Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 16 mars 2018, n° 15/06029

  • Photographie·
  • Droits d'auteur·
  • Magazine·
  • Propriété intellectuelle·
  • Exception de parodie·
  • Liberté d'expression·
  • Originalité·
  • Droit moral·
  • Liberté·
  • Contrefaçon

Chronologie de l’affaire

Commentaires11

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.uggc.com · 3 octobre 2023

Affaire Warhol – Goldsmith : une analyse en droit comparé En mai 2023, la Cour suprême des Etats-Unis a jugé qu'un portrait du chanteur Prince, issu d'une sérigraphie réalisée par Andy Warhol, constituait une atteinte aux droits d'auteur de la photographe Lynn Goldsmith, qui avait capturé le portrait de Prince ayant servi d'inspiration à l'œuvre seconde de Warhol. Quarante ans en arrière La source de ce litige remonte aux années 80, lorsque Goldsmith donna licence au magazine Vanity Fair pour utiliser l'un de ses portraits de Prince comme base pour une illustration par un autre artiste …

 

Blip · 23 juin 2023

La question de la réappropriation d'une œuvre existante est un sujet très fréquent dans la création. L'histoire de l'art est nourrie de ces reprises qui ont permis, notamment, de repenser la question de l'originalité et de la paternité d'une œuvre. Aujourd'hui, cette question est d'autant plus importante que l'essor des technologies numériques, avec celui de l'Intelligence Artificielle, permet de créer de nouvelles œuvres à partir d'une base créative existante. Fréquentes dans l'histoire de l'art, les réappropriations posent question au regard du droit. Dans certains cas, ces œuvres, …

 

www.flpavocats.com · 23 novembre 2022

Le droit d'auteur et la liberté d'expression Droit de la propriété intellectuelle Des exceptions légales au monopole de l'auteur Certaines exceptions légales au monopole d'exploitation des auteurs – ou de leurs ayants droit – d'œuvres protégées par le droit d'auteur découlent de la liberté d'expression. L'article L.122-5 prévoit ainsi que l'auteur ne peut interdire les analyses et courtes citations, la diffusion de discours prononcés dans des assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques, les parodies et caricatures ou la reproduction d'une œuvre d'art graphique, …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 16 mars 2018, n° 15/06029
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/06029
Sur renvoi de : Cour de cassation, 14 mai 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79A

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MARS 2018

R.G. N° 15/06029

AFFAIRE :

X Y

C/

C Z

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 3

N° Section : 1

N° RG : 10/02898

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Me Philippe CHATEAUNEUF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant après prorogation les 19 janvier 2018, 09 février 2018 et 09 mars 2018 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur X Y

[…]

[…]

[…]

Représenté par Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617, Me Pascal NARBONI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (1re chambre civile) du 15 mai 2015 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS (pôle 5 – chambre 1) le 18 septembre 2013

****************

Monsieur C Z

né le […] à […]

de nationalité Allemande

[…]

[…]

Représenté par Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 2015080, Me Jean-Marie GUILLOUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Novembre 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, conseiller, et Madame Nathalie LAUER, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement rendu le 31 janvier 2012 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

— déclaré M. X Y irrecevable en ses demandes sur le fondement du droit d’auteur,

— débouté M. C Z de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. X Y aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Jean-Marie Guilloux,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 septembre 2013 qui a :

— infirmé le dit jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. C Z de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau dans cette limite,

— déclaré M. X Y recevable en ces demandes sur le fondement du droit d’auteur,

— condamné M. C Z à lui payer la somme de 50'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes à ses droits patrimoniaux et à son droit moral d’auteur et ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal dus à compter du présent arrêt, dans les conditions fixées par l’article 1154 du code civil,

— condamné M. C Z aux dépens de première instance et d’appel, qui incluront les frais taxés de saisie contrefaçon du 22 janvier 2010 et qui pour les dépens d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à verser à M. X Y une somme de 10'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2015 qui a cassé ledit arrêt en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles,

Vu la déclaration de saisine de cette cour en date du 7 août 2015,

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 juin 2017 par M. C Z qui demande de :

Vu la directive (CE) 2004/48 du 29 avril 2004,

Vu les articles L 113-2, L 113-4, L 122-4 L 331-1-3, L 335.2 et L 335.3 L 335-6 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 1154 du code civil,

Vu l’article 32-1 du code de procédure civile,

Vu l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 18 septembre 2013,

Vu l’arrête de la Cour de cassation du 15 mai 2015,

Vu l’article 10 de la CEDH,

Vu l’article 699 du code de procédure civile,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

In limine litis :

— constater que malgré la sommation adressée le 8 juin 2016, C Z n’a jamais communiqué l’acte de signification complet du mémoire ampliatif devant la Cour de cassation,

— donner acte à X Y qu’il se réserve en conséquence tous droits, moyens et actions, y compris :

* de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme en dernier recours pour qu’il soit statué sur cette irrégularité de procédure ayant eu pour effet d’attenter au principe du contradictoire,

* de s’opposer, le cas échéant à l’exequatur de la décision à intervenir pour non respect du principe du contradictoire,

Puis :

— réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

Sur la qualité à agir et la titularité des droits patrimoniaux,

— constater qu’X Y est l’auteur des 'uvres revendiquées,

— dire et juger X Y recevable en ses demandes,

Sur l’originalité des oeuvres revendiquées,

— constater que les trois 'uvres de Monsieur Y sont caractérisées par la présentation, en oblique, d’un visage féminin très pâle, émergeant d’une abondante chevelure sombre, bouclée, faisant ressortir des touches de vives couleurs et que l’attention est attirée soit sur les lèvres maquillées du mannequin, soit sur son regard en coin, fixe, s’imposant quoique les yeux soient à peine entrouverts,

— dire et juger que ces choix, librement opérés, traduisent, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie, une démarche propre à son auteur qui porte l’empreinte de la personnalité de celui-ci,

— constater que la combinaison arbitraire et indissociable des choix d’X Y et leur agencement dans les 'uvres revendiquées, ne constitue la reprise d’aucune 'uvre existante et n’est dictée par aucune nécessité et imposée par aucun genre,

— dire et juger que les 'uvres revendiquées bénéficient de la protection du droit d’auteur,

Sur l’exception de parodie,

— dire et juger que l’exception de parodie ne peut être invoquée que si l’intention humoristique est établie, et que l’intention de critiquer la société, pour autant qu’elle soit établie, ne suffit pas à elle seule, à conférer un caractère parodique à une oeuvre seconde,

— constater qu’il n’existe aucune intention ou résultat humoristique ou burlesque, dans les 'uvre litigieuses,

