste à faire en …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 5, 27 oct. 2022, n° 19/01229
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/01229
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 18 mars 2018, N° 2015067367
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 6 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 27 OCTOBRE 2022

(n° 200, 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/01229 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7D3A

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2015067367

APPELANT

Monsieur [S] [N] entrepreneur individuel exerçant sous la dénomination commerciale SERVEDIT

immatriculée au RCS de SAINT DENIS DE LA REUNION sous le numéro 517 727 483

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédéric COULON de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS LES NOUVELLES EDITIONS DE L’UNIVERSITE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de chambre PARIS sous le numéro 309 769 966

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Annabel BOITIER, avocat au barreau de PARIS, toque D1697, avocat postulant

Assistée de Me Feïla BOUCHERIT, du cabinet AARPI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P082, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Christine SOUDRY, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5-5

Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA-PIETREMONT

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE , Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [S] [N] est un entrepreneur individuel exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, sur le territoire de l’île de la Réunion.

La société Les Nouvelles Editions de l’Université (« NEU ») édite les guides de voyage Petit Futé.

Depuis 1999, la société NEU a confié à M. [S] [N] la mission de commercialiser les espaces publicitaires publiés dans le guide de voyage Petit Futé Réunion dans le cadre de contrats successifs, dits « protocoles  », à durée déterminée. Le premier protocole daté du 11 décembre 2009 a été conclu en vue de l’édition 2010 du Petit Futé. Le dernier est un protocole du 20 novembre 2017 en vue de l’édition 2018.

A l’automne de chaque année de 2010 jusqu’à 2017, les parties ont signé un protocole pour la parution du guide de l’année suivante.

Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, reprochant à la société NEU d’avoir violé plusieurs de ses obligations contractuelles a, par acte d’huissier de justice du 12 novembre 2015, fait assigner la société NEU afin que les relations entre celle-ci et lui-même soient qualifiées de relations d’agent commercial, que soit prononcée la résiliation du contrat en cours aux torts exclusifs de la société NEU à la date du jugement, afin d’obtenir le versement d’une indemnité de cessation des relations, d’une indemnité de préavis, de commissions. Subsidiairement, M. [S] [N] a sollicité le versement d’une indemnité de rupture sur le fondement du mandat d’intérêt commun et de commissions, d’une indemnité au titre de la rupture brutale de la relation commerciale.

Par jugement du 19 mars 2018 le tribunal de commerce de Paris a :

— Constaté que l’action contractuelle de M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit est déclarée principale et que son action délictuelle est déclarée subsidiaire, les déclare donc recevables ;

— Débouté M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de sa demande principale tendant à lui reconnaître le bénéfice du statut d’agent commercial prévu par l’article L 134-1 du code de commerce, ainsi que de ses demandes de paiement des indemnités prévues par les articles L 134-7, L 134-11 et L 134-12 du code de commerce ;

— Débouté M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de ses demandes principales tendant à voir dire que la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université a manqué à l’exclusivité consentie, tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du protocole en cours signé les 20 novembre 2017 et 3 janvier 2018 ainsi qu’à voir la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université condamnée à lui payer les indemnités en découlant ;

— Débouté M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de sa demande subsidiaire tendant à voir la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université condamnée sur le fondement des dispositions de l’article L 442-6-15° du code de commerce ;

— Condamné M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit à payer à la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

— Ordonné l’exécution provisoire ;

— Condamné M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Par courrier en date du 2 octobre 2018, la société NEU a rompu les relations entre les parties et a décidé de ne pas renouveler le contrat qui les liait.

Par déclaration du 18 janvier 2019, Monsieur [S] [N] a interjeté appel des chefs de jugement expressément critiqués en ce qu’il a :

— Débouté M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de sa demande principale tendant à lui reconnaître le bénéfice du statut d’agent commercial prévu par l’article L.134-1 du code de commerce, ainsi que de ses demandes de paiement des indemnités prévues notamment par les articles L 134-7, L 134-11 et L 134-12 du code de commerce ;

— Débouté M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de ses demandes principales tendant à voir dire que la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université a manqué à l’exclusivité consentie, tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du Protocole en cours signé les 20 novembre 2017 et 3 janvier 2018 ainsi qu’à voir la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université condamnée à lui payer les commissions qu’il aurait dû recevoir en l’absence de violation de son exclusivité ;

— Débouté M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de sa demande de production par la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université des éléments d’information, en particulier un extrait des documents comptables lui permettant de vérifier le montant de ses commissions sur les clients IRT et Air Austral et plus particulièrement, les éléments du prix de revient pour le calcul de la marge nette, le tout certifié conforme par un commissaire aux comptes, sous astreinte ;

— Débouté M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de sa demande subsidiaire tendant à juger que la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université était liée avec lui par un mandat d’intérêt commun, que la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université a rompu brutalement ses relations commerciales avec lui et, en conséquence qu’elle soit condamnée à lui verser une indemnité de rupture, une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article L 442-6-1 5° du code de commerce et les commissions que M. [S] [N] aurait dû recevoir en l’absence de violation de son exclusivité ;

— Débouté M. [S] [N] de toutes ses autres demandes et notamment celles tendant à :

*La condamnation de la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université à verser à M. [S] [N] les commissions qu’il aurait dû recevoir en l’absence de violation de son exclusivité ;

*Faire injonction à la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université de cesser toute démarche auprès des clients relevant de la sphère de clientèle réservée de Monsieur [N] à savoir les clients ayant leur siège social sur l’île de la Réunion et d’interdire aux autres agents ou distributeurs de démarcher lesdits clients, sous astreinte ;

— Condamné M.[S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit à payer à la SAS Les Nouvelles Editions de l’Université la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamné M.[S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44euros dont 13,52 euros de TVA. Et plus généralement de toute disposition non visée au dispositif faisant grief à M. [S] [N].

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 février 2021, Monsieur [S] [N] demande à la cour de :

Vu les contrats signés par Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, avec la société Les Nouvelles Editions de l’Université entre 1999 et 2018,

Vu la jurisprudence et les pièces,

Vu ensemble, les articles L. 134-1, L. 442-6 du code de commerce et 1134 alinéa 3 et 1184 du code civil :

1. Déclarer Monsieur [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit recevable et bien fondé en ses demandes ;

2. En conséquence, infirmer le jugement du tribunal de commerce du 19 mars 2018 ;

I ' A titre principal :

3. Décider que la société Les Nouvelles Editions de l’Université et Monsieur [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, sont liés par une relation d’agent commercial ;

4. Décider que la société Les Nouvelles Editions de l’Université a violé ses engagements contractuels à l’égard de Monsieur [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit ;

5. Décider qu’en conséquence la société Les Nouvelles Editions de l’Université a rompu sans préavis leurs relations avec Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, aux torts exclusifs de la société Les Nouvelles Editions de l’Université en application des articles 1134 alinéa 3 et 1184 du code civil et que cette rupture a pris effet à la date de l’assignation ;

6. Condamner la société Les Nouvelles Editions de l’Université à payer à Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, la somme, à parfaire, de :

-86.960,69 euros au titre de l’indemnité de cessation des relations entre Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit et la société Les Nouvelles Editions de l’Université l’article L. 134-12 du Code de commerce, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

-21.156,80 euros au titre du paiement des commissions que Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, aurait dû recevoir en l’absence de violation de son exclusivité, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

-10.870,09 euros au titre de l’indemnité de préavis en application de l’article L.134-11 du code de commerce, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

-21.740,17 euros au titre du paiement des commissions dues en application de l’article L. 134-7 du code de commerce, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

7. Ordonner à la société Les Nouvelles Editions de l’Université, la production des éléments d’information, en particulier un extrait des documents comptables, permettant à Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, de vérifier le montant de ses commissions sur les clients IRT et Air Austral et plus particulièrement, les éléments du prix de revient pour le calcul de la marge nette, le tout certifié conforme par un commissaire aux comptes, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

II ' A titre subsidiaire :

1. Décider que la société Les Nouvelles Editions de l’Université et Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, sont liés par une relation d’agent commercial ;

2. Décider que la société Les Nouvelles Editions de l’Université a mis un terme sans préavis à ses relations avec Monsieur [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit par son courrier en date du 2 octobre 2018 ;

3. Condamner la société Les Nouvelles Editions de l’Université à payer à Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, la somme, à parfaire, de :

-61.784,59 euros au titre de l’indemnité de cessation des relations entre Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, et la société Les Nouvelles Editions de l’Université l’article L. 134-12 du code de commerce, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

-7.723,07 euros au titre de l’indemnité de préavis en application de l’article L. 134-11 du Code de commerce, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

-15.446,37 euros au titre du paiement des commissions dues en application de l’article L. 134-7 du code de commerce, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

4. Ordonner à la société Les Nouvelles Editions de l’Université, la production des éléments d’information, en particulier un extrait des documents comptables, permettant à Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, de vérifier le montant de ses commissions sur les clients IRT et Air Austral et plus particulièrement, les éléments du prix de revient pour le calcul de la marge nette, le tout certifié conforme par un commissaire aux comptes, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

III ' A titre très subsidiaire :

1. Décider que la société Les Nouvelles Editions de l’Université et Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, sont liés par un mandat d’intérêt commun ;

2. Décider que la société Les Nouvelles Editions de l’Université a rompu brutalement ses relations commerciales avec Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit ;