— constater au surplus l’existence d’un risque de confusion généré par la reprise des 'uvres d’X Y, d’autant plus important que l’intimé et l’appelant exposent leurs 'uvres sur le même marché de l’art contemporain,

Partant,

— écarter l’exception de parodie,

Sur la dérogation au droit d’auteur tirée de la liberté d’expression,

— dire et juger que la simple revendication de l’appartenance à un mouvement artistique ne suffit pas à justifier l’utilisation d’une 'uvre protégée au titre du droit d’auteur,

— constater que C Z n’établit pas la nature du message qu’il aurait entendu faire passer au moyens des 'uvres litigieuses,

— constater que C Z ne démontre pas davantage en quoi il lui était absolument nécessaire de reprendre l’intégralité de l’oeuvre d’X Y pour faire passer son prétendu message,

— dire et juger que la démarche de C Z n’a pas été dictée par des considérations d’intérêt général mais personnelles et lui a simplement permis de faire l’économie d’un travail créatif,

— en conséquence, dire et juger que la reproduction et la représentation par C Z des 'uvres d’X Y, sans son autorisation, dans des 'uvres secondes, a porté atteinte aux droits patrimoniaux et au droit moral d’X Y,

En conséquence,

— condamner C Z au paiement de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’utilisation illicite des photographies revendiquées, avec intérêts de droit au jour de l’assignation et anatocisme,

— condamner C Z au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du droit moral d’X Y, avec intérêts de droit au jour de l’assignation et anatocisme,

— dire et juger qu’il n’y a pas lieu à restitution par X Y de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et à 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire et juger que ces sommes seront à imputer du montant des dommages et intérêts à verser par C Z,

— ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou magazines au choix d’X Y, ainsi que sur la page d’accueil du site internet de C Z « www.peterklasen.fr », pendant une durée de douze mois,

— ordonner la confiscation des 'uvres réalisées par C Z reproduisant sans autorisation les photographies originales de Monsieur X Y tirées de la série « GLAM & SHINE » aux fins de destruction sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par 'uvre seconde,

En tout état de cause,

— condamner C Z au paiement d’une somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au remboursement du coût de l’ensemble des actes d’huissier et notamment des procès-verbaux de constat et de saisie contrefaçon, exposés dans le cadre de la présente procédure,

— condamner C Z aux entiers dépens d’appel et de première instance, dont distraction au

profit de Maître Bertrand Rol, AARPI – JRF Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2017 par M. C Z qui demande de :

Vu la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001,

Vu la directive 2006/116/CE du 12 décembre 2006,

Vu la directive CE n°2004/48 du 29 avril 2008,

Vu l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés,

Vu l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne,

Vu la Convention de La Haye du 15 novembre 1965,

Vu l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958,

Vu la loi 2007-1549 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon,

Vu la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine,

Vu les articles L. 112-2 et L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 684, 686, 699, 700, 974, 977 et 978 du code de procédure civile,

A titre liminaire :

— constater que Monsieur C Z a accompli les diligences nécessaires à la signification du mémoire ampliatif et de l’arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2015, conformément aux règles applicables,

En conséquence,

— dire et juger que Monsieur C Z a respecté le principe du contradictoire devant la Cour de cassation,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 31 janvier 2012 en ce qu’il a :

* déclaré Monsieur X Y irrecevable en ses demandes sur le fondement de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle,

— jugé que Monsieur C Z est fondé à invoquer l’exception de parodie prévue par l’article L. 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

— condamner Monsieur X Y à restituer la somme de 50 000 euros payée par Monsieur C Z à titre de dommages et intérêts et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Si par extraordinaire, la cour d’appel infirmait le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré Monsieur X Y irrecevable en ses demandes sur le fondement du droit d’auteur,

— dire et juger que Monsieur C Z démontre que l’utilisation des photographies de mode de Monsieur X Y dans ses 'uvres procède d’une démarche purement artistique visant à susciter une réflexion d’ordre social,

— dire et juger que les photographies de mode de Monsieur X Y procèdent d’une démarche avant tout commerciale et que Monsieur X Y ne démontre pas qu’elles participent à un débat d’intérêt général,

— dire et juger que Monsieur C Z est bien fondé à invoquer le bénéfice de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

— dire et juger qu’au regard des circonstances de l’espèce et après avoir procédé à une balance in concreto des droits en présence, la restriction constituée par l’exercice du droit d’auteur de Monsieur X Y n’apparaît ni légitime ni proportionnée au sens de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

En conséquence,

— débouter Monsieur X Y de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner Monsieur X Y à restituer la somme de 50 000 euros payée par Monsieur C Z à titre de dommages et intérêts et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

— ramener le montant des condamnations sollicitées par Monsieur X Y à de plus justes proportions, et au plus à la somme de 6 730 euros pour l’atteinte prétendument portée à ses droits patrimoniaux d’auteur,

— débouter Monsieur X Y de ses demandes de confiscation et de publication judiciaire comme étant manifestement disproportionnées et injustifiées au regard des circonstances de l’espèce,

— condamner Monsieur X Y à payer à Monsieur C Z la somme de

20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Monsieur X Y aux entiers frais et dépens de la présente instance dont distraction au profit de Maître Philippe Chateauneuf, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M. X Y est l’auteur de trois photographies représentant le visage maquillé d’une jeune femme qui ont été publiées avec mention de son nom en décembre 2005, sous l’intitulé « glam and shine » dans la rubrique beauté d’une édition limitée du magazine italien « Flair ». Il a découvert que des reproductions de ces photographies avaient été intégrées, sans autorisation dans plusieurs 'uvres de M. C Z, artiste peintre, et a alors assigné celui-ci en contrefaçon de ses droits d’auteur par acte du 5 février 2010.

Par un jugement contradictoire du 31 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Paris l’a débouté

de ses demandes.

Par arrêt du 18 septembre 2013, la cour d’appel de Paris a infirmé ce jugement et a condamné M. C Z à lui payer la somme de 50'000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes à ses droits patrimoniaux et à son droit moral d’auteur en ordonnant la capitalisation des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt dans les conditions de l’article 1154 du code civil.

Par arrêt du 15 mai 2015, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions. Elle rappelle que, pour écarter le moyen tiré d’une atteinte à la liberté d’expression artistique de M. C Z et le condamner à réparer le préjudice résultant d’atteintes portées aux droits patrimoniaux et moral de M. X Y, la cour d’appel de Paris considère que les droits sur des 'uvres d’art arguées de contrefaçon ne sauraient, faute d’intérêt supérieur, l’emporter sur ceux des 'uvres dont celles-ci étaient dérivées, sauf à méconnaître le droit à la protection des droits d’autrui en matière de création artistique. La Cour de cassation retient qu’en se déterminant ainsi, sans expliquer de façon concrète en quoi la recherche d’un juste équilibre entre les droits en présence commandait la condamnation qu’elle prononçait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Versailles.