3. Décider que la société Les Nouvelles Editions de l’Université a violé ses engagements contractuels à l’égard de Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit ;

4. Condamner la société Les Nouvelles Editions de l’Université à payer à Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, la somme de :

-80.694, 16 euros au titre de l’indemnité de la rupture par la société Les Nouvelles Editions de l’Université du mandat d’intérêt commun qui la lie à Monsieur [N], somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

-21.156,80 euros au titre du paiement des commissions que Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, aurait dû recevoir en l’absence de violation de son exclusivité, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus ;

-54.350,43 euros en application de l’article L.442-6 I 5° du code de commerce au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

IV ' A titre extrêmement subsidiaire :

Condamner la société Les Nouvelles Editions de l’Université à payer à Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, la somme de 21.156,80 euros au titre du paiement des commissions que Monsieur [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit, aurait dû recevoir en l’absence de violation de son exclusivité, somme à parfaire en fonction de l’évaluation des commissions discutées ci-dessus.

V’ En tout état de cause :

1. Condamner la société Les Nouvelles Editions de l’Université, à payer à Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit la somme de 76. 385,17 euros au titre de la réduction de la commission de Monsieur et de ses manquements dans les relations avec les clients ;

2. Dire et juger que le montant des condamnations à intervenir sera capitalisé année par année à compter de l’acte introductif d’instance dès lors que les conditions posées par l’article 1154 du code civil sont remplies ;

3. Condamner la société Les Nouvelles Editions de l’Université, au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au profit de Monsieur [S] [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedit ;

4. Condamner la société Les Nouvelles Editions de l’Université, aux entiers dépens.

Par ordonnance du 7 octobre 2021 le magistrat en charge de la mise en état a :

— Rejeté la demande de caducité de la société Les Nouvelles Editions de l’Universté ;

— Condamné la société Les Nouvelles Editions de l’Université à payer à M.[N] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Rejeté la demande de la société Les Nouvelles Editions de l’Universté au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Les Nouvelles Editions de l’Universté aux dépens de l’incident.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 10 mars 2021, la société Les Nouvelles Editions Université demande à la cour de :

Vu l’article 1315 du code civil,

Vu les articles L.134-1 et suivants et R.134-5 suivants du code de commerce,

In limine litis,

— Constater la prescription de l’action de Monsieur [N] ;

— Dire et juger irrecevable l’action introduite par Monsieur [N] aux fins de requalification de son contrat en contrat d’agent commercial ;

— Débouter en conséquent Monsieur [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

Au fond,

— Constater l’absence de relation d’agent commercial, liant Monsieur [N] à la société NEU ;

— Constater l’absence de violations des obligations contractuelles par la société NEU ;

— Déclarer l’ensemble des demandes, fins et conclusions de Monsieur [N] irrecevables et mal fondées,

— Débouter Monsieur [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de ses demandes, fins et prétentions ;

— Infirmer le jugement rendu le 19 mars 2018 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a constaté que l’action contractuelle de M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit est déclarée principale et que son action délictuelle est déclarée subsidiaire, les déclare comme recevables

— Confirmer le jugement rendu le 19 mars 2018 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :

— Débouter M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de sa demande principale tendant à lui reconnaître le bénéficie du statut d’agent commercial prévu par l’article L134-1 du code du commerce, ainsi que de ses demandes de paiement des indemnités prévues par les articles L.134-7, L134-11 et L.134-12 du code du commerce ;

— Débouter M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de ses demandes principales tendant à voir dire que la SAS Les Nouvelles Editions de l’université a manqué à l’exclusivité consentie, tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du Protocole en cours signé les 20 novembre 2017 et 3 janvier 2018 ainsi qu’à voir la SAS Les Nouvelles Editions de l’université condamnée à lui payer les indemnités en découlant,

— Débouter M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit de sa demande subsidiaire tendant à voir SAS Les Nouvelles Editions de l’université condamnée sur le fondement des dispositions de l’article L442-6-1 5° du code du commerce,

— Condamner M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit à payer à la SAS Les Nouvelles Editions de l’université la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner M. [S] [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA. »

En tout état de cause,

— Condamner Monsieur [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit aux entiers dépens d’instance et d’appel ;

— Condamner Monsieur [N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedit au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de la société NEU au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mars 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’irrecevabilité des demandes de M. [N] pour cause de prescription

La société NEU fait valoir que :

— En vertu de l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, telle que la prescription.

— Selon l’article 2224 du code civil « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

— la qualification du contrat s’appréciant au moment de sa date de conclusion, faisant ainsi courir le délai de prescription à cette date et M. [N] sollicitant la requalification de ses relations avec la société NEU qui ont commencé en 1997 disposait jusqu’au 17 juin 2013 pour agir en requalification de son contrat de régie publicitaire en contrat d’agent commercial.

M. [N] ne réplique pas sur ce moyen.

M. [N] a formé par acte d’huissier de justice en date du 12 novembre 2015 délivré à la société NEU une demande en résiliation du contrat aux torts de celle-ci et le versement d’une indemnité de rupture et de préavis ainsi que le versement de commissions sur le fondement des articles L.134-7, L.134-11 et L.134-12 du code de commerce.

Pour pouvoir revendiquer l’indemnité de rupture, l’article L.134-12 du code de commerce impose à l’agent de notifier à son mandant sa volonté d’être indemnisé dans le délai d’un an à compte de la cessation du contrat. S’il laisse passer ce délai, l’agent commercial perd son droit à indemnisation.

La demande de requalification de la convention en contrat d’agent commercial est liée à la demande de résiliation du contrat qu’il faut qualifier pour déterminer les droits dont M.[N] peut bénéficier et la prescription n’a donc pas commencé à courir antérieurement à cette action, la résiliation du contrat n’ayant pas été notifiée au moment où l’action a été introduite.

En conséquence, la demande de requalification du contrat formée par M. [N] est recevable car non prescrite.

Sur la qualité d’agent commercial de M. [N]

M. [N] fait valoir que :

— Conformément à l’article L.134-1 alinéa 1 du code de commerce, il était un mandataire chargé de façon permanente de démarcher des clients, de négocier des contrats et de les conclure. Il n’était soumis à aucune régime particulier.

— Par conséquent, il agissait en qualité d’agent commercial.

— l’engagement contractuel de la société NEU matérialisé par la signature des ordres d’insertion par M. [N], l’obligation pour lui de suivre le bon déroulement de l’exécution des contrats, la fixation d’objectifs chiffrés et sa capacité d’engager des sous-agents commerciaux, sont incompatibles avec le statut de courtier et caractéristiques du statut d’agent commercial.

— En application des dispositions de la directive du 18 décembre 1986 86/653/CEE transposé en droit français, l’activité de prospection suffit à ce que le contrat soit qualifié de contrat d’agent commercial.

— La société NEU est de mauvaise foi lorsqu’elle nie le statut d’agent commercial de M. [N], puisqu’elle lui a dispensé une formation afin de devenir agent commercial, a recherché par annonce des agents commerciaux pour le Petit Futé, et a constamment qualifié Monsieur [N] d’agent commercial dans leurs correspondances et dans sa fiche de poste.

— L’activité de M. [N] consistait en de multiples missions (ventes d’autres produits, insertions publicitaires sur le site internet, vente de guides, vente de plaques émaillées, ventes sur Petit Futé Mag) ne se limitant pas seulement à la signature d’ordres d’insertions sur une période donnée et ayant lieu sur toute l’année

— Le fait que la société NEU ait organisé ses relations avec ses agents commerciaux sur la base de contrats annuels, ne saurait remettre en cause la qualification du contrat.

La société NEU réplique que :

— A titre liminaire, M. [N] prétend être un agent commercial au sens de l’article L.134-1 du code de commerce sans pour autant en remplir les critères.

— La jurisprudence évalue les éléments de fait et de droit qui lui sont soumis pour apprécier s’il y a lieu d’appliquer le régime de l’agent commercial à la relation contractuelle qui lui est soumise, notamment dans le cas de contrats d’intermédiaires chargés d’obtenir des ordres d’insertion de publicité.

— En l’espèce, les éléments de faits et de droit tendent au rejet du statut d’agent commercial puisque :

Monsieur [N] n’est pas inscrit au registre des agents commerciaux prévu par l’article R.134-5 du code de commerce ;

les contrats conclus ne le qualifient pas d’agent commercial ;

les factures émises par Monsieur [N] font état de commissions sur régie publicitaire ;

les différents protocoles prévoyaient des obligations inhérentes au titre de régisseur ;

Monsieur [N] ne disposait pas d’une mission permanente mais de missions à durée déterminée allant de 6 à 7 mois ;

l’éditeur se réservait systématiquement la possibilité de refuser discrétionnairement des annonces ;

la signature de Monsieur [N] n’était pas requise sur les ordres d’insertion ;

le tableau de bord des chiffres d’affaires démontre qu’à certaines périodes

l’activité de Monsieur [N] était nulle ou quasi-nulle

L’article L. 134-1 du code de commerce, qui transpose l’article 1 de la directive européenne n°86/653/CEE du 18 décembre 1986, dispose que : 'l’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s’exerce dans le cadre d’activités économiques qui font l’objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières.'.

Il est de principe que l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée. De même, l’inscription de l’intermédiaire au registre spécial des agents commerciaux n’est une condition ni suffisante, ni nécessaire à la reconnaissance de ce statut.