M. X Y a saisi la cour de renvoi.

SUR CE, LA COUR

Sur le non-respect du principe de la contradiction

Considérant que M. X Y fait valoir que les formalités de signification du mémoire ampliatif devant la Cour de cassation n’ont pas été respectées en dépit de ses demandes répétées ; qu’il n’a donc jamais été en mesure de contester les arguments du demandeur au pourvoi ; qu’il souligne que le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour ordonner la communication des pièces demandées au motif qu’il n’a pas la possibilité d’apprécier la régularité d’une procédure de cassation ; qu’il demande donc à la cour de constater que malgré sa sommation de communiquer du 8 juin 2016, M. C Z n’a jamais communiqué l’acte de signification complet du mémoire ampliatif devant la Cour de cassation et de lui donner acte qu’il se réserve en conséquence tous droits, moyens et actions, y compris de saisir la cour européenne des droits de l’homme en dernier recours et de s’opposer, le cas échéant à l’exequatur de la décision à intervenir pour non-respect du principe du contradictoire ;

Considérant que M. C Z réplique que les formalités de signification du mémoire ampliatif ont parfaitement été respectées ; que l’huissier mandaté, le 27 mars 2014, a dûment envoyé les documents nécessaires au dernier domicile déclaré de M. X Y correspondant à l’adresse indiquée par l’appelant dans ses dernières conclusions devant la cour d’appel de Paris ; que lorsque l’autorité compétente au sens de l’article 684 alinéa 1 du code de procédure civile s’est présentée, le 7 avril 2014, au domicile de M. X Y, elle n’y a toutefois pas trouvé ce dernier et a donc établi un procès-verbal de carence ; que, le même jour, l’huissier a envoyé la lettre recommandée réglementaire qui a été retournée par l’autorité étrangère compétente avec la mention « retour à l’envoyeur » ; que l’arrêt rendu par la Cour de cassation a alors été signifié le 7 juillet 2015 à M. X Y suivant la même procédure ;

Considérant ceci exposé que, dans l’ordonnance du 3 novembre 2016, le conseiller de la mise en état a rappelé que la cour de renvoi n’avait pas à apprécier le bien-fondé d’une éventuelle demande de rabat de l’arrêt de la Cour de cassation en exécution duquel l’affaire était portée devant elle ; qu’il y a lieu d’ajouter que les demandes de « donner acte » ne constituent pas des prétentions au sens de

l’article 4 du code de procédure civile ; qu’il ne sera donc pas statué sur celles-ci ;

Sur la protection au titre du droit d’auteur

Considérant que M. X Y relève que, devant la Cour de cassation, les trois premières branches du moyen qui remettaient en cause le caractère original des 'uvres revendiquées ont été rejetées ; que les 'uvres photographiques sont considérées par l’article L 112-2 du code de la propriété littéraire et artistique comme des 'uvres de l’esprit au sens du présent code et de la directive européenne relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins dès lors qu’elles sont originales ; qu’il résulte de la doctrine et de la jurisprudence que, s’inspirer d’un genre ou utiliser des éléments connus n’exclut pas l’originalité ; que l’originalité est « le reflet de la personnalité de l’auteur'» ; que pour l’apprécier, il convient de se garder de toute considération nécessairement subjective et aléatoire sur le mérite ; que l’empreinte de la personnalité d’un photographe transparaît dans la combinaison de ses choix esthétiques arbitraires personnels, pris dans leur ensemble, pour créer l’impression visuelle souhaitée ; qu’en l’espèce, le tribunal s’est livré à une décomposition artificielle en ne retenant que certains éléments des créations revendiquées, pris isolément, sans s’interroger sur le fait de savoir si leur combinaison et l’agencement particulier des choix esthétiques librement opérés reflétaient ou non sa personnalité créative ; que le « glamour » constitue un univers et non un genre créatif ; que la cour constatera au contraire que ses choix esthétiques traduisent en effet un réel parti pris esthétique propre et empreint de sa personnalité créative ; que l’agencement de ces choix arbitraires produit une impression visuelle particulière pour donner une physionomie propre à sa manière de traiter son sujet ; que le choix d’un modèle, plutôt que d’un autre, constitue déjà en soi, un choix esthétique arbitraire ; que les choix de composition sont tout aussi arbitraires ; qu’ils ne sont dictés par aucune nécessité ou contrainte ; que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la circonstance qu’il s’agissait d’illustrer les avantages des produits de maquillage ne saurait signifier que les choix étaient imposés par les produits illustrés ; qu’il a composé trois images obliques, dont la lecture se fait de bas en haut, de la gauche vers la droite, le long d’une diagonale ; que pour le visuel n°1, la bouche aux lèvres closes constitue l’élément essentiel de la photographie ; que pour le visuel n°2 le regard clair du modèle constitue l’élément essentiel qui attire l''il du public vers le haut de la photographie ; que pour le visuel n°3 les lèvres sont l’élément essentiel ; qu’elles sont ainsi soulignées par les doigts, le menton, le sommet de l’arcade sourcilière droite et les cheveux du modèle ; que ces choix arbitraires sont ainsi empreints de la personnalité créative de l’auteur et originaux ; qu’il en est de même du choix du cadrage, serré, coupé plus ou moins bas avec un focus cadré serré ; qu’il en est de même des choix de pose qui ne relèvent en rien du fonds commun de la photographie de mode contrairement à ce qu’a considéré le tribunal ; que ces choix sont en réalité différents dans chacun des trois visuels revendiqués ; que seul le visuel n°2 offre la combinaison d’un regard qu’on pourrait qualifier de « suggestif » et des « lèvres pulpeuses et entrouvertes » ; qu’en revanche, dans les visuels numéros 1 et 3, les lèvres sont closes et non entrouvertes'; que les yeux y sont clos, la tête inclinée sur la droite, les boucles de la chevelure étalées comme un oreiller douillet sous la tête ; que l’impression procurée est donc très différente de l’impression visuelle des deux autres photographies ; qu’ainsi le visuel n°1 dégage une impression visuelle de sommeil parfaitement serein tandis que le visuel n°3 dégage une impression visuelle de sommeil agréablement agité de rêves que le public peut aisément imaginer sensuels, du fait de la position suggestive des « lèvres pulpeuses entrouvertes » ; que le choix de l’angle de prise de vue est éminemment arbitraire alors qu’aucune considération technique ne l’imposait ; que, combiné au choix de pose, il permet de donner à des images verticales, une impression visuelle d’horizontalité ; que le tribunal a affirmé gratuitement que le choix du clair-obscur était fréquent dans les clichés qui appartiennent au genre « glamour » ; qu’il existe au contraire une infinité de types de clair-obscur ; que l’éclairage retenu constitue ici un parti pris esthétique arbitraire qui, combiné avec les autres choix, confère une physionomie propre aux créations revendiquées ; que si le tribunal a cru pouvoir relever qu’il s’agissait de mettre en valeur l’artifice des produits de maquillage dont le magazine faisait la publicité, aucun élément n’imposait le choix des couleurs ; qu’il s’agit d’un postulat gratuit ne reposant sur aucun élément de preuve ; qu’ainsi les mêmes produits de maquillage auraient pu être photographiés en noir et blanc ou dans des couleurs beaucoup plus douces comme le montrent de

nombreuses campagnes de publicité pour des produits de maquillage ; qu’au contraire, le choix de couleurs vives et saturées fait partie de son propre univers artistique et constitue ainsi un choix esthétique ; qu’il est d’autant plus personnel qu’il résulte d’un important travail informatique sur les clichés ; qu’il a ainsi pris le parti délibérément de modifier la réalité en retravaillant les contrastes, les couleurs, les brillances ; qu’ainsi, ce travail accentue à l’extrême les couleurs qui ne résultent donc évidemment pas de l’usage des produits de maquillage ; qu’ainsi, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, l’effet artistique recherché résulte de la seule palette de l’artiste ; que le fait que les créations revendiquées seraient des 'uvres de commande n’enlève rien au travail de création du photographe qui est seul à réaliser l’acte matériel de prise de vue de telle sorte que sa contribution est parfaitement identifiable ; que la combinaison et l’agencement des différents choix permettent de distinguer les 'uvres revendiquées des autres 'uvres qui appartiennent à l’univers de la photographie « glamour »'; qu’ils sont autant d’apport personnel incontestablement originaux ; que, contrairement à ce qu’a soutenu M. C Z en première instance, suivi en cela par le tribunal, les photographies revendiquées n’ont aucun objet publicitaire ; qu’en effet, aucun annonceur n’a commandité ces visuels qui ne vantent aucun produit, service ou marque spécifique ; qu’il s’agit au contraire de photographies à caractère éditorial, publiées à l’initiative du magazine et destinées à informer ses lecteurs ; qu’en tout état de cause, quand bien même les clichés revendiqués présenteraient un caractère publicitaire, ils n’en demeureraient pas moins protégeables ; que les recherches iconographiques de M. C Z afin de tenter de contester l’originalité de ces 'uvres ne sont en rien comparables ; qu’aucune des photographies versées par la partie adverse ne reprend la combinaison de l’ensemble des éléments qu’il a adoptés lui-même arbitrairement ; qu’en outre ses recherches iconographiques sont dépourvues de dates certaines, sinon postérieures aux 'uvres revendiquées, ce qui les prive de toute pertinence ;

Considérant que M. C Z s’approprie les motifs retenus par le tribunal ; qu’il réplique ainsi que les photographies revendiquées ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur ; qu’en effet, l’auteur ne rapporte pas la preuve de leur originalité ; que M. X Y revendique un droit de propriété non seulement sur le genre « glamour » mais également sur un savoir-faire publicitaire éculé, s’agissant d’une photographie de promotion de maquillage féminin pour les yeux, les lèvres et les ongles ; que la recherche iconographique qu’il produit aux débats est ainsi édifiante ; qu’à l’évidence, M. X Y cherche à s’approprier un droit de propriété sur la méthode de la diagonale des photographies qui relève du principe élémentaire de la prise de vue photographique ; que M. X Y a réalisé sur commande une prestation technique à vocation publicitaire ; que la cour ne se laissera pas abuser par la man’uvre de M. X Y qui tente de s’approprier la propriété du personnage photographié alors que seule l’originalité des photographies qu’il a réalisées pourrait lui permettre d’obtenir le bénéfice de la protection par le droit d’auteur ; qu’il a au contraire réalisé un travail de commande avec une marge de man’uvre inexistante ; qu’en effet le magazine dans lequel les visuels revendiqués ont été publiés revendiquent en effet « un extraordinaire impact visuel et un fort contenu journalistique » ; que la série rédactionnelle pour laquelle M. X Y a été sollicité s’insère dans la rubrique « beauté » du magazine ; qu’elle a pour thème imposé la tendance des maquillages « glamour et éclat » ; que le caractère éditorial des visuels revendiqués, relève par définition des choix propres du magazine afin d’assurer la cohésion globale de la publication et de préserver son identité visuelle ; que d’ailleurs, M. X Y reconnaît lui-même le caractère promotionnel des visuels ; ; qu’il a dû ainsi travailler en équipe avec d’autres prestataires selon un cahier des charges imposé par le magazine commanditaire ; que le choix du modèle photographié appartenait in fine au magazine ; que les choix de composition, et en particulier l’utilisation des diagonales, relèvent des techniques usuelles de la prise de vue photographique ; que les éléments de composition sont en réalité substituables à d’autres photographies beauté relevant du même genre « glamour » comme le montrent les recherches iconographiques qu’il produit aux débats ; qu’il en est de même du choix du cadrage que M. X Y tente de s’approprier alors qu’il relève au contraire d’un genre photographique comme l’a relevé le jugement déféré ; qu’il en est de même des choix de pose du mannequin qui relèvent d’un genre éculé comme l’ont expressément rappelé les premiers juges du fond ; qu’il en va encore ainsi du choix de l’angle de prise de vue et du choix de l’éclairage, le clair-obscur étant fréquent dans les clichés qui appartiennent au genre « glamour », lequel est

exploité dans tous les magazines de mode ; qu’il s’agit en outre de mettre en valeur l’artifice des produits de maquillage dont le magazine fait la publicité, ce qui impose donc le choix des couleurs ; qu’en définitive, M. X Y revendique la protection d’un genre ;

Considérant ceci exposé, qu’il appartient à celui qui revendique la protection du droit d’auteur de caractériser l’originalité de sa création ;

Considérant en premier lieu que la commande du magazine dans lequel les visuels revendiqués ont été publiés n’est pas en soi de nature à exclure l’originalité dès lors qu’elle est susceptible d’être effectivement mise en 'uvre d’une manière démontrant l’empreinte de la personnalité ; qu’en bref, la commande n’exclut pas l’interprétation personnelle et créative de l’auteur ;