Par un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l’article 1, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial, au sens de cette disposition.

Ainsi il importe peu que l’agent commercial ne conclut pas lui-même les contrats qu’il est chargé de négocier. En outre, la mission de négociation ne s’entend pas exclusivement du pouvoir de modifier les prix des produits ou services mais consiste à faire en sorte que l’offre du mandant reçoive une acceptation du client, ce qui peut être caractérisé par le démarchage de la clientèle, l’orientation de son choix en fonction de ses besoins, sa fidélisation par des actions commerciales ou encore la valorisation du produit.

Il est rappelé en outre que la qualité de mandataire indépendant de l’agent commercial s’entend tout à la fois de ce qu’il exerce à ses risques et se trouve libre et autonome s’agissant de son organisation de travail, ce qui le différencie du simple mandataire.

Les différents protocoles de Régie prévoyaient que M. [N], s’engageait à :

— « Assurer la prospection de la clientèle potentielle sur la zone définie à l’article 3 du présent protocole ;

— Adresser chaque fin de semaine les originaux de tous les contrats réalisés dans la période

accompagnés des chèques d’acomptes correspondants libellés à l’ordre de l’Editeur, des autorisations de prélèvement ou tous autres titres de paiement exclusivement en euros ou dollars US ;

— Assurer la réalisation des maquettes publicitaires pour tous les contrats réalisés ;

— Envoyer ou faxer aux clients un bon à tirer ;

— Etablir le chemin de fer des emplacements des publicités ;

— Assurer le suivi de l’encaissement des factures des N.E.U. dès la parution exclusivement en euros ou dollars US ;

— Remettre à l’Editeur, après parution, l’ensemble des éléments techniques et les bons à tirer

signés par les annonceurs. »

Il appartenait à M. [N] de rechercher des clients et de conclure les contrats d’insertion publicitaire. Il était également habilité à signer les ordres d’insertion pour le compte de la société NEU. Celle-ci pouvait refuser des ordres d’insertion, pour des motifs tarifaires prévus au contrat.

Un contrat était conclu chaque année en vue de la publication du guide ' Le Petit futé'. S’il était prévu un calendrier de prospection, correction et remise des textes, il n’était pas précisé que la mission était ponctuelle, sur quelques mois. M. [N] bénéficiant d’un contrat chaque année poursuivait la prospection de la clientèle potentielle tout au long de l’année, le montant de ses prestations étant rémunéré par des commissions calculées sur le chiffre d’affaires réalisé. Il n’est pas contesté que M. [N] travaillait à son compte.

M. [N] fait à juste titre remarquer qu’outre sa mission de prospection de la clientèle, il devait s’assurer que chacune des deux parties exécute bien les termes stipulés sur les ordres d’insertion signés et d’une part s’assurer que la publicité de l’annonceur paraisse dans les supports de la société NEU, et d’autre part que l’annonceur règle le prix, ces activités se déroulant tout au long de l’année.

Si l’activité de M. [N] était moindre en dehors de la période d’édition du Petit Futé, la production de ses relevés mensuels de chiffre d’affaires pour les années 2014 et 2015 démontre qu’elle n’était pas inexistante. De plus, M. [N] a bénéficié sans interruption de missions entre les années 1997 et 2015. Les ventes des autres produits, insertions publicitaires sur le site internet, vente de guides, de plaques émaillées, ventes sur Petit Futé Mag participaient à la permanence de l’activité exercée et la société NEU a expressément intégré ces missions dans les protocoles.

Le caractère permanent de l’activité est donc rempli.

Il est produit aux débats par la société NEU le contrat de Madame [T] portant sur l’activité d’agent commercial, également annuel, avec des missions identiques à celles confiées à M. [N] ; y est ajoutée la mission de 'prendre tous contacts de nature à assurer la promotion, la notoriété et la bonne présentation du Petit Futé dans l’opinion et ses relais naturels (presse écrite ou parlée, organismes de tourisme…)».

M. [N] démontre par le biais des courriels échangés qu’il remplissait également cette mission qui a été ajoutée dans le contrat d’agent commercial de madame [T].

Il est également prévu un calendrier de prospection et un planning de l’édition du guide avec obligation pour le mandataire de le respecter avec la précision qu’il devait veiller à mettre en 'uvre les moyens commerciaux nécessaires pour y parvenir ce qui démontre l’autonomie dont bénéficiait M. [N] dans l’organisation de son activité.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [N] tendant à bénéficier du statut d’agent commercial. Il sera retenu que M.[N], au vu des éléments susvisés, est fondé à réclamer le bénéfice du statut d’agent commercial.

Sur la rupture de la relation d’agent commercial

M. [N] fait valoir que :

— Les agissements directs et indirects de la société Neu qui consistent en du démarchage et du détournement des clients de l’île de la Réunion, au non-paiement, au paiement après les délais légaux et à la diminution unilatérale du taux des commissions, ainsi que la non-livraison de produits vendus par M. [N] pour le compte de la société NEU, sont des violations des obligations contractuelles, et un manquement à l’obligation de loyauté prévue par l’article L.134-4 alinéa 2 du code de commerce.

— Conformément aux stipulations contractuelles et aux dispositions de l’article L.134-6 du code de commerce, il est en droit de percevoir une commission sur les clients IRT, Air Austral et Leu Bleu Austral.

— L’existence de l’exclusivité territoriale de M.[N] a été confirmée à plusieurs reprises par la société NEU.

— Si l’exclusivité de M. [N] n’était pas reconnue, la rupture des relations aux torts de la société N.E.U. résulterait à titre principal du non-versement des commissions.

La société NEU réplique que :

— La société NEU n’a jamais accordé une exclusivité sur le territoire de la Réunion à M. [N], en dépit des allégations.

— Le critère de la localisation du siège social est inventé par M. [N] qui interprète la clause « étendue de la régie publicitaire ».

En vertu de l’article L.134-12 du code de commerce, quand bien même M.[N] aurait obtenu judiciairement le statut d’agent commercial, il était déchu de son droit à réparation de tous les protocoles arrivés à leur terme avant le 12 novembre 2014.

— Les différents acteurs du tourisme réunionnais sont nombreux et ne se résument pas à trois clients.

— La situation du client Air Austral qui est une agence de voyage gérée par la Régie Nationale puis suivie par un autre agent, n’a jamais été dissimulée à M. [N].

— M. [N] n’apporte aucune preuve au soutien de ses allégations (« objectifs d’affaires excessifs », « diminution unilatérale du taux de commissions de M. [N], la non-livraison de produits vendus par M. [N] pour le compte de la société NEU).

L’article L134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties (alinéa 1), que les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information (alinéa 2), que l’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel, et que le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat (alinéa 3).

L’article L 134-12 du même code, dont les dispositions sont d’ordre public, indique qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L’article L134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l’article L.134-12 n’est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence.

Il est admis que la faute grave, privative d’indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

Contrairement à ce que soutient M. [N], l’exclusivité territoriale ne résulte pas du statut d’agent commercial, les parties pouvant prévoir des clauses contraires.

Le territoire sur lequel M.[N] a exercé son activité a été fixé dans le protocole signé entre les parties.

Les différents protocoles conclus, entre la société NEU et Monsieur [N] stipulent à l’article dénommé « Etendue de la régie publicitaire » :

« L’Editeur confie au Régisseur la régie partielle du guide du Petit Futé REUNION Edition 2015.

La zone de prospection du régisseur est sur le territoire de la REUNION.

Le Régisseur n’est pas habilité à signer pour cette édition des ordres d’insertion avec des annonceurs dont le siège est situé en dehors de la REUNION sauf accord préalable de l’Editeur.

Par ailleurs, des ordres de publicité, signés dans le cadre d’accords internationaux, nationaux ou extra-locaux, par une autre personne que le Régisseur pourront être insérés dans le guide par l’Editeur, sans que le Régisseur puisse prétendre à une quelconque rémunération sur ces ordres.

Enfin, la régie n’est confiée au Régisseur sur la zone de prospection définie plus haut que pour les seules éditions du Petit Futé faisant l’objet du présent protocole.»

Il résulte expressément de la clause « Etendue de la régie publicitaire» que M. [N] exerce son activité sur le territoire de l’île de la Réunion et la mention « la régie partielle » signifie qu’il ne bénéficie d’aucune exclusivité sur ce territoire. Cette absence d’exclusivité est confirmée par le fait que le Régisseur ne peut prétendre à une quelconque rémunération des ordres de publicité, signés dans le cadre d’accords internationaux, nationaux ou extra-locaux, par une autre personne.

A M.[N] qui demandait au mois de février 2013 à la responsable du développement du guide « Le Petit Futé » s’il pouvait démarcher le client « Air Austral », il lui était répondu « Pour Air austral, il s’agit bien de ta zone mais comme pour tous, il s’agit du pouvoir de décision ».

Concernant une demande non identifiable émanant de M. [N], en date du mois de mars 2014, le responsable régional local lui répondait : 'c’est ton territoire'.

Ces courriels sont insuffisants pour caractériser une exclusivité de M.[N] sur le territoire de la Réunion.

M.[N] verse un courrier adressé à la société NEU justifiant qu’il est en discussion pour une vente avec la société 'Air Austral'. Un contrat à été envoyé par M.[N] à la société Austral le 25/10/1999, sans justificatif de retour.