Considérant ensuite que le traitement photographique de produits de maquillage n’exclut pas non plus en soi l’originalité ; qu’en effet, aucune loi du genre n’impose un traitement photographique donné ; que, par suite, le traitement particulier que lui donne l’auteur peut parfaitement être empreint de sa personnalité';

Considérant enfin que les techniques photographiques usuelles peuvent tout aussi bien être mises en 'uvre d’une manière toute personnelle à l’auteur ; qu’il en est de même du genre « glamour » ; qu’en bref, l’appartenance des visuels revendiqués à ce genre n’est pas davantage en soi de nature à exclure l’originalité ;

Considérant par conséquent qu’il appartient à M. X Y de démontrer en quoi la combinaison des différents éléments choisis démontre que les visuels revendiqués sont empreints de sa personnalité ; qu’il s’agit donc d’apprécier, non pas chacun des éléments isolément, mais l’impression d’ensemble produite par leur agencement pour déterminer si ces photographies présentent une physionomie propre qui les distingue des autres photographies du même genre ;

Considérant que l’impression visuelle procurée par chacune des photographies permet de porter le focus sur un point particulier du visage, yeux, lèvres ou ongles suivant l’angle de prise de vue choisi et le choix de l’éclairage ; que, pour le visuel n°1, le focus est porté à la fois sur les yeux clos, la bouche légèrement entrouverte grâce à un cadrage très serré du visage qui ne laisse qu’entrevoir la chevelure dans la nuque du mannequin et le positionnement oblique du visage et les ongles, quatre doigts posés sur le maxillaire ; que cette position des doigts, telle une caresse, permet à la fois de mettre en valeur les ongles et les lèvres ainsi que leur maquillage ; que, pour le visuel n°2, le focus sur les yeux, les lèvres et les ongles est au contraire obtenu par un cadrage plus large sur la chevelure qui constitue ainsi un écrin pour tout le visage'; que, pour le visuel n°3 le cadrage plus large et horizontal sur la chevelure donne une impression de cascade qui répond à la diagonale du visage et permet ainsi de concentrer l’attention sur les lèvres du mannequin ; que l’attention est également secondairement portée sur les yeux clos enrichis d’un jeu de lumière qui donne à la paupière un aspect brillant ; que, pour les trois visuels revendiqués, l’éclairage porté sur le visage, très pâle, permet à celui-ci de constituer la toile de fond qui met en valeur le maquillage des yeux, des lèvres et des ongles ; que le focus sur les points particuliers du visage est également renforcé par la saturation des couleurs ; qu’ainsi un effet d’émergence des points particuliers du visage ressort de chacun des trois clichés ;

Considérant en définitive que les choix personnels ainsi opérés traduisent, au-delà du savoir-faire d’un professionnel de la photographie, un réel parti pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur ; qu’ainsi la circonstance qu’ils permettent de valoriser, comme le souhaitait le magazine Flair dans lequel les clichés ont été publiés, les produits de maquillage illustrés, n’est pas de nature à les priver de cette originalité ;

Considérant par ailleurs que les recherches iconographiques de M. C Z ne sont pas de nature à démontrer que les photographies revendiquées appartiennent à un genre éculé ; qu’il en ressort au

contraire une grande diversité des effets visuels possibles laissant toute leur place à la créativité de chacun et en particulier à celle de M. X Y telle que ci-dessus démontrée ; qu’ainsi, les 'uvres revendiquées, originales pour être empreintes de la personnalité de leur auteur'; sont protégeables au titre du droit d’auteur ; que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l’exception de parodie

Considérant que M. C Z s’appuie sur les motifs du jugement déféré qui a retenu qu’il était légitime à invoquer l’exception de parodie prévue à l’article L 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle ; qu’il souligne que sa démarche artistique vise à dénoncer les excès de la société de consommation et de la « sous-culture publicitaire » au travers de l’image de la femme dans les médias, première cible de la publicité ; qu’il fait valoir qu’aucune confusion n’est envisageable entre les photographies de M. X Y reproduites dans un magazine publicitaire à la destinée par nature furtive et ses propres 'uvres qui s’inscrivent dans une démarche artistique de plus de 50 ans ; qu’il ne s’agit donc pas de « subtilités intellectuelles » qu’il aurait alléguées après coup comme tente de le faire croire M. X Y ;

Considérant que M. X Y lui oppose que l’exception de parodie prévue à l’article L 122-5-4° du code de la propriété intellectuelle suppose un élément moral et un élément matériel ; que l’élément matériel consiste en une imitation volontairement grossie du style d’un auteur ; que l’élément moral est représenté par la volonté de faire rire ; qu’ainsi l’auteur doit poursuivre une intention humoristique ; qu’en l’espèce l’élément matériel est absent puisque les 'uvres revendiquées sont reprises telles quelles ; qu’en effet, elles sont simplement colorisées et parfois recadrées ; que l’élément intentionnel fait également défaut dès lors que M. C Z se garde bien de caractériser, pour chacune des 'uvres litigieuses, les éléments qui seraient selon lui, constitutif de la parodie ; qu’au contraire, il se retranche derrière des généralités ; que la simple revendication d’une appartenance au mouvement de la figuration narrative ou la revendication du « manifeste 1970 » ne saurait justifier en soi, le droit de reproduire en 2017 les trois 'uvres revendiquées dans une trentaine d''uvres litigieuses ; que le simple fait d’associer les photographies revendiquées à d’autres images de l’univers créatif de l’intimé ne suffit pas non plus à démontrer l’existence d’un trait humoristique ou d’une critique ironique ; que le simple détournement, même pour modifier substantiellement les photographies revendiquées, ce qui n’est nullement le cas ici, ne peut constituer en soi une parodie au sens du code de la propriété intellectuelle ; que la parodie doit en outre pouvoir être perçue sans difficulté ; que tel n’est pas le cas des photographies litigieuses qui ne sont pas connues du grand public et ne peuvent ainsi susciter aucune réminiscence dans l’esprit des spectateurs ;

Considérant ceci exposé que l’exception de parodie concerne l''uvre en elle-même ; qu’elle ne saurait être caractérisée par la seule reprise de celle-ci dans une 'uvre même à visée de critique sociale ; que si tel est le message de l''uvre de M. C Z, force est de constater qu’en elle-même, les photographies de M. X Y ne sont pas parodiées ; qu’en effet, les seuls ajouts qui y sont portés ne privent pas de leur impact attirant voulu par leur auteur les photographies revendiquées qui sont simplement confrontées à d’autres représentations décalées permettant de s’interroger sur la pertinence de l’attraction induite par l''uvre première ; qu’ainsi les 'uvres de M. C Z, quand bien même s’inscrivent elles dans une démarche d’appropriation de l''uvre d’autrui, ne permettent pas d’identifier une parodie ou une dérision des 'uvres premières au sens de l’article L 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle ; que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point';