M.[N] allègue que les ventes se sont poursuivies avec la société Air Austral en 2000, 2001 et 2002 et que ce client aurait été repris par un autre agent commercial à compter de 2012.

M.[N] ne rapporte cependant pas la preuve que des ventes ont eu lieu entre 2002 et 2012, par son intermédiaire ni qu’il a revendiqué ce client durant cette période, alors que celui-ci relevait de la régie nationale.

L’historique des ventes produit par la société NEU démontre que ce client Air Austral est suivi depuis 2012 par un autre agent commercial.

La preuve n’est donc pas rapportée d’un détournement de ce client au détriment de M.[N].

M.[N] établit avoir signé un ordre d’insertion avec le client Ile Réunion Tourisme pour le compte de la société NEU en 1999. Des ordres d’insertion ont été de nouveau signés par l’intermédiaire de M.[N] pour ce client en 2000, 2005 et 2006.

L’historique des ventes communiqué par la société Neu démontre que ce client est également suivi depuis 2013 par un autre agent commercial.

En l’absence de justificatif de ventes depuis 2006, M.[N] ne rapporte pas la preuve d’un détournement de ce client par la société NEU.

Seules des ventes relatives au 'Petit Futé Mag et au guide de 'la plongée Mayotte’ont été réalisées avec la société NEU pour le client « Leu Bleu Austral » sans que M.[N] en soit l’auteur.

La société Neu indique, sans être démentie, que depuis 2013, ce client est suivi par M. [N], sans qu’un ordre d’insertion ait été signé.

M.[N] verse aux débats un seul courriel en date du 15 septembre 2011 de la société NEU démontrant l’existence d’un retard quant au versement des commissions aux agents commerciaux durant l’été 2015.

La société NEU reconnaît les retards suivants tels qu’ils ressortent des récapitulatifs de paiement des factures de Mr [N] :

— en 2015 : le paiement a été fait en moyenne sous 5 jours (sauf une fois, sous 13 jours) ;

— en 2014 : le paiement a été fait en moyenne sous 10 jours (sauf 2 fois à 30 jours, pour un

montant de 133 €)

— en 2013 : le paiement a été fait en moyenne sous 10 jours (sauf 2 fois à 30 jours, suite aux

congés d’été ou à des désaccords sur la facturation)

Ces retards ponctuels ne caractérisent pas une faute du mandant.

M.[N] justifie par la production de courriels d’une difficulté relative à l’emplacement de la publicité d’un client dans le guide 'Le Petit Futé’ en juillet 2012 ainsi que de retards en octobre 2013 quant à la mise en ligne des bannières de trois clients qu’il suivait.

Il n’est pas démontré que ces incidents demeurés isolés ont porté atteinte à la relation commerciale que M.[N] entretenait avec ces clients.

Lors de la signature du protocole de l’année 2011, les commissions sur les ventes, initialement de 50 % ont été diminuées à 40 % ;

Cependant, un protocole étant signé chaque année, M.[N] a accepté cette diminution des commissions, intervenue quatre ans avant l’assignation qu’il a fait délivrer le 12 novembre 2015.

M.[N] échoue à démontrer un exercice déloyal du contrat par le mandant rendant impossible la poursuite des relations et justifiant la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société NEU. Malgré la procédure judiciaire, la société NEU et M.[N] ont renouvelé durant trois ans la signature de nouveaux protocoles. La demande de M.[N] tenant à faire constater la rupture des relations aux torts exclusifs de chambre la société NEU sera rejetée.

Le jugement a été prononcé le 19 mars 2018 par le tribunal de commerce de Paris.

Par lettre recommandée en date du 6 octobre 2018 avec avis de réception, la société Neu informait M.[N] que « Ainsi, n’ayant jamais convenu d’un renouvellement tacite dans nos accords : le dernier protocole signé, datant du ler décembre 2017 (édition 2018), et arrivé à son terme, ne sera aucunement renouvelé’ »

La société Neu invoquait principalement la procédure judiciaire et les accusations dont elle a fait l’objet et l’attitude polémique de M.[N] envers les préposés de la société.

Il est versé aux débats les échanges de courriels suivants :

Mr [N] a adressé un courriel le16 janvier 2016, à une employée de la société NEU:

« Le seul responsable est l’entreprise à laquelle tu es subordonnée. Si mon propos peut te sembler « menaçant », ce n’est sûrement pas envers ta personne, mais envers l’entreprise Petit Futé. ('). D’ailleurs le terme 'menaçant’ me semble inapproprié pour désigner une decision de justice qui pourrait être à la défaveur du Petit Fûté. Une action légale n’est pas une 'menace’ mais une conséquence logique, et totalement légitime, des décisions internes au Petit Futé me portant préjudice. Je n’ai pas de meilleur choix que de récolter le maximum de faits et d’écrits démontrant les défaillances du Petit Futé me portant préjudice, afin de sauvegarder mes propres intérêts. Si cela entraîne des dommages collatéraux t’impliquant toi-même ou d’autres salariés du Petit Futé, j’en suis très sincèrement désolé mais la sauvegarde de mes intérêts prime largement sur ces considérations. Je ne suis pas à l’origine de ce litige et je vais continuer à me défendre, que cela plaise ou non, par tous les moyens que j’estimerai appropriés. »

Mr [N] a adressé le 16 juillet 2016 le courriel suivant à la directrice commerciale de la société NEU :

« Suite à l’augmentation du nombre de tâches à réaliser pour le remplissage des FP (Fiches Premium), J’ai décidé de ne plus les effectuer bénévolement. Je n’ai besoin d’aucun mail interne de votre part pour acter de ce changement. (') A vous de mettrre en 'uvre les moyens pour réaliser cette tâche qui incombe au Petit Futé. (') je le rappelle une fois de plus car cela semble t’échapper : mon contrat est très clair sur ce point.

Je rajoute qu’étant donné l’action légale en cours, il n’est plus du tout dans mon état d’esprit actuel de faire des cadeaux. (') »

Mr [N] adressait le 26 septembre 2018 le couriel suivant à l’agent commercial en charge du client Air Austral : «il est inutile de revenir vers moi en réitérant tes mensonges habituels. Air Austral n’a pas refusé mon offre sous prétexte que tu 'gères le partenariat avec eux'. C’est faux, c’est un mensonge. lls l’ont refusée car tu leur as proposé un contrat à 100 % en échanges marchandises, offre sur laquelle je ne pouvais pas m’aligner.

De plus je suis parfaitement habilité à vendre des prestations à Air Austral, comme l’indique mon contrat, mais aussi les affirmations du conseil de JPL dans ses Conclusions en Défense n° 4 de février 2018 qui indique que 'Aucune interdiction de vendre à ces clients au cours des 18 années écoulées ne lui a jamais été signifiée, bien au contraire !'

Si ni JPL, ni mon contrat ne m’interdisent de démarcher Air Austral, ce n’est alors certainement pas toi qui m’empêchera de le faire. Je te prie de cesser d’interférer dans ma prospection sur la zone géographique qui m’a été attribuée et me réserve le droit d’utiliser tous les moyens légaux pour mettre un terme à ce détournement de clientèle. »

Ces courriels démontrent les répercussions négatives provoquées par l’action judiciaire de M.[N] au sein de la société NEU.

M. [N] a initié une procédure judiciaire afin d’obtenir la résiliation du contrat aux torts de la société NEU, en vain. Au vu de l’issue de cette action judiciaire en première instance alors que la convention se poursuivait avec des répercussions sur les autres employés de la société NEU, celle-ci a pris l’initiative de ne pas renouveler le contrat. Il y a lieu de constater que la procédure judiciaire a porté atteinte au mandat d’intérêt commun et a entraîné, à l’initiative de M. [N] une perte de confiance entre les cocontractants. Cette attitude caractérise une faute grave de l’agent commercial justifiant que le contrat ne soit pas renouvelé et exclut tout droit à indemnisation pour ce dernier.

Les demandes d’indemnisation et de versement des commissions formées par M.[N] seront rejetées. La demande de commission fondée sur l’article L134.7 du code de commerce sera également rejetée. M.[N] ne justifie pas de ventes réalisées n’ayant pas donné lieu à commission, les modalités de rémunération étant prévues annuellement pour chaque protocole et pour sa durée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

M.[N] qui succombe sera condamné aux dépens d’appel et devra verser à la société NEU la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Déclare recevable la demande de M. [N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedidt, tendant à obtenir le bénéfice du statut d’agent commercial,

Infirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. [N] tendant à bénéficier du statut d’agent commercial.

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que M.[N] exerçant sous la dénomination commerciale Servedidt, est fondé à réclamer le bénéfice du statut d’agent commercial,

Rejette la demande de M.[N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedidt, en résiliation du contrat d’agent commercial aux torts exclusifs de la société Les Nouvelles Editions de l’Université,

Rejette la demande de M.[N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedidt, en paiement d’une indemnité de cessation des relations, d’une indemnité de préavis, de commissions, sur le fondement des dispositions relatives au statut de l’agent commercial,

Condamne M.[N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedidt, à verser à la société Les Nouvelles Editions de l’Université la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette tout autre demande,

Condamne M.[N], exerçant sous la dénomination commerciale Servedidt aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 5, 27 octobre 2022, n° 19/01229