Sur la dérogation au droit d’auteur fondée sur la liberté d’expression

Considérant que M. C Z invoque la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et son protocole additionnel et l’arrêt de la Cour de cassation’qui incitent à rechercher un juste équilibre entre le respect du droit d’auteur et la préservation de la liberté d’expression artistique'; qu’il souligne que dans l’arrêt Asby Donald contre France du 10 janvier 2013, la démarche de publication des photographies de mode sur un site internet était avant tout commerciale'; que

toutefois, la marge d’appréciation conduisant à faire prévaloir le droit au respect des biens des créateurs de mode est au contraire réduite si l’information en cause participe d’un débat d’intérêt général'; que le caractère exclusivement commercial ou non d’un procédé s’apprécie au niveau du contenu du message véhiculé'; qu’ainsi, la commercialisation de certaines 'uvres ne peut suffire à conférer à une démarche artistique un objectif« exclusivement commercial »'; qu’au contraire les clichés utilisés n’ont constitué qu’un outil pour véhiculer un message de critique sociale afin de stimuler dans l’esprit du public une réflexion d’ordre social'; que leur utilisation n’avait donc pas un but strictement esthétique ou lucratif'; qu’empêcher une telle utilisation afin de protéger les seuls intérêts financiers de M. Y sur des clichés de mode à vocation publicitaire et nécessairement furtive constitue une atteinte manifestement disproportionnée à sa liberté d’expression artistique et conduirait à remettre en cause l’acte même de créer'; qu’une condamnation constituerait donc une atteinte intolérable dans toute société démocratique à la liberté d’expression artistique';

Considérant que M. X Y réplique que l’arrêt de la Cour de cassation a suscité de nombreuses critiques'; qu’il ajoute une dérogation contestable au droit d’auteur non prévue par les textes alors que ceux-ci tiennent déjà compte de la liberté d’expression'; que la jurisprudence antérieure écartait purement et simplement ce moyen de défense'; qu’un arrêt de la cour d’appel de Paris souligne que l’arrêt de la Cour de cassation du 15 mai 2015 ne fait pas prévaloir l’article de 10 de la CEDH mais impose au juge d’expliquer de façon concrète en quoi la recherche d’un juste équilibre entre les droits en présence commande la condamnation prononcée'; qu’ainsi la cour d’appel de Paris consacre le caractère fermé de la liste des exceptions au droit d’auteur'; qu’en l’espèce, une interprétation large de l’arrêt de la Cour de cassation introduirait la possibilité de paralyser purement et simplement le droit d’auteur'; qu’elle serait source d’une confusion qui fragiliserait considérablement le droit d’auteur'; qu’elle viderait de sa substance l’article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle contenant une liste fermée des exceptions'; que la notion de « juste équilibre » doit être appréciée au sens le plus strict sauf à engendrer une insécurité juridique'; qu’en outre se pose la question de la méthodologie à adopter pour l’appréciation in concreto, la Cour de cassation n’ayant donné aucune directive'; qu’il ne peut s’agir de peser au cas par cas l’importance respective d’une part de l''uvre litigieuse pour apprécier la liberté créatrice du tiers, et d’autre part l’oeuvre revendiquée pour apprécier l’atteinte au droit exclusif et au droit moral de son auteur sauf à ériger le juge en critique d’art'; qu’il y a un risque d’ouvrir une brèche en incitant tous les pseudos artistes à emprunter à des 'uvres préexistantes sous prétexte de s’exprimer'; que la balance des intérêts selon la cour européenne signifie que l’ingérence est possible si elle prévue par la loi dans un but légitime, nécessaire dans une société démocratique et si elle est proportionnée'; que dans l’arrêt Ashby, le recours a été rejeté, la démarche étant avant tout commerciale puisque les photographes avaient organisé un accès payant aux photographies litigieuses'; que le tribunal de grande instance de Paris, dans une affaire Jeff Koons,'a estimé que l’auteur devait poursuivre un but légitime et proportionné au but poursuivi'; que la revendication d’appartenance à un mouvement artistique ne suffit pas à justifier l’utilisation de l''uvre initiale'; que la connaissance de l''uvre appropriée doit être déterminante pour provoquer la réflexion du spectateur'; que le tribunal a estimé que Jeff Koons aurait dû expliquer en quoi il lui était absolument nécessaire de reprendre l’intégralité de l''uvre pour faire passer son message, ce d’autant plus que l''uvre initiale n’était pas connue du grand public'; Qu’il souligne en l’espèce que la loi française protège expressément le droit d’auteur alors que la démarche de M. Z ne répond à aucun besoin social impérieux et s’inscrit dans une logique purement mercantile'; que le processus même de production en série traduit l’aspect mercantile de la démarche'; que pour invoquer l’article 10 – 2 de la convention européenne des droits de l’homme, il est nécessaire de prouver que la reproduction de l''uvre de M. Y est indispensable à l’expression du message de M. Z, lequel doit être particulièrement important et contribuer à un débat d’intérêt général'; qu’or, les chroniques produites par la partie adverse concernent l''uvre de M. Z dans son ensemble et non les 'uvres litigieuses'; qu’au demeurant, M. Z admet lui-même que les clichés litigieux étaient parfaitement substituables'; que M. Z a simplement recherché la facilité en utilisant de façon proéminente l''uvre d’un tiers dans des proportions qui représentent parfois plus de la moitié de la surface des 'uvres litigieuses'; qu’en effet, la masse contrefaisante reconnue s’élève à une trentaine d''uvres'; qu’or la liberté de créer s’analyse comme celle de créer sa propre 'uvre et non de s’emparer de l''uvre

d’autrui'; qu’en outre, M. Z se méprend sur la nature de la balance préconisée par la Cour de cassation'; qu’il ne s’agit nullement d’opposer la liberté d’expression de l’un à celle de l’autre'; qu’il importe donc peu de savoir si sa propre démarche est ou non commerciale et s’il participe lui-même ou non à un débat d’intérêt général'; qu’enfin, M. C Z doit en outre prouver qu’il était excessivement difficile d’obtenir une autorisation';

Considérant ceci exposé que l’article 10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dispose que toute personne a droit à la liberté d’expression ;

Considérant toutefois que le paragraphe 2 de cet article 10 dispose que l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale, ou à la sûreté politique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ;

Considérant que l’article 1er du protocole additionnel à cette convention dispose que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ;

Considérant que l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une 'uvre de l’esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ;

Considérant que l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite';

Considérant que la liberté d’expression et le droit d’auteur sont l’un et l’autre des droits fondamentaux protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme'; que dans son arrêt Ashby Donald contre France du 10 janvier 2013, en dépit de la portée restrictive que tente de lui donner M. C Z, la cour européenne des droits de l’homme a ainsi reconnu aux Etats membres une marge d’appréciation importante pour mettre en balance des intérêts garantis tous deux au titre de la convention européenne'; que les dispositions nationales de protection du droit d’auteur n’ont pas été censurées par la cour européenne des droits de l’homme';

Considérant qu’elles poursuivent un but légitime puisque le protocole additionnel prévoit que toute personne a droit au respect de ses biens’alors que le droit d’auteur constitue une composante du droit de propriété'; que, dans ces conditions, l’interdiction de représenter ou reproduire une 'uvre sans le consentement de l’auteur est proportionnée au but poursuivi';

Considérant donc que M. X Y est fondé à se prévaloir des dispositions protectrices de son droit prévues à l’article L122-4 du code de la propriété intellectuelle à l’encontre de M. C Z qui ne conteste pas avoir intégré des 'uvres entières de M. C Z aux siennes';

Considérant que M. C Z lui oppose sa liberté d’expression qui selon lui doit prévaloir sur les intérêts strictement mercantiles du photographe';

Considérant d’une part que le code de la propriété intellectuelle ne protège pas que les droits patrimoniaux de l’auteur'; qu’il protège aussi le droit moral de l’auteur'; que l’atteinte à ce dernier résultant de l’exploitation de l''uvre d’autrui sans l’autorisation de son auteur ne saurait être contestée';

Considérant d’autre part qu’il n’appartient pas au juge de s’ériger en arbitre d’un droit qui mériterait plus protection qu’un autre';

Considérant au contraire qu’il appartient à M. C Z, qui invoque sa liberté d’expression, d’établir en quoi un juste équilibre entre la protection de celle-ci et celle due au droit du photographe imposait qu’il utilisât les 'uvres de ce dernier au surcroît sans son autorisation';

Considérant que tel n’est pas le cas en l’espèce puisque de l’aveu même de M. C Z, les 'uvres de M. C Z étaient parfaitement substituables, qu’il aurait pu tout aussi bien utiliser d’autres photographies publicitaires du même genre'; qu’il en découle que l’utilisation des 'uvres de M. X Y, au surcroît sans son autorisation, n’était pas nécessaire à l’exercice de la liberté que M. C Z revendique'; que solliciter l’autorisation préalable de l’auteur ne saurait donc constituer une atteinte à son droit de créer';

Considérant en outre que M. C Z qui se revendique d’un courant «'appropriationniste'» se réfère encore à un auteur souligant que « l’on imagine mal Andy Warhol demander l’autorisation aux titulaires de la marque Campbell de reproduire les fameuses boites de Campbell soup (…) et plus généralement (et plus classiquement), aurait-il fallu exiger de Pablo Picasso – ainsi que de la quinzaine d’artistes qui ont ensuite repris cette 'uvre – de solliciter les héritiers d’E F pour peindre sa version du «'Déjeûner sur l’Herbe'» (peinture dont la composition d’ailleurs était dérivée d’une gravure de Marcantonio Raimondi, réalisée elle-même à partir d’un dessin de A)'''»';

Mais considérant que cette analogie n’est pas de mise en l’espèce'; que d’une part, la «'Campbell soup'» était un produit de consommation courante dont rien ne permettait de penser que le graphisme original était de Andy Warhol'; que d’autre part, dans l''uvre de Picasso, l''uvre première était parfaitement identifiable de sorte que «'l’appropriation'» de celle-ci ne faisait aucun doute'; que tel n’est pas le cas des photographies de M. X Y dont la notoriété ne permet pas de les identifier en tant que telles dans l''uvre seconde de M. C Z';

Considérant en définitive qu’il résulte des faits de l’espèce que la recherche d’un juste équilibre entre la liberté d’expression de M. C Z, y compris dans sa dimension de réflexion d’ordre social, qui ne justifie pas que l’utilisation sans autorisation des photographies de M. X Y était nécessaire à son exercice, et le droit d’auteur de M. X Y justifie qu’il soit condamné à lui payer des dommages et intérêts en réparation des contrefaçons commises';

Sur la contrefaçon et les mesures réparatrices

Considérant qu’à l’appui de ses demandes indemnitaires, M. X Y fait valoir que M. C Z reconnaît avoir découpé les photographies revendiquées et les avoir intégrées à ses 'uvres secondes ; que ses propres 'uvres ont donc été reproduites de manière systématique et servile et constituent le fil conducteur du travail litigieux ; qu’elles sont en effet le seul élément récurrent utilisé systématiquement dans toutes les 'uvres litigieuses ; qu’ainsi, M. C Z a porté atteinte à son droit moral, en particulier à son nom et en dénaturant son 'uvre puisqu’il a recadré et retouché les photographies en modifiant notamment la couleur des visages ; qu’il a également porté atteinte à ses droits patrimoniaux en ce que la masse contrefaisante reconnue s’élève à une trentaine d''uvres, reproduites dans au moins quatre publications, et exposées à plusieurs reprises lors de grandes expositions dont les dernières se sont tenues au tri postal de Lille en 2009 et au LAAC de Dunkerque, ce qui constitue une atteinte au droit de représentation des 'uvres revendiquées ; que, de l’aveu même de M. C Z, la valeur des 'uvres litigieuses est comprise entre 18'000 et 14 000 euros, soit un prix moyen de 16'000 euros, donc une valeur totale de 480'000 euros pour la totalité de la masse contrefaisante ; qu’il convient d’ajouter la valeur des ouvrages imprimés et des sommes perçues au titre des droits d’entrée dans les expositions ; qu’il en résulte une valeur globale de plus de 500'000 euros pour l’ensemble de la masse contrefaisante dont il est rappelé que les 'uvres revendiquées constituent l’élément essentiel et prépondérant ; que s’ajoute également le préjudice occasionné par la contrefaçon par reproduction photographique dans au moins sept sites internet ; que l’appropriation de ses 'uvres pour les dénaturer et les parasiter à des fins purement lucratives constitue un préjudice moral distinct de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur ; qu’en réplique, il fait

valoir que son indemnisation ne saurait être limitée au montant des revenus et redevances qui lui auraient été dues si M. C Z lui avait demandé son autorisation, ce qui serait parfaitement contraire à l’objectif de la directive européenne 2004/48 du 29 avril 2004 qui se veut dissuasive et qui impose de ne plus s’en tenir à la seule réparation intégrale tirée de la responsabilité civile ; qu’il sollicite en conséquence la condamnation de M. C Z à lui payer la somme de 500'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait des actes de reproduction et de contrefaçon, montant qui n’a rien d’excessif en ce qu’il correspond à la valeur des 'uvres litigieuses et des ouvrages reproduisant les 'uvres litigieuses dont les 'uvres premières constituent un élément essentiel et récurrent ; qu’il y a lieu d’ajouter celle de 200'000 euros en réparation du préjudice moral';

Considérant que M. C Z réplique que les demandes indemnitaires sont manifestement disproportionnées ; que si la cour devait considérer qu’il a participé à un acte de contrefaçon, il y aurait lieu de tenir compte de la modicité de la somme consentie à M. X Y par la société JGK, soit 1 670 euros ; qu’en outre,, les 25 'uvres incriminées par M. X Y ne sont en réalité que 21 dès lors qu’il existe des doublons ; qu’un constat d’huissier fait état de la présence dans son atelier de 11 tableaux dont 10 reproduisant les visuels de M. X Y ont été vendus ; que M. X Y n’établit pas qu’il ait participé à des actes de communication au public et que ces actes lui seraient imputables ; que le juge français n’est compétent que pour les faits réalisés en France et qui concernent des 'uvres accessibles au public français ; que, pour le reste, il appartient à M. X Y de se retourner contre les éditeurs des ouvrages et sites internet ainsi que sur les organisateurs des expositions ; que l’article 12 de la directive 2004-48 instaure un principe de proportionnalité et de réparation pécuniaire raisonnable qui doit être mis en perspective avec les 550 euros par prestation photographique que M. X Y a perçus de son propre travail ; qu’il y aura également lieu de tenir compte de ce qu’il s’est livré à une activité contrefaisante en l’ignorant ou en n’ayant pas des motifs raisonnables de le savoir ou, en tout état de cause, n’a pas délibérément poursuivi les faits qui lui sont reprochés ; que si la cour retenait les droits dont aurait été privé M. X Y, le total des redevances ne pourrait être que de 1375 euros correspondant d’une part à la valeur des photos réalisées par M. X Y, à la part de la prestation photographique dans l''uvre seconde, soit 25 %, et au nombre de tableaux reproduisant les visuels litigieux vendus, soit 10 ; que, si la cour devait décider de retenir le bénéfice obtenu par M. C Z sur la vente des tableaux reproduisant les visuels litigieux, l’indemnité devrait être fixée à 6 730 euros au vu des éléments comptables probants communiqués ;

Considérant ceci exposé que l''uvre répertoriée n°23 n’est qu’un détail de l''uvre n°22 ; que l''uvre n°13 fait doublon avec l''uvre n°19 ; qu’il y a toutefois lieu de tenir compte de l''uvre n°25 intitulée voiture Customer G qui reproduit sur une portière d’un véhicule le visage caractéristique photographié par M. X Y et l''uvre n°24 dont le bas du visage féminin demeure parfaitement reconnaissable ; qu’il est incontestable qu’il s’agit de celui photographié par M. X Y ainsi que le montre le visuel n°3 de ce dernier ; que par conséquent 23 tableaux distincts reproduisent partie d’une des trois 'uvres premières ; que, par ailleurs, aucun élément probant n’établit que les photographies ont été reproduites dans une trentaine de tableaux ; que les seules déclarations de M. C Z, dans le contexte d’une saisie, ne sauraient suffire à prouver ce chiffre ; qu’en définitive, il en résulte que M. C Z a contrefait 23 'uvres au sens de l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, la bonne foi invoquée étant inopérante en la matière ;

Considérant que l’article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle énonce que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subi par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur et l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé aux titulaires de ces droits du fait de l’atteinte ; qu’il n’est toutefois pas fait obligation au juge de détailler chacun de ces éléments de sorte que l’évaluation peut être globale ; qu’il y a lieu de prendre en compte l’impact réel et global de la contrefaçon ; qu’il s’ensuit que l’indemnité ne peut être limitée à la seule redevance qui aurait été due si l’autorisation avait été sollicitée ; qu’il n’est pas justifié de toute les reproductions alléguées ; qu’il y a lieu de tenir compte

non pas du prix des 'uvres secondes proposées en galerie mais de la part de rémunération propre à M. C Z qui se limiterait à 30 % ; que, selon le tableau qu’il verse aux débats, M. C Z aurait perçu 51'118 euros pour les 11 'uvres qu’il indique avoir vendues avec un bénéfice net de 24'025 euros ; que la réparation ne saurait en outre être limitée au montant modique de la facturation des trois 'uvres premières par M. X Y et à la proportion que ces 'uvres représentent dans l''uvre seconde selon M. C Z ; qu’en effet, les visuels de M. X Y sont prépondérants dans l''uvre seconde ; que les actes incriminés ont en outre porté atteinte au droit moral de M. X Y ; qu’en définitive, les éléments du dossier permettent de chiffrer le préjudice de M. X Y, toutes causes confondues, à la somme de 50'000 euros, proportionnée aux données de la cause et qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

Considérant que M. X Y sollicite par ailleurs à titre de mesures réparatrices complémentaires, la confiscation et la destruction des 'uvres composites sous astreinte de 100 euros par jour de retard au visa de l’article L335-6 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle ; qu’il sollicite également la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou magazines à son choix ainsi que sur la page d’accueil du site internet de M. C Z pendant une durée de 12 mois ; qu’il invoque à cet effet la directive européenne du 29 avril 2004 ;

Mais comme le fait justement valoir M. C Z, ces mesures sont totalement hors de proportion avec le préjudice subi ; que la mesure de publication n’est pas davantage justifiée en l’espèce ;

Sur les demandes accessoires

Considérant qu’en tant que partie perdante, M. C Z sera débouté de sa propre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il versera sur ce même fondement à M. X Y la somme de 10'000 euros ; qu’il supportera les dépens depuis la première instance en ce compris les frais taxés relatifs à la saisie contrefaçon du 22 janvier 2010 ;

Considérant que les dépens d’appel pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes de donner acte,

Infirme le jugement rendu le 31 janvier 2012 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. C Z de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare M. X Y recevable en ses demandes sur le fondement du droit d’auteur,

Condamne M. C Z à lui payer la somme de 50'000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des atteintes à ses droits patrimoniaux et à son droit moral d’auteur,

Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt dans les conditions fixées par l’article 1154 du code civil,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Déboute M. C Z de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Le condamne à payer à ce titre à M. X Y la somme de 10'000 euros,

Condamne M. C Z aux entiers dépens depuis la première instance,

Dit que les dépens d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 16 mars 2018, n° 15/06